Témoignages de séminaristes (lundi après-midi)


François CLAUDE, 24 ans - diocèse de BELFORT-MONTBELIARD
Thierry LEROY, 27 ans - diocèse de MEAUX
Philippe BORDEYNE, 27 ans - diocèse de NANTERRE
Pascal LEROUX, 23 ans - diocèse d’EVREUX
Dominique MOOG, 24 ans - diocèse de STRASBOURG

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DOMINIQUE, qu’est-ce qui a été déterminant dans la naissance de votre vocation ?

- En avançant certains éléments du passé prennent une importance nouvelle, et je puis le dire aujourd’hui, le terrain a été favorable à mon appel. Voir mes parents prier quotidiennement et notamment mon père le soir, au retour de l’usine, avant le coucher, ça ne laisse pas indifférent. D’autres nombreux visages ont jalonné l’appel : le visage du curé de mon village qui a su vivre et communiquer l’enthousiasme printanier du concile, les visages des chrétiens de l’Alsace du nord, le visage de mon assemblée paroissiale dont la foi est ancrée dans la vie et dans l’environnement. Grâce à ces visages j’ai découvert le Christ.

Plus tard au collège et au lycée, j’ai rencontré des chrétiens qui vivaient de l’Evangile, qui risquaient des chemins nouveaux pour la justice autour d’eux, pour l’unité avec d’autres chrétiens. Les besoins de communautés villageoises sans prêtre m’ont aussi interpellé.

Mais c’est surtout la Parole de Dieu, sa saveur, sa force et son actualité qui m’ont séduit. L’Evangile se conjugue à l’impératif et j’ai compris qu’il pouvait trouver un écho dans la vie de chaque homme. J’ai aussi découvert le visage d’une Eglise où il y avait de la place pour tout le monde : grâce au M.E.J. j’ai pu relire l’histoire de ma vie et l’œuvre de l’Esprit dans ma croissance, j’ai compris tout ce que j’avais reçu et j’ai eu envie de donner. De là à forcer la porte du séminaire de Strasbourg, il y avait un grand pas, mais l’appel grandissait et malgré les peurs, mes limites, au bout de six mois il devenait difficile de cacher la réalité.

Après le bac, j’ai passé le concours de l’Ecole Normale. Le lycée, l’aumônerie, la paroisse étaient les lieux où les choses avaient mûri. Cette année de formation en vue d’une profession fut une année de combat. Au cœur même des relations, devant les réalités du monde, la découverte du diocèse, le partage avec d’autres, croyants ou non, engagés ou non, l’attachement au Christ et à l’Eglise grandissait en moi à mesure que je fréquentais l’Ecriture et priais personnellement.

Oui, dans tout cela la question de devenir prêtre a fini par me coller à la peau. En septembre 1982 je présentais ma démission à l’Ecole Normale et j’entrais en octobre au séminaire. C’était le début d’une aventure où je découvre encore chaque jour que Jésus-Christ est vraiment la chance de l’homme et du monde aujourd’hui.

THIERRY, vous êtes entré au séminaire, alors les jeux sont faits ?

- Non, on n’est pas sur des rails. La vie de communauté, l’approfondissement intellectuel et spirituel, tout cela fait bouger et en quatre ans de séminaire j’ai vécu bien des remises en cause et des moments de doute, voire de frayeur. Le "oui" du départ se vérifie dans toutes ces épreuves. Mais je souhaite dire avec force que la mission d’appeler pour nos Eglises diocésaines, ne s’arrête pas lorsque nous franchissons la porte du séminaire, car c’est bien par rapport à notre diocèse que notre vocation prend sens.

C’est en effet au contact des gens du diocèse, qu’ils soient baptisés, prêtres, non croyants, au contact de ces communautés chrétiennes qui ne sont jamais parfaites que j’ai senti et que je sens toujours l’appel se préciser et s’affermir. Mon enracinement en Jésus-Christ dans sa Parole passe de plus en plus par toutes les rencontres avec ces gens, au fur et à mesure que la formation avance.

J’ajouterai, avant l’échéance du diaconat, que ce congrès a été pour moi un lieu d’appel. Il faudra sans doute du temps pour en percevoir les fruits, mais c’est ce climat d’écoute, de vérité, de simplicité et de foi que je me sens appelé à vivre dans un ministère avec d’autres chrétiens. Après ce temps fort l’avenir ne sera sûrement pas un temps faible.

FRANÇOIS, il y a parfois des images qui traînent. Au séminaire est ce que vous êtes formés "à la chaîne" ou "coulés dans un moule" ?

- Les séminaristes-types, ça n’existe pas. Je m’en suis rendu compte en automne dernier lors du voyage du pape à ARS. Au séminaire j’ai fait la découverte d’une diversité de l’Eglise : pas un de mes camarades ne voit le monde, l’Eglise, la mission du prêtre de la même façon. Dans les communautés c’est source de conflits mais aussi de richesses. Les lieux de formation sont de formes diverses et ces diversités nous permettent d’être fidèles à ce qui nous a faits, à ce que nous sommes. Une conviction m’habite et je la vis tous les jours : c’est une folie à vouloir suivre le Christ pour servir son Eglise dans nos diocèses, dans mon diocèse, que nous aimons.

PHILIPPE, à 27 ans tout cela vous fait peur ?

- Après l’homélie du cardinal MARTY ce matin, où il nous a exhortés à ne pas avoir peur, j’oserai à peine dire que j’ai peur. Et pourtant qui d’entre nous ici n’a jamais éprouvé un peu de peur à la veille d’un engagement, d’un choix de vie, quel qu’il soit, d’un choix pour la vie.

C’est vrai d’ailleurs qu’on a du mal à imaginer ce que sera l’Eglise dans vingt ans, concrètement. Pour les prêtres il y aura beaucoup de travail, je le sais bien, et globalement il y aura peu de prêtres dans la force de l’âge. Mais ce que je sais bien, c’est tout simple, François vient de le dire, c’est vrai pour moi aussi : j’aime ma banlieue, j’aime mon diocèse avec les femmes et les hommes qui y vivent, avec les jeunes, avec leurs questions, ce qu’ils essaient aussi de construire. Et dans ma banlieue je ne veux pas que Jésus-Christ soit absent.

Ce qui me fait vivre ce sont tous les chrétiens qui prennent au sérieux leurs appels et qui paient le prix pour cela, pour la mission. Quant au célibat qui pourrait être aussi un motif de peur, je voudrais dire que je suis cent pour cent d’accord avec la mère de famille qui a pris la parole hier, au Panel. C’est vrai que tout le monde ne croit pas au célibat, ne croit pas que ce soit un choix possible. Pour moi c’est une façon de vivre dans laquelle l’amour a vraiment sa place, et si je le choisis c’est pour la joie du ministère, ce ministère que je me prépare à recevoir comme don de Dieu pour le monde.