Edito


Encore un ensemble sur les jeunes et la foi, diront certains avec une lassitude compréhensible ! Et c’est vrai que nous sommes quelque peu saturés aujourd’hui de propos généralistes qui n’en finissent plus de s’appesantir sur l’individualisme supposé des jeunes, leur manque de fidélité ou leur indifférence en matière religieuse... Comme s’il ne restait plus autre chose à dire que le constat désabusé du décalage entre les générations, assorti d’un jugement moral implicite et du triste sentiment que l’Eglise a bel et bien perdu sa jeunesse !

Aussi l’ambition de "JEUNES ET VOCATIONS" dans ce numéro se veut-elle un peu différente, si possible. Non en abordant les jeunes et la foi dans une perspective globale, mais en évoquant des jeunes en particulier face à l’annonce de la foi, portée dans le quotidien de l’Eglise par des témoins diversifiés. Adopter délibérément ce regard positif sur les jeunes, sans pour autant nier ni dramatiser les difficultés, peut aider sans doute à mieux discerner les chances et les obstacles existant aujourd’hui pour une annonce authentique de l’Evangile, car ceux-ci ne sont pas sans influer ou contrarier aussi des projets de vocations spécifiques.

D’emblée, comment ne pas souligner l’enjeu spirituel au sens fort du terme, de cette confrontation des jeunes avec une espérance annoncée ? Les articles d’Henri-Jérôme GAGEY et de Guy LEPOUTRE le redisent chacun à leur manière et en partant de réalités apparemment opposées. Dans une conversation passionnante avec le premier, nous plongeons au cœur du "drame spirituel" vécu par les jeunes de banlieue, livrés à l’extrême solitude, à cette "galère" où pourtant le Christ peut redonner confiance, rendre la vie possible. Le second, avec beaucoup de souffle, se fait l’écho des jeunes qui se retrouvent dans les retraites ou le Renouveau : les idéologies et les schémas apostoliques de leurs aînés les rebutent, car ils aspirent avant tout à respirer Dieu, dans sa gratuité. Il faut savoir écouter leur requête, souligne Guy LEPOUTRE, pour les aider dans la recherche d’une unification personnelle et d’une intelligence croyante. Dans ces deux témoignages, au-delà des légitimes différences qui découlent d’une incarnation réelle, on perçoit le même souci de ne pas sacrifier la dimension existentielle, spirituelle de la vie des jeunes, à une expression explicite de la foi qui serait décalée, plaquée artificiellement sur leur culture ou leurs requêtes profondes. Et nous percevons mieux du coup la distance qui peut exister entre certaines propositions ecclésiales, certains langages ou pédagogies, et le monde des jeunes. Il revient ici à un évêque, Mgr LACRAMPE, de s’interroger justement sur ce lien des jeunes avec l’Eglise, tel qu’il le perçoit dans son ministère, en nous invitant à plus de solidarité avec ces nouvelles générations.

Pour permettre ensuite un discernement des atouts et obstacles à l’annonce de la foi auprès des jeunes, François BOUSQUET nous offre un parcours théologique consistant. Sans perdre de vue que la foi chrétienne a en elle-même sa propre vigueur, et qu’elle est d’abord vocation, il nous invite à affirmer avec courage ce que cette foi a d’unique, dans ce qu’elle propose à vivre, tout en précisant les enjeux culturels que peut représenter cette annonce. Ce qui revient à laisser ouverte la question de Dieu en retrouvant un cheminement trinitaire.

Dans le souci enfin de rejoindre des réalités pastorales diverses et identifiées, il convient de laisser la parole à ceux qui croisent le chemin des jeunes. En aumônerie de l’Enseignement Public, Jean-Louis VINCENT dresse le panorama suggestif d’un univers marqué par la laïcité et qui connaît cependant d’autres évolutions. A l’Université, Jean-Marie MALLET-GUY remarque que la question de Dieu trouve un écho indéniable chez les étudiants et offre quelques balises pour le travail des éducateurs. La MISSION DE FRANCE nous partage, quant à elle, sa démarche originale d’évangélisation. Et les intuitions propres des équipes Vie Chrétienne et des camps Inter-Jeunes achèvent de compléter cette palette de lieux où se déploie l’annonce de la foi.

A noter pour terminer que des chroniques plus ciblées prendront place désormais en fin de notre revue. Ainsi Marc BOUTIN nous offre ici un écho intéressant de l’enquête sur les vocations spécifiques réalisées à VILLAVENIR, la fête de la J.O.C. en 1986, tandis que René PICHON et son équipe nous partagent l’expérience significative d’un lieu vocationnel diocésain.

JEUNES ET VOCATIONS