L’insertion des séminaristes


UN TRIPLE APPEL

Daniel DUCASSE,
prêtre, délégué aux Vocations pour le diocèse de PONTOISE

L’insertion pastorale des séminaristes est un lieu favorable à l’appel aujourd’hui.
Daniel DUCASSE donne ici la parole à des prêtres, des religieuses, des laïcs qui ont expérimenté à leur manière cette réalité.
"Des jeunes qui veulent être prêtres, ça existe encore ?!..."
"C’est la première fois que je vois un futur prêtre de près... depuis quinze ans. Ça me fait du bien !"
"Avoir un membre de sa famille ordonné prêtre, c’est d’abord étonnant : c’est rare, et puis c’est un événement qu’on imagine arriver plutôt chez les autres. Découvrir une vocation de prêtre si près de nous est pour nous une interpellation."

Telles sont les réactions entendues ça et là à l’occasion de l’insertion d’un séminariste, ou à la veille de son ordination. Une insertion vaut toutes les opérations "portes ouvertes" sur le séminaire. Mieux, elle permet de manière très concrète de participer à la formation d’un futur prêtre et de saisir que l’appel est adressé à des jeunes très différents.

En reprenant mes notes écrites au fil de plusieurs insertions dans des paroisses, des Mouvements, des Services très divers, il m’est apparu de manière manifeste que ces insertions étaient, par elles-mêmes, appels vivants, incitations pour ces communautés à s’interroger sur ce qui les rassemblait. Et, pour plus de clarté, j’ai regroupé les témoignages selon "trois appels" :

- En effet, ce qui ressort en premier des réactions des personnes participant à la formation sur le terrain des futurs prêtres, c’est que cette expérience est UN APPEL POUR CHAQUE DISCIPLE DU CHRIST, quelque soit sa place dans l’Eglise, A VIVRE SA PROPRE VOCATION, à approfondir son propre appel.

- C’est aussi UN APPEL A "FAIRE EGLISE", à s’ouvrir à la diversité des chemins, à la complémentarité des points de vue et des manières de vivre de l’Esprit

- C’est enfin UN APPEL A MIEUX COMPRENDRE LA PLACE ET LE SENS DU PRETRE dans la mission de l’Eglise pour le monde.

Un appel, pour chacun, à vivre sa propre vocation

Le premier impact de la présence d’un séminariste dans un groupe, c’est que chacun se sent renvoyé à approfondir et mieux vivre sa propre vocation.

Chez les prêtres, c’est l’occasion de relire leur histoire, de dire ce qui a motivé leur engagement, quelle évolution ils ont vécu depuis leur ordination, à quoi ils croient profondément au-delà des différentes tâches et des soubresauts de leur vie.

Très souvent aussi, la question du célibat est abordée. C’est l’occasion d’un retour aux sources. L’un d’eux dira à un futur ordinand :

"Ce qui me frappe, c’est que tu t’engages dans les conditions actuelles. Quand je pense à l’époque où j’ai été ordonné prêtre, je ne me souviens pas d’avoir fait un pari aussi grand. A cette époque, nous étions embarqués dans un cadre bien défini : nous n’étions pas aussi attentifs à tous les problèmes humains comme tu l’es aujourd’hui, et nous ne vivions pas non plus toutes ces remises en cause.
Tu donnes aussi beaucoup d’importance à la vie en équipe, au Presbyterium : au moment de mon ordination, je ne pensais pas à la vie d’équipe ; et les relations entre prêtres, et surtout entre curé et vicaire, étaient plus de type hiérarchique ; aujourd’hui, et c’est tant mieux, elles sont beaucoup plus fraternelles.
Je reconnais que dans mon histoire, il a été très important pour moi de vivre avec des prêtres jeunes : cela m’a empêché de me scléroser."

Une religieuse, responsable d’une aumônerie d’hôpital, confiera :

"La présence de ce jeune a été pour moi une interpellation, et d’abord en tant que religieuse :


- En premier lieu, le fait en lui-même : il était séminariste, je suis religieuse. Il débutait sa vie totalement donnée au Seigneur, et moi, voici déjà plus de trente ans que je lui suis consacrée. Plusieurs questions me sont venues : quelle image je lui donne de la vie religieuse ? Est-ce que cela peut donner envie à un jeune de s’engager à la suite du Christ ? Peut-on être consacré à Dieu et heureux ? Est-ce que je sais être fidèle à l’appel initial dans la routine des petits appels de chaque jour ?


- Je suis religieuse appartenant à une congrégation de spiritualité carmélitaine ; ceci n’est pas indifférent à notre rapport aux prêtres ou futurs prêtres. Thérèse de Lisieux, suivant en cela les intentions apostoliques de Thérèse d’Avila, nous dit qu’elle est venue au Carmel surtout pour prier pour les prêtres. La présence de Gilles a été un stimulant vis-à-vis de cet aspect de ma vocation personnelle.


- Plusieurs fois, ma communauté a accueilli Gilles pour partager le repas, la prière, aborder des questions qui nous tenaient à cœur. Je suis allée une fois ou l’autre au séminaire. Tout cela a favorisé une meilleure connaissance entre deux mondes - le clergé diocésain et les communautés religieuses- ce qui n’est certainement pas inutile ou superflu !..."

Des laïcs témoignent de cet appel pour eux-mêmes le jour d’une ordination diaconale :

« Erick, nous avons cheminé avec toi en équipe d’Action Catholique Ouvrière depuis quelques mois, et ton appel à devenir diacre aujourd’hui nous a interpellés et nous a fait réfléchir. Chacun de nous dans l’équipe reçoit des appels : appels de notre organisation politique, syndicale ou de parents d’élèves. Ces appels à des responsabilités nous sont proposés par les copains de nos organisations, et derrière ces appels, nous sentons qu’il y a Quelqu’un d’autre, Quelqu’un de vivant qui nous appelle à vivre, à travailler, à partager avec nos copains pour un monde plus juste : c’est Jésus-Christ vivant qui chemine avec nous et qui nous invite tous, prêtres et laïcs, à participer à la mission de l’Eglise."

Un appel à vivre l’Eglise dans la complémentarité des vocations

La famille de Bertrand l’exprimera ainsi le jour de son ordination au presbytérat :

"Nous sommes heureux et fiers d’avoir dans la famille quelqu’un qui souhaite vivre plus radicalement l’Evangile et qui essaie d’aller jusqu’au bout de ce qu’il croit. Cela nous fait réfléchir sur la manière concrète dont nous, tes frères et sœurs, nous vivons en ayant fait d’autres choix. Cela nous montre que notre façon de vivre n’est pas la seule et nous rend plus conscients des compromissions dans lesquelles nous sommes contraints de vivre ou que nous acceptons, en particulier dans nos activités professionnelles. Cela nous incite à chercher comment être chrétiens aujourd’hui en étant plus ouverts sur les autres."

Dans une aumônerie d’hôpital, la religieuse a été très sensible à cette complémentarité :

"Le simple fait que Gilles soit là enrichissait 1 ’équipe en la diversifiant. L’aumônerie comptait un membre masculin et qui plus est, jeune et futur prêtre.

Les malades étaient heureux de m’annoncer à certains jours : ’Hier j’ai eu la visite du jeune homme !..’. Sans entrer dans une fine analyse, je crois pouvoir dire que les malades ressentaient une certaine complémentarité entre nos visites, et ils étaient contents qu’un jeune s’intéresse à eux dans une société où les vieux sont tellement délaissés !

Personnellement, mes dialogues avec Gilles au sujet de l’existence de l’aumônerie à l’hôpital, ce qu’elle devrait être, son mode d’action, sa mission, m’aidaient à mieux percevoir les différentes facettes des choses, et m’obligeaient à en creuser tel ou tel aspect, d’autant que nous vivions ensemble quelque chose de nouveau dans l’Eglise locale : la naissance d’un équipe d’aumônerie dans le responsable n’était pas un prêtre.

Grâce à cette insertion, je crois que nous avons la responsabilité de nous aider mutuellement à discerner la vocation de chacun pour qu’il trouve sa place dans le service ou le ministère qui lui convient le mieux, ou auquel il se sent appelé. Et c’est finalement une chance pour les adultes d’avoir à soutenir les jeunes dans leurs choix, car le cheminement effectué ensemble est bénéfique à tous, si on veut bien se laisser interpeller les uns par les autres."

Et c’est aussi un appel à vivre l’Eglise avec d’autres groupes chrétiens. Quand on sait la diversité et parfois les tensions gui traversent notre Eglise, on mesure l’importance de cet appel dans le témoignage de cette équipe :

"Membres de l’A.C.O., notre mission de laïcs se situe dans le monde ouvrier, notre recherche et notre rencontre du Christ est dans la classe ouvrière, et nos révisions de vie, avec nos aumôniers, tournent autour de la vie dans le milieu ouvrier où nous vivons. Mais nous sommes bien conscients qu’il n’y a pas que la classe ouvrière dans l’Eglise et que le partage de l’Evangile se fait aussi profondément et sincèrement dans les autres milieux et dans d’autres groupes. C’est pourquoi la mission de Yves auprès des enfants du catéchisme, auprès des jeunes, et en particulier ceux de la J.I.C., nous apparaît très importante."

Un appel à mieux comprendre le rôle du prêtre

Les témoignages gui suivent ne disent pas tout du prêtre, mais ils expriment bien ce qu’on attend de lui et quels liens on espère tisser avec lui :

"Si chaque chrétien a un rôle de témoin à jouer, le prêtre a un rôle de guide et nous rappelle à chaque rencontre d’équipe, à chaque eucharistie, au nom de qui nous sommes rassemblés : c’est Jésus-Christ seul qui nous rassemble."

"Une de tes paroles, Erick, nous a frappés, nous qui avons des engagements si différents ; tu nous as dit : ’J’ai découvert que je n’étais pas obligé de me renier si j’étais en désaccord avec quelqu’un grâce à la découverte de ce Dieu qui rejoint tout homme dans ce qu’il vit sans renier ce qu’il est."

"Et Yves, nous le connaissons bien, et nous savons qu’une de ses grandes qualités est d’être ouvert et attentif à tous et à toutes. Au Conseil pastoral, nous avons fait l’expérience combien il était important que le prêtre écoute et comprenne tous les chrétiens. Et comprendre dans toute l’acceptation du terme, c’est-à-dire comprendre les réalités de notre recherche du Christ, avec toutes les différences apparentes qu’elles représentent, et nous savons que ce n’est pas facile."

"Bertrand, qu’attendons-nous de toi et des prêtres en général ? Pas de grands discours mais de la compréhension, de la disponibilité et un souci de nous aider à vivre 1 ’Evangile à travers notre vie de tous les jours.
Nous attendons que tu nous questionnes, que tu nous guides dans notre recherche de vérité, et que tu saches aussi nous donner notre place de laïcs dans la construction des communautés chrétiennes auxquelles nous participons."

"Nous te souhaitons d’être heureux ; tu auras besoin de courage pour vivre ton ministère ; tu souffriras certains jours de la solitude, mais nous serons avec toi. Sache que notre porte restera toujours ouverte pour t’accueillir. Bonne route ! Et que ton ministère soit joyeux et fécond !"