Le regard d’un responsable S.D.V.


Guy RONDEPIERRE
prêtre, responsable du Service des Vocations du diocèse de NANTERRE

Délégué aux vocations du diocèse de NAN TERRE, Régional d’ILE-DE-FRANCE par intérim, c’est d’abord au titre de la première fonction que je donne ce témoignage.
(Quand je parlerai des religieux, ce sera au sens élargi : religieux et instituts participant à la C.S.M.F. (Conférence des Supérieurs Majeurs de France, puisque sulpiciens et oratoriens sont nombreux sur le diocèse).
Quand nous avons réfléchi en C.R.V. (Conseil Régional des Vocations) à la pastorale des vocations avec les religieux, un religieux nous a invités à distinguer trois plans :

- celui de la participation de religieux à la pastorale des diocèses,

- ce qui relève de la stratégie et des actions propres à chaque institut ou congrégation,

- ce qui constitue l’Eglise : le lien entre nous, la façon de nous tenir au courant les uns et les autres : diocèses, instituts.

I - Sur la stratégie et les actions propres des instituts dans mon diocèse

J’ai peu à dire parce que je n’en sais pas grand chose. Je me suis demandé pourquoi et j’ai trouvé plusieurs raisons possibles.

La première raison, c’est qu’il n’y a peut-être pas tant de stratégie que cela en matière de vocation dans ces instituts et c’est, par conséquent, difficile à transmettre. Peut-être aussi parce que la pastorale des vocations touche des jeunes ou des groupes de jeunes qui ne sont pas tant que cela en lien avec la pastorale locale, au sens des paroisses et des aumôneries, dans le diocèse.

Je suis frappé d’entendre quelquefois que tel garçon est entré dans la vie religieuse et qu’en même temps son curé dit qu’il ne le connaissait pas. Cela veut-il dire que dans cette région d’Ile-de-France, au moins, un certain nombre de jeunes appelés à la vie religieuse le sont par des chemins autres que ceux de l’Eglise immédiatement locale ? Ces chemins sont alors leurs collèges, leurs groupes spirituels, leurs copains, les multiples chapelles disséminées dans la Région. Ils vivent déjà une caractéristique de la vie religieuse : l’extra-territorialité.

II - Sur la participation des religieux à la pastorale diocésaine des vocations

Selon l’annuaire des religieux en Ile-de-France, pour le diocèse de NANTERRE qui est peuplé de 1 350 000 habitants, il y avait en 1985, 260 religieux résidents, dont une centaine de Frères. Ils appartenaient à 16 congrégations ou instituts, répartis en 34 implantations, sans compter un certain nombre d’implantations strictement individuelles. Cette masse est importante et il faut donc recommencer à faire des distinctions.

  • Il y a d’abord des implantations uniquement résidentielles, y compris des résidences de prêtres ou religieux âgés. C’est le fait de la banlieue où le terrain est moins cher qu’à Paris.
  • Il y a ensuite, deux institutions célèbres : La VILLA MANRESE des Pères Jésuites à CLAMART : ils n’ont pas de charge pastorale sur le diocèse mais ils rendent d’éminents services : prédications de retraites, accompagnement spirituel, formation. Et quelquefois je me demande : les utilisons-nous assez ?
    Il y a aussi nos grands amis de Saint Sulpice, puisque le séminaire d’ISSY-les-MOULINEAUX est sur le diocèse. Leur rôle dans la formation des prêtres, notamment de ceux d’Ile-de-France, vous le savez, est capital et très apprécié.
  • Il y a tout le secteur paroissial : 9 paroisses sur les 80 du diocèse sont prises en charge par des religieux.
    Leur participation aux orientations du diocèse est complète et loyale au point que nous serions tentés de les fondre dans l’anonymat pastoral du diocèse. Cependant, quand on regarde un peu mieux, on s’aperçoit que chaque équipe ajoute une note propre tenant à sa propre tradition. Une paroisse en charge des Fils de la Charité et une paroisse en charge des Oratoriens n’ont pas tout à fait la même figure. Cela pour le plaisir de quelques paroissiens et la fureur de quelques autres ; pour l’indifférence du plus grand nombre qui, de toutes façons, est d’abord intéressé à recevoir un service paroissial ordinaire.
    Je peux dire que je travaille avec ces équipes comme avec chacune des autres. Nous sommes en bonne collaboration. A plusieurs reprises, je leur ai demandé de prendre en charge l’insertion de séminaristes du diocèse. Ils le font fort bien. Certains accompagnent aussi des jeunes qui envisagent d’entrer au séminaire et, là aussi, la collaboration est bonne, sans esprit de concurrence.
  • Il y a ensuite le secteur des écoles. Sur le diocèse, deux instituts ont encore des grands collèges avec des implantations importantes de religieux. En quelques années, je me suis rendu compte que les orientations données par le supérieur d’une communauté sont importantes et permettent d’avoir des liens très bons ou plus distants. Actuellement, je crois que ces liens sont bons. Il est arrivé l’an dernier, par exemple, qu’on me demande d’intervenir dans un collège pour innover en matière de pastorale des vocations. C’est dire que le Service Diocésain des Vocations a une compétence reconnue. Dans d’autres circonstances, je suis invité pour des animations qui sont déjà programmées.
    Je suis tenté de lorgner vers ces religieux qui sont des éducateurs compétents et de les embaucher pour certaines entreprises du S.D.V. Mais souvent j’ai constaté qu’ils sont très occupés, que leurs emplois du temps les rendent peu disponibles, que leur vie à la fois très religieuse et très professionnalisée laisse peu de place pour d’autres interventions. Cela ne rend pas facile les collaborations que nous souhaiterions.
    Dans le diocèse, ces collèges sont aussi des hauts lieux de "recrutement" vocationnel (garçons, filles, séculiers, religieux).
  • Il y a ensuite dans le diocèse de NANTERRE des maisons de formation de religieux. Deux instituts missionnaires ont leur second cycle sur le diocèse. Cela représente une trentaine d’étudiants. Trente étudiants religieux par rapport à nos 18 séminaristes diocésains, c’est une chance et en même temps c’est redoutable !
    La conception des insertions apostoliques de ces étudiants est heureusement plus légère que celle des séminaristes diocésains. Sinon nous aurions des problèmes de concurrence importante pour trouver les lieux. Nous avons fait tacitement une espèce de découpage du terrain, et certaines insertions sont traditionnellement réservées à ces instituts.
    Une telle présence de jeunes religieux pourrait être pour le diocèse une force exceptionnelle dans la pastorale des vocations. En fait ce n’est pas le cas. Ce n’est pas manque de conviction, de compétence ou de volonté. Mais cela montre finalement que, même avec une masse importante de jeunes religieux ou de séminaristes, nous n’avons pas encore véritablement trouvé les chemins d’une pastorale des vocations. Alors l’impact que pourraient avoir ces communautés sur le diocèse n’est pas si grand que cela, et il ne l’est pas plus pour leurs instituts.
    C’est vrai que nous célébrons plus d’ordinations pour les religieux que pour le diocèse ; c’est un phénomène probablement assez parisien. Reconnaissons que pour un évêque ce n’est pas toujours très facile à vivre mais notre évêque le fait avec une conviction inébranlable.

Voilà pour ce qui est du tableau des collaborations ponctuelles.

Jusqu’à il y a huit jours, dans le diocèse de NANTERRE, il n’y avait pas de religieux en S.D.V. A cela, plusieurs raisons :

  • D’abord le fait que ces hommes soient très occupés
  • Ensuite parce que la multiplicité des situations religieuses sur le diocèse ne permet à aucun d’être représentatif de l’ensemble : ni représentation, ni délégation possibles. Quelle participation demander ?

En Ile-de-France, il y a quand même quelques religieux en S.D.V. Un seul diocèse a essayé l’atelier "Vocation à la vie religieuse masculine". L’atelier, dit-on, a beaucoup de peine, notamment parce que mettre ensemble et faire travailler les religieux n’est pas, de leur avis même, si facile que cela, tant les obligations, les chemins de vie sont différents. La volonté diocésaine de les mettre à la même table ne rejoint pas nécessairement leurs projets.

Un exemple quand même de collaboration : la revue "Vocations en Ile-de-France" a produit un excellent numéro "RELIGIEUX AUJOURD’HUI". Il a été voulu à la fois par le S.D.V. et par le délégué de la C.S.M.F. et réalisé par une petite équipe de religieux qui s’est constituée pour cela.

III- Quand aux liens entre nous tous

DEUX OBSERVATIONS :

  • Les séminaristes qui entrent dans la vie religieuse :
    Depuis quatre ans que je suis au S.D.V., un garçon est entré après plusieurs années de Groupe de Formation Universitaire (G.F.U.), dans un monastère, et deux autres - l’un après deux ans de séminaire et l’autre après quatre ans - sont entrés dans des instituts de vie apostolique. Je m’étonne encore qu’aucun de leurs Supérieurs religieux n’ait pris le temps d’écrire la lettre, le petit mot, de donner le coup de téléphone, soit à l’évêque, soit au responsable des séminaristes du diocèse pour dire : nous sommes en train d’accueillir X.. ou Y.., vous le connaissez bien, mieux que moi peut-être puisqu’il a fait plusieurs années de séminaire ; qu’est-ce que vous avez à nous en dire ?
    Et même si le discernement d’un maître des novices suffit et qu’il n’a pas besoin de références, pourquoi ne pas prendre le temps de ce contact élémentaire dont il faudrait inventer la terminologie pour dire :
    un garçon, après quatre ans de formation dans son diocèse entre chez nous. Nous ne sommes pas en concurrence, c’est sa vocation. Il ne s’agit pas de dire merci mais d’honorer toute la vie diocésaine qu’il avait précédemment.
  • Des garçons ont commencé avec l’équipe du S.D.V., un chemin, éventuellement ils sont en Groupe de Recherche et en cours de route ils prennent contact avec un institut religieux.
    Il n’est pas sûr que la pédagogie du Groupe de Recherche et celle de l’institut soient de même nature et ceci est légitime. Dans un Groupe de Recherche, on ne pratique pas beaucoup le "Viens et vois..." mais on prend plutôt le temps de relire l’expérience spirituelle, apostolique, ecclésiale d’un jeune. Pour quelques-uns d’entre eux, le détour est un peu long et austère. Certains sont tentés d’aller vite.
    Donc, quand il y a rencontre entre deux pédagogies, que ceux qui seraient tentés d’aller au plus vite, de permettre un discernement au plus près avec un institut, fassent attention à ne pas déséquilibrer un cheminement qui est déjà commencé. Dans ces cas-là, nous parlons de détournement de vocation.
    Mais ce n’est pas à vous qu’il faut le dire, sinon vous ne seriez pas là ! Je m’empresse de dire en même temps, et je l’ai déjà fait à la tribune du Congrès de VICHY, que quelques diocèses sont eux-mêmes tentés par un discernement au plus vite et au plus près, en grande proximité avec le diocèse. Dans ces cas-là, je suis prêt à unir ma voix aux religieux qui pourraient légitimement récriminer : si les S.D.V. et les Groupes de Recherche n’offrent pas plus d’ouverture, alors ils deviennent caduques.

Je termine par un mot : s’il y a un mal dans l’Eglise aujourd’hui, ce n’est pas de trop appeler ni de trop éveiller. Tant s’en faut. Nous sommes même au-dessous de ce qu’il y aurait à faire. Sauf indélicatesse nous ne sommes donc pas en concurrence les uns avec les autres. Continuons à faire valoir nos charismes propres.