Jeunes en recherche


DEVRONT-ILS FRANCHIR DES MONTAGNES A CLOCHE-PIED ?

Sœur Cyrille,
chargé de l’accueil à l’abbaye bénédictine de MAUMONT

C’est la question que se pose Sœur Cyrille, chargée de l’accueil à l’abbaye de MAUMONT, avec une expression qui fait choc et exprime bien les difficultés que peuvent rencontrer certains jeunes dans leur cheminement de vocations spécifiques. L’urgence est donc bien aujourd’hui de les aider coûte que coûte à se mettre en route... avec leurs deux pieds.

Les jeunes, les moniales sont-elles en situation pour bien les percevoir ? Bien d’autres voient les jeunes vivre de plus près et seraient plus aptes à faire une telle analyse. Les lignes qui suivent témoignent d’un regard à distance, utile sans doute mais insuffisant ; elles appellent une réflexion à la lumière d’une expérience sur le terrain.

Quelle que soit leur vocation, les jeunes semblent avoir en commun une grande incertitude et la peur d’un engagement définitif. Capables de poser un pied sur un chemin difficile, ils n’osent avancer le second et prendre tous les risques d’une aventure. Alors, devront-ils franchir à cloche-pied les montagnes qui ferment leur horizon ?

Jeunes en recherche, il leur faudra trouver une identité, une place dans le monde, un but à leur vie. La société qu’ils affrontent rend cette triple quête angoissante, mais pourtant Dieu doit y avoir placé les signes de son appel. Les Services des Vocations ont la mission d’aider à les découvrir et les nommer.

Trouver son identité

Tous ceux qui approchent les jeunes savent combien leur maturité se fait lentement. Pourtant, ils ont souvent très tôt une autonomie, au moins sur certains plans, qui devrait favoriser le développement de la personnalité. Que leur manque-t-il donc ?

A travers leurs questions, et parfois leur regard très lucide, on croit pouvoir dire qu’ILS MANQUENT DE REFERENCES STABLES : ils ne peuvent connaître leur taille en se mesurant seulement à leur ombre. Si les repères font défaut c’est que nous sommes passés d’une culture fondée sur une certaine notion de la vérité, universelle et permanente, où la personne pouvait sans trop de mal trouver sa vérité propre, à une société où plusieurs cultures se rencontrent, où les vérités sont diverses, voire contradictoires, parfois pragmatiques. En relation avec cette mutation culturelle, les "modèles" auxquels les jeunes, pourraient accrocher leur image deviennent fluctuants. Dans ce contexte, les jeunes, non sécurisés, ont tendance à se replier sur leur "mal être", tout en le trompant dans les plaisirs immédiats offerts par la société de consommation.

Dans la RECHERCHE DE LEUR IDENTITE CHRETIENNE, les jeunes retrouvent les mêmes difficultés : le christianisme leur apparaît comme une religion parmi d’autres qui ont toutes leur vérité ; l’Eglise est secouée par des controverses dont ils perçoivent plus l’âpreté que les enjeux, car le climat chaleureux prime pour eux sur les idées abstraites ; le langage chrétien leur devient de plus en plus étranger puisqu’ils vivent dans une culture post-chrétienne ; la diminution du nombre des prêtres et des religieuses les prive souvent de guides. Des questions reviennent lancinantes, même lorsqu’ils sont en formation : "Comment être sûr que Dieu existe... que la foi de l’Eglise est juste... que Dieu nous appelle ?".

La solution de leurs difficultés peut paraître simple : ne suffirait-il pas de leur fournir les certitudes dont ils manquent ? certains d’entre eux, en effet, trouvent un réel appui dans des sessions, des cours... et beaucoup manifestent une avidité et une réceptivité qui encouragent à oeuvrer dans ce sens.

Cela ne peut pourtant pas suffire car leurs questions ressurgissent au moment où l’on croit tout réglé : il ne faut pas oublier qu’ils sont en croissance et que tout système cohérent peut également les séduire, sans les faire grandir. Ils n’ont pas seulement besoin qu’on leur donne une vérité, mais qu’on LES AIDE A FAIRE EN EUX LA VERITE. Ceux qui se sont mis en route témoignent avoir trouvé un lieu de parole et rencontré des témoins qu’ils ont senti à l’écoute de Dieu et des autres. Les pèlerinages sont toujours des lieux privilégiés, sans doute parce que les accompagnateurs se trouvent spontanément engagés dans cette double écoute.

SEULE LA PAROLE VIVANTE DE DIEU PEUT METTRE UN HOMME DEBOUT en lui donnant la parole : où que se trouvent les jeunes (mouvements, équipes de recherche, groupes de prière, etc.) c’est cela qu’il faut poursuivre. Faire résonner la Parole de Dieu et susciter une prise de parole personnelle.

Trouver sa place dans le monde

Il serait intéressant de connaître les statistiques sur les projets des jeunes qui entrent à l’université. Combien ont une carrière précise en vue ? Combien projettent de faire des études longues dans le seul but de retarder le moment d’une insertion dans le monde du travail ? Combien changent de filière en cours de route ou même en fin d’études, pour prendre une nouvelle orientation ? Bien sûr la crise du marché du travail en est pour une grande part responsable et elle n’a pas de répercussions que dans le milieu universitaire, elle atteint tous les jeunes.

Cependant, le chômage n’est pas l’unique facteur de leur indécision ; LE MONDE DES ADULTES N’ATTIRE PAS LES JEUNES, ils se "voient" ailleurs. Leur monde à eux est sans frontières, Taizé en est la manifestation : mélange des races, des peuples, des classes, des cultures, des religions, où la joie d’être ensemble l’emporte et balaie les barrières. En face, le monde des adultes leur paraît très compartimenté, avec des frontières sociales nouvelles qui s’accentuent et constituent des obstacles particulièrement sérieux : frontière entre les tranches d’âge et frontière qui crée peu à peu une société à deux vitesses. Ces deux frontières ne traversent-elles pas aussi l’Eglise ?

Pourquoi les messes d’enfants et de jeunes sont-elles vivantes, alors qu’ils décrochent dans les célébrations avec des adultes ? Comment se fait-il que des parents très engagés sur le plan chrétien voient avec détresse leurs enfants s’éloigner de l’Eglise ?

Ces phénomènes sont trop répandus pour ne rien signifier. Une certaine forme d’élitisme ne fonctionne plus, les jeunes ne se sentent pas capables d’être "ferment dans la pâte" comme leurs aînés : ils disent partager les doutes de leurs contemporains, se sentent très proches des incroyants et dénoncent vite ce qu’un discours catholique peut avoir d’autosuffisant.

Leur petit nombre dans les communautés paroissiales, ou même dans les aumôneries, les effraie, aussi recherchent-ils les grands rassemblements, leur appartenance ecclésiale s’exprime souvent au niveau diocésain. Ce dernier aspect est un point d’appui qu’il faut bien prendre en compte, d’autant qu’il est lié à la catéchèse de la confirmation.

Trouver un but à sa vie

La société contemporaine fait vivre DANS l’IMMEDIAT, dans la précarité, dans le changement rapide. Que sera demain ? Nul ne sait. En attendant la fin de la crise - sans trop y croire - on ne fait pas de projet ; mais dans ce climat ! d’expectative, qui oserait reprocher aux jeunes de vivre sans but ?

Dans l’Eglise, les Services des Vocations sont encore trop perçus comme des bureaux de recrutement, alors qu’ils ont UNE MISSION ESSENTIELLEMENT EVANGELIQUE  : aux milliers de jeunes qui se croient sans avenir, il faut annoncer le Dieu qui ouvre une histoire quand il appelle un homme par son nom. L’Eglise de France s’est engagée depuis plusieurs années dans la relance de l’appel, qui n’a pas encore produit la remontée spectaculaire des vocations que l’on attendait, les prospectives restant sombres.

L’obstacle ne résiderait-il pas dans le registre de crise où cette relance s’exprime ? Ce registre ne peut pas être appelant : qui engagerait sa vie pour renflouer une entreprise qui périclite ? Jamais Jésus n’a demandé à ses disciples d’empêcher la barque de couler, c’est son affaire à lui. L’appel de Dieu est le début d’une aventure, non la fin d’une mésaventure. "Va, dit-il à Abraham, vers le pays que je te montrerai".
Le but existe et mérite qu’on engage sa vie pour l’atteindre,mais il réside dans LA PROMESSE DE DIEU, non dans le besoin des hommes. Les points d’appui que les jeunes peuvent trouver dans un projet vocationnel sont tout simplement DES POINTS d’ESPERANCE.
De quoi demain sera-t-il fait ? Du don de Dieu ; c’est le secret de Mère Teresa et l’on sait que près d’elle les jeunes affluent !

Le lecteur qui attendait quelque recette ou une appréciation sur telle ou telle pratique concrète d’accueil ou d’accompagnement des jeunes en recherche, sera déçu. Tous les moyens dont on dispose sont à mettre au service des jeunes comme autant de points d’appui, on n’oserait dire que certains sont plus sûrs gué d’autres, car ici ils réussissent ailleurs, ils échouent.
Ces quelques réflexions ont essaye d’aborder le problème en profondeur, puissent-elles faire pressentir que les jeunes ont surtout besoin d’entendre sans cesse quelqu’un leur dire : "LEVE-TOI ET MARCHE" pour découvrir en eux-mêmes combien il est bon de mettre un pied devant l’autre quand on sait le nom de LA ROUTE !