L’urgence d’un éveil


Jean-Louis de KERGOMMEAUX
prêtre, responsable du Service Diocésain des Vocations pour le diocèse de LANGRES

Proposer des JOURNEES d’EVEIL pour les 6èmes-5èmes, en différents lieux du diocèse : telle est l’initiative originale du Service Diocésain des Vocations de LANGRES.

Depuis plusieurs années fonctionnent sur le diocèse :

- un groupe diaspora pour les garçons de 13 à 18 ans

- un groupe de recherche pour les garçons de plus de 18 ans

- un groupe de recherche pour les filles à partir de 17 ans.

Il s’agit là d’une proposition d’accompagnement pour des garçons ou des filles plus ou moins en recherche et s’étant, pour la plupart du temps, déjà ouverts de cette question à un éducateur ou à un copain participant lui-même à la diaspora.

Aussi, la question se posait de faire d’autres propositions plus larges, plus ouvertes en direction de garçons et de filles afin de les éveiller aux vocations dans l’Eglise avec une priorité : ceux de moins de 13 ans.

C’est ainsi gué le projet est né : qu’une proposition du Service Diocésain des Vocations soit faite à des volontaires, garçons et filles, de 6èmes-5èmes pour un éveil aux vocations dans l’Eglise.

Une journée de récollection pour leur permettre de se mettre devant le Seigneur qui nous appelle au cœur de nos vies, le prier, accueillir sa Parole, se mettre à son écoute. Une occasion aussi pour que la question des vocations puisse leur être posée comme une éventualité à envisager, tout en éduquant à une certaine disponibilité.

Bien des enfants n’ont-ils pas dès cet âge entendu l’appel du Seigneur à le suivre d’une façon particulière en donnant leur vie à Dieu et aux autres ?

Une enquête récente (Père Julien POTEL, 1982) nous révèle en effet que près de 50 % des garçons et 37 % des filles entrés en formation (grand séminaire, noviciat) pour le ministère ou la vie consacrée, affirment avoir entendu le premier appel avant l’âge de 13 ans. Cela ne mérite-t-il pas notre attention ?

Il était important de faciliter la participation des garçons et des filles intéressés. Pour cela, il fallait leur faire une proposition dans un lieu proche de chez eux et avec des animateurs locaux qu’ils pourront rencontrer par la suite.

Durant l’année scolaire 1985-1986, cinq journées ont eu lieu en différents points du diocèse. Elles ont rassemblé au total 104- garçons et filles.

Très vite, dès la présentation du projet, il nous était demandé dans un secteur de faire la même proposition à des jeunes de 4-èmes-3èmes (13-15 ans) ; certains posant des questions faisant apparaître une préoccupation du côté des vocations, sans que pour autant il soit possible de leur proposer la diaspora, ce qui serait sans doute prématuré.

La proposition fut donc faite, pour des 4-èmes-3èmes en deux lieux du diocèse et a rassemblé à chaque fois une quinzaine de garçons et de filles.

1 - A la suite d’Abraham et de Pierre

Chacune de ces journées, 6èmes-5èmes ou 4èmes-3èmes, est animée par une ou deux personnes membres du S.D.V. avec des animateurs du secteur d’où viennent les jeunes (animateurs d’aumônerie et jeunes aînés), sur la base d’une proposition commune à tout le diocèse et préparée par une petite équipe, elle-même suscitée par le S.D.V.

A chaque jeune est remis un livret dans lequel il peut retrouver le déroulement de la journée, les textes de l’Ecriture utilisés, des questions pour la réflexion personnelle et pour un partage en équipe, des chants, des prières...

Une large place en effet est faite à LA PRIERE. En fin de matinée, un temps assez long est laissé à la prière personnelle à la suite des découvertes de la matinée et avec l’aide d’un élément symbolique construit ensemble.

Cette prière personnelle est soutenue par l’un ou l’autre chant, quelques interventions de l’animateur ou des jeunes eux-mêmes, entrecoupant des temps de silence. Bien souvent les jeunes utilisent la possibilité qui leur est donnée d’écrire une prière dans leur livret.

En fin d’après-midi, quelques minutes de prière personnelle et silencieuse avant la célébration de l’Eucharistie.

Une place est faite aussi au TEMOIGNAGE, témoignage des animateurs de la journée, témoignage de telle ou telle personne invitée dans l’après-midi, avec le souci que les jeunes perçoivent la spécificité des vocations particulières au ministère, à la vie consacrée, mais aussi la complémentarité de toutes les-vocations dans l’Eglise.

Témoignage aussi d’un personnage biblique, qui sert de point de départ à cette journée d’éveil :

AVEC LES 6èmes-5èmes : ABRAHAM

Celui qui a orienté prière et réflexion, c’est "Abraham", un juste de l’Ancien Testament, dont l’histoire se cristallise nettement autour des appels que Dieu lui adresse :

Quitte ta maison de tes pères...,Ne crains pas...je suis avec
toi... Lève les yeux... je suis ton Dieu.
Je fais une alliance avec toi... pour toujours.

Nous saisissons toute la vigueur de la foi d’Abraham et l’intensité de sa confiance : il répond tout de suite aux invitations du Seigneur ; il part immédiatement vers l’inconnu.

Il m’est difficile de déterminer exactement le moment où chacun reconnaît qu’aujourd’hui, le Seigneur appelle également à prendre le chemin de la vie : est-ce la vue des diapos, la discussion en petits groupes, les interrogations dans "le grand cercle" des participants, la prière collective ou personnelle devant "1’arc-en-ciel" de nos découvertes, la célébration eucharistique qui couronne cette journée... ?

Dans tous ces moments, les élans de joie et de confiance montent du cœur ; on sent dans le groupe, un climat d’amitié et de contentement ; on se découvre très proches les uns des autres ; on croit se trouver dans un lieu de vie et de bonheur...

Mais la journée s’avance ; c’est vite la fin. Nous nous séparons dans une certaine tristesse, mais aussi dans la certitude que demain et chaque jour, le Seigneur nous reste proche par ses appels "à mieux vivre" et sa promesse de fidélité à l’alliance qu’il établit avec
chaque homme."

Un animateur

 

AVEC LES 4èmes-3èmes : PIERRE

"C’est autour de l’histoire de Pierre que se fit l’animation de cette courte journée de récollection. L’histoire de Pierre peut facilement être la nôtre, il est tellement humain, il a des réactions si spontanées et généreuses !

En quelques diapos, sobres e,t suggestives, le personnage est campé et les mêmes questions, les mêmes hésitations, les mêmes sollicitations nous sont posées, à nous aujourd’hui.

"Je l’ai rencontré, il m’a appelé, je suis venu." (Jn 1, 35-42)
"Je l’ai suivi, mais nous n’avons pas toujours les mêmes idées" (Mc 8, 31-38)
"La peur, j’abandonne" (Mc 14, 66-72) "Pierre, m’aimes-tu ?" (Jn 21, 15-19)

Il est facile de relire, par exemple, l’épisode du reniement et de prendre le temps de partager sur ce qui nous fait peur : "Lorsque à l’école, au collège, nous n’osons pas dire ce que nous pensons ou à qui nous croyons...".

Un autre moment important de cette journée, ce fut le temps personnel de prière. Temps de silence, simplement aidé par des propositions de textes ou des suggestions de prières. Temps de silence très apprécié, malgré la proximité de l’heure du pique-nique de midi.

Les jeunes purent interroger des adultes (prêtres, religieux ou religieuse, jeune) sur leurs rencontres de Jésus, et leurs joies ou difficultés à répondre aux appels reçus.

L’Eucharistie finale ne fit donc que reprendre et poursuivre ce compagnonnage avec Jésus.

Pour faciliter les activités de ces quelques heures, un livret avait été confectionné. Les jeunes le garderont "en souvenir" de ces rencontres de Jésus et de Pierre, images de nos rencontres personnelles avec Jésus.

Ce fut aussi l’occasion d’informer les jeunes de ce qui existe (diaspora : week-ends, camp pour les garçons) et de lancer l’idée de créer une telle équipe pour les filles. Affaire à suivre !..."

Frère Michel, animateur.

2 - Une évaluation

A la suite de ces rencontres, une réunion d’évaluation a lieu avec l’équipe S.D.V., des responsables d’aumôneries scolaires, des animateurs ayant participé aux journées.

Nous avons noté une participation relativement importante des enfants et adolescents et cela malgré des conditions météorologiques souvent défavorables, des routes verglacées ou enneigées ; cela compte dans un diocèse essentiellement rural. La proposition répondait certainement à un besoin.

D’une manière générale, les jeunes sont contents. Ils en ont reparlé dans leurs groupes et même en famille (surtout les 6èmes-5èmes). On les a trouvé très motivés, disponibles, avec un certain sérieux dans leur démarche, prêts à entrer dans ce qu’on leur proposait.

Par ailleurs, il était clair que c’était là une proposition du S.D.V. s’adressant à des volontaires qui souvent ont pris le temps de la réflexion avant de s’inscrire.

Une maman note : "C’est important de proposer de telles rencontres à nos enfants".

A la fin d’une journée des jeunes de 3ème disent : "Une telle journée est proposée de 6ème à 3ème, mais l’an prochain nous serons en second cycle, il faudrait nous proposer une journée comme celle-là".

Pratiquement, à chaque rencontre où j’ai participé, j’ai observé que des jeunes disaient s’être déjà posé la question d’être prêtre, religieux, religieuse, missionnaire, et être heureux que 1’occasion leur soit donnée de partager leur réflexion et leur prière avec d’autres. Les questions posées aux témoins n’étaient d’ailleurs pas toujours innocentes, semble-t-il.

Dans certains groupes d’aumônerie, avec des animateurs qui ont bien voulu "jouer le jeu", l’invitation à la journée a permis un dialogue parfois assez long sur les vocations.

Pourtant, c’est du côté de certains animateurs ou animatrices des jeunes que nous avons parfois ressenti des réticences. La proposition n’a pas toujours été bien accueillie.

Il y a quelquefois plus qu’une gêne à présenter à des enfants et à des adolescents les vocations dans l’Eglise, surtout lorsqu’il s’agit des vocations au ministère ou à la vie consacrée ; gêne peut-être d’autant plus grande que pour soi-même ou comme parent, on n’est pas toujours au clair avec cette question.

Il faudrait, au moment de la préparation de la journée, soigner davantage le dialogue avec les animateurs pour les faire entrer dans la démarche, car la façon dont la proposition de réco est présentée aux enfants et aux adolescents n’est pas sans importance. Il faudrait peut-être aussi se donner les moyens de faire un compte-rendu de ces rencontres à l’usage de ces mêmes animateurs.

Enfin, il faut noter l’importance de la participation de jeunes à l’animation de ces journées, notamment de jeunes parfois engagés eux-mêmes en diaspora ou en groupe de recherche.

Ils sont heureux d’avoir animé ces journées et disent avoir beaucoup reçu des autres, des plus jeunes. Etre animateur leur a permis de se sentir responsable. Pour eux aussi ce fut un temps fort.

En 1986-1987, nous avons donc renouvelé l’opération.

Pour les 11-13 ans, avec Jean-Baptiste comme témoin, toujours en cinq lieux, nous avons réuni près de 140 garçons et filles.

Pour les 13-15 ans, avec l’apôtre Paul et François d’Assise, en trois lieux, cette fois, du fait de la demande des animateurs locaux, une quatrième rencontre ayant dû être annulée pour une difficulté de calendrier. De plus, dans un secteur il nous a été demandé de proposer une telle journée à des plus grands. Une dizaine y ont participé.

Dans un autre secteur, des jeunes de plus de 15 ans ayant participé l’an dernier à la réco avec des 3èmes, demandent eux aussi une telle journée pour eux, cette année.

Conclusion

Il semble certain que la proposition faite et réalisée en plusieurs secteurs du diocèse correspond à UN BESOIN, UNE ATTENTE et qu’elle suscite UNE DEMANDE.

Des animateurs découvrent qu’il est possible, aujourd’hui, de proposer à des jeunes d’entrer dans une démarche de réflexion et de prière vocationnelle. Certaines aumôneries envisagent d’en tenir compte, par exemple, pour une retraite de préparation à la profession de foi.

Il a paru important aussi d’assurer un suivi à ces propositions.

Une première façon de le faire a été la proposition d’un mini-camp de trois jours pendant les vacances de Pâques, l’an dernier, il a rassemblé près de quarante garçons et filles de 6èmes-5èmes.

Cette année, à la proposition d’un mini-camp pour les 11-13 ans, s’ajoute celle d’un mini-camp pour les 13-15 ans sur la suggestion d’animateurs de ces jeunes.

Enfin cette proposition de récollection une fois par an permet de mieux situer à sa juste place la diaspora, soit pour les garçons, soit pour les filles, comme un lieu d’accompagnement et d’approfondissement. Elle témoigne aujourd’hui de l’urgence à un éveil vocationnel auprès des plus jeunes.