Ministère des prêtres en paroisse rurale


ASSEMBLEE PARTIELLE n° 2 :

LE MINISTERE DES PRETRES
EN PAROISSE RURALE

*

Georges PONTIER, prêtre à ALBI

Nous sommes invités aujourd’hui à réfléchir ensemble à cette Eglise en espace rural et au rôle du prêtre en son sein.
Nous nous sommes regroupés un peu par lieux de vie, conscients de ce qui marque l’évolution de ce monde rural dans lequel nous vivons, avec ses diverses incidences économiques qui l’ont marqué. Que ce soit le dépeuplement pour beaucoup de régions, les difficultés, l’apport du tourisme dans d’autres, la diminution du nombre d’enfants et des jeunes, le phénomène des résidences secondaires dans certains lieux. Et aussi ce qui a marqué l’évolution de l’Eglise dans ce monde : des regroupements de paroisses, des prêtres vieillissants, des choix à faire au niveau du culte, au niveau de secteurs à faire naître.

Et cet après-midi nous voulons avoir tout cela présent, tout ce qui fait notre expérience quotidienne et regarder en son sein un point précis :

la place du prêtre dans cette vie de l’Eglise en espace rural, dans sa construction, sa réalisation.
Et il faut que nous gardions bien cet axe maintenant : quelle expérience du ministère des prêtres avons-nous, là où nous sommes ?
Pour nous y aider il va y avoir trois séries de témoignages.

- Diocèse de BAYONNE-PAU

Monsieur et Madame DEVILLE

Nous exprimons ici la découverte faite de ce qu’est le ministère du prêtre aujourd’hui, à partir de l’expérience de co-responsabilité réalisée dans le cadre de la mise en place d’un Conseil pastoral, paroissial, en milieu rural.

Nous sommes une équipe formée de onze laïcs choisis parmi les personnes ayant accepté des activités dans la paroisse et du curé de la paroisse. Notre intervention s’articulera sur deux points principaux : la description de la situation de notre paroisse, l’expression de nos découvertes, de ce qui est aujourd’hui le ministère des prêtres.

Notre paroisse se situe dans une commune regroupant presque 3 000 habitants. Quelques éléments marquant la vie de cette commune méritent d’être soulignés.

Il y a vingt ans environ, celle-ci regroupait 500 habitants vivant essentiellement de l’agriculture. Une expansion voulue et conduite par la municipalité, a fait quintupler la population en vingt ans, si bien qu’aujourd’hui nous nous trouvons en présence d’une population mélangée, l’élément d’origine agricole cédant nettement le pas à l’élément d’origine urbaine. Si la population rurale travaille ses terres, la population d’origine urbaine travaille en ville et dans les zones urbaines ou périphériques. Il faut tout particulièrement noter dans le cadre de cette expansion, la transformation en zone d’activités entraînant un accroissement des emplois dans la commune.

La paroisse regroupe d’une manière régulière, aux offices dominicaux, cent quatre-vingt personnes environ, soit 6 % de la population, 250 foyers sur 750 versent le denier du culte, 130 enfants sur 200 scolarisés en CM1-CM2 participent aux rencontres de catéchisme animées par une quinzaine de catéchistes. L’équipe paroissiale est en route depuis six à sept ans et d’une manière plus précise depuis un peu plus de deux ans (octobre 1984-, date à laquelle la mise en place de Conseils paroissiaux est devenue un objectif diocésain).

Nous constituons donc une paroisse en espace rural mais dans un espace rural en évolution vers une urbanisation liée d’une part à la proximité de PAU, d’autre part aux possibilités de l’environnement naturel de la commune, sa vie associative très développée et sa saine gestion des ressources.

C’est donc dans ce contexte gué nous avons été appelés par le curé de la paroisse à constituer une équipe ayant pour but la mise en place d’un Conseil pastoral paroissial, que nous vivons l’expérience d’une co-responsabilité pastorale gui nous a mieux fait comprendre ce qu’est le ministère des prêtres.

Nous avons regroupé nos découvertes autour de trois points : découverte de la diversité et de la multiplicité des tâches liées au ministère pastoral du prêtre.

  1. Plusieurs parmi nous considéraient la tâche du prêtre comme limitée à la célébration de la messe, au catéchisme des enfants, à la visite des malades. A partir du moment où le prêtre a partagé avec nous l’organisation de son ministère pastoral, nous avons découvert à combien de tâches diverses et multiples il devait faire face.
    D’une part, la formation des catéchistes, le pastorale des jeunes, la pastorale des mariages, la pastorale des malades, la pastorale de la réconciliation et de l’accompagnement spirituel.
    D’autre part les liens à assurer avec les Pouvoirs et Services publics : Mairie, école primaire. Lien avec les autres prêtres de ce secteur et avec le diocèse. Lien avec les missionnaires issus de la paroisse, formation à la liturgie et à l’animation de la prière de la communauté, travail de secrétariat, de comptabilité, de gestion et d’entretien des locaux paroissiaux. Formation permanente personnelle, visite aux malades et rencontre avec les personnes, au fil des jours et des événements s’il vit avec les gens et avec un village. Rencontre également des groupes de prière, Vie Montante, équipe de Secours Catholique, groupe de chants, journal paroissial, information auprès de la population...
  2. Découverte du prêtre coordonnateur. Il sert de lien entre les gens gui forment la communauté chrétienne.
    Prenant conscience de cette multiplicité des tâches et de leur diversité nous avons pris en même temps conscience du rôle de coordonnateur que remplissait le prêtre.
    C’est lui gui fait vivre ensemble les activités et les gens reliés par le désir de répondre aux appels de l’Evangile. Il rassemble, regroupe, fait se rencontrer, appelle, fait sortir de l’isolement, met en relation.
    Nous avons alors découvert et vécu que cette action de coordination trouvait sa source et son aboutissement dans l’expression sacramentelle de l’Eucharistie et de la réconciliation.
  3. La troisième découverte, c’est le rôle de l’évêque rendu présent à la communauté par le prêtre qui tient de lui sa mission.
    Au fil de nos rencontres et de notre travail nous associant à la responsabilité pastorale du prêtre, nous avons été ouverts à ce lien sacramentel qui unit le prêtre à l’évêque et l’évêque à la communauté chrétienne auprès de laquelle il se fait représenter par le prêtre. Si un temps nous considérions l’évêque comme un préfet, ou si nous l’ignorions, il nous est apparu peu à peu comme celui gui garantissait que l’expérience que nous vivions aujourd’hui dans notre vie chrétienne était bien semblable à celle qu’ont réalisé les apôtres et les premiers disciples dans leur rencontre avec Jésus. En même temps nous découvrions, à travers les invitations du prêtre à nous situer dans un diocèse, l’évêque comme celui par qui notre expérience vécue aujourd’hui s’ouvrait aux dimensions de l’Eglise universelle de notre époque, et le rôle, la place de l’évêque dans notre foi, le prêtre tenant sa mission de lui et nous renvoyant à lui.

Voilà ce que nous avons découvert du ministère du prêtre à travers l’expérience que nous vivons de la co-responsabilité pastorale. Il s’agit là d’une étape, d’un moment de notre travail encore dans les commencements. Le temps qui vient nous aidera à l’approfondir.

- Diocèse de TOURS

Emmanuel METIVIER, laïc -

J’ai 19 ans et je suis fils de viticulteur. Je fais partie de deux groupes de jeunes situés en milieu rural, en Touraine, où les prêtres sont peu nombreux et où les gens participent. Un prêtre étant responsable des jeunes sur la zone, appelé à une autre mission, le diocèse a fait appel à une religieuse pour continuer cette responsabilité. C’est avec elle que nous travaillons depuis deux ans.

Le premier groupe est composé de 5èmes et de 4èmes de l’ensemble du secteur, environ soixante jeunes. Ils se retrouvent une fois par trimestre pour un temps fort.

Le deuxième groupe est composé d’environ vingt-cinq jeunes de 15 à 18 ans, de l’ensemble du secteur, gui se retrouvent pour réfléchir entre eux et pour s’encourager à agir dans leur paroisse, leur école, leur milieu de travail. Ce n’est pas un groupe fermé sur lui-même mais un groupe en mouvement, ayant le souci de ceux gui viennent mais aussi de ceux qui ne viennent pas. Nous sommes là pour être guides, nous ne voulons pas imposer. Nous essayons d’attendre leur réaction en posant des questions, en cherchant ensemble, le tout dans la joie et l’amitié. Que dit-on du prêtre , quelle peut être sa place ?

Le prêtre est un chrétien comme nous. Il a découvert quelque chose, quelqu’un. Il lui consacre sa vie et cherche à nous le faire partager. Mais parfois son attitude, le souvenir contraignant que certains gardent du catéchisme, voire l’aube à l’église, font obstacle, intimident, bloquent les jeunes, les adolescents et les empêchent de prendre leur place dans l’Eglise.

Les adolescents vont plus facilement vers les jeunes que vers les prêtres, d’où l’importance de travailler ensemble, car un prêtre on en a besoin quand même pour le sacrement du pardon et de l’eucharistie ; mais aussi pour partager tout simplement, pour vivre et le voir vivre, par exemple dans un camp, pour arriver à un véritable dialogue. On ne peut pas se permettre de l’avoir tout le temps avec nous, mais nous devons garder sa place. Dans l’Eglise il faut que tous s’y retrouvent, chacun respectant le rôle des autres. Par exemple pour l’animation de la messe, on se lance, on organise des équipes liturgiques, on cherche à mettre plus d’ambiance pour attirer des jeunes et, par le fait même, en faisant cela nous trouvons notre place dans l’Eglise comme laïcs.

Dans le premier groupe, nous avons fait appel plusieurs fois à un prêtre pour l’Eucharistie, une fois pour le pardon, en le mettant au courant dans la préparation et au moment des derniers aménagements de la célébration.

Pour le second, plusieurs rencontres ont amené un prêtre à donner son témoignage, ceci dans le cadre de la préparation au sacerdoce. Deux jeunes hommes ayant été ordonnés prêtres l’année dernière, plusieurs d’entre nous ont participé au diaconat de Joseph à CHINON et à son ordination, ainsi qu’à celle de James à TOURS.

Finalement pour que l’Eglise de Jésus-Christ vive, il faut que tous, prêtres, religieux, religieuses, adultes, jeunes et enfants nous nous sentions responsables.

Sœur Madeleine VECHAMBRE

Après le témoignage d’Emmanuel, vous imaginez quelle est ma joie de travailler avec ce groupe pour une animation des jeunes dans le secteur.

Notre réflexion sur la place du prêtre est certes un peu courte. Si les jeunes situent bien le prêtre en tant que chrétien, homme parmi les hommes, s’ils voient bien sa place pour les sacrements, la dimension du rôle du prêtre en tant que garant de l’annonce de l’Evangile et de la communion avec son évêque n’est pas apparue.

A vrai dire, pour eux, c’est moi qui assume ces fonctions. Ceci à cause du mandat reçu par l’équipe épiscopale, ils savent que j’en réfère au vicaire général, que je travaille avec d’autres en équipe diocésaine, que ce soit celle de l’aumônerie de l’Enseignement public, celle des Mouvements ou celle de la formation permanente des jeunes. Tout ceci pour mieux proposer l’annonce de l’Evangile.

Cela m’interpelle en tant que religieuse, car ceci ne relève pas de ma vocation mais bien de la mission reçue par l’évêque. Cela m’interpelle à vivre cette responsabilité au sein d’une communauté religieuse sur le secteur avec les prêtres et les autres responsables, très en accord avec le vicaire général dont je dépends. Exigence que nous avons à assumer en tant que permanents laïcs ou religieux remplissant un rôle de lien, de coordination pas toujours facile mais indispensable pour arriver à la communion en Eglise.

Je souhaite que cette animation aide ces jeunes à découvrir qu’ils sont l’Eglise et à faire Eglise entre eux et autour d’eux.

Je souhaite qu’ils participent à des temps de formation pour eux-mêmes et avec d’autres où, aidés par des prêtres, des religieuses, des religieux et des laïcs, ils pourront se ressourcer. Ceci les aidera à montrer aux autres ce visage d’Eglise et à découvrir comment à ce niveau le prêtre est garant de l’annonce de l’Evangile et de la communion.

- Diocèse d’EVREUX

Jacques CASTEL, vicaire épiscopal à EVREUX :

Marcel, marié, sept enfants, est diacre permanent dans le diocèse depuis juin 1978. Son activité se situe dans un groupement inter-paroissial de presque 5 000 habitants, comprenant sept communes ; il est membre de l’équipe diocésaine des vocations. Ce groupement est sous la responsabilité d’un prêtre de 62 ans qui, en plus de ses paroisses, anime, en qualité de guide, des pèlerinages.
- Peux-tu nous dire, Marcel, comment s’articule le rôle du prêtre et des laïcs dans ces paroisses ?

Marcel STRAUSS

Bien que se reconnaissant principal responsable des décisions et des initiatives, le prêtre a mis sur pied un Conseil paroissial constitué de dix membres représentant l’ensemble des paroisses du groupement. Des équipes y assurent entièrement la catéchèse d’après ces orientations.

Depuis quelques mois notre curé se trouve atteint par la maladie et fait de fréquents séjours à l’hôpital ou en maison de repos. Il nous faut donc agir seuls malgré l’intervention ponctuelle de deux prêtres voisins.

- Ces difficultés ont-elles amené le Conseil paroissial à agir ?

Justement le Conseil qui n’avait pas beaucoup fonctionné jusqu’alors a pris conscience de la nécessité de s’investir davantage pour que malgré tout l’Eglise continue à vivre. Un très grand effort de rapprochement et de concertation s’est fait entre ses membres, au-delà de leur diversité et de leurs oppositions. C’est ainsi qu’une équipe reconnue par l’ensemble de la communauté chrétienne, dans une ambiance fraternelle organise et met sur pied des ADAP pour l’ensemble du groupe.

Cependant, malgré ces efforts déployés et le très grand désir de faire Eglise, tous nous nous rendons compte que cela est quand même impossible sans prêtre car la communion de nos assemblées avec tous les chrétiens du monde apparaît davantage lorsque le prêtre célèbre parmi nous. Cet éloignement du prêtre est aussi ressenti dans la demande de certains sacrements et dans nos régions la présence du prêtre aux inhumations est encore jugée comme importante, voire indispensable même pour certains.

- En tant que diacre comment éveiller les chrétiens à découvrir et à comprendre le ministère du prêtre ?

Tout simplement en essayant d’agir pour que les efforts faits actuellement par un petit nombre s’étendent peu à peu à l’ensemble de la communauté chrétienne, afin que tous puissent faire Eglise d’une manière plus vraie, de sensibiliser les chrétiens à l’importance et à l’urgence du problème des vocations par la prière et la réflexion, non seulement les communautés paroissiales mais aussi les familles.

Il est bon aussi de ne pas oublier la complémentarité et la nécessité de l’ensemble des vocations, des différents états de vie, de tous les services et ministères dans l’Eglise. Bien sûr nous mettons l’accent sur les vocations sacerdotales mais sans toutefois oublier que tout baptisé a une vocation.

Chercher à favoriser une plus grande union entre tous les hommes chrétiens ou non chrétiens, par une attention privilégiée à toute forme de pauvreté.

- Le fait d’être diacre te situes par rapport aux gens. Ne risquent-ils pas d’en être satisfaits et, dans leur esprit, n’y a-t-il pas confusion entre ta mission de diacre et celle du prêtre ?

Diacre, je ne souhaite en aucun cas prendre la place de qui que ce soit, laïc ou prêtre, mais de chercher à faire Eglise avec tous pour rejoindre et suivre le Christ avec tous les chrétiens. C’est donc à un rôle de lien que personnellement je me sens appelé par mon ordination de diacre. Lien plus que jamais nécessaire entre évêque, prêtres, laïcs, avec l’ensemble des hommes particulièrement dans le monde bouleversé que nous connaissons aujourd’hui. Au sujet de la confusion possible, les gens savent que le service du diacre, son ministère, n’est pas celui du prêtre, que chacun a sa vocation propre. On a trop longtemps pensé que la vie de l’Eglise reposait uniquement sur les prêtres. Aujourd’hui, en retrouvant la mission de chaque baptisé, nous découvrons mieux le service du diacre dans l’Eglise diocésaine et le ministère du prêtre dans la communauté. Les fonctions dans l’Eglise sont variées, Saint Paul le disait déjà.

Pour conclure je suis personnellement heureux et fier d’avoir été appelé à mettre en lien les hommes entre eux. C’est par ce témoignage de vie fraternelle qu’à mon avis pourront naître les vocations de prêtres dont nous avons besoin. Chaque jour je remercie Dieu et lui demande de m’aider à continuer à mieux les servir avec l’ensemble des chrétiens.

Un foyer parmi d’autres vit la co-responsabilité :
Albert et Anne-Marie KIEFFER, quatre enfants, sont membres de l’équipe diocésaine des vocations

Madame Anne-Marie KIEEFER

Famille chrétienne dans un village de mille habitants proche d’une grande ville, nous avons accepté de nous engager au service de la communauté paroissiale qui, depuis quatre ans, n’a plus de curé.

Avec une équipe d’une dizaine de personnes notre rôle n’est pas de remplacer Monsieur le Curé. Nous sommes au milieu du peuple, vivant au jour le jour, au rythme de la commune, attentifs aux besoins de chacun, faisant le lien entre les demandes et le prêtre qui réside à la ville.

Si nous voulons annoncer la Bonne Nouvelle il nous faut être avant tout à l’écoute des hommes dans leur quotidien de façon à pouvoir être efficace. Faire Eglise c’est tenir compte des susceptibilités de chacun, les anciens perdus par tous ces bouleversements, les jeunes souvent trop fougueux et impatients.
Faire Eglise c’est aussi essayer de regrouper six villages comme le nôtre, sans prêtre, en faisant attention aux esprits de clocher.

- Peux-tu nous dire maintenant, Anne-Marie, quelle est la source de votre dynamisme ?

Notre action dans la paroisse prend sa force dans la prière et la Parole. Elle doit être en nous. Pour faire passer ce qui nous semble essentiel de notre vie de foi, elle doit vraiment être parole de vie.

Nous prenons le temps de la lire et de prier en couple et en famille. Nous voulons donner à Dieu une place de plus en plus importante dans notre vie, nous sentons bien que le côté "pratique" de notre engagement - tenue de registres, préparation des célébrations liturgiques - vient en second lieu. Mais c’est toujours le contraire qui se produit dans un premier temps, lors de la mise en route d’une équipe. Préparer une messe c’est lire et méditer les textes avant de choisir les chants.

- Et la place du prêtre dans tout cela ?

Acceptant avec passion toutes ces tâches, nous avons besoin du prêtre pour nous aider dans notre cheminement spirituel et nous sentons par son absence combien sa place est essentielle.

Encore trop souvent les gens considèrent le prêtre comme un professionnel de Dieu, comme un distributeur de sacrements à dates fixes : à la naissance, chaque dimanche... Il nous revient de faire en sorte que notre faim de Dieu soit si contagieuse que de nos communautés jaillissent les vocations que nos vies de témoins du Christ auront su faire naître.

Bruno, 24 ans, technicien agricole au Conseil paroissial, catéchiste et membre de l’équipe diocésaine des vocations

Situé dans une région industrialisée à forte population ouvrière, notre ensemble paroissial, trois communes et six mille habitants, vient d’accueillir un jeune prêtre qui nous fait partager ses responsabilités. Ensemble nous sommes particulièrement attentifs à l’accueil des jeunes (40 % de moins de 20 ans), à l’accueil des déshérités (13 % de chômeurs), à l’accueil des étrangers (13 % de la population), cela dynamise notre communauté, sa foi plus vivante devient contagieuse.

- C’est, je suppose, une ambiance qui doit te plaire ?

Oui, car chacun d’entre nous a davantage pris conscience de sa mission de baptisé. Ensemble et selon nos talents nous avons pris en charge la catéchèse, l’aumônerie, les rassemblements pour l’éveil de la foi chez les jeunes. En lien avec le Secours Catholique, nous devenons attentifs au partage avec les plus démunis. L’accueil de l’autre dans toute sa richesse et sa différence est un point très important. Notre communauté semble s’ouvrir à la dimension des autres en la rencontre de personnes de religions différentes invitant à un travail oecuménique.

- Et que peux-tu dire, maintenant, du prêtre ?

Dans la communauté le prêtre est celui qui synchronise les actions, il nous conseille, il nous guide spirituellement. Sans le prêtre qui assure cohésion et communion entre les équipes responsables et communautés chrétiennes et qui, par sa seule présence, rappelle que c’est au nom du Christ que nous nous engageons et que nous existons, notre témoignage n’aurait pas la même portée.

De jour en jour, nous découvrons mieux sa mission et la nécessaire place qu’il tient dans l’Eglise, mais aussi au milieu de toute la population. Nous sommes soucieux de l’image de l’Eglise que nous présentons à travers notre vie en paroisse.

Luc, célibataire, 28 ans, travaille dans une Entreprise de matériaux de construction. Son village rural compte 650 habitants. Membre d’un petit groupe de recherche, il faut également partie de l’équipe d’animation paroissiale.
Luc, tu as accepté de nous dire tout simplement ce que tu vis et ce qui t’anime.

Voici notre expérience de chrétiens dans une petite paroisse rurale. Nous sommes une vingtaine à nous retrouver trois dimanches par mois, soit pour la messe, soit pour une célébration sans prêtre.

Nous n’avons pas de prêtre résidant dans la paroisse depuis quatre ans, ce sont cinq prêtres qui viennent à tour de rôle desservir notre localité. Ils résident dans la ville voisine (12 000 habitants), de ce fait nous avons rarement le même célébrant deux fois de suite.

Un dimanche par mois nous rejoignons les chrétiens de l’une ou l’autre paroisse voisine, cela nous aide à comprendre et à vivre la dimension de l’Eglise diocésaine, voire universelle. Cette ouverture fait découvrir davantage à l’équipe animatrice l’exercice de la co-responsabilité, l’aide mutuelle au plan des tâches : trop peu nombreux les préparations devenaient pesantes pour chacun d’entre nous, elle lui apporte beaucoup au plan spirituel.

Géographiquement la commune étant très étendue et les nombreux hameaux très dispersés, les enfants ont catéchisme dans les paroisses avoisinantes. La population a peu l’occasion de rencontrer le prêtre.

- Et dans cette situation, que souhaitent vraiment les gens ?

Nous aimerions que les prêtres locaux s’intéressent un peu plus à ce que vivent les chrétiens dynamiques des petites paroisses rurales car si, sur le plan des tâches, nous ne rencontrons que peu de difficultés, sur le fond nous avons l’impression d’un manque. Il serait vraiment dommage que nous nous contentions de "remplir des cases" lors de nos préparations : prévoir le chant d’entrée, le psaume, etc. Nous sentons que nous avons besoin du prêtre pour nous aider à prier, à approfondir notre foi, à méditer ensemble car si nous savons nous rassembler au nom de Jésus-Christ, et partager le pain, nous avons du mal à partager la Parole de l’Evangile.

- Luc, depuis tes prises de responsabilités, j’ai la conviction que bien des choses ont changées dans ta vie

Ce que nous vivons en Eglise n’est pas sans m’interroger personnellement. Où est ma place pour mieux servir dans l’Eglise du Christ ?

J’entends plusieurs appels. D’abord celui de la prière pour les vocations. Ensuite m’investir davantage sur place, si possible avec les quatre ou cinq laïcs habituels, déjà très sollicités. Enfin envisager une plus grande disponibilité, un service, un ministère. Faut-il tout quitter pour Le suivre ? La co-responsabilité m’a amené au seuil de cette question.

Sœur Anne-Marie HUBERT, membre de l’équipe diocésaine des vocations, vous avez été sollicitée pour dire comment dans le milieu rural les religieuses font Eglise avec d’autres, et quelle perception elles ont, à partir de cette expérience, de l’importance du ministère du prêtre.
- Pouvez-vous nous dire comment, pour le même service de l’Evangile les religieuses vivent la co-responsabilité ?

Par nos communautés ouvertes aux prêtres et aux laïcs pour le partage de la prière, nous faisons souvent office d’élément moteur, de soutien. Nous sommes aussi le lien entre le prêtre et les laïcs. Parfois élément pacificateur. Nous invitons à la prise de responsabilité, à l’expression des laïcs, à la reconnaissance du prêtre.

En tant que femme et religieuse, lorsque nous donnons notre point de vue nous essayons de le faire avec un sens de la prière, de la communauté qui est ainsi complémentaire de celui des prêtres et des laïcs.

Notre rôle est double : mettre en route et soutenir. Nous sommes à la fois présence et relais.

Tout cela nous essayons de le vivre au quotidien en étant attentives aux plus démunis, leur permettant de prendre, eux aussi, leur place.

- Et comment, en lien avec le prêtre, des religieuses peuvent-elles faire naître une communauté ?

A partir d’une parole de notre évêque : "Apprenez à vous connaître, créez des liens, ouvrez l’Evangile", une vingtaine de chrétiens est venue se joindre à nous et nous nous sommes mis en route. Ensemble nous avons réfléchi sur le sens des temps et fêtes liturgiques, pris une part active aux célébrations. Peu à peu des gens passifs et qui s’ignoraient ont pris des responsabilités et aujourd’hui nous constatons avec joie qu’une communauté paroissiale est entrain de naître. Tout ceci en lien avec l’Eglise diocésaine. Le prêtre est là pour nous y aider.

- Au sein de Conseils paroissiaux, en équipes diocésaines de pastorale rurale, vous vivez la co-responsabilité. Qu’est-ce qui vous paraît le plus important ?

Un nouveau visage de l’Eglise est entrain de naître. Il est donc primordial d’aider les chrétiens à être eux-mêmes les artisans de leur avenir pour qu’ils se découvrent tous ensemble et selon leur vocation responsables du témoignage de l’Evangile. Il est aussi très important qu’ils apprennent à prier ensemble.

D’autre part, notre rôle souvent discret doit permettre à certains prêtres de mieux se situer à l’intérieur de la communauté chrétienne.

Cette place du prêtre est difficile, délicate, à la fois pour lui-même : sa formation ne va pas dans ce sens-là. Elle est difficile pour l’équipe des laïcs dont certains oscillent entre une prise de pouvoir trop brusque et le regret du passé.

Pourtant, dans bien des secteurs, cette relation entre prêtres, laïcs et nous se fait dans une réelle amitié et une confiance réciproque.

- Devenant de plus en plus partenaire, le prêtre a donc une mission spécifique ?

Oui. Participant à la même mission que le prêtre, en particulier en catéchèse et en animation pastorale, nous faisons l’expérience que nos états de vie, notre place, nos rôles sont différents.

A travers des expériences multiples nous apparaît l’essentiel du ministère du prêtre.

Tout d’abord un homme au service d’un peuple. Nous découvrons davantage le prêtre comme un homme de contact, proche de la vie, fraternel avec tous. Il nous interpelle, nous fait découvrir comment Dieu parle aujourd’hui dans les événements que nous vivons et qui se vivent autour de nous. Nous le découvrons aussi davantage comme un homme de prière qui a le souci de l’avancée spirituelle de tous. Il accepte d’aller jusqu’à l’accompagnement, voire la direction spirituelle.

Par son rôle dynamisant, tout en soutenant ceux qui ont déjà pris des responsabilités, il invite tous les autres à en prendre selon les charismes de chacun. Eveillant ainsi aux vocations dont l’Eglise a besoin, il a le souci de faire découvrir les vocations spécifiques et de poser à bon escient la question du ministère presbytéral à des jeunes en responsabilités humaine et ecclésiale.

Nous le découvrons aussi comme fondateur et garant de la communauté. Nous voyons le prêtre vivre au quotidien les réalités de tous ceux à qui il a été envoyé. Compagnon de route, frère parmi ses frères, partenaire de la mission avec les laïcs dans la célébration de l’Eucharistie, il rassemble tous les baptisés et fonde leur communauté sur Jésus-Christ.

Il rappelle à cette communauté que la Parole et les sacrements viennent non pas d’elle-même mais d’un autre, le Christ. Il est garant que cette communauté célèbre bien la foi de l’Eglise.

Il est aussi le collaborateur de l’évêque pour l’annonce de l’Evangile à tous les hommes et ce qui nous frappe, chez les prêtres avec qui nous partageons la responsabilité, c’est le souci qu’ils ont de tous ceux que notre société met à l’index. Nous le voyons, comme Paul, nouer des liens au cours de ses rencontres. Sur le terrain il prend ainsi conscience de ce que vivent ses frères non croyants.

Pasteur et missionnaire il cherche des chemins nouveaux pour l’annonce de l’Evangile. Il ouvre aussi la communauté chrétienne à l’universel et invite tous les croyants à entrer dans le dynamisme de la Pentecôte.

- Et enfin, vous religieuse, qu’attendez-vous du prêtre et que pensez-vous de cette co-responsabilité dans laquelle vous êtes engagée ?

Nous attendons de nos frères prêtres de pouvoir prier ensemble, de nous épauler mutuellement, de nous comprendre et nous attendons d’eux un soutien spirituel.

Mais en tant que religieuses nous attendons aussi d’être reconnues comme communauté et nous pensons que notre accueil , notre collaboration et notre prière sont, avec ce que lui apportent les laïcs, un soutien dans sa vie de prêtre.

Vivre l’Evangile ensemble afin de nous rendre mutuellement fidèles au Seigneur, l’annoncer chacun selon sa vocation, c’est le chemin ouvert par l’Esprit de Jésus depuis deux mille ans.

Religieuses, nous voyons bien que nous ne pouvons vivre en Eglise et participer à sa croissance que reliées à tous ses membres. Et je crois que cette diversité et cette co-responsabilité de plus en plus effective des chrétiens sont une chance pour redécouvrir le ministère du prêtre. C’est aussi une chance pour l’Eglise, pour que cette Eglise se donne les vocations dont elle a besoin. Demain s’enracine dans aujourd’hui.

Père Jacques CASTEL

Nous venons d’entendre plusieurs témoignages sur la co-responsabilité manifestant un nouveau visage de l’Eglise. Le ministère sacerdotal change de visage depuis le Concile. Dans notre diocèse en un peu plus de trois ans, trente prêtres exercent autrement leur ministère. Ces prêtres sont appelés accompagnateurs de groupements paroissiaux dont ils ne sont plus les curés comme autrefois. La perspective n’est pas de retirer au prêtre, de l’amputer d’une partie de son ministère, mais de restituer aux laïcs leur mission de baptisés et de valoriser la promotion sacerdotale dans son ministère de communion et de fondation de communautés chrétiennes vivantes.

Dans l’Eglise certaines tâches sont spécifiquement sacerdotales, mais les autres responsabilités ne sont pas moins bien assumées parce que prises en charge par des laïcs. Laissons parler deux qui ont déjà fait Eglise ensemble :

Un laïc dit :

"Le prêtre est davantage un signe parmi nous, un rassembleur autour du Christ. Nos engagements nous ont fait grandir dans notre foi et en ont permis l’expression. Nous avons appris ce qu’est l’Eglise diocésaine et nous avons accès à la responsabilité de baptisés."

Un prêtre, curé et en même temps accompagnateur, dit qu’il se sent "rajeunir" et se surprend même à "espérer".

La façon dont le chrétien vit sa responsabilité modèle le prêtre qui retrouve les axes importants de son ministère : la communion, le service, le témoignage. Un autre prêtre s’exprime :

"Après vingt-cinq ans de ministère j’acceptais en plus des paroisses en accompagnement. Je sentais le besoin de me renouveler, l’occasion m’était offerte, je la regardais comme une chance.

Mon premier souci fut d’écouter, j’avais beaucoup à apprendre. Je partais avec le désir de favoriser au maximum tout ce qui peut contribuer à créer la communauté et rendre chacun des membres responsables. Ils me demandent de les aider spirituellement, d’être le guide et d’être solidaire avec eux.

De jour en jour j’apprends à mieux me situer comme prêtre et je découvre que mon ministère n’est vraiment constructif qu’au sein d’une co-responsabilité effective.

Je n’ai pas peur de la place, du rôle et de la compétence des laïcs, au contraire je vis un ministère différent et je suis bien plus heureux qu’hier.

Je re-découvre ce que signifie vivre en Eglise et je souhaiterais que mes frères prêtres partagent mon enthousiasme et ma joie. Il n’est pas exagéré de dire que, dans la situation actuelle du clergé, le changement de visage du sacerdoce permet aux prêtres et aux laïcs de mieux découvrir l’Eglise, d’être plus à même de la porter ensemble.

Expérience modeste mais qui ressource notre prière, nous ouvre aux appels de l’Esprit, nous provoque à la créativité et à l’espérance, suscite de nouvelles manières d’être en Eglise. Elles mettent en lumière nos capacités missionnaires pour que la Bonne Nouvelle soit annoncée. Souvent dans la simplicité ensemble nous avons vécu l’Eglise et nous en sommes heureux."