Atelier "Renouveau - S.N.V." : Un premier bilan


Marc LEBOUCHER

Depuis plus de trois ans, l’Atelier "Renouveau-Vocations" poursuit un travail de réflexion au service de la vocation des jeunes engagés dans le Renouveau.
Regroupant des représentants de diverses communautés nouvelles, des responsables de Services Diocésains des Vocations ainsi que l’équipe nationale du S.N.V., cet Atelier se veut d’abord un lieu d’information privilégié et de meilleure connaissance mutuelle. Dans un climat d’Eglise fraternel, il essaie d’être aussi un espace de dialogue critique, pour aborder en vérité des questions vocationnelles centrales comme l’identité chrétienne des jeunes ou les pédagogies d’accompagnement. Il livre aujourd’hui à JEUNES ET VOCATIONS un premier bilan non exhaustif de son travail.

Trois thèmes centraux ont jalonné la réflexion de l’Atelier :

- nos conceptions de l’expérience spirituelle

- l’identité chrétienne des jeunes

- nos pédagogies d’accompagnement.

I - Des chemins divers pour aborder l’Evangile

Si une conviction commune habite l’Atelier pour reconnaître que la Parole de Dieu s’exprime au cœur de nos vies et les transforme, on constate vite qu’il existe bien deux sensibilités différentes et complémentaires de l’expérience spirituelle :

A) le Renouveau met l’accent sur le caractère prophétique de la Parole de Dieu

La rencontre du Seigneur est d’abord une expérience spirituelle forte et inattendue, fondatrice ensuite pour la vie de foi. D’où une insistance sur la prière gratuite, l’adoration, la recherche d’une rencontre immédiate avec un Dieu qui bouleverse par le souffle de son Esprit et rassemble l’Eglise.

B) les Services Diocésains des Vocations insistent davantage, quant à eux, sur l’Incarnation, la foi vécue au cœur d’une histoire quotidienne.

Moins centrée sur une rencontre immédiate avec le Seigneur, la recherche spirituelle est d’abord expérience pascale, patiente découverte d’un Dieu qui parle au creux de nos existences. Elle invite à incarner 1’aujourd’hui de l’Evangile au sein d’une Eglise envoyée en mission.

Cette description des deux approches spirituelles reste sommaire et n’entend pas opposer l’une à l’autre : pour l’Atelier, ces deux conceptions se complètent et sont constitutives aussi de la richesse de l’Eglise. Cette diversité légitime se retrouve dans les pédagogies d’accompagnement et amène à remarquer trois points d’attention :

  • La pluralité des lieux de formation, des cheminements dans la foi. On ne va plus seulement de l’Eglise au Christ : le parcours inverse existe de plus en plus.
  • L’expérience du renouveau reste encore mal comprise dans l’Eglise, même si certains événements, comme le récent voyage de Jean Paul II, ont contribué à changer un peu les mentalités
  • Une certaine approche de la spiritualité du Renouveau fait parfois l’impasse sur l’humanité des sujets.

II - Des Jeunes en quête de sens

Que disons-nous de leur identité chrétienne, de leurs aspirations et de leurs mangues ?

1) des aspirations, des points d’appui

Les jeunes sont à la recherche d’une identité et d’un sens à leur vie. Ils font preuve de générosité, d’une capacité à se donner, d’aspirations à la prière et à la vie communautaire. Très affectifs, ils ont besoin d’être écoutés, reconnus. Plus sensibles aux témoins qu’aux idéologies, ils réagissent contre une Eglise trop cérébrale ou désenchantée.

Si l’on veut affiner l’analyse :

  • chez les 14-18 ans, volonté d’être- des jeunes comme les autres, avec un plus dans leur vie, un sens, et le besoin de se donner, de témoigner
  • chez les 18-30 ans, quête d’un mieux-être, d’un épanouissement personnel plutôt gué recherche d’un engagement visant à transformer le monde.

2) des manques à prendre en compte dans l’accompagnement

  • Mangue de structuration de la personne :
    fragilité psychologique, difficulté par rapport au Mal et à la souffrance
  • fragilité dans la prière :
    on passe facilement du grand enthousiasme à la désolation, on souhaite d’emblée des réponses pour sa propre vie. De plus, la prière du Renouveau a parfois tendance à développer la "zone imaginaire et affective" de l’être de manière exagérée, ce qui n’est pas le tout de l’expérience spirituelle. Les jeunes ont du mal aussi à se plier à des contraintes de régularité.
  • vécu ecclésial difficile :
      • on constate souvent un décalage entre cette demande spirituelle des jeunes et ce qu’ils trouvent dans les lieux d’Eglise qu’ils fréquentent
      • la présence de "chapelles" très rigides dans l’Eglise est nuisible aux jeunes : ils semblent parfois épouser ce type de durcissements, sans doute par requête identitaire, par sécurité.
      • les jeunes ont du mal à se confronter à d’autres jeunes qui vivent des réalités d’Eglises différentes
      • l’Eglise ne paraît pas être leur préoccupation première, par rapport au Christ ou à l’Evangile. Ils n’ont pas conscience de participer à sa mission.
  • manque de formation chrétienne de base, mais aussi de repères éthiques, cognitifs...

Cette longue description des manques remarqués chez les jeunes n’autorisent pas à penser cependant que l’Atelier jette un regard entièrement négatif sur ces derniers. Il traduit seulement le souci d’une pastorale exigeante qui veut faire rencontrer le Christ à une génération qui possède ses caractères propres, ses potentialités et ses limites.

III - La pédagogie d’accompagnement

La diversité des approches évoquées plus haut se retrouve aussi dans l’accompagnement, en deux inflexions :

  • Le RENOUVEAU met l’accent sur la mise en présence radicale de Dieu (à travers l’adoration, la prière, la vie communautaire...) la nécessité d’une forte expérience spirituelle pour interpeller la personne.

    Ceci va conduire ensuite à un processus de reconstruction personnelle, de guérison, de pardon. La personne s’ouvre peu à peu au travail de la grâce et l’accompagnateur, qui peut être aussi la communauté, est davantage un témoin confirmant de ce progrès dans l’Esprit qu’un soutien pour une relecture de l’histoire personnelle.

    Cette pédagogie en deux temps se retrouve, avec des nuances, dans beaucoup de communautés nouvelles. Le "PAIN DE VIE" aide ainsi à la restructuration personnelle de jeunes blessés par la vie (drogués, alcooliques,..) par la rencontre du Christ.

    La même démarche existe au "LION DE JUDA" (on laisse agir d’abord le Seigneur pour proposer un accompagnement personnel ensuite), ainsi qu’au "CHEMIN NEUF" à travers les propositions de retraites ignatiennes.

    La Communauté Chrétienne de Formation a le souci, pour sa part, de permettre l’autonomie de la personne, à l’aide d’un accompagnement pluriel.
  • Les SERVICES DIOCESAINS DES VOCATIONS insistent davantage, quant à eux, sur l’importance des médiations humaines, en offrant aux jeunes de relire leur histoire personnelle pour y découvrir l’action de Dieu. Ils ne mettent pas d’emblée le jeune en face de la radicalité du message mais préfèrent lui faire prendre de la distance, afin qu’il mesure mieux que le Père l’appelle au cœur d’une existence incarnée.

    Les S.D.V. croient d’abord à un accompagnement "à petits pas", qui passe par des voies humaines, pour vérifier la réalité de l’expérience spirituelle à travers différents points :
    - souci d’une prière impliquante, incarnée
    - aider à une autonomie, une liberté par rapport lux parents,...
    - permettre l’insertion ecclésiale
    - relations avec l’entourage
    - appel à certaines médiations (sciences humaines, lectures...)
    - confrontations avec d’autres qui vivent une même recherche (cf. groupes de recherche)

    L’accompagnement doit permettre aux jeunes de progresser en confrontant sans cesse son existence à la Parole de Dieu, en prenant du temps pour s’arrêter sur son histoire personnelle.

Ces deux sensibilités visibles dans l’accompagnement n’empêchent pas, cependant un consensus de l’Atelier sur certains points et questions :

1) L’accompagnement est AU SERVICE d’UNE LIBERTE,
AU SERVICE d’UNE PERSONNE A RESPECTER

Il est essentiel de prendre le jeune là où il en est de son cheminement spirituel, avec une pédagogie par étapes.
D’où une indispensable réserve de l’accompagnateur, car les risques de manipulation existent, sans exclure une certaine fermeté bienveillante de sa part.

2) L’accompagnement doit s’enraciner dans LA PRIERE
et permettre son apprentissage

- enracinement dans la prière des accompagnateurs

- proposer une pédagogie de la prière, avec des passages obligés

- mieux articuler une prière gratuite et une prière plus enracinée dans le quotidien

3) L’accompagnement doit permettre LA RENCONTRE DE TEMOINS
(L’accompagnateur mais aussi d’autres, engagés ailleurs,..),
offrir DES EXPERIENCES DE VIE

4) L’accompagnement doit initier au SENS DE LA DUREE nécessaire pour vivre sa foi dans un monde sécularisé.
En ce sens il ne faut pas opposer de manière rigide lutte/contemplation, spiritualité/mission, dans la démarche pédagogique.

5) L’accompagnement doit permettre UNE CONFRONTATION AVEC LA PAROLE DE DIEU

6) Il doit déboucher enfin sur UNE VERITABLE INSERTION ECCLESIALE, en ouvrant au sens de l’Eglise, à l’engagement et à l’urgence de la mission. Les prêtres ont une place importante à jouer dans la découverte de cette dimension.

Quelques questions

1) Quelle place réelle pour les jeunes "paumés" dans les congrégations "traditionnelles" ?

2) Renouveau et séminaires

3) Les prêtres ne sont pas toujours prêts à accompagner les jeunes ; on manque cruellement de pères spirituels

4) N’y a-t-il pas parfois une confusion entre thérapie et guérison spirituelle, dans la pédagogie du Renouveau ?

5) Ne risque-t-on pas de court-circuiter les médiations humaines en invitant d’emblée des jeunes à de fortes expériences spirituelles, à l’immédiateté ?

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Voila donc un premier écho de cette réflexion commune en Atelier : elle doit nous permettre de progresser dans la remise en cause mutuelle, à travers des suites concrètes. D’ores et déjà plusieurs suites sont envisagées :

  • Trouver une parole de l’Atelier pour le Congrès de Lourdes
  • Elargir à d’autres le travail de l’Atelier : à travers la publication d’un dossier, l’organisation d’une session dans les années à venir...
  • Continuer à approfondir plusieurs questions :
    • les attentes des jeunes aujourd’hui
    • l’accompagnement et, en particulier :
      • la guérison
      • l’expérience mystique
      • le sens de la durée
      • le décalage avec la pastorale actuelle
    • quelle formation aujourd’hui pour les "pauvres", les convertis ?
    • 1’ecclésiologie sous-jacente à nos recherches et nos discours.