Des chercheurs vigilants


En communauté "Vie Chrétienne"

Isabelle GARNIER,
laïque, membre des Equipes « VIE CHRETIENNE »

Parmi les membres de "VIE CHRETIENNE", en France, le nombre des jeunes ne cesse d’augmenter. Ils représentent aujourd’hui plus de 25 % des membres.
Comment expliquer cette évolution récente, mais inscrite dans la durée ?
Qu’est-ce qui met les jeunes en mouvement, de façon essentielle ?
Nous l’avons demandé à Isabelle GARNIER.

Tout d’abord, soulignons quelques traits caractéristiques des jeunes français (1) aujourd’hui permettant de mieux cerner .leurs références :

- Leur scepticisme face au monde politique est maintenant bien connu ; ce soupçon n’empêche pas leur intérêt pour la politique : civisme et respect des institutions sont généralement partagés.

- Ils se mobilisent facilement pour défendre un principe et un droit, non une idéologie. Ils disent volontiers non au tiers-mondisme et oui au tiers-monde, parce que c’est plus concret.

- Cela correspond à une absence de projet global sur l’existence et sur le monde. Leurs "centres d’intérêt fondamentaux" ne sont pas globaux mais conviviaux. Les multiples associations d’anciens élèves récentes en sont un signe.

- La mobilisation est forte, en puissance, pour les grandes causes à caractère extrême que sont la faim, la liberté, l’action contre la torture.

- Leur position par rapport au chômage est elle-même significative : Ils sont avant tout satisfaits de la vie. Réalisme ou résignation avec l’abandon de tout projet professionnel ? "Une certaine dérision débouche sur un mouchoir de poche existentiel, réduit à être bien dans sa peau, ici et maintenant".

- Quant à la Famille, il semble bien difficile de quitter ce lieu privilégié d’échanges et de plaisir de vivre. Les générations sont très proches.

- La référence essentielle paraît être pour les jeunes celle de l’équilibre personnel. On en mesure la fragilité : si l’affectivité prend la première place, cette morale peut verser dans l’irresponsabilité, l’impossibilité de la durée. Drogue, désespérance suicidaire peuvent s’offrir comme des pentes naturelles quand la sexualité est vécue sur fond de SIDA, la vie professionnelle sous la menace du chômage et tout engagement comme le mariage, suivi de ruptures et divorces croissants. Difficile de s’engager dans ce contexte.

- La question religieuse vient en continuité avec les autres traits que nous avons soulignés : on aime ce que l’on sent, on adhère à ce qui fait vibrer, on se débat pour raisonner.
C’est plutôt le temps de la tolérance facile ou de l’indifférence paisible. ...

Dans ce contexte où les évolutions s’accélèrent, où le désir de communication se fait plus vif, beaucoup cherchent à mieux connaître ce qu’ils voient, quitte à s’arrêter un moment... Les lieux de retraite attirent beaucoup, les groupes d’évaluation se multiplient.

Dans ce monde où les certitudes qui mettaient en mouvement les générations précédentes sont tombées, dans ce monde éclaté où il est souvent dur de croire, "VIE CHRETIENNE" est une réponse à une poignée de jeunes. Convaincus, sûrs d’eux-mêmes ? Indifférents paisibles ? Non, des chercheurs vigilants pour lesquels l’expérience de la foi personnelle est prioritaire. Ce qui nous conduit à envisager :

- La démarche personnelle préalable qui conduit à se tourner vers " VIE CHRETIENNE".

- Comment l’expérience de chacun trouve une réponse dans la vie d’un groupe, d’une communauté mondiale où l’on s’aide à discerner, à marcher en chrétiens.

Une expérience personnelle préalable

La relecture d’un jeune membre d’une équipe VIE CHRETIENNE est significative d’une telle expérience :

"D’une vie sans Dieu, ce fut par une retraite - les exercices spirituels de St Ignace - qu’une révélation se fit dans ma vie. Ce fut brutal et profond."
A la suite de cette retraite, mon seul réfèrent religieux fut mon accompagnateur (jésuite). Je n’avais pas de paroisse, je n’avais pas de famille sur place, je n’avais pas d’amis pratiquants.
A l’époque, la dimension d’Eglise était représentée par mon accompagnateur.
Au bout de quelques mois, j’ai ressenti la nécessité d’ouverture, d’appartenance à un groupe, à une cellule d’Eglise, afin de m’ancrer. Un concours de circonstances m’amena à VIE CHRETIENNE. Ce fut une joie, puisque la spiritualité qui m’était proposée correspondait à celle qui se mettait en place dans ma vie avec l’aide de mon accompagnateur."

L’intérêt de ce témoignage est qu’il met en exergue plusieurs points forts communs à la démarche de beaucoup de jeunes membres de VIE CHRETIENNE :

Il s’agit le plus souvent, au point de départ, d’une rencontre personnelle, radicale avec Dieu.
La période qui précède cette rencontre avec Dieu est variée :

- Expérience de Dieu inexistante

- ou des "aventures communautaires" peu probantes dans lesquelles on "est" par le groupe, sans "être" et "vivre" par soi-même

- ou des activités multiples telles que l’alphabétisation..., et le désir de mettre ces activités de "service" dans une perspective divine.

Le désir d’appartenir à VIE CHRETIENNE est de fait, de l’ordre de la "foi vécue". C’est avant tout une aventure personnelle, une réponse à un appel de Dieu, une ouverture à Dieu qui s’inscrit dans une histoire. Cette expérience personnelle est le fondement de l’appartenance à VIE CHRETIENNE.

La proposition de la communauté chrétienne

VIE CHRETIENNE est un Mouvement de spiritualité ancré sur le réel, dont la visée est la contemplation dans l’action et vice-versa.

VIE CHRETIENNE se situe donc à la jonction des préoccupations spirituelles de l’homme et de son environnement dans le monde.

Par la pratique des exercices ignatiens, VIE CHRETIENNE permet de pratiquer un discernement et de s’exercer à repérer les "signes du temps" (Parole de Dieu - Paroles d’hommes) à travers les événements de sa propre vie, de la vie d’autrui.

L’objectif n’est non pas un affinage de l’âme, mais un ancrage de sa foi sur le réel : connaître le désir de Dieu sur nous, se sentir envoyé en mission là où l’on vit, mieux répondre à sa mission de chrétien en vivant sa foi dans VIE CHRETIENNE.

Ce qui plaît dans cette proposition ? La réponse à cette question posée à quelques-uns des 400 jeunes appartenant à la communauté VIE CHRETIENNE (mille cinq cents membres en France) est claire :
- "C’est un type spirituel qui correspond à ce qui je suis, avec des chrétiens ’non rétro’, ni ’grenouilles de bénitier’, ni ’exaltés’"

- "On colle au terrain"

- "Cet exercice d’intelligence de la foi, de compréhension, d’esprit critique, part de ce que l’on vit ; ce n’est pas un slogan. Le risque en contrepartie est celui d’une sorte d’ ’élitisme personnel’, chercher à ’tenir sa foi’, ’expliquer Dieu’, ne pas s’abandonner..."

- "VIE CHRETIENNE offre une méthode de prière, localisée sur l’essentiel, mettant en oeuvre ’Mémoire, Intelligence, Volonté’. Cette ’Ecole’, permet un regard lucide sur sa Foi et sa vie. Il en résulte des rapports avec les autres plus vrais."

Le fondement de cette proposition en est la vie communautaire, à l’échelon du groupe de partage, s’inscrivant lui-même dans une perspective mondiale.

Une communauté de vie à l’échelle du groupe

La dimension du groupe dans cette démarche, personnelle avant tout, est en effet fondamentale : Avancer ensemble vers Dieu avec des moyens communs (prière, relecture) est une démarche complémentaire de l’accompagnement individuel, et indissociable.

L’existence du groupe correspond déjà à une réponse individuelle à l’appel de Dieu. Découvrir la trace de Dieu dans l’histoire de l’Autre fait miroir sur la lecture de la propre histoire de chacun, permet de "vivre Dieu", de contempler sa présence dans sa propre vie et celle des autres. Il en résulte un mûrissement, un approfondissement de sa propre histoire qui prend forme dans une perspective divine.

Cette démarche communautaire est l’expérience même de la fraternité. Elle permet de vivre une relation selon l’Esprit. Le groupe devient le lieu où l’on cherche à construire ensemble, à se porter les uns les autres, il constitue une cellule d’Eglise, et entre par là même dans l’histoire de l’Eglise.

Cette communauté de base permet de vivre une dispersion. La diversité des membres dont les lieux de vie et les profils sont souvent très différents, permet de découvrir, dans la variété des cheminements, la richesse et la multiplicité étonnantes des révélations de Dieu, spécifiques à chaque histoire.

Une communauté de vie à l’échelle mondiale

La communauté de base invite aussi à vivre cette Dispersion au niveau international par l’envoi en mission qu’elle induit, dans les lieux de vie très dispersés.

Le développement de la vie spirituelle de chacun et l’action qui en découle s’inscrivent dans une vie communautaire à l’échelon du monde, animée du désir passionné de "vivre l’actualité" internationale. (VIE CHRETIENNE est aussi reconnue comme organisation non gouvernementale et comme membre des organisations catholiques internationales).

VIE CHRETIENNE invite ainsi à vivre l’Universalité de façon pratique. Etre membre de Vie Chrétienne, c’est avant tout reconnaître que l’on appartient à une famille spirituelle intercontinentale qui nous porte et que l’on porte.

En conclusion, les membres de VIE CHRETIENNE sont donc animés du désir d’être des chercheurs vigilants. Agir en contemplant..., contempler en agissant... Dans un monde éclaté ou il est souvent difficile de vivre et de "faire sa place", ils cherchent à repérer le fil directeur qui anime leur histoire, et à vivre selon cette vérité qui leur est révélée.

Etre membre de VIE CHRETIENNE, c’est reconnaître que l’on est envoyé en mission déjà là où l’on vit : Par une attention plus grande à ceux qui sont proches, par une présence à l’Autre éclairée par le feu de l’amour de Dieu qui se révèle dans la simplicité du quotidien de tous ces membres réunis dans une famille aux dimensions internationales.

NOTES

(1) cf. "DES ETUDIANTS PRAGMATIQUES" Maurice JOYEUX,s.j. - in Cahiers pour Croire Aujourd’hui - Décembre 87 [ Retour au Texte ]