Ne vous résignez pas...


Paul ROUMANET,
supérieur du séminaire inter diocésain de Marseille

Des paroles du pape à ARS, sur la "relance" des vocations, il me semble que j’ai retenu principalement deux choses :
"Ne vous résignez pas..."
"Que votre joie soit appelante..."

* "Ne vous résignez pas…"

Voilà ce que j’ai d’abord entendu. Le pape ne fait pas là une exhortation intemporelle. Il parle à des évêques, des prêtres, des diacres et des séminaristes qui vivent une situation bien particulière, celle de la France de 1986. Il sait que malgré un peu plus de 150 ordinations par an, l’ensemble du corps presbytéral accuse un vieillissement et une diminution rapide et que cela retentit beaucoup.

Ce n’est pas le lieu de regarder vers le passé, de chercher à comparer notre situation à d’autres situations antérieures, comme ce n’est sans doute pas le lieu de projeter un avenir. Mais il est sans doute nécessaire de prendre acte d’une situation nouvelle :

La société a profondément changé, et les mentalités avec, de même que les réalités de la vie familiale et de l’éducation des enfants et des adolescents, l’assiette des catholiques pratiquants s’est considérablement réduite et le statut social-religieux du prêtre est moins évident, enfin l’accueil et la profession de la foi dans un monde sécularisé sont difficiles.

Tout ceci, et quelques autres raisons encore, indique que la situation a changé, que des lieux traditionnels de "naissance de vocations sacerdotales" ont disparu, que certains "chemins de l’Appel" n’existent plus. Des vocations naissent pourtant, il nous semble que c’est par une sorte de miracle et qu’on a aucune assurance pour l’avenir.

Cette prise de conscience assez nouvelle pour beaucoup de prêtres entraîne une double tentation :

- celle du regret du temps passé où l’on savait ce qu’on pouvait faire pour les vocations et l’aveu d’une impuissance résignée,

- celle, plus subtile sans doute, de ceux qui prenant acte de la situation, veulent avec courage préparer l’avenir de l’Eglise. Ils misent sur l’engagement de nombreux chrétiens, et leur tentation c’est le risque d’accepter trop vite qu’il y ait peu de prêtres.

Aux uns et aux autres, le pape dit : "ne vous résignez pas..". Nous le savons, l’Eglise ne peut pas vivre sans prêtres. Certes, les baptisés jouent et doivent jouer un rôle de plus en plus important dans l’Eglise. Mais pour vivre pleinement leur vie chrétienne et jouer pleinement leur rôle dans une Eglise au service du salut du monde, ils ont besoin du ministère des prêtres.

Certes, les communautés chrétiennes sont obligées de s’organiser pour le présent et pour le futur à partir de cette situation : pourtant, tout en faisant face à la situation, il ne faut pas se démobiliser trop vite, il ne faut pas se résigner.

Alors, à chacun de ceux qui sont là, le pape pose une question directe :
"Demandons-nous si nous faisons tout le possible pour aviver dans le peuple chrétien la conscience de la beauté et de la nécessité du sacerdoce, pour éveiller les vocations, les encourager et les faire mûrir..."

A ceux qui veulent bien s’interroger avec lui, le pape indique ensuite deux pistes : celle de la Prière, car nous ne pouvons pas oublier que toute vocation est Don de Dieu, - celle des Services des Vocations et de leurs initiatives, invitant ainsi chacun à travailler avec toute l’Eglise diocésaine, ou même nationale. Pas de solution miracle, pas de fixation sur un nombre idéal comparable aux anciens, mais une invitation à lutter, une invitation à être des porteurs de vie y compris en ce domaine des vocations. N’est-ce pas ce qu’en d’autres termes le pape va dire un peu plus tard aux séminaristes....

* « Que votre joie soit appelante… »

J’ai entendu cela dans les paroles adressées aux séminaristes. Les termes mêmes du pape sont ceux-ci :
"Je compte sur votre joie de consacrer votre vie à l’Eglise pour susciter d’autres candidats..."

Ces mots s’adressent très particulièrement aux séminaristes. Parmi les paroles qu’il leur dit, cette parole apparaît comme tout à fait capitale par rapport aux vocations.

Ces quelques mots laissent bien apparaître que la question des vocations préoccupe le pape. Tout à l’heure, il avait ouvert des voies d’action du côté de la prière et du côté des initiatives prises par les Services des Vocations pour sensibiliser le peuple chrétien. Maintenant, il marque pour les séminaristes une de leurs chances propres : celle d’être des témoins qui suscitent. Des témoins qui suscitent, non par quelque témoignage plus ou moins présenté, mais en raison de ce qu’ils vivent et en particulier par leur "joie de consacrer leur vie à l’Eglise".

Cette joie que le pape attend des séminaristes, n’est certes pas une euphorie superficielle, mais bien, comme il vient de le rappeler aux prêtres, cette joie profonde, don gratuit de Dieu, à celui qui par toute sa vie se donne à Lui. Cette joie de consacrer leur vie à l’Eglise, qu’elle s’exprime d’une façon ou d’une autre, est au coeur des séminaristes. Le pape la constate et l’espère, comptant sur elle comme sur un levain susceptible de faire lever des vocations nouvelles. Il y a là une provocation faite aux séminaristes, n’y a-t-il pas en même temps une provocation faite aux prêtres ? N’est-ce pas à nous aussi, prêtres, que s’adresse ce mot : "je compte sur votre joie de consacrer votre vie à l’Eglise pour susciter des vocations".

Cet appel vient bien après la longue invitation qui nous était faite de revivifier notre vie de prêtre étroitement liée au Christ par la communion personnelle et le ministère. Il nous invite à vivre dans la joie ce service de l’Eglise, et à espérer qu’à travers ce que nous ferons et dirons, transparaîtra cette joie, qui ne peut être qu’appelante.

Cela n’est pas non plus étranger au peuple chrétien. Chaque chrétien est mis en cause dans la manière dont il vit sa vie chrétienne et par rapport au regard qu’il porte sur cette vocation de prêtre (et sur les autres bien sûr). Le témoignage vivant des uns ne sera bien reçu que dans un peuple attentif et participant. C’est tout un climat qui est à renforcer ou même à créer. C’est bien à cela que s’emploient les Services des Vocations à travers les initiatives de ces dernières années.

Ainsi, dans cette perspective d’une relance de l’appel à la vocation presbytérale, voilà les deux paroles du pape à ARS qui ont le plus attiré mon attention : "Ne vous résignez pas...", "je compte sur votre joie de consacrer votre vie à 1’Eglise...".

Nous sommes en train d’apprendre à vivre avec moins de prêtres, cette expérience fera sans doute découvrir à notre Eglise des possibilités nouvelles, mais dans le même temps il est bien évident que nous devons nous battre pour que des chrétiens répondent à cette vocation et soient par leur ministère d’évêque, de prêtre et de diacre, source de vitalité pour la vie et la mission de l’Eglise.

Dans ce combat, outre toutes les actions diverses qui naîtront dans notre Eglise, une de nos "armes" sera, nous rappelle le pape, chez les séminaristes (et chez les prêtres), "leur joie de consacrer leur vie à l’Eglise".