Dans une famille missionnaire


Jean-Amadou, Eric, Bertrand
et les autres scolastiques Oblats de Marie Immaculée

Ce panorama serait incomplet s’il manquait la spiritualité missionnaire. "JEUNES ET VOCATIONS" a demandé aux jeunes missionnaires Oblats de Marie Immaculée, en formation au scolasticat de LYON, ce qui les a "accrochés" dans leur famille missionnaire.

Le jeune Martin (1), 27 ans, est Oblat depuis peu. Nous lui avons demandé ce qui l’a amené dans cette famille religieuse et comment il y vit aujourd’hui.

- "Tu es jeune oblat ! Comment en arrive-t-on là ?"

"Je souris... J’ai envie de rire ! C’est une histoire simple et vraiment inattendue. Elle est aussi intime. C’est pourquoi j’hésite un peu ! Je pourrais me résumer en disant le début de ma vocation, mais vous resteriez sur votre faim ! Donc, je vais me livrer.

Il y a quelques années, j’ai fait différentes expériences. La première est née à partir d’un événement fortuit. A l’occasion d’un week-end de réflexion pour jeunes, organisé par les oblats sur le thème du baptême chrétien, j’ai rencontré de près pour la première fois une communauté religieuse, j’ai tout de suite été frappé par l’atmosphère qui y régnait. Je n’avais jamais connu cela, et je ne pensais même pas que cela pouvait exister. La fraternité qui unissait les cinq membres de cette communauté était si vraie, si naturelle, et d’une chaleur si contagieuse que, de prime abord, j’avais l’impression que c’était "irréel" ! On ne pouvait se tromper tellement ils étaient différents aussi bien par leurs âges respectifs que sur leurs expériences de vie. Pourtant, ils avaient en commun la même joie de vivre, la même simplicité dans leurs rapports, et la même sollicitude les uns pour les autres. Cette impression s’est justifiée durant les deux jours passés auprès d’eux.

De plus, leur discours sur le Christ était clair, simple, accessible à tous. Au terme de ce week-end, pour la première fois, j’avais le sentiment de comprendre quelque chose sur Dieu !

Ce premier contact avec les oblats m’a donné le goût de continuer à me questionner plus avant sur le Dieu dont je suis le "fils" ! Dans cette quête de plusieurs années, j’ai été amené à rencontrer d’autres religieux de divers instituts et je dois dire que je n’arrivais pas à oublier les oblats !

La providence a voulu que j’en rencontre un autre, isolé celui-là, dans son ministère apostolique. A lui seul, il était la réplique fidèle de la communauté que j’avais connue, et en même temps, il était particulier par le sérieux, la gaîté et le courage avec lesquels il vivait son service.

Après cette deuxième approche, vous ne vous étonnerez pas si je vous dis que j’ai frappé à la porte des O.M.I. !"

- "Alors, qu’est-ce qui s’est passe depuis ?"

"J’ai eu le bonheur de faire leur connaissance de plus près, au jour le jour, dans le concret de la vie. Et là, j’ai découvert qu’être oblat n’est pas d’abord un statut mais une manière d’être. On ne caractérise pas un oblat par ce qu’il fait, mais par ce qu’il est."

 

Arrêtons là cet interview fictif qui voulait reprendre quelques réactions sur les itinéraires de plusieurs jeunes oblats à qui ont été posées les deux questions de l’article. C’est l’ensemble de la communauté de formation de LYON qui a répondu. Ceci en est la synthèse :
Si nous sommes oblats, ce n’est pas au nom du "message" d’une congrégation, mais c’est parce que nous avons été accrochés par Jésus-Christ.

"Accroché" ?

Oui, ou plutôt, chacun personnellement, a un jour été touché par le Christ ressuscité, et a entendu son appel à tout quitter et à le suivre. Ainsi, c’est l’expérience personnelle du Dieu-Sauveur des hommes qui nous provoque à la mission.

Il est intéressant de constater qu’à chaque fois que l’on interroge un oblat sur sa vocation, celle-ci est mise en lien avec le besoin de salut des hommes. Au nom de la Bonne Nouvelle qui met en lumière le fait que chaque être humain est enfant de Dieu, nous ne pouvons supporter que l’homme soit bafoué, que sa dignité soit écrasée. Nous voulons tout mettre en oeuvre pour que chacun soit en mesure de reconnaître sa dignité de frère et sœur de Jésus-Christ.

C’est l’appel qu’a entendu Michaël Rodrigo : missionnaire oblat, curé au Sri Lanka dans un village à grande majorité bouddhiste, il orienta son action missionnaire dans le sens du dialogue et de la coopération avec les bouddhistes pour le développement du village. Dans ce sens, son action, non violente mais active, fut marquée par la recherche des causes du sous-développement et donc par la mise en cause des structures d’injustices telles que l’installation d’une multinationale de l’agro-alimentaire ainsi que la persistance des structures féodales dans les villages. Le 10 novembre 1987, alors qu’il célébrait l’eucharistie (il avait été le pionnier du renouveau liturgique à Sri Lanka après le concile), il était assassiné.

C’est l’appel que tant d’autres ont entendu de par le monde. C’est l’appel auquel nous voulons, à notre tour, répondre...

1 - La mission

Appel - Réponse. Et non pas message !

Cet appel nous oriente vers les hommes, et plus particulièrement vers les pauvres. En effet, leur évangélisation est le signe de la gratuité du salut offert à TOUS les hommes.

Par exemple, si les oblats ont été au pôle nord, pour parler d’un terrain missionnaire oblat traditionnel, n’est-ce pas le signe de la "folie" de l’évangile ? Humainement parlant cette mission a été un "gaspillage" d’énergie. Combien de missionnaires ont usé leur vie pour une poignée d’esquimaux ! En retour, il y eut peu de conversions, peu de baptêmes, peu de vocations missionnaires. Mais là n’était pas l’essentiel. Evangéliquement parlant la mission du pôle nord a été, et reste, hautement symbolique de la gratuité du Règne de Dieu qui atteint tous les hommes, qui s’adresse à chacun, à chaque personne humaine.

Ainsi donc, et pour nous c’est le cœur de notre motivation, nous nous sentons appelés auprès des plus pauvres. Que faut-il entendre par ce terme ? Il est si vaste ! Je crois que notre souci oblat nous pousse à le définir de trois manières complémentaires :

- Le pauvre est tout d’abord la personne à laquelle nul ne pense : petit, isolé, méconnu, détesté, peu intéressant, non rentable, il fait partie de ceux à qui notre fondateur, jeune prêtre à AIX, s’adressait en 1813 dans un sermon leur disant : "Mes frères, mes chers frères, mes respectables frères, écoutez-moi".

- Le pauvre, est également celui qui a faim de Dieu. Il est celui qui sait qu’il se reçoit totalement de Dieu et qui le recherche inlassablement, soit dans des voies religieuses traditionnelles, soit dans des voies de type social ou humanitaire caractéristiques de notre monde moderne.

- Le pauvre est enfin l’enfant de Dieu dont la dignité et l’identité véritable sont méconnues ou écrasées.

2 - La communauté

Auprès de ces pauvres, et avec eux, nous voulons être missionnaires. Cependant, une donnée fondamentale caractérise cette conception de la mission : il s’agit de la dimension communautaire.

  • La mission est celle du Christ, confiée à l’Eglise. C’est à cette mission-là que nous voulons travailler. Nous "pré-tendons" donc être hommes d’Eglise, c’est-à-dire hommes au service des Eglises locales.
    Par exemple, concrètement, la communauté oblate de formation de LYON entend bien prendre part au synode diocésain ouvert en novembre dernier. Il nous paraît également essentiel de participer activement à la vie de la paroisse et à différents types d’apostolat sur le diocèse (aumônerie, mouvements,..)
  • La mission est également communautaire dans le sens où elle est confiée à l’ensemble de la congrégation. Chacun des oblats y participe, et lui donne une forme concrète, enracinée dans un terrain culturel particulier. Mais elle reste mission de la congrégation.
  • La mission est communautaire. Ainsi la communauté est missionnaire, et non pas seulement un moyen au service de la mission. Elle est elle-même mission. C’est-à-dire qu’elle est signe crédible (du moins nous l’espérons !) de ce que nous annonçons : le Christ ressuscité présent parmi nous ; le commencement du Règne de Dieu et de l’humanité nouvelle.

Aussi nous attachons beaucoup d’importance à l’aspect familial des communautés. C’est sans doute un des éléments les plus visibles de l’extérieur. Et les jeunes oblats que nous sommes sont toujours surpris et émerveillés d’assister aux rencontres des "moins jeunes". Certains, dispersés aux quatre coins de la planète, ne se sont pas revus depuis plusieurs dizaines d’années. Et à voir l’enthousiasme et la bonne humeur qui se dégagent, nul doute est possible. Ce sont bien des frères qui se retrouvent.

Familiales, les communautés se veulent également accueillantes. Elles ne sauraient être fermées sur elles-mêmes, nids douillets pour chrétiens frileux (du moins là encore, nous y tendons). L’accueil et l’ouverture se traduisent en général par une grande collaboration avec les personnes qui nous entourent notamment les laïcs. Etre missionnaire, c’est alors être initiateur d’une dynamique communautaire dans le village, le quartier, la vallée de montagnes, où se trouve la petite équipe oblate.

Mais l’ouverture se traduit également par un grand souci d’information. Au scolasticat de LYON, pour nous y aider, nous faisons une "revue de presse" : Trois d’entre nous sont chargés de faire chaque semaine un tour de l’actualité pour les autres.

Au niveau individuel, nous réalisons à quel point cette dimension communautaire est une chance. En effet, une des conséquences d’une telle pratique est, je pense, l’audace. Jamais les oblats n’auraient fait ce qu’ils ont fait s’il n’y avait pas eu la dimension communautaire. O bien sûr, cette audace relève de l’Esprit Saint et de la confiance qu’il fait susciter en nous ! Et quand je dis "audace", je n’entends nullement "culot" ou "gloriole" de tel individu ou de tel groupe. Mais je constate que c’est un des points d’ancrage de ma vocation, que la communauté démultiplie les initiatives de chacun. En ce sens la dynamique d’une communauté est beaucoup plus que la simple addition des énergies individuelles mises en oeuvres !

3 - La vie de prière

Après un "deuxièmement", il y a un "troisièmement" ! Telles sont les contraintes de la rédaction écrite ! Pourtant, telle n’est pas la réalité vécue. La vie de prière ne vient pas à la suite de la mission et de la communauté. Bien au contraire, les trois s’articulent en permanence autour d’un axe, Jésus-Christ.

C’est au cœur de là mission que se situe notre relation au Christ. Elle prend deux formes :

  • Tout d’abord, les oblats ont une spiritualité que je qualifierais de "spiritualité des pieds sur terre". La contemplation de Jésus-Christ jaillit du plus profond de la mission, dans la relation, et la collaboration avec les pauvres. "les oblats recherchent la présence du Seigneur dans le cœur des gens" dit une de nos constitutions.
  • Ensuite, cette relation se nourrit dans la retraite, dans la prise de recul et dans l’écoute silencieuse de Celui qui nous parle au cœur à cœur.
    Mais là encore, la dimension communautaire n’est pas loin : "Au cœur de leur vie et de leur action, les oblats mettent l’eucharistie", dit une autre constitution.

Au cœur de tout ce parcours, Marie est présente, dans sa discrétion évangélique.

Conclusion

Ces quelques notes ne sauraient être un exposé exhaustif sur "les oblats" mais les réactions synthétisées d’une communauté de jeunes oblats en formation. Chacun a eu un itinéraire bien particulier. Chacun a été "accroché" de façon spécifique.

Cependant, nous faisons tous nôtre l’article 1 des constitutions oblates, qui nous semble bien résumer ce qui fait aujourd’hui notre vie de missionnaires religieux oblats :

"C’est l’appel de Jésus-Christ, perçu en Eglise, à travers les besoins de salut des hommes qui réunit les missionnaires oblats de Marie Immaculée. Il les invite à le suivre et à prendre part à sa mission par la parole et par l’action. La congrégation (...) groupe en communauté apostolique des prêtres et des frères qui se lient à Dieu par les vœux de religion ; coopérant avec le Christ Sauveur, et imitant son exemple, ils se consacrent principalement à l’évangélisation des pauvres".

NOTES :

1) Ne cherchez pas le jeune Martin. Il est le fruit synthétique de différents itinéraires oblats. [ Retour au Texte ]