Oser appeler...


Noël BOFFET
prêtre du diocèse d’AUTUN
aumônier national de la J.O.C. – J.O.C.F.

"PRETRE : UN APPEL POUR QUE 1’EGLISE ’s’ECLATE’ !"
Ce titre, qui figure dans la plaquette "Militants de l’Espoir" en tête du feuillet sur le ministère ordonné, Noël BOFFET a vérifié à quel point il "sonnait juste" :
Les 24 et 25 janvier 1987, sur l’Ouest de la France, la J.O.C. invitait à un week-end des gars qui étaient d’accord pour réfléchir à l’éventualité du ministère pour eux-mêmes.
Cet article se fait l’écho de leurs questions et de leurs attentes.

LES PARTICIPANTS

Ils sont venus dix, de Bretagne, des Pays de Loire et du Centre-Ouest. Ils auraient dû être quinze si certains n’avaient dû y renoncer pour des raisons professionnelles ou de santé.

Agés de 16 à 28 ans (la majorité ayant 20 ans) : deux lycéens ; un étudiant ; trois en emploi stable ; quatre en situation précaire (stage - chômage -...) Leur histoire en J.O.C. ? très variable. Certains ont démarré depuis six mois, d’autres ont déjà plusieurs années de vie en Mouvement derrière eux.

L’INVITATION

A mon avis, c’est là que ce qui s’est passé me paraît le plus neuf.
En effet, aucun parmi les présents n’avait réellement décidé, pour l’instant, de faire le choix d’être prêtre.

Quatre d’entre eux sont venus parce que, il y a un an, ils avaient participé sur leur Fédération, à une soirée "projet de vie" au cours de laquelle ils avaient été amenés à s’exprimer sur l’importance qu’ils accordent à différents services dans l’Eglise.

Ce soir-là, ils avaient dit le prix qu’ils accordaient au ministère du prêtre, à cause de l’expérience qu’il en avaient fait, en particulier grâce aux prêtres qu’ils avaient été amenés à rencontrer.

C’est à cause de ce qu’ils avaient dit ce soir-là qu’ils ont reçu une invitation personnalisée gui reprenait l’essentiel de leur expression :

"Tu disais, lors de cette soirée.... N’aurais-tu pas envie d’approfondir cela et de réfléchir à cette éventualité pour ta propre vie ? Nous te proposons..."

Les quatre jeunes invités de cette manière sont venus à cause de la façon dont était faite l’invitation :

"Je ne me rappelais pas que j’avais dit cela !..."

Philippe, l’un d’entre eux, à la réception de cette lettre, décroche le téléphone pour s’étonner de recevoir une telle invitation. Finalement il se laisse convaincre et dit, à la fin du week-end :

"J’aurais dû vivre ce week-end depuis longtemps. Ce genre de week-end devrait être ouvert à tous ceux qui n’ont pas de projets précis.."

Pas de projets précis !... C’était le lot de la presque totalité des participants. C’est vrai que tous, un jour ou l’autre, s’étaient posé la question d’être prêtre, mais plusieurs d’entre eux l’avaient enterrée depuis un certain temps.

Oser inviter... Oser appeler... Brancher l’appel sur ce qu’expriment les gars eux-mêmes..., c’est la richesse de l’invitation faite à Nantes. Ils ont vu que ce qu’ils avaient dit était pris au sérieux et que la J.0.C. les invitait à prendre encore plus au sérieux leurs découvertes, c’est-à-dire à prendre pour eux-mêmes, comme éventualité, ce service de l’Eglise.

L’ENTRE EUX.... LA FORCE DU TEMOIGNAGE

C’est un deuxième aspect que je retiens comme "fort" de ce week-end. Entre eux, ils ont pu s’exprimer, dire leurs doutes, leurs convictions, leurs questions.

Geoffroy : "On a tous les mêmes convictions dans nos partages de vie. J’ai pu apercevoir qu’on porte un sacré souci de nos copains, j’ai pu découvrir que c’était espérance pour nous. Cela m’a aidé à voir plus clair de voir que d’autres se posent des questions sur différents choix de vie. A travers le témoignage de Georges, séminariste, j’ai senti que c’était vraiment cet appel-là qui m’était lancé."

Entre eux, sur invitation, sur appel, ils ont pris conscience de la force de leur vie avec les autres :

Geoffroy  : "Si un jour je prends la décision d’être prêtre, cette vie avec les copains sera première pour moi. C’est elle qui m’aidera à aller plus loin. Je ne les abandonnerais pas."

Les copains, ce sont des pauvres. Cela m’a beaucoup impressionné. Et ce sont ces pauvres qui les appellent :

Dominique : : "Les pauvres, au départ, je pensais qu’ils n’avaient rien à m’apporter à cause de leur pauvreté. En fait, ils me bousculent sans cesse par leurs richesses !"
Georges : "J’ai beaucoup reçu de la richesse des pauvres avec qui je travaillais. C’est par eux que mon projet s’est nourri."
Philippe : "On a énormément à recevoir d’eux : simplicité, vérité, qu’on n’a pas toujours forcément nous-mêmes. C’est vers eux que Jésus-Christ a d’abord été, c’est pas pour rien. C’est pas forcément parce qu’ils en avaient le plus besoin mais parce que c’est eux qui étaient les plus proches de Dieu. C’est dans ce qu’ils sont aujourd’hui qu’ils sont riches et pas seulement dans ce qu’ils peuvent devenir."

Et quand ils parlent de "pauvres", il ne s’agit pas d’un mot vide de visages :

Geoffroy : "C’est Victor, un copain qui va de petit boulot en petit boulot et qui dit : ’je travaille trois jours puis je suis une semaine sans travail, et re-belote ! je ne peux pas bâtir de projet !"
Franck : "C’est Mohamed qui est tombé très malade suite au suicide de son père."
Philippe : "C’est la bande de loubards de son quartier (très portés sur l’alcool) avec qui il organise une fondue, au cours de laquelle "ils ne se sont pas bourrés la gueule"… 0n leur a fait faire l’expérience que quelque chose d’autre était possible".

Et des dizaines d’autres visages, impossibles à tous faire figurer ici, qui les aident à construire un projet :

Jean-Pierre : "Maintenant, je m’intéresse davantage aux autres, j’ai envie qu’ils s’épanouissent, que la foi soit un moteur pour eux, comme pour moi... La foi est devenue un élément d’unification de ce que je vis. Avant, foi et action, c’était séparé. C’est à travers la foi que ma vie trouve un sens."

" UNE FLAMME QUI PEUT DEVENIR BRASIER ! . . . "

Cette expression de Geoffroy me semble bien rapporter ce qu’a produit l’accueil de la vie des autres chez eux, et la dimension qui peut prendre leur projet à partir de la question du ministère qui leur a été posée. En effet, cette question en a suscité une foule d’autres :

"Etre prêtre, pourquoi pas ?.. Mais alors l’Eglise, c’est quoi ?"

A ce sujet il y a eu un débat passionnant entre eux, qui leur a permis de passer de : "l’Eglise, c’est NOUS AUSSI" à "l’Eglise c’EST D’ABORD NOUS".

C’est Dominique qui disait avant de partir :

"J’ai découvert ce qu’est l’Eglise... On en fait partie ! On ne se rend pas compte de ça, ça donne envie que ça bouge !"


- "Alors ? continuer à servir l’Eglise ? oui, mais je ne suis pas prêt à faire un choix qui engage toute ma vie.. ;"


- "La fonction de prêtre dans l’Eglise, j’ai pas encore assimilé tout ça, surtout par rapport aux sacrements"


- "Le célibat... la vie affective.. la solitude ? est-ce que ce mode de vie arrivera à satisfaire toute une vie, à me rendre heureux jusqu’à un niveau affectif ? C’est sans doute possible puisqu’il y en a qui le vivent, mais moi ?.."


- "La formation ? c’est long .’ je veux aussi vivre quelque chose qui soit efficace !"

Toutes ces questions restent en suspens après ce week-end. Les questions de chacun sont devenues celles de tous. Il en a été de même des réponses que les uns ou les autres ont déjà trouvées dans leur manière de vivre.

Tous ont noté la date du week-end national de juin pour continuer cette recherche. Ils ont décidé d’en reparler dans leur équipe de révision de vie, avec un aumônier... Ils ont aussi pris des décisions en direction de leurs copains :

Daniel : "Pour continuer ma recherche ? je vais essayer de partager ma vie avec les autres plus intensément,, pour pouvoir préciser davantage ma situation.
Avant ce week-end, j’avais un peu rejeté la question du ministère... je ne me voyais plus ’faire l’affaire’."
Eric : "Je ne sais pas si je serai laïc ou prêtre, mais ce que je sais c’est que je suis persuadé que je veux m’engager dans l’Eglise."

En terminant cet article, j’ai envie de dire comme le disait l’un des participants : "j’ai envie de chanter tout cela au Christ !".

Il m’a semblé que c’était une manière "extra" de parler de la prière. Il ajoutait : "tous ces partages de vie, ça doit être ’sacré’ pour nous, c’est pour ça que je prends le temps de prier."

Oui, cela valait le coup d’oser inviter ces gars à réfléchir ensemble à la question d’être prêtre. Loin de les décoller de leur vie, ça les y a plongés davantage.