Ouvrir à la vie missionnaire


Yves-Marie FRADET,
spiritain

La formation que nous proposons chez les Spiritains a une double caractéristique :
I - Le Noviciat est au milieu de la formation. Le premier cycle demeure ouvert à tout jeune en recherche, désireux de vivre une première expérience missionnaire.
Le noviciat et le deuxième cycle approfondissent la formation "spiritaine".
II - La vie missionnaire est au cœur de la formation spiritaine : l’expérience du "stage missionnaire" (deux ans) dans le Tiers Monde se fait au milieu du premier cycle.

I - LE 1er CYCLE : INITIATION A LA VIE MISSIONNAIRE

Notre premier cycle est tout entier centré sur la vie missionnaire et comporte trois étapes :

- un temps de préparation : C.M.L. (2 ans jusqu’ici, un an à l’avenir)

- un temps d’expérience : deux ans de stage missionnaire)

- un temps de réflexion sur l’expérience : un an au C.E.R.M.

1/ TEMPS DE PREPARATION : CENTRE MISSIONNAIRE LAVAL (C.M.L.)

Nous souhaitons déjà acquis :

- une catéchèse de base : foi centrée sur le Mystère du Christ et une première expérience d’Eglise. Nous constatons de grandes lacunes dans les connaissances religieuses ;

- une motivation pour un engagement dans un service d’Eglise d’ordre missionnaire et l’acceptation d’une recherche sur la vocation personnelle dans la Mission de l’Eglise. Le temps de la décision pour un état de vie étant de plus en plus reculé chez les jeunes actuels, la recherche sur la vocation demeure, à ce stade, très large et très ouverte.

L’objectif de la formation peut être ainsi décrit :

  • Par rapport au passé : passer d’une foi affective à une foi réfléchie
    - Tenter une relecture et une mise en perspective des expériences fortes, qui ont amené le jeune là où il est ;
    - aider les jeunes à confronter ces expériences avec celles des autres, les soumettre à un questionnement fraternel, pour les relativiser et les situer.
  • Par rapport au présent : quatre axes
    - vie communautaire :
      • Donner au jeune l’occasion de vivre un temps de vie et de partage communautaire. Etre attentif en particulier à certaines exigences de la vie commune : l’écoute mutuelle, la responsabilité dans les services, avec information et début de réflexion sur la gestion financière des biens communs.

    - formation intellectuelle :
      • Aider le jeune à structurer sa foi, en référence à la Parole de Dieu et à la Foi de l’Eglise, par une réflexion théologique, exégétique, philosophique...
        Lui permettre d’assumer quelques grandes questions qui se présentent comme un défi pour sa foi. L’ouvrir aux grands défis du monde et à une certaine solidarité concrète avec les plus pauvres.
    - engagement pastoral :
      • Eveil et initiation à des expériences d’Eglises différentes, par une insertion pastorale dans une équipe apostolique qui accepte d’investir dans la formation du jeune.
    - initiation à la Prière :
      • Prière personnelle (méditation) et liturgique (Office - Eucharistie)
      • Prière enracinée dans la vie personnelle et jaillissant des événements de la vie du monde
      • Prière régulière, quotidienne, rythmant la vie et dépassant une spiritualité "en pointillé" qui serait basée uniquement sur des "temps forts"
  • Durant l’année, huit à dix "matinées de synthèse" aident le jeune à faire l’unité entre la vie personnelle, la formation intellectuelle, la vie spirituelle et apostolique.
  • Par rapport au futur : donner au jeune
    - Une solide préparation intellectuelle et spirituelle. Lui donner de recevoir des "chocs" culturels (stage de coopération).
    - Une première initiation au projet missionnaire global de l’institut. Et proposer aux jeunes qui le souhaitent une forme d’engagement (contrat d’Association) pour la durée du stage missionnaire.
    Ce temps de formation au C.M.L. était, jusqu’ici, de deux ans et plutôt de type "presbytéral". Nous souhaitons l’ouvrir aux jeunes ayant une formation technique et envisageant une vocation de frères, et à des jeunes désireux de se préparer a un temps de service missionnaire (coopération...) : ce projet de C.M.L. sera d’un an.

2/ DEUX ANS DE "STAGE MISSIONNAIRE" DANS LE TIERS-MONDE

Dans le cadre de la coopération - Délégation Catholique pour la Coopération (D.C.C.) ou du Service de Coopération au Développement (S.C.D.) - le jeune vit deux ans dans un pays du Tiers-Monde, au-delà des frontières culturelles, religieuses, linguistiques... :

Il découvre un peuple dans son enracinement culturel, une jeune Eglise.
Il partage la vie d’une communauté missionnaire spiritaine.
Il exerce, à son niveau, des responsabilités, parfois importantes, comme enseignant, animateur rural, sanitaire ou social.

Pour le jeune, ce stage missionnaire est un temps fort d’initiation :

- initiation à la vie missionnaire,

- initiation à la rencontre culturelle et religieuse,

- initiation à l’exercice de responsabilités.

Tous les jeunes vivant une telle expérience en reviennent transformés. Dans le parcours "spiritain", c’est un temps essentiel et décisif : le temps de "vérification" d’un appel missionnaire personnel.

3/ UN AN DE REFLEXION SUR 1’EXPERIENCE MISSIONNAIRE :
LE CENTRE d’ETUDES ET DE RECHERCHES MISSIONNAIRES (C.E.R.M.)

Le stage missionnaire est à la fois une expérience forte et limitée. L’année du C.E.R.M. veut répondre à un double besoin chez le jeune :

- partager et réfléchir cette expérience forte : la relire sur un plan théologique et spirituel ;

- discerner l’appel du Christ, sa vocation personnelle dans la Mission de l’Eglise.

Quatre objectifs ;

  • Spirituel :
    Intensifier l’expérience personnelle de Jésus-Christ, favoriser une reprise spirituelle, après un temps d’intense activité apostolique. Dans l’Esprit de Pentecôte, vivre et prier en Eglise : en communiant à la vie des Eglises, à la mission d’évangélisation des nations.
  • Théologique :
    - relire sa propre expérience missionnaire, en la confrontant avec celle des autres, dans des matinées d’échanges.
    - approfondir la théologie de la Mission
      • liée avec l’histoire
      • impliquée dans la vie des hommes (développement, culture...)
      • vécue dans la Communion des Eglises
  • Communautaire :
    Favoriser la participation aux décisions-orientations de la vie communautaire, à la gestion financière de la communauté. Partager dans une vie d’équipe. Vivre un engagement pastoral, dans la ligne de l’expérience missionnaire (Service de Coopération, Pastorale des Immigrés, Service Missionnaire...).
  • Vocationnel :
    Permettre au jeune de discerner (ou confirmer) sa vocation dans la Mission de l’Eglise :
    - information plus précise sur la vie religieuse missionnaire spiritaine
    - retraite "d’élection", vers Pâques...

II - LE NOVICIAT : CONSECRATION A LA VIE MISSIONNAIRE SPIRITAINE

La place du noviciat au centre de la formation permet aux novices d’entrer

- avec une maturité humaine plus grande

- avec un approfondissement de la vie chrétienne (vie de baptisé-confirmé)

- avec une expérience missionnaire motivante.

Pour l’essentiel, le discernement a déjà été fait, si bien que les départs sont rares.
Les objectifs de la formation du noviciat convergent vers l’initiation approfondie à la "vie religieuse apostolique", comprise et vécue comme "consécration particulière qui s’enracine dans le baptême et l’exprime en plénitude".

Cette initiation se fait autour de quatre pôles :

1/ L’EGLISE
Aider le novice à se situer personnellement comme des membres du Peuple de Dieu, dans l’Eglise et sa tradition vivante, notamment dans sa tradition de vie religieuse, tout entière tournée vers la mission ; les aider à vivre cette insertion ecclésiale comme membres d’un institut religieux missionnaire particulier.
De ce point de vue, les "Inter noviciats", préparés personnellement et re-travaillés ensemble, constituent une expérience particulièrement riche : échanges entre jeunes, garçons et filles, vivant une même recherche ; diversité des instituts et des vocations...

2/ CONNAISSANCE DE SOI
Aider les jeunes à descendre davantage en eux-mêmes, avec plus de vérité ; démythiser l’image qu’ils se font d’eux-mêmes, à la lumière de Dieu qui les aime. "Amour et vérité se rencontrent". Les accompagner dans les conséquences de ce "pèlerinage de vérité" : décentrement affectif et dépassement du "je", renoncement à des valeurs jusque-là sécurisantes…

3/ RELATION PERSONNELLE AVEC LE CHRIST
Favoriser une expérience réelle de foi chez le novice. C’est un chemin difficile, parce que le Seigneur ne se laisse pas saisir : il est tout Autre - purification de toute tendance "immédiatiste" ou "fusionnelle". Cette expérience de foi doit permettre aux novices de ré-investir peu à peu leur affectivité.

4/ EXPERIENCE COMMUNAUTAIRE
Permettre une expérience profonde de la communauté. Elément constitutif de la vie religieuse, elle est une grâce dans la marche vers le Seigneur et elle est médiatrice de croissance. Il faut apprendre à y entrer sans s’y dissoudre.

Pour atteindre ces objectifs, l’accompagnement personnel, au niveau du responsable du noviciat et au niveau de l’accompagnateur spirituel librement choisi, est un élément pédagogique fondamental. La vie dans l’Esprit, l’oraison et l’union pratique, le renoncement qui en découle… La formation à ces points essentiels n’a rien d’un parcours scolaire, où l’on ne revient plus sur ce qui a déjà été vu, mais plutôt comme un recentrage constant sur l’essentiel.

III - LE 2ème CYCLE : FORMATION SPECIALISEE

L’objectif de la formation au deuxième cycle tourne autour de quatre pôles :

l/ L’insertion vitale dans l’Eglise :

- Insertion réelle dans une communauté afin de ne pas rêver l’Eglise, mais de la servir telle qu’elle est en lien avec une équipe pastorale.

- engagement pastoral qui doit être une interpellation en vue d’un approfondissement de leur vie spirituelle apostolique.

Le deuxième cycle est un temps de première vérification de l’engagement dans la vie religieuse. Les exigences vécues (pauvreté, obéissance, chasteté...) doivent être relues comme disponibilité apostolique au service d’un projet d’Eglise, du projet missionnaire de la congrégation...

2/ Maturité humaine dans la vie communautaire :
Avec les diverses personnalités, déjà mûries, les crises ne sont pas rares au 2ème cycle : ces rencontres -conflits au sens étymologique du terme- doivent provoquer le jeune à une intégration, une harmonisation de ses énergies (affectives.., spirituelles..) pour une relation toujours plus vraie avec les autres.

3/ Formation intellectuelle ou professionnelle :
Les études sont exigeantes au 2ème cycle et prennent du temps. Le jeune frère acquiert (ou perfectionne) la formation qui lui convient (théologique, professionnelle). Le candidat au presbytérat suit un cycle universitaire ou pastoral, selon ses capacités.

Ces études doivent permettre au jeune de se situer humainement, spirituellement dans l’Eglise d’aujourd’hui (avec ses questions, ses recherches. .. )

4/ Vie de prière :
Le temps du 2ème cycle doit permettre à chacun de prendre un "pli personnel" tant dans sa prière personnelle que dans celle de l’Eglise, de trouver son rythme personnel dans le rythme communautaire.

CONCLUSION

La vie missionnaire est ainsi au cœur de la formation spiritaine. Elle marque chacune des étapes.

- Quatre pôles sont constants durant toutes les années de formation : vie spirituelle - vie communautaire - formation intellectuelle - engagement apostolique.
Ces quatre pôles sont modulés à chaque étape de formation, en fonction de l’engagement et du choix de vie demandé :

- engagement très ouvert au 1er cycle

- engagement "spiritain" explicite à partir du noviciat

Pour préparer à la vie missionnaire, nous favorisons l’internationalité des communautés : étrangers d’Europe ou d’autres continents dans nos communautés en France, français dans d’autres Provinces.

Un point important demande à être approfondi :

  • Pour une vocation de Frère, quelle formation adaptée donner, quel parcours proposer ?