Les jeunes, Marie et l’Eglise


écho du rassemblement du 15 août 1988 à Lourdes, pour la clôture de l’année mariale

André CABES,
prêtre, responsable du S.D.V. de TARBES & LOURDES
et du Service-Jeunes des Sanctuaire de Lourdes

10-15 août 1988 : des milliers de jeunes à Lourdes pour une grande fête mariale. Comme toujours, en pareils rassemblements qui se multiplient depuis le congrès eucharistique de 1981, les responsables se demandent quelle expérience a été vécue en profondeur, quel appel a été entendu, au-delà d’un moment merveilleux qui a duré le temps d’un beau feu d’artifice.
La visée - et je crois, la réussite - des fêtes de clôture de l’année mariale à Lourdes, ont été de permettre l’accueil d’une grâce typiquement mariale : LE RASSEMBLEMENT DES ENFANTS AUTOUR DE LA MERE, celle-ci leur indiquant LA SOURCE DE VIE. Savoir qu’on fait partie d’une famille, qu’on est aimé, voulu et porté par des frères, et par une histoire qui a un sens : c’est le don qui est fait au pèlerin de Lourdes, le bonheur déjà promis à Bernadette, le bonheur de voir l’autre monde qui vient visiter ce monde à travers nos regards, notre cœur et nos mains.

Un lieu pour exister

Venus de Guyane, du Canada, des divers pays d’Europe et de toutes les régions de France, des milliers de jeunes ont pu mettre leurs pas dans les pas de Bernadette et découvrir une route nouvelle. Comme la jeune voyante de 1858, chacune, chacun, déjà, était en chemin, mais bien souvent plutôt en errance, "comme des brebis sans berger". Et puis, voilà qu’ils découvrent, au fond de leur impasse, une petite sœur gui leur fait signe. Les quelques jours de Lourdes étaient placés sous le signe des apparitions : "N’aie pas peur... Tu as trouvé grâce... Tu es aimé". A travers les difficultés gui restent réelles dans le pèlerinage, même si au camp des jeunes les conditions de nourriture et de vie sont loin d’être toujours satisfaisantes, tu es attendu, tu es accueilli.

Trouver une ESPERANCE dans le noir : premier but de l’existence. Redonner l’espérance : première mission de l’Eglise. Pour cela, une parole pouvait être entendue et échangée :

"Dans un monde d’indifférence, quels signes de la présence de Dieu ?" -
"C’est possible d’être chrétien dans mon lycée, dans mon quartier, dans mon village, dans mon travail" -
"On peut trouver Dieu en prison, ou chez les prostituées, au fond de la souffrance." -
"Dieu nous attend aussi dans le monde passionnant des sciences et des techniques, dans la vie de couple, dans la vie de prêtre, religieux, religieuse ..." -

... A travers tous ces thèmes, et quelques autres, les disciples de Jésus apparaissent comme porteurs d’un sens qui s’offre à la vie de tous les jours.

Une famille à aimer

A travers les différents ateliers, apparaît le VISAGE MARIAL d’une EGLISE qui n’est pas une administration multinationale, mais une famille qui connaît des bons et des mauvais moments, qui propose de vivre l’expérience fraternelle des enfants d’un même Père.

Un télégramme du Frère Roger de Taizé attestait aux jeunes réunis à Lourdes la force qui unit les croyants dans la prière avec Marie. Le sacrement de Réconciliation vécu à la veille du 15 août fondait cette assurance dans le cœur de Dieu qui pardonne.

On peut dire, sans doute, que la palette bigarrée des visages chrétiens d’aujourd’hui était quasi entièrement représentée à Lourdes en ce 15 août. Et il ne s’agissait pas de juxtaposer les stands d’une exposition. Une âme commune habitait la recherche : le souffle de la Parole de Dieu, présentée à la scène dans la version de St Marc, ou présentée à l’aide de belles images peintes aujourd’hui ; l’histoire d’une famille retournée aux sources vives grâce à Vatican II, que présentait le cardinal Marty ; la joie des enfants autour de leur Mère, dont Mgr Decourtray, avec Madame Nicole Echivard, rappelait toute l’insistance aujourd’hui : l’Evangile ce n’est pas trop beau pour être vrai, Marie est la plus belle et la plus proche, la terre et la vie de tous les jours illuminés de la clarté de Dieu.

Le groupe d’animation liturgique de Marmande a réussi, avec d’autres, à rendre plus accessibles les paroles du pape dans son Encyclique sur la Mère du rédempteur : Marie parfaitement à l’écoute de la Parole de Dieu, Marie à la suite de son fils jusqu’au bout, quoi qu’il en coûte, Marie aujourd’hui nous fait renaître en Esprit et en Vérité.

Un monde à transformer

Une parole offerte, un sens donné à la vie, une parole accueillie dans une Eglise fraternelle et ouverte, c’est UNE PAROLE QUI PORTE DU FRUIT DANS LE MONDE.

Une parole qui agit, c’est d’abord une parole qui célèbre l’action de Dieu venant féconder la terre, et l’action de la terre entraînée vers le Père dans l’offrande du Fils Unique. Les belles célébrations de Lourdes présidées par le cardinal Etchegaray traçaient un chemin de lumière à la justice et à la paix de Dieu. Le groupe Gen Rosso faisait participer des centaines de jeunes à l’allégresse mariale du Magnificat : musique et chants, danse et mime, le corps et le cœur à l’unisson pour chanter la nouveauté du monde qui vient.

Une parole qui célèbre et qui agit, c’est une parole qui appelle des gestes de partage. Sans doute nous n’allons pas assez loin pour signifier "une Eglise qui embraye sur le salut du monde". Le Père Michel Santier, qui avait conduit à Lourdes 900 jeunes de la Manche, a parlé de la prière et du partage chez les premiers chrétiens, Mgr Eyt a fortement souligné l’appel du dernier Synode à transformer le monde d’aujourd’hui, le Père Marcello Zago, Supérieur des Oblats Missionnaires de Marie Immaculée, a fait découvrir Marie comme Mère d’une Humanité nouvelle. Marie, ont dit le Père Laurentin et Jean-Loup Dherse, nous aide à revivre aujourd’hui la totale consécration de notre vie lors du baptême.

Mais peut-on espérer que les témoignages donnés sur l’engagement chrétien à l’armée ou au service de la non-violence et de la paix, les échanges (notamment à la cité St Pierre du Secours Catholique très engagé au service de ce 15 août) sur la place des pauvres dans le développement de tout l’homme et de tous les hommes, auront éveillé des vocations de serviteurs humbles et tenaces pour la nouveauté de l’Evangile ?

Il n’y avait pas foule toujours à des rencontres sur ces sujets. Pourtant, beaucoup ont activement participé aux débats sur la place des chrétiens au service d’une Europe nouvelle, y compris dans le combat politique, beaucoup ont voulu jeûner un jour à midi, prier durant la nuit du 14 au 15 août, et s’interroger sur leur rôle dans l’évangélisation du monde d’aujourd’hui…

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Il appartiendra aussi au monde des adultes, aux responsables de nos communautés, de notre Eglise et de nos sociétés, d’ouvrir toutes grandes les portes à ce nouveau visage du Christ qui vient vers eux. Des jeunes sont là, disponibles, des jeunes très nombreux - bien que très minoritaires dans leur milieu de vie - : trouveront-ils chez eux l’accueil, la formation, le soutien fraternel, et l’orientation apostolique, dont Marie leur a donné le goût, dont elle leur a montré le chemin ?