Evaluation des pratiques d’accompagnement


2ème partie : ECHOS DE L’EVALUATION DES PRATIQUES d’ACCOMPAGNEMENT

Après avoir établi le profil des jeunes de 18-35 ans, en lien avec eux durant l’année, il était demandé aux Services Diocésains des Vocations d’EVALUER leurs propres pratiques d’accompagnement, à partir de quelques questions.

C’est donc tout ce travail d’évaluation que nous avons voulu réunir ici sous forme de SYNTHESE. Sans viser à l’exhaustivité, cet écho de l’enquête aide à mieux percevoir les CONVICTIONS, les ENJEUX et les QUESTIONS que les pratiques d’accompagnements font naître aujourd’hui.

Par souci de méthode, cette synthèse reprend les cinq rubriques proposées, les unes après les autres. Elle se conclut par quelques questions, apparues à la lecture de feuilles d’évaluation, qui méritent d’être relevées pour entamer notre réflexion commune.

I - LES INSISTANCES AUXQUELLES NOUS TENONS

Ce qui frappe d’emblée le lecteur de l’enquête, c’est le fort consensus des Services des Vocations autour des convictions fondatrices de l’accompagnement. Si l’on ne relève pas parmi ces insistances d’éléments réellement nouveaux, il semble que l’on soit davantage en face d’un corps de convictions solides, d’exigences auxquelles les S.D.V. sont attachés et qui semblent bien "tenir la route". Ces insistances peuvent se regrouper en deux pôles :

1) LA MISSION d’ACCOMPAGNEMENT CONFIEE AU SERVICE DES VOCATIONS DOIT ETRE UN TRAVAIL d’EGLISE

Comme l’écrit un S.D.V, "Pour appeler comme pour accompagner, il faut que le S.D.V. soit bien en contact avec les diverses communautés ecclésiales du lieu. Le discernement ne peut bien se faire qu’en Eglise..."

Cette dimension ecclésiale du travail d’accompagnement peut donc s’incarner de diverses manières :

  • l’insertion dans l’église locale, le lien avec les groupes d’Eglise divers, les antennes-relais du S.D.V.
  • le lien du S.D.V. avec les instances régionales
  • l’importance d’une équipe diocésaine plurielle, où les différentes vocations sont présentes
  • le souci d’un accompagnement diversifié, lui aussi, lorsque cela est possible : par exemple un groupe de recherche accompagné à la fois par un prêtre et par une religieuse.

2) LA PASTORALE DE 1’ACCOMPAGNEMENT VISE A VERIFIER LES GRANDS CRITERES DE VOCATION SPECIFIQUE

  • au plan HUMAIN : vérifier la liberté des jeunes, leur capacité à la décision et au choix, leur sens des responsabilités, leur équilibre personnel, relationnel et affectif...
  • au plan SPIRITUEL : vérifier l’enracinement d’une pratique de la prière et des sacrements (eucharistie, réconciliation), l’attachement à la personne du Christ et à son Evangile, une certaine cohérence entre la vie quotidienne et les expressions plus explicites de la foi, une capacité d’évaluer sa propre existence...
  • au plan ECCLESIAL : vérifier que la vocation chrétienne du jeune ne se vit pas seulement de manière "privée", mais sait se joindre à la prière de l’Eglise et à sa vie sacramentelle, s’enraciner dans une ou plusieurs communautés, s’ouvrir au sens apostolique ...

Un tel objectif de vérification nécessite donc à la fois des exigences et des moyens :

a) DES EXIGENCES

Elles se retrouvent là aussi à un triple plan :

  • au plan HUMAIN :
    L’importance d’une pédagogie qui renvoie à la vie concrète du jeune, à son incarnation aujourd’hui. C’est-à-dire lui permettre d’être libre, responsable en le renvoyant aux questions importantes de son existence : son travail ou ses études, sa vie relationnelle et familiale, sa vie affective, sa relation au monde et à la société, la manière dont son projet de vocation retentit sur son quotidien...

    En d’autres termes, il s’agit de permettre une prise de décision responsable, d’éveiller à une maturité plus présente au réel. Cet effort ne va pas toujours de soi chez des jeunes marqués par des fragilités ou des précarités de tous ordres. Il passe donc aussi par une prise en compte de l’équilibre de vie personnel, ’de la santé physique et psychologique.

  • au plan SPIRITUEL :
    Les exigences se traduisent à travers plusieurs passages obligés.

    1) La fidélité dans la prière et la vie sacramentelle
    L’accompagnement doit donc être, en plus d’une vérification, un chemin de prière ouvert. Bien souvent les jeunes se sentent désarmés, incapables de durer dans la fidélité spirituelle. Il faut donc savoir leur offrir des lieux de désert, de solitude ; leur donner l’occasion de recevoir le sacrement de réconciliation...

    2) L’attachement à la personne du Christ
    Cette insistance revient souvent dans les enquêtes : cet attachement va se traduire par la rencontre du Christ à travers des médiations diverses, comme la lecture intériorisée de l’Evangile, la vie de prière, les sacrements, mais aussi le contact avec les plus pauvres. Pour beaucoup, cet attachement constitue l’expérience fondatrice, déterminante, toujours à vérifier dans une recherche de vocation.

    3/ La relecture de vie
    Un point qui, la aussi, apparaît souvent souligné : le renvoi à la vie concrète, évoqué plus haut, exige de porter en même temps un regard "spirituel" sur cette vie même, une confrontation avec la Parole. Ceci pour mieux discerner les traces du passage de Dieu dans une existence, mieux cerner les zones d’ombre et de lumière, voir ce qui fait difficulté et ce qui constitue des avancées.
    Cette exigence de relecture de vie nécessite donc des lieux où les jeunes peuvent s’exprimer, avoir confiance, être écoutés. Si cette relecture doit trouver place au sein de l’accompagnement personnel, elle peut aussi s’exercer dans un groupe de recherche, à travers la confrontation fraternelle entre plusieurs jeunes.

    4) La conversion de la vie relationnelle
    Autre exigence citée : la nécessaire conversion du jeune vers plus de vie fraternelle, davantage de sens des autres et du service. Il faut qu’il soit capable d’évoluer, de se montrer plus ouvert, mieux inséré dans sa vie sociale et relationnelle habituelle.
    Là aussi, l’accompagnateur doit être celui qui renvoie à la réalité de la vie : comment se passent les relations avec la famille, les amis, le milieu d’études ou de travail, etc. ? Comment ces relations sont-elles confrontées au projet de vocation et à l’Evangile ?

  • au plan ECCLESIAL :
    Bien permettre que le jeune en recherche s’ouvre aux diverses dimensions de la vie en Eglise, c’est-à-dire :

    1) Trouver un enracinement ecclésial
    dans un lieu donné : paroisse, mouvement, aumônerie, communauté...
    Dans un certain nombre de cas, l’accompagnateur se contentera de constater que cet enracinement existe, à travers l’histoire passée et actuelle du jeune. Dans d’autres, cela ira moins de soi. Il faudra alors aider à un enracinement progressif.

    2) Amener à un engagement concret dans l’Eglise
    Ne pas faire du jeune un "super militant", ce qui irait à rebours des mentalités actuelles, mais s’assurer qu’il puisse commencer à prendre des petites responsabilités concrètes, à s’engager dans un contrat précis à tenir (ainsi une animation d’aumônerie, de mouvement,...), être actif dans l’Eglise ordinaire, en d’autres termes.

    3) Lui permettre de rencontrer des témoins de diverses vocations
    Ce peut être une part importante des temps forts, retraites, réunions du groupe de recherche, que cette rencontre directe avec les questions et les attentes des jeunes. Ceci met en valeur de plus le rôle des médiations dans une dynamique d’appel, élément important à reprendre au cours d’une relecture de vie ; aide à mieux percevoir l’existence des différences dans l’Eglise, entre les vocations, les sensibilités, les engagements.

    4) Ouvrir au sens apostolique
    C’est-à-dire s’assurer que le jeune se sente partie prenante de la mission de l’Eglise, de son souci d’annoncer l’Evangile au monde tel qu’il est. Devant certaines tendances au repliement, à se cantonner dans des activités purement "ecclésiales", il est important d’insister sur cette ouverture au sens missionnaire. Tout en montrant que cette dimension n’a rien de monolithique et peut s’incarner sous diverses formes : annonce explicite, vie sacramentelle, catéchèse..., mais aussi tâches d’évangélisation plus enfouies dans la vie du monde (domaine caritatif, engagements sociaux, service des pauvres...)

    5) Ouvrir au sens du monde
    Cette dimension paraît indissociable de la précédente. Elle suppose que le jeune ne soit pas indifférent a priori à la vie des hommes de ce temps, qu’il sache partager "leurs peines et leurs espoirs" pour mieux les aider à un chemin de conversion.
    Il est donc important là-aussi de vérifier le regard que le jeune porte sur le monde, de bien voir si son projet de vocation ne constitue pas, là encore, une tentation de refuge.

UN POINT DE GRANDE IMPORTANCE : Assurer une formation chrétienne de base

Cheminer en Eglise à travers un projet de vocation nécessite d’avoir quelques références chrétiennes minimales. Or bien souvent les jeunes ne possèdent pas ce bagage culturel ou intellectuel de base. Dans un certain nombre de cas, l’accompagnement peut donc permettre de donner quelques éclairages bibliques, théologiques, spirituels..., pour ouvrir les jeunes à une plus grande intelligence de la foi, les aider à dépasser le stade de l’expérience affective.

Il va de soi que toutes ces exigences posées pour l’accompagnement en vue d’un discernement supposent de faire appel à des moyens concrets.

b) DES MOYENS

Parmi les moyens évoqués, un consensus se fait d’abord autour de

  • L’ACCOMPAGNEMENT PERSONNEL
    qui apparaît indispensable aux yeux de tous. Pour être crédible, il doit nécessairement remplir certaines conditions :

    1) Etre un lieu de partage, de rencontre et de confrontation
    sur tous les points évoqués plus haut. Ce qui suppose une confiance réciproque, le souci de bien rendre compte de ce qui est vécu par chacun.

    2) Etre une relation clairement définie, au départ
    On doit se rencontrer pour savoir à quoi on s’engage, bien préciser que l’on vise à un discernement.

    3) Offrir un climat spirituel, porté par une prière ensemble

    4) Constituer un rendez-vous qui doit être régulier
    (jusqu’à une fois par semaine, disent certains) où l’on est fidèle et persévérant, ce qui ne va pas toujours de soi pour certains jeunes.

    5) Bien maintenir la distance entre accompagnateur et accompagné.
    Ceci non par dureté, mais pour éviter toute implication affective ou toute influence sur la liberté de chacun des deux. En d’autres termes, l’accompagnateur doit savoir faire preuve d’une "indifférence ignatienne"

    6) Savoir compter avec la durée
    L’accompagnement ne vise pas à un discernement immédiat et rapide, mais constitue un service de longue haleine où il faut savoir laisser place au temps, à la patience.

  • Après ce premier moyen, vient : LE GROUPE DE RECHERCHE,
    lieu plus privilégié pour un partage entre jeunes, une confrontation entre des expériences et des projets de vie souvent très différents.
    Un moyen tout à fait complémentaire de l’accompagnement personnel et qui permet d’élargir l’horizon du jeune. Beaucoup de S.D.V. insistent d’ailleurs sur l’utilité de combiner le double accompagnement (personnel et en groupe) ce qui permet d’allier distance et proximité, recul et convivialité.

  • Les RETRAITES ET TEMPS FORTS
    constituent également des moyens privilégiés dans ce souci de l’accompagnement Ils permettent une mise à part intéressante, un temps de désert pour mieux se remettre face à l’appel de Dieu en profitant d’un temps liturgique fort (Noël, Pâques..) ou d’un lieu qui interpelle (monastère, lieu de pèlerinage…).
    Beaucoup d’enquêtes soulignent donc la nécessité pour les jeunes de vivre au moins annuellement ce type de temps fort.

  • LES ACCOMPAGNATEURS,
    bien sûr, qui sont indispensables pour ce service ! On attend d’eux qu’ils soient compétents, bien formés pour un service d’accompagnement qui n’est pas toujours facile, ni gratifiant.

Voilà donc en quelques mots les grandes insistances et convictions partagées par les S.D.V. dans le premier point de l’enquête.

II - DES EVOLUTIONS ET DES BESOINS NOUVEAUX

Ce point ne fait pas discussion parmi les S.D.V. : les jeunes en recherche ont bien changé depuis quelques années. Ce qui amène tout à la fois à mieux décrire les évolutions qui les caractérisent, tout en discernant les besoins nouveaux qu’elles expriment.

1) LES EVOLUTIONS CONSTATEES

  • D’abord, une plus grande fragilité qu’auparavant, en particulier au plan affectif.
    On note que les jeunes sont souvent "blessés par la vie", un point que nous retrouverons plus loin. On évoque aussi leur "nomadisme", comme le fait ce S.D.V., parlant de leur existence :
    "Une vie mouvementée, voire ’nomade’, moins stable depuis quelques années, avec un attrait grandissant pour les communautés nouvelles et des retours-surprises dans l’Eglise catholique, après quelques années de recherche à droite, à gauche, voire dans une secte."

    Cette discontinuité se retrouve aussi dans la manière de vivre l’accompagnement, souvent marquée par l’irrégularité.

  • Ensuite, et souvent au cœur même de cette fragilité, une grande soif de Dieu, une demande de sens et de Vie spirituelle.
    Les jeunes désirent aller plus loin dans l’approfondissement intérieur, souhaitent trouver des chemins de prière : "on voudrait que tu nous apprennes à prier", disent-ils à un S.D.V. Dans beaucoup de cas, une expérience religieuse a déterminé leur recherche : "de plus en plus, la demande part d’une grande soif de Dieu ressentie et qu’on voudrait tirer au clair".

    Expérience de Dieu qui passe le plus souvent avant la considération du service, de l’Eglise.

  • Une forte demande de vie communautaire, ce qui n’est pas sans lien avec la fragilité constatée.
    Cette requête se traduit à la fois comme le désir d’être soutenus dans leur recherche, d’être reconnus, de trouver des lieux plus chaleureux où l’expression et le partage sont possible.
    Les jeunes souhaitent trouver des lieux pour s’exprimer en vérité, partager leur projet avec d’autres.

  • Le souci d’avoir des repères  : les jeunes demandent explicitement aux S.D.V. de leur donner des balises solides en théologie, en éthique ou en vie spirituelle.
    Certains paraissent même assez "traditionnels" par rapport à leurs aînés, ils ont un parcours très différent et déroutent souvent les accompagnateurs.

    Ainsi, remarque très justement une réponse au questionnaire, ils portent de "l’intérêt pour des choses d’Eglise qui nous paraissent secondaires", ils ne veulent pas avoir "de lien avec le monde qui serait plus ou moins mauvais...". Même sans être forcément un signe de "néo-traditionnalisme" cette demande de repères pousse les jeunes à questionner fortement leurs accompagnateurs, les obligeant à donner un témoignage plus vigoureux sur leur foi ou leur engagement.

  • Le mangue de vie ecclésiale : non seulement ils n’ont pas d’engagement, de responsabilité au sein de l’Eglise, mais ils n’y ont souvent pas d’enracinement. Les expériences d’Eglise se vivent à coups de temps forts pour beaucoup.

  • Le désir de rencontrer des témoins qui vivent justement plus radicalement cette recherche gui les questionne.

En plus de cette série d’évolutions constatées, il faut ajouter deux remarques :

l/ les filles en recherche de vocations apparaissent beaucoup moins nombreuses qu’il y a quelques années.
Les enquêtes évoquent une certaine opposition des familles aux projets de vocation, ainsi que la lenteur des cheminements lorsque l’on dépasse 25 ans. Comme la plupart des jeunes évoqués, ces filles paraissent souvent blessées par la vie, marquées par une forte expérience spirituelle au départ et par une foi qui manque aussi de structuration.

2/ Certains questionnaires font état d’une évolution plus positive des jeunes ces derniers temps : un sens de la prière plus incarnée, des projets de vie plus réalistes, une bonne insertion en Eglise, une plus grande régularité dans la vie de groupe. Mais il est frappant de voir que ce jugement n’apparaît pas majoritaire.

2) LES BESOINS NOUVEAUX QUI S’EXPRIMENT

Tout en exprimant des requêtes nouvelles, les jeunes invitent les accompagnateurs à sans doute davantage affiner leur pratique :

a) DES BESOINS NOUVEAUX, au niveau DES JEUNES
d’abord celui de structurer leur personnalité, retrouver une confiance perdue en leur capacité. Reconstruire leur liberté, leur maîtrise personnelle.

  • celui d’acquérir une formation chrétienne de base, pour apprendre à mieux prier, à lire la Parole de Dieu, à enraciner sa foi.
  • se retrouver dans des lieux vocationnels avec d’autres jeunes pour mieux confronter, exprimer leurs projets. Des lieux chaleureux où l’on est reconnu, où la confiance existe afin de mieux trouver sa propre identité.
  • celui d’aboutir à un discernement, pour voir plus clair dans une recherche, trouver des réponses à des questions typiques comme celle-ci : "A quoi suis-je appelé ? le suis-je réellement ? Tiendrai-je dans mon projet ?". Des lieux qui donnent aussi l’occasion de rencontrer des témoins .

b) DES EXIGENCES A PROMOUVOIR, POUR LES ACCOMPAGNATEURS

  • favoriser une objectivation du projet du jeune en recherche, ce qui signifie plus précisément :
    • permettre le passage d’un projet intimiste à l’accueil d’un appel objectif où Dieu est premier et les chemins relatifs. Convertir la "demande religieuse" pour qu’elle soit moins marquée par la sensibilité, l’affectivité.
    • aider à passer d’une conception un peu magique, extérieure, de la volonté de Dieu à un apprentissage du discernement qui demande une part active et une implication personnelle.
    • Permettre une prise de distance par rapport à des liens un peu trop exclusifs : ainsi avec tel prêtre, telle religieuse...
  • insister sur l’importance d’avoir un accompagnateur personnel, qui offre des repères et une certaine fermeté.
  • susciter, en réponse à ce qui a été dit plus haut, des lieux vocationnels, avec le souci d’une convivialité et d’un discernement.
  • bien veiller à l’originalité diocésaine, à l’autonomie des lieux d’accompagnement, tout en permettant aussi une meilleure collaboration entre les groupes de recherche au plan inter diocésain ou régional. Faire que ce souci de l’originalité diocésaine permette une ouverture des jeunes au sens ecclésial, à l’Eglise locale.

Au fond, des besoins qui traduisent la nécessité d’un accompagnement toujours plus ciblé et spécifique. Ce qui appelle à la fois un travail dans la durée et des propositions bien adaptées, particulières à une recherche de vocation.

III - LES DIFFICULTES RENCONTREES

Sans conteste, ces difficultés ont été largement analysées au cours de cette enquête. Même si elles ne sont pas nouvelles, même si elles correspondent assez souvent à ce que l’on peut entendre ici ou là, reste qu’elles frappent par leur ampleur, en particulier sur tout ce qui touche directement les jeunes.
On peut rapidement les classer en trois rubriques : le contexte général, les jeunes et les accompagnateurs.

A) DES DIFFICULTES LIEES AU CONTEXTE GENERAL

Il s’agit plutôt ici de résistances, de lourdeurs venues d’acteurs différents qui rendent plus difficile le cheminement d’un jeune en recherche. Parmi celles-ci, il faut signaler :

I/ LA RESISTANCE DES FAMILLES,
en particulier celles des filles, qui hésitent à les voir s’engager dans une telle voie. Cette opposition semble assez fréquente.

2/ Le DESINTERET DES COMMUNAUTES CHRETIENNES
qui ne semblent guère se préoccuper de soutenir ou d’accompagner ces jeunes Difficulté de trouver des lieux en paroisse ou en aumônerie. Les communautés ne sont pas "sur le chemin des jeunes".

3/ L’ATTITUDE DE CERTAINS PRETRES ? RELIGIEUX, RELIGIEUSES...

  • soit ils ne sont pas appelants, peu motivés : on note, ici ou là, la résistance de certains aumôniers. Ils ont gardé une mauvaise image du SDV
  • soit ils sont encore divisés sur l’attitude à tenir face aux jeunes, l’interpellation de la demande de spirituel ou le rapport au monde. Parfois aussi leurs conceptions ecclésiologiques s’opposent.
  • soit ils ont tendance à capter abusivement certains jeunes, comme c’est le cas dans certaines communautés religieuses, par méfiance vis-à-vis du S.D.V. "on ne comprend pas que le S.D.V. exige de passer par un lieu de discernement" , dit une enquête.
    Une autre se plaint d’un manque de concertation avec les congrégations et instituts.

Et puis aussi, il ne faut pas oublier toutes les difficultés tenant à une situation pastorale plus globale : pauvreté de certains diocèses, image sociale dégradée du prêtre, résonance des conflits internes à l’Eglise...

B) DES DIFFICULTES TENANT AUX JEUNES

C’est un tableau assez préoccupant que dressent les S.D.V., à partir de cette deuxième rubrique. Comme si les jeunes étaient marqués par une fragilité tous azimuts.
Mais en même temps, il faut peut-être se garder d’aller trop vite dans une conclusion car cette fragilité regroupe des éléments extrêmement divers.
Ici, on peut distinguer ce qui relève du profil des jeunes et ce qui concerne davantage leur propre attitude au cours de l’accompagnement.

1/ LEUR PROFIL

  • A nouveau, la fragilité psychologique est signalée ici. Elle recouvre des réalités très diverses :

    a) un manque de structuration de la personnalité
    qui peut se traduire de façons multiples : instabilité dans le comportement, difficulté à se prendre en charge, peur de communiquer, papillonnage, hésitations à décider...

    b) des pauvretés psychologiques (incapacités, pathologies...)
    qui vont rendre plus difficile, par exemple, l’itinéraire d’une formation avec ses exigences propres.

    c) la marque de blessures personnelles, d’"écorchures" qui rendent la personnalité plus sensible : familles désunies, expériences d’échecs amoureux, etc.

  • Mais en même temps, comme on l’a déjà signalé plus haut, ces difficultés se conjuguent le plus souvent avec une expérience spirituelle forte.

Evoquant ces jeunes, un S.D.V. parle à juste titre des "blessés de la vie et/ou plus ou moins terrassés par la grâce".

  • Ce qui frappe également, c’est la fragilité spirituelle.
    Elle peut se caractériser par une fuite du concret : après avoir beaucoup cherché, "galère" dans les difficultés, on va tenter de combler se vie à l’aide d’une consécration. La foi peut alors se réduire à des pratiques, dans la prière-refuge adressée à un Dieu lointain.
    Ce constat conduit à s’interroger aussi sur la qualité de la requête de vie communautaire (un besoin authentique ou une peur du ministère presbytéral tel qu’il est perçu aujourd’hui ?), ainsi que sur la mission du S.D.V. qui doit encourager la recherche spirituelle sans favoriser l’intimisme en ce domaine.

    Certains S.D.V. notent que bien des jeunes viennent de communautés nouvelles où le discernement avait une forte connotation affective, ce qui accentue encore l’impression de fragilité spirituelle.

  • On relève aussi le peu d’ouverture au monde au sens où nous l’entendons habituellement.
    Ces jeunes ne sont pas du tout des militants, au contraire, ils préfèrent se replier sur "le cocon", n’ont pas d’engagement humain, social. Ce trait est renforcé par le contexte de sécularisation où il est difficile pour les jeunes d’affirmer leur foi dans un environnement souvent indifférent.
  • On souligne à nouveau, comme dans le point précédent, le manque de références chrétiennes ainsi que la faiblesse de l’enracinement dans l’Eglise.

2/ LEUR ATTITUDE AU COURS DE l’ACCOMPAGNEMENT

  • Ce que l’on remarque d’emblée, c’est le petit nombre de jeunes touchés par ces pratiques, en particulier chez les filles.
    Une réalité peu encourageante, tant pour les accompagnateurs que pour les jeunes eux-mêmes.
    Le petit nombre conduit même parfois à annuler des temps forts, des retraites, ce qui a un effet démobilisateur.
    La dispersion géographique des jeûnes, plusieurs fois signalée, vient aggraver cette difficulté et rend plus hypothétique les rencontres de groupe de recherche en particulier.
  • Ce qui rend l’accompagnement plus ardu aussi, c’est l’extrême diversité des jeunes qui se présentent.
    Il est bien compliqué en effet de faire durer une équipe de recherche avec des jeunes aux idéologies, aux sensibilités ou aux expériences ecclésiales très diverses. Bien souvent, les demandes ou les niveaux de recherche sont très différents eux aussi. Et cette différence existe de même entre les garçons et les filles : pour ces dernières, le groupe de recherche ne semble pas aller de soi, et il faut satisfaire des demandes de discrétion plus fortes, voire renvoyer à un monastère ou une congrégation mieux adaptés pour cela.
  • Ce qui handicape aussi fortement la recherche c’est le manque de régularité des jeunes.
    On souligne 1’inassiduité au groupe de recherche, la tendance à papillonner comme par un effet de "zapping". Il n’est déjà pas facile de trouver du temps disponible pour un accompagnement suivi (ainsi pour inviter à des temps forts des jeunes ayant déjà une activité professionnelle), concilier la vie dispersée du jeune avec des exigences régulières, faire coïncider le souci de formation et la recherche vocationnelle...
    Cet handicap de l’irrégularité se conjugue le plus souvent avec un certain étalement des arrivées et des entrées au long d’une année.
  • Le dernier trait relatif à l’attitude des jeunes tient à un manque de maturité face à la prise de décision
    Là aussi, cette fragilité s’exprime sous des formes diverses, voire excessives. Certains paraissent très pressés d’entrer au séminaire, par exemple, et ont du mal à accepter les médiations, à expérimenter un nécessaire temps de discernement. Des jeunes, même, frappant à plusieurs portes pour avoir une réponse immédiate, paraissent tout à fait sûrs de leur projet.
    Pour d’autres, en revanche, la décision s’avère difficile à prendre : on traîne, on "vieillit dans la recherche" faute de vouloir décider. Selon certaines enquêtes, cette difficulté à choisir tient à une peur de l’embrigadement, une réticence devant l’engagement à long terme. Un trait de mentalité qui reflète aussi à sa manière l’environnement social et culturel d’aujourd’hui.

Mais les difficultés ne marquent pas que les jeunes et se retrouvent aussi lorsqu’on évoque la situation des accompagnateurs.

C) DES DIFFICULTES MARQUANT LES ACCOMPAGNATEURS

Est-ce une simple impression subjective ou partiale ? il semble qu’une certaine "fragilité" des accompagnateurs réponde en contrepoint à ces fragilités supposées des jeunes, souvent bien déroutantes.
Ainsi, parmi les points évoqués sous cette rubrique, on relève :

1/ LA DIFFICULTE A TROUVER DES ACCOMPAGNATEURS
à mettre des personnes en route pour assurer ce service. Ceci renvoie au manque d’accueil de cette préoccupation dans de nombreux lieux d’Eglise, déjà évoquée plus haut.

2/ LE MANQUE DE COMPETENCE
qui rend, on s’en doute, plus ardu le travail de discernement. Ceci peut se traduire diversement selon les situations :

  • certains n’ont pas assez de poids, d’autres en revanche ont des personnalités trop fortes
  • il est difficile aussi de faire fonctionner, sur un même sujet en recherche, les différents niveaux d’accompagnement ou d’assurer, en d’autres termes, l’équilibre des for (interne, externe). Les différents acteurs qui devraient l’être ne sont pas assez impliqués dans cette tâche.

Ce manque de compétence se trouve bien entendu accentué par les carences de concertation ecclésiale, déjà évoquées, ainsi que par les différences de sensibilités, d’ecclésiologie chez ceux qui pourraient collaborer dans l’accompagnement des jeunes.

3/ LE DECALAGE DE MENTALITES ENTRE JEUNES ET ADULTES

Eternel problème de la distance entre l’Eglise et la jeunesse ? On pourrait le croire, à lire certaines enquêtes qui soulignent que l’Eglise ne se trouve guère sur le chemin des jeunes, que peu de lieux sont aptes à les accueillir pour les aider à cheminer.
Mais en même temps, ce constat va plus loin qu’un simple conflit de générations : il désigne un décalage important entre des mentalités, des sensibilités. Décalage qui parfois confine à l’opposition et n’est pas sans déstabiliser les adultes qui accompagnent, comme le remarque avec pertinence un S.D.V. :
"Beaucoup d’accompagnateurs, accompagnatrices peuvent être déstabilisés par ’l’évasion spirituelle’ des jeunes ou ont du mal à accepter cet écart : les jeunes veulent sortir du monde alors que la plupart des accompagnateurs ont fait un chemin inverse : être plus en lien avec le monde pour témoigner de sa foi."

Comment donc permettre un accompagnement rigoureux en dépit de cette distance, trouver le juste ton ? La réponse n’apparaît guère aisée à fournir.

IV - LES RETOMBEES AU PLAN DE NOS PRATIQUES

Là aussi, comme au plan des convictions fondatrices, l’unanimité des Services des Vocations est patente : on s’accorde sur la nécessité d’améliorer les moyens existants d’accompagnement.
On a plus de mal, en revanche, à envisager des créations possibles.

1) AMELIORER CE QUI EXISTE DEJA

a) Bien avoir souci d’UN MEILLEUR ACCUEIL des jeunes

  • c’est-à-dire s’adapter à ce qu’ils sont, avec souplesse mais sans se départir de rigueur, de vigilance
  • ne pas se presser pour les intégrer, mais ne pas, non plus, les laisser s’éterniser dans leur cheminement. Pourquoi pas proposer une période d’essai, un premier trimestre "tour de piste", par exemple ?
  • continuer à assurer l’écoute, la disponibilité, la patience auprès de ces jeunes.
  • être lucide sur les influences qui les marquent, permettre une clarification de leur projet
  • accepter la lenteur des cheminements, le fait que la question de l’appel survienne et s’enfouisse ensuite
  • offrir des chemins de prière.

b) offrir aux jeunes DES REPERES PLUS IDENTIFIES

  • accentuer la dimension "formation", offrir un certain enseignement minimal pour permettre une meilleure structuration intellectuelle. Ce qui suppose de mettre en place des cursus adaptés.
  • renforcer les propositions d’accompagnement : meilleure relation avec les communautés de croyants, régularité des temps forts pendant les vacances, suivi par correspondance si possible, insistance sur l’accompagnement personnel.
    Pour ce dernier point, insistance sur la durée (une deuxième année en groupe de recherche ?), le caractère spirituel au sens propre du terme du discernement : "laisser plus de place au Saint Esprit".

c) savoir DIVERSIFIER LES PROPOSITIONS, démultiplier les outils d’accompagnement
Ceci constitue une réponse concrète à la diversité des jeunes déjà remarquée : il faut prendre en compte "la multiplicité des chemins qui font évoluer une vocation".
En la matière il n’y a pas de cursus unique possible. D’où la nécessité d’avoir à la fois des groupes de recherche et des propositions intermédiaires, de proposer des "parcours à la carte".
Un tel souci peut se voir honoré par un lien plus étroit entre la Région et le diocèse, par exemple.

d) accentuer LA DIMENSION ECCLESIALE de l’accompagnement
c’est-à-dire permettre que ce service fasse intervenir différents acteurs, sache s’ouvrir à des partenaires diversifiés :

  • sensibiliser les groupes d’Eglise, les lieux de vie du diocèse.
  • travailler avec les groupes ecclésiaux qui accompagnent cette tranche d’âge, collaborer avec les mouvements et les services en ce sens. Pourquoi ne pas les associer à un pré-discernement ?
  • jouer la concertation avec les instituts et les maisons de formation
  • aller plus loin dans une confrontation et une réflexion avec le Renouveau, en ayant le courage de réfléchir aux raisons de son succès
  • laisser plus de place aux laïcs dans notre pastorale : ce sont eux, en effet, qui sont en lien plus habituel avec des jeunes
  • décentraliser peut-être aussi le travail du S.D.V. sur ce point, en développant des antennes-relais associées à ce souci d’accompagnement ;

Il faut noter combien ces souhaits sont cohérents avec la pastorale d’ensemble des vocations : "restituer au peuple de Dieu l’initiative de 1’appel".

e) FORMER DES ACCOMPAGNATEURS,
améliorer la compétence de ceux qui le sont déjà

  • renforcer, renouveler, diversifier, parfois, ceux qui existent
    favoriser des instances de formation et de partage pour les accompagnateurs Le niveau régional peut être intéressant à ce point de vue.
  • procurer à ces accompagnateurs une supervision, les aider à une relecture plus exigeante de leur accompagnement
  • pourquoi ne pas associer des jeunes de plus de 18 ans à ce service ?

2) DES CREATIONS POSSIBLES

Il n’était bien sûr pas possible, dans cette petite rubrique prospective, de donner beaucoup de détails concrets... Néanmoins, quelques directions sont avancées pour indiquer les tendances que devraient prendre en compte des créations possibles, des formes nouvelles d’accompagnement :

  • favoriser des "propositions intermédiaires, comme le remarque un S.D.V., entre temps forts et groupes de recherche, proches du week-end ou de la marche vocationnelle".
    Proposées au niveau diocésain, elles seraient ciblées clairement sur les vocations tout en étant adressées au plus grand nombre, "à ceux que l’on rencontre par ailleurs afin qu’au moins la question de la vocation leur soit posée".
  • susciter des lieux vocationnels stables, pour poser le signe de l’appel de manière repérable
  • laisser place à des propositions diocésaines, pour permettre une ouverture à 1’Eglise locale, à la vie diocésaine avec son terreau humain, du type "marche vocationnelle".
  • en plus du groupe de recherche favoriser des lieux chaleureux, à relations sans doute plus courtes, plus ponctuelles.
  • permettre une convivialité, un "viens et vois" avec des témoins déjà engagés, c’est-à-dire en d’autres termes :
      • au-delà d’un premier lieu de discernement, permettre une avancée, en inventant pour un projet plus défini, des lieux de vie commune avec des gens qui sont déjà engagés
      • pour les filles sans lien avec une congrégation, il faut sans doute que des congrégations consentent à ce que des filles viennent les voir, partagent leur vie de manière ponctuelle.

Autant, donc, de propositions, de pistes pour un avenir possible.

V - LES QUESTIONS A ABORDER A VICHY

Cette dernière rubrique se voulait bien entendu ouverte aux questions de chacun. Pour plus de clarté et même si certains aspects se recoupent, nous avons tenu à distinguer ce qui relève du contexte général et ce qui appartient davantage à la pastorale des vocations.

A) LE POIDS d’UN CONTEXTE

Bien des questions ouvertes ne sont pas sans renvoyer, on s’en doute, aux difficultés, on peut les regrouper en trois points :

1/ UN APPEL AUX VOCATIONS SPECIFIQUES qui ne va pas de soi. Comment mieux faire ?

  • la question du célibat :
    Comment en parler aujourd’hui dans le contexte culturel ? Comment le montrer comme une chance pour l’amour ? Ainsi que le remarque un S.D.V. :
    "Pour réfléchir sur le célibat, le meilleur moyen n’est pas forcément de mettre les garçons d’un côté, les filles de l’autre... La mixité ne semble-t-elle pas un meilleur lieu ? Ils savent la vivre sans fausse note".
    La aussi, la marque des mentalités intervient fortement.

  • le ministère presbytéral :
    l’image, le statut social du prêtre gênent aussi, souvent en négatif. Quel type de prêtre souhaiter dans l’avenir ? Comment adapter la pastorale en ce sens ?

  • la vie religieuse :
    pour la vie religieuse apostolique, l’identité apparaît encore floue

2/ La prise en compte de l’ACCOMPAGNEMENT au sein du RENOUVEAU

Même si cette question ne revient pas massivement, elle est néanmoins présente à travers la prise de conscience que les communautés nouvelles attirent réellement aujourd’hui des jeunes. D’où deux interrogations :

      • quelle conséquence, pour nous, des pratiques charismatiques ?
      • quel discernement, quelle formation au sein des communautés nouvelles ?

3/ Le lien entre le souci des vocations et LA PASTORALE DES 18-35 ANS

  • Comment l’Eglise diocésaine rejoint-elle cette tranche d’âge ? Que leur offre-t-elle comme parcours pour leur vie de foi ? Ceci n’est pas sans lien non plus avec la proposition des parcours intermédiaires déjà évoqués
  • Comment dépasser le clivage des générations avec les jeunes, connaître leur univers ?

4/ La prise en compte de LA FRAGILITE DES JEUNES

Comment accompagner cette fragilité, permettre à des "blessés", des "écorchés" d’avancer dans un cheminement vocationnel ? Cette interrogation revient d’ailleurs fortement à propos de la pastorale de l’accompagnement, au sens strict.

Il ne faut pas négliger aussi, dans le poids de ce contexte, le rôle de "l’image de marque" du S.D.V., qui peut constituer aussi un obstacle dans la collaboration pour le service auprès des jeunes.

B) THEOLOGIE ET PASTORALE DE l’ACCOMPAGNEMENT

Au fond l’ensemble des questions pourrait se résumer en une formule unique : "Qu’est-ce qu’un bon accompagnement ?".
Quels sont les principaux critères pour juger de l’authenticité, de la qualité d’une vocation ? Comment mieux définir les outils nécessaires à ce travail de vérification ? Autant de points qu’on peut affiner ainsi :

1/ DES EXIGENCES PLUS GENERALES ?

Comment assurer à la fois une distance, un recul nécessaire à la prise de décision, et offrir une proximité, un lien indispensable à toute rencontre ?

  • Quelles sont les grandes étapes à parcourir pour une première formation (ainsi au plan spirituel, ecclésial, voire biblique...) et pour un discernement vocationnel ? Comment offrir une foi plus nourrissante ? avancer dans une pédagogie qui aide à dépasser la subjectivité ?

  • Quelles exigences à présenter pour ce parcours ?

    a) la place du respect de la liberté
    b) l’importance d’une certaine rigueur
    c) le souci d’un accompagnement bien personnalisé, qui prenne en compte l’histoire particulière de la personne
    d) l’insistance sur la durée, la fidélité, la régularité
    e) permettre un partage d’expérience, une expression de la vie du jeune
    f) ouverture à la dimension ecclésiale, à une Eglise aux visages multiples

    Beaucoup de S.D.V. sont conscients de l’importance de ces exigences... La difficulté étant effectivement de les mettre en oeuvre !

  • Quels critères à discerner "pour reconnaître l’authenticité et le caractère chrétien d’une vocation", comme le formule une enquête ?

    a) au plan humain

    • comment aider ceux qui ont une difficulté à choisir ?
    • comment articuler vocation spécifique et soif de bonheur personnelle, voire parler de "vocation au bonheur" ?
    • "sur quels points de la personnalité est-il raisonnable de penser que ’les jeux sont faits’, qu’on sait - en gros - à quoi s’en tenir ?", demande un S.D.V., qui énumère ensuite un certain nombre de points précis à reprendre : équilibre psychologique et affectif, maturité, capacités intellectuelles, stabilité, capacités relationnelles...
    • et bien sûr, à nouveau, comment accompagner la fragilité ?

    b) au plan spirituel

    "Quand peut-on dire qu’il y a chez quelqu’un une authentique expérience spirituelle ?". Une question qui revient à plusieurs reprises.

    c) au plan ecclésial

      • quelles voies d’expériences ecclésiales offrir aux jeunes ? pourquoi pas des "écoles d’évangélisation" ?

A tout ceci s’ajoutent deux questions connexes :

  • Comment accompagner des jeunes aux demandes extrêmement diversifiées ?
  • Comment gérer les échecs, voire les situations dramatiques intervenant au cours d’un accompagnement ?

2/ DES CRITERES PLUS PARTICULIERS A CERTAINES VOCATIONS SPECIFIQUES ?

a) pour l’accompagnement vers le ministère de prêtre diocésain

    • quelles étapes de progression à vérifier là aussi ?
    • quelles insistances, critères propres, pour discerner cette vocation ? comment établir une distinction avec la vie religieuse, par exemple ?
    • quelles propositions d’expérience demander ? Ainsi, à travers l’ouverture à la dimension diocésaine ?
    • faut-il des "lieux vocationnels" plus tournées vers ce type de ministère ?

Tout ceci étant à mettre en lien avec une vision théologique du ministère ou, en d’autres termes, le "type de prêtre" à souhaiter pour l’avenir.

b) pour l’accompagnement vers la vie religieuse

    • quels critères de discernement pour vérifier un véritable appel qui ne soit pas une échappatoire ?
    • L’accompagnement des filles en ce sens est-il adapté à l’évolution de la place de la femme, dans la société d’aujourd’hui ?

Pour résumer cet ensemble de questions relatif aux exigences théologique et pastorale, on peut dire que le propos des enquêtes est clair pour demander de reformuler une sorte de "charte de l’accompagnement" en fonction du contexte actuel.

3/ DES LIENS A CREER ?

Cette pastorale ne peut être conduite seulement par le S.D.V. : elle nécessite une collaboration avec des partenaires différents. D’où plusieurs demandes en ce sens :

a) quel lien entre pastorale des vocations et pastorale tout court ?
quelle relation avec la vitalité diocésaine, les communautés chrétiennes, le dynamisme missionnaire d’une Eglise locale ? quel travail avec les divers responsables du diocèse ?
b) quelle collaboration avec les instituts et les maisons de formation ?
c) comment gérer l’évolution des jeunes qui sont en lien avec plusieurs accompagnateurs ?
quelle concertation alors entre ces différents intervenants ? Certains jeunes ont tendance, en effet, à s’éparpiller
d) comment créer des liens avec les communautés nouvelles ?

4/ DES OUTILS A AMELIORER... OU A METTRE EN PLACE ?

a) les groupes de recherche

Là aussi, un véritable "guide" pour ce type de moyen est demandé, d’autant que les S.D.V. sont souvent frappés ou découragés par le petit nombre de jeunes qui y participent. D’où des questions :

  • quelle "publicité" faire à ce type de propositions ? comment inviter des jeunes à y participer ?
  • à quel type de jeunes faut-il s’adresser ?
  • quel contenu donner au groupe de recherche, quelle formation précise ?
  • quels formateurs faut-il se donner (même laïcs..) et comment leur fournir une certaine compétence ?

Avec, corrélativement, une question qui revient souvent : le statut de la mixité, ou non, au sein d’un groupe de recherche.

Faut-il encourager la mixité dans ce type d’institution, pour s’adapter davantage aux mentalités nouvelles ou aux habitudes des jeunes ?

Notre accompagnement n’a-t-il pas, de plus, une tendance trop marquée à s’adresser à des garçons ? Ne faut-il pas au contraire en rester à la non mixité pour réfléchir en toute liberté sur le célibat, et tenir compte des différences psychologiques existant entre garçons et filles ?

Sur ce point, on note que les enquêtes n’ont ni une position unanime, ni une attitude arrêtée.

b) les lieux vocationnels, propédeutiques...

A la différence des groupes de recherche, cet outil relève davantage du "stade expérimental", voire de la prospective. D’où les interrogations suivantes :

  • serait-il possible de faire le point sur ce qui existe aujourd’hui en France, comme lieux de cette nature ?
    De telles expériences devraient faire l’objet d’une confrontation au plan national, pour un enrichissement mutuel, pour mieux baliser les recherches locales...
  • quelle formation possible dans ces lieux ? Vie spirituelle, ouverture à l’Eglise locale,... ?
  • pourquoi ne pas miser sur des expériences de type "Foyers d’étudiants", avec une vie communautaire, un contrat d’existence ensemble bien précis ?
  • jusqu’où pousser le sens de la convivialité ? Comment rendre des lieux
    chaleureux sans porter atteinte à un nécessaire travail de mise à distance ?

Sur ce point, on le voit, tout un chantier reste à poursuivre.

EN GUISE DE CONCLUSION...

Plutôt que de conclure définitivement une enquête qui veut d’abord être une entrée en matière, il nous a semblé intéressant de pointer quelques remarques, suggestives sur ce qui nous a frappé au cours du dépouillement

1) D’abord, l’omniprésence des fragilités qui paraissent marquer les jeunes. Fragilités tous azimuts, qui ont de multiples facettes et reviennent à travers toutes les rubriques.

Ces fragilités se retrouvent fortement décrites à travers le constat du caractère souvent "déstructuré" de la personnalité de ces jeunes en recherche. Elles s’expriment aussi à travers le petit nombre de ces derniers, en particulier celui des filles. Elles expliquent enfin la forte demande de formation, de repères dans la vie éthique, spirituelle ou théologique qui s’affirme aujourd’hui chez beaucoup d’entre eux.

Du coup, cette présence de fragilités semble venir relativiser la question du célibat, obstacle traditionnel et premier dans beaucoup de recherches de vocations, et qui semble ici curieusement absent. Comme si la difficulté majeure de ces jeunes de 1989 n’était plus tant de durer dans le célibat, que d’être fidèle à une identité chrétienne structurée, en privilégiant d’abord la construction solide de l’être croyant. Le changement de perspective en ce cas ne serait pas négligeable.

2) Devant cette fragilité omniprésente, on a parfois l’impression de remarquer ici ou là une fragilité des S.D.V. eux-mêmes.

Simple contrepoint ou réaction en chaîne devant les difficultés du temps ? Beaucoup se sentent un peu déroutés, incompétents, marqués par le décalage des mentalités avec les jeunes et la diversité des demandes qu’ils expriment.

Du coup, cette attitude se retrouve un peu dans l’évaluation des moyens d’animation : on préfère renforcer l’appareil, affiner ce qui existe déjà - comme le groupe de recherche - plutôt que susciter des créations nouvelles d’outils plus adaptés.
A côté de cette prudence, on rencontre aussi une tendance à surenchérir sur la demande de formation des jeunes..., au point de souhaiter que le S.D.V. fasse un véritable travail de noviciat ou de séminaire, avec des cours exhaustifs !

3) En même temps, le contraste apparaît saisissant entre les insistances de la pastorale de l’accompagnement et la réalité des jeunes marquée par la fragilité.

Cette visée totalisante du discernement n’est-elle pas idéaliste, si l’on considère les jeunes tels qu’ils sont décrits ici ? L’objectif de la pastorale des vocations n’est-il pas un peu décalé du réel lorsqu’il vise ainsi la construction d’un homme "teilhardien", tout proche du "point oméga"... au point d’en oublier son incontournable fragilité existentielle ? Là aussi, il nous faut peut-être renverser certaines perspectives.

4) Enfin, comment ne pas s’interroger aussi sur la dimension ecclésiale du travail d’accompagnement, et ceci à plusieurs niveaux ?

Au-delà de nos discours sur la concertation, la collaboration entre partenaires diversifiés, qu’en est-il réellement ?
Où en sommes-nous de nos contacts avec les communautés nouvelles, les instituts de vie religieuse, les partenaires diocésains en pastorale des 18-35 ans ?
Et comment permettons-nous aux jeunes en recherche de s’ouvrir à la dimension missionnaire, à l’évangélisation portée par une Eglise au cœur du monde ?

Au terme de cette enquête, il y a matière, on le voit, à faire révision de vie, pour aborder l’avenir avec réalisme et espérance.