Pour une pastorale de l’appel


Mgr Joseph ROZIER,
évêque de POITIERS

INTRODUCTION :

Le problème de l’appel n’est pas une question préalable ou subsidiaire par rapport à la vie de l’Eglise. Il se situe en son coeur même.

N’est-ce pas ce qui apparaît dans toute l’histoire du Salut ? Dans la ligne de la révélation, "le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, le Dieu de Jésus-Christ" est un Dieu qui appelle. Cela fait partie de son mystère et constitue un trait de son visage. C’est particulièrement vrai du témoignage de l’Evangile. Les appels que Jésus lance ne sont pas quelque chose d’accidentel, de ponctuel. Ils s’inscrivent dans sa pratique, ils font corps avec sa démarche au point que supprimer les séquences et les gestes d’appels c’est rendre inintelligible l’histoire de Jésus-Christ.

C’est cette logique et cette dynamique qu’il faut retrouver dans la pastorale de l’Eglise qui doit intégrer comme une dimension constitutive de sa mission le souci de l’appel.

C’est ce témoignage qui nous a été donné par le pape Jean Paul II, lors de son récent passage en France. Sa démarche et son discours ont en effet une signification et une résonance d’appel. Il convient de s’en ressaisir, d’en dégager les lignes de force pour renouveler les motivations et les formes du souci et de la pratique de l’appel.

Il y a à prendre en compte à propos de l’appel ces différentes perspectives :

- les dynamismes qui le véhiculent

- les pôles qui l’expriment

- le champ où il s’inscrit.

I - LES DYNAMISMES QUI VEHICULENT l’APPEL

Il faut retrouver la dynamique sous-jacente aux propositions du pape Jean Paul II et les ressorts qu’elles font jouer. Il semble que ces ressorts se situent sur trois plans et puissent être définis et ressaisis dans ces convictions :

- l’histoire a un sens

- l’Eglise a un avenir

- le prêtre a une mission

1) L’histoire a un sens

Le pape Jean Paul II en a appelé avec insistance à un regard positif sur le monde. Cet appel s’est concrétisé dans des formules très précises :

A - REGARDER LE MONDE :

"Ce que je ferais à votre place, dit-il : je regarderais le monde avec vous"

Et ce regard embrasse le double volet de la réalité :

"Commencez par apprécier ce que vous avez... commencez par discerner les beautés du monde, par découvrir les beaux gestes de vos frères, et même reconnaître simplement les bonnes dispositions que Dieu a mises dans votre coeur".

Et cette approche n’est pas située sous le signe de la facilité ni de la concession :

"N’acceptez pas de transiger avec la vérité, le bien, le respect et la dignité de l’homme, ce sont les principes du monde nouveau".

Un appel se reconnaît à ce signe qu’il fait surgir dans le cœur des dynamismes de création, de confiance, de réconciliation. Ne s’agit-il pas de rejoindre la bénédiction primordiale qui ponctue l’œuvre de création : "Dieu vit que cela était bon". Ce n’est pas de l’euphorie. C’est la perception de ce qui constitue au cœur des réalités de la vie des hommes, le projet de Dieu appelant chacun à exister dans le meilleur de lui-même.

Un appel authentique ne peut se fonder sur une disqualification du monde ni sur une condamnation de l’histoire.

Mais de ce monde aussi il faut entendre les souffrances et les appels. C’est aussi une manière de regarder le monde avec le regard du Christ, découvrant la foule comme "un troupeau sans berger" et la liste est longue des maux qui l’accablent ou qui le meurtrissent :

"Tant de solitudes humaines, le chômage de tant de jeunes, les misères de toutes sortes, les illusions d’une fausse liberté, même les risques inhérents au progrès nucléaire, à l’envahissement des gadgets artificiels, à une technicité qui augmente l’anonymat, qui dépersonnalise et va jusqu’au commerce des embryons humains. Dénoncez sans crainte ce qui est lié d’une façon plus évidente au péché des hommes, à leur cœur dur, violent, haineux, à leur faiblesse morale, à leur peur égoïste.."

La lucidité est aussi la marque d’un appel en vérité. Le premier effet de l’appel est une ouverture des yeux, des oreilles, du cœur. Voir ce qui blesse l’homme, ce qui abîme le monde c’est déjà percevoir le sens de l’œuvre à faire.

B - DANS CETTE OEUVRE CHACUN EST APPELE A S’ENGAGER A SON NIVEAU :

"L’amour ne se contente pas de regarder : il essaie d’apporter sa part de soulagement, d’entre aide concrète et inventive, de prière... Les chrétiens ne sauraient déserter les tâches de ce monde, ils doivent les entreprendre avec plus d’enthousiasme, dans l’amour et dans l’espérance... et vous, chers jeunes, dès maintenant, à votre âge, là où vous êtes, prenez votre part au relèvement du monde. Préparez-vous à y jouer un rôle, un rôle de service par toutes les compétences humaines, scientifiques, techniques que vous êtes en train d’acquérir".

La visée de cette action n’est pas seulement de changer le monde, par le biais des structures, mais de se changer soi-même, de changer les cœurs :

"Il faut que les choses changent. Il faut d’abord que le cœur de l’homme change. Du cœur dépend le regard attentif et bienveillant, du cœur dépend le geste d’entre aide des mains".

Ainsi l’amour s’enracine dans le cœur, mais il s’inscrit dans les actes. Cet agir est le lieu même où naissent les signes de l’appel et où s’enracine le dynamisme des réponses.

2) SI DANS CETTE HISTOIRE IL Y A UN SENS,1’Eglise a un avenir

La question était posée d’une manière percutante, incisive :

"Dites-nous, Saint Père, l’Eglise a-t-elle un avenir ?"

Et la réponse est arrivée sous une forme percutante et martelée :

"Oui... Elle... en... a... un... : car elle est fondée sur le Christ vivant"

Pour croire que l’Eglise a un avenir, il faut s’en sentir solidaire. Cela suppose qu’elle n’est pas vue de l’extérieur comme une institution étrangère mais comme un être vivant par rapport auquel on est soi-même en situation.

"L’Eglise nous intéresse, disent les jeunes, pour nous c’est un choix, une démarche personnelle".

Et Jean-Paul II, de reprendre :

"L’Eglise vous la voudriez toujours accueillante, pleine de générosité, transparente à l’évangile... Moi aussi... Mais l’Eglise a des imperfections, des rides. Elle peut en avoir aujourd’hui, ce n’est plus une adolescente. C’est une mère qui, depuis 2 OOO ans, est affrontée aux secousses de l’histoire, aux tentations du monde... L’Eglise n’est pas un club fermé de soi-disant parfaits, mais un rassemblement de pécheurs réconciliés, en route vers le Christ avec leurs faiblesses humaines".

L’Eglise est impliquée dans le jeu de l’appel et de la réponse. Elle ne joue pas seulement comme un réceptacle, ni une caisse de résonance. Elle joue comme une médiation. L’Eglise est elle-même parole. Elle parle, par son visage, sa vie, ses membres. Pour que l’appel passe, il faut que l’Eglise parle dans l’expérience même des jeunes.
Et c’est pourquoi Jean Paul II renvoie les jeunes aux communautés d’Eglise qu’ils sont appelés à former :

"La vie du corps n’a pas seulement des structures, une ossature ; elle a des relais, des communautés à taille humaine où il est plus facile de partager, de donner et de recevoir. Votre famille, chacun de vos Mouvements, vos aumôneries sont des relais, la paroisse est aussi un relais nécessaire... Prenez-y part simplement, activement dans le respect des autres, apportez votre musique mais harmonisez-la avec le concert de vos frères et sœurs différents de vous".

Cette musique n’est pas une mélodie solitaire. Elle doit rejoindre et enrichir la grande harmonie de l’Eglise à laquelle il faut rester accordé .

Rien de plus suggestif pour évoquer l’avenir de l’Eglise. L’Eglise se trouve liée au destin même du monde et au vouloir vivre qui habite le cœur des hommes et en particulier des jeunes.

L’Eglise est en quelque sorte la partition, et le Royaume la musique de ce morceau que le monde est appelé à jouer. Elle révèle que l’humanité a vocation à être un "chœur" où les différences, les dissonances même construisent le chant de l’histoire de l’humanité et la trame de son dialogue avec Dieu.

N’est-ce pas sur un autre registre une manière de dire que l’Eglise est "sacrement de Salut pour le monde" ?

3) Alors, DANS CETTE EGLISE QUI A UN AVENIR, le prêtre a une mission

Dans le corps du Christ, une place particulière revient au prêtre... Le prêtre accomplit une fonction distincte de celle des autres baptisés : au nom du Christ, tête du Corps, il rassemble ses frères comme pasteur, il veille à ce que sa parole authentique leur soit accessible, il pardonne les péchés, il rend présent le Corps et le Sang du Christ pour en nourrir ses frères, et il reste à leur disposition pour les soutenir et les conseiller.

Alors l’interpellation arrive directe et provocante :

"Comment serait-il possible que du groupe de jeunes croyants que vous êtes, généreux et avides de bâtir l’Eglise, ne se lèvent pas des vocations sacerdotales et religieuses ?... J’ai confiance ! Et dans la voie du sacerdoce comme dans celle de l’union conjugale l’engagement est possible dans une démarche durable et fidèle".

"C’est possible..." : c’est le maître mot qui semble libérer les énergies et ouvrir les espaces du désir et du risque.

L’allocution à ARS : Jean Paul II a développé le sens de la mission du prêtre comme "annonciateur de la Bonne Nouvelle, dispensateur des mystères de Dieu et pasteur...". Il a mis en relief l’importance et la nécessité du rôle du prêtre rendues plus impératives encore par le développement de la participation des laïcs à la vie et à la mission de l’Eglise.

"Pour que les baptisés exercent pleinement leur rôle prophétique, sacerdotal et royal, ils ont besoin du sacerdoce ministériel, par lequel leur est communiqué de façon privilégiée et tangible le don de la vie divine reçue du Christ tête de tout le corps. Plus le peuple est chrétien et prend conscience de sa dignité, de son rôle actif dans l’Eglise, plus il ressent le besoin du prêtre qui soit vraiment prêtre."

Ainsi le ministère trouve-t-il un surcroît de signification et de dynamisme dans cette articulation avec la vie d’un Peuple et le service de sa mission.

Il y a donc une cohérence, une dynamique qui se dégage de cet emboîtement des réalités et des lignes de force. Dans un monde qui a un sens, l’Eglise a un avenir et le prêtre une mission.

Cela évoque peut-être l’image et la logique d’une fusée à trois étages. Mais ne nous y trompons pas. On n’est pas dans un système mécanique ou électronique. On est dans une logique du vivant et de ce fait, l’allumage, si l’on peut dire, peut se faire à chacun des étages.

La vocation au ministère n’est pas le couronnement de la trajectoire d’une existence réussie, bien assise sur une sagesse de vie et une expérience d’Eglise sans fissure.

On peut citer dans ce sens le témoignage des jeunes de la J.O.C. à la rencontre de Villavenir : La question était posée à ceux qui se présentaient au stand des vocations : "le prêtre a-t-il un avenir ?" et la réponse s’est dessinée dans une affirmation : "dans une société où rien n’est fiable, ni propre le prêtre a certainement un avenir".

Le ministère apparaît dans cette perspective comme source de sens pour l’Eglise et d’espérance pour le monde.

II - LES POLES d’EXPRESSION QU’IL APPELLE

Cela est le signe que dans le jeu de l’appel, deux pôles fonctionnent d’une manière conjointe ou alternative : le pôle christologique, le pôle ecclésial.

C’est ce qui apparaît d’une manière très manifeste dans le discours de Jean Paul II.

- L’APPEL VIENT DU CHRIST. - La référence à l’épisode du jeune homme riche joue d’une manière privilégiée :

"Chers amis, le Christ fixe son regard sur chacun de vous, quel qu’il soit, comme sur le jeune homme riche de l’évangile".

- Et l’APPEL PART AUSSI DES BESOINS DU MONDE ET DE LA MISSION DE l’EGLISE à travers lesquels le Christ nous fait signe :

"Considérez avec ce regard évangélique tous vos frères dans le besoin..."

Il s’agit en vérité de retrouver l’attitude même du Christ dans son rapport au monde, de communier aux sentiments de son cœur et de s’engager dans son projet :

"On lit qu’un jour, dans l’évangile, Jésus se trouvait devant une grande foule, environ 5 OOO personnes avides de 1’écouter, d’être libérées de leurs maux, de trouver auprès de lui les raisons de vivre, mais ils n’avaient pas à manger. C’était le soir, c’était le désert. Jésus ne voulait pas les renvoyer sans manger... Et vous, chers amis, vous me semblez pleins de sincérité, de générosité devant les foules du monde aux multiples besoins..."

Dans cette parole du Curé d’Ars que cite Jean Paul II coïncident ces deux appels : "Le sacerdoce c’est l’amour du cœur du Christ". Le sens du ministère c’est de signifier l’amour du Christ Pasteur pour les hommes et le don qu’il fait de sa vie pour le monde.

Cette double référence est à intégrer dans la conception de l’appel et à mettre en oeuvre dans la pastorale des vocations.

Il faut croire qu’aujourd’hui le Christ fait signe à des garçons et des filles, des hommes et des femmes comme naguère. Le "viens et suis-moi" est une parole qui s’exprime aujourd’hui, un dynamisme qui s’exerce, cela fait partie de notre foi. Il entraîne l’attachement à la personne du Christ et aussi la communion à son oeuvre de salut.

Et cet appel joue sur des êtres en situation, dans une psychologie donnée, à des niveaux de foi divers. Il convient de créer les conditions de sensibilisation à l’appel du Christ. C’est tout un travail d’ouverture à l’évangile, de découverte du Christ et de son message, de sa personne et de sa mission. Il faut permettre au Christ d’exister dans une vie et de parler dans un cœur.

- L’APPEL PART AUSSI DE 1’AUTRE BOUT : CELUI DE LA VIE DE l’EGLISE.

Il est lié à tous les éléments qui en constituent la vie et la mission : à la vitalité de la communauté où l’on est situé, à la qualité du projet spirituel et apostolique qui est mis en oeuvre, à la découverte et à la conscience des besoins de la mission.

Dans cette perspective et sur tous ces points, une tâche de sensibilisation est à accomplir. Le besoin d’apôtres et de ministres s’inscrit dans les situations qui sont aujourd’hui vécues.

Une approche purement fonctionnelle ne suffit pas. Il ne s’agit pas seulement d’un besoin d’acteurs pour que des tâches soient remplies en liturgie, en catéchèse, en animation dans le cadre des communautés. Une approche missionnaire et apostolique est nécessaire. Et cela va plus loin. Elle est liée à une perception des tâches de la mission et des besoins spirituels des hommes.

Là où le désert se fait (au plan ministériel) les questions qui surgissent sont des questions fondamentales comme celle-là : qui rassemblera ? Qui portera le souci de tous ? Qui ouvrira l’accès à la Parole et au Corps du Christ ?

Cela va plus loin que de remplir des fonctions. Il s’agit d’une perception des besoins spirituels telle qu’elle s’inscrit dans le cœur du Christ d’où ont jailli ces mots : "J’ai pitié de cette foule..."

III - CHAMP DANS LEQUEL S’INSCRIT I’APPEL

Dans quel champ de civilisation, de mentalité se pose le problème de l’appel ? Dans quel terrain tombe aujourd’hui la semence de vocation ? quelle signification dans ce contexte prend l’appel à la vie évangélique, au ministère, et la réponse qu’il suscite ?

Certains traits s’imposent à l’observation :

1) Contexte d’indifférence

La barque de l’Eglise ne connaît pas aujourd’hui l’épreuve de la tempête et l’assaut des vagues, mais l’épreuve du calme plat, de la mer étale sans vent, sans horizon et apparemment sans écueil. L’esprit de matérialisme pratique et d’indifférence tranquille caractérise notre société de consommation.

Comment faire naître dans ce contexte le sens des besoins spirituels ? L’appel au ministère et à la vie religieuse signifie dans ce contexte qu’il existe d’autres valeurs, d’autres réalités nécessaires à la vie de l’homme et sur lesquelles on peut jouer sa vie. N’est-ce pas un lieu et un moyen où la mission de l’Eglise joue comme "serviteur public de la transcendance" selon l’expression des évêques à Lourdes ?
L’appel à suivre le Christ crée une brèche dans un univers fermé et provoque un appel d’air. C’est la proposition et la possibilité d’une nouvelle respiration.

2) Contexte de positivisme

La culture technicienne marque les mentalités et crée partout la primauté du fonctionnement, du pragmatisme, de l’utilitaire, en se situant simplement dans l’ordre des choses à faire et des fonctions à remplir. On est dans une problématique d’efficacité alors que la problématique du ministère est de l’ordre de la signification, c’est-à-dire de l’ordre symbolique.

Il y a le risque d’une double impasse :

- d’une part le prêtre peut être remplacé dans beaucoup de tâches à faire. C’est ce qui se produit aujourd’hui dans la redistribution des responsabilités. C’est a coup sûr une étape positive pour l’Eglise ;

- d’autre part, le ministère du prêtre n’apparaît pas gratifiant au plan de l’efficacité. Son impact social, apostolique, est difficile à mesurer et les bilans sont exposés à tourner court.

Le ministère se situe et joue dans l’ordre symbolique. Il est le signe de quelque chose : signe de la tradition apostolique, signe de l’altérité de Dieu, signe de la communion ecclésiale. Cela ne se mesure pas en termes de marketing, de stratégie, de produits quantifiables.

Dans ce contexte, l’appel au ministère a un effet d’ouverture culturelle. Il fait apparaître cet ordre de réalités et de valeurs qui sont essentielles et caractéristiques de l’expérience humaine dans ce qu’elle a de spécifique. Aimer, rencontrer, admirer, servir, souffrir, se réjouir, se donner, risquer sa vie sont les ressorts profonds et permanents de l’existence.

Le ministère est peut-être au plan humain la traduction institutionnelle la plus caractéristique de ces réalités fondamentales de notre histoire personnelle et collective.

3) Contexte de fatalité

Un des traits caractéristiques de notre époque est aussi la tentation du fatalisme devant les grands défis qui se présentent dans le champ des réalités :

- Défi de l’emploi (ou du chômage). C’est une situation vivement ressentie, surtout par les jeunes. La perspective du chômage et l’impression de l’inutilité qui engendre d’emblée le sentiment non seulement d’insécurité, mais du non sens de l’existence. A quoi bon un monde, une société où l’on ne peut espérer avoir une place ?

- Défi de la paix devant un monde marqué par l’explosion des violences et la généralisation des rapports de force.

- Défi de la justice et de la solidarité internationale dans un monde ou les inégalités se creusent, où les gaspillages insultent la misère à l’échelle des continents

- Défi des Droits de l’Homme dans un contexte politique où les frontières de la liberté semblent reculer.

Cela pèse lourdement sur les mentalités et crée une force de dissuasion sur tout ce qui est projet de vie. La pastorale des vocations passe ici par une éducation de l’espérance. Le Christ est celui qui a "défatalisé l’histoire" (Roger Garaudy). Il faut révéler les dynamismes positifs de la conscience et de l’Esprit de Dieu au travail dans les cœurs. Lancer l’appel, dans ce contexte, c’est promouvoir cette conviction, cette conscience que l’enjeu d’un choix de vie n’est pas seulement la réalisation d’une existence mais la réussite de l’histoire, la réussite de l’œuvre de Dieu dans l’histoire.

4) Contexte d’appauvrissement affectif et d’avilissement sexuel

On assiste à la fois aujourd’hui à une hypertrophie et une banalisation de la sexualité. Cela a pour effet le déboussolement affectif, le libéralisme sexuel, la déstabilisation familiale.

La foi, en ce domaine introduit le souci de la dignité et la question du sens. La conscience de l’appel de Dieu et la volonté de la réponse invitent à la maîtrise de soi qui conditionne le don de soi-même et au respect de l’autre qui permet le sens du service.

Ainsi la pastorale des vocations par les questions qu’elle pose, les expériences qu’elle suscite, a valeur pour l’évangélisation. Susciter des lieux d’Eglise, constituer des communautés, des groupes autour de la question de l’appel, c’est déjà attester qu’il existe des valeurs et des perspectives susceptibles de mobiliser des existences. C’est signifier qu’il existe Quelqu’un capable de remplir les cœurs, des garçons et des filles, des hommes et des femmes, aujourd’hui, capables de se passionner pour sa personne et pour son projet.

CONCLUSION

On connaît de Bergson, à propos des saints et de l’originalité de leur témoignage : "Ils n’ont pas besoin de parler... leur existence même est un appel".

Cela peut sans doute s’appliquer à notre sujet. Y a-t-il à se préoccuper sous son aspect formel de la question de l’appel ? Tout ne dépend-il pas du témoignage de l’Eglise et de ses membres qui a, ou qui n’a pas, une valeur d’appel ?

Certes, il convient d’affirmer très fort l’importance et la nécessité du témoignage. C’est un facteur primordial. Il en va de la vocation sans doute comme de l’éducation : "Elle a un caractère atmosphérique" selon le mot de Jean Lacroix.

C’est le témoignage des personnes, le dynamisme des communautés, le rayonnement des expériences qui comptent et qui conditionnent la crédibilité et l’impact de toute parole.

Mais il faut que cette parole existe. Il faut en déterminer les modalités, les lieux, les moments. Il faut en articuler l’expression. Il faut en prendre le risque. Jean Paul II nous en a donné l’exemple.

S’agissant du ministère apostolique, un renversement de perspective et de mentalité n’est-il pas à opérer ? On en vient à dire assez fréquemment que les communautés doivent produire les ministres.

Les communautés sont le lieu de l’appel, le terrain où la semence des vocations peut germer et mûrir. Mais ce n’est pas la communauté qui fait le ministre. C’est en réalité le ministre qui fait la communauté comme communauté d’Eglise.
La question de l’appel ne peut donc pas rester à l’état d’enfouissement inscrite seulement dans la logique interne des communautés et de la vie de l’Eglise.

Il faut que l’appel émerge dans des signes, des paroles, des événements. Si l’existence authentifie la parole, la parole de son côté qualifie l’existence. Ne faut-il pas faire exister la parole pour que l’existence puisse parler ?

"Priez le maître de la moisson d’envoyer des ouvriers dans sa moisson...".

La préoccupation de l’envoi, donc de l’appel, est ainsi assignée comme objectif à la prière. Mais rien ne-peut s’exprimer au plan de la prière qui ne se traduise au plan de la vie. S’il y a un spécifique de l’appel à porter au plan de la prière, il doit aussi se concrétiser au plan de l’action.

Ainsi, la pastorale des vocations n’est rien d’autre que le déploiement dans la prière et dans la vie de l’Eglise de cette prescription évangélique. Elle contribue à susciter et à nourrir dans les cœurs et dans les consciences l’attachement au Christ et la passion de son Royaume.