Servir la vocation des jeunes aujourd’hui


Edouard O’NEILL,
jésuite, du Centre Spirituel Notre-Dame des Coteaux
et aumônier d’étudiants à TOULOUSE

A partir d’une expérience limitée mais qui m’a permis de rencontrer des scolaires et des étudiants, des fiancés et des jeunes en recherche de vocation, des séminaristes aussi et de jeunes religieux, voici une réflexion pour contribuer à éclairer notre travail au service de la vocation parmi les jeunes de ce temps.

l - LA JEUNESSE EST UNE PRIORITE APOSTOLIQUE DECISIVE. AUJOURD’HUI

Quel est le contexte de cette priorité ? Je retiens trois points :

1 - En bien des régions du monde, la foi chrétienne se trouve liée à des dynamismes sociaux, à des combats pour vivre ou pour survivre. Mais chez nous, en occident, quelle image avons-nous d’un monde nouveau pour la construction duquel nous inviterions les jeunes à se mobiliser ?

2 - Nous touchons bien peu de jeunes : les effectifs sont souvent dérisoires. Cela, dans une société où la foi semble ne pas se transmettre à la génération suivante, et où l’Eglise est de plus en plus minoritaire, et doit apprendre à vivre et à parler comme telle dans une société pluraliste.

3 - C’est avec peu de forces que l’Eglise doit faire face à des données nouvelles :

* UNE GRANDE VAGUE DE SECULARISATION, d’athéisme pratique qui évacue toute préoccupation du sens : "Dieu ou pas, les problèmes sont les mêmes". Indifférence aux grandes questions : c’est trop lointain, trop complexe. La religion est une opinion comme une autre, sans pertinence sociale. Ce qui intéresse les chrétiens n’intéresse pas les gens autour d’eux : ils parlent une autre langue. On respire cette atmosphère à pleins poumons dans les lycées, dans les facs.

* DES CONDUITES INDIVIDUALISTES. Dans cette absence de valeurs communes, on se replie sur l’individuel et le court terme. Malaise d’une société où l’on ne se parle pas, où chacun garde pour soi ses goûts et ses peurs, et évite de prendre position.
La vie est divisée entre un secteur public, professionnel, contraignant, froid, et un secteur privé, chaud, intime, libre. Cette revendication individuelle marque aussi les croyants. Ici tout n’est pas négatif pour la Foi : ce serait même une tâche pour l’Eglise de souligner "les valeurs d’initiative individuelle" (Paul VALADIER, La Croix du 30 Mai 1986 ; et de chercher comment "évangéliser la recherche de bonheur individuel et réinventer le sens chrétien de l’individu" (Gaston PIETRI, ibid.).

* LE RETOUR DU RELIGIEUX. Dans cette société "désenchantée", on voit apparaître, pour le meilleur où pour le pire, cette contre-vague de moindre ampleur, mais qui témoigne d’un "bouillonnement", de courants spirituels nouveaux, de phénomènes religieux que les grandes institutions religieuses ne contrôlent plus : sectarismes, bizarreries, radicalisations intégristes et recherche d’exaltation affective "super" : "on fait le plein de super !" (Pierre MOITEL, in "JESUS").

Face à ces réalités nouvelles et difficiles, l’Eglise se présente avec des forces en récession, fragile, mais porteuse d’un trésor. Mais ce dont le christianisme est porteur ne passe pas bien. Pourquoi ? Maladresse, oeillères, manque de foi ? Les jeunes, peu nombreux, sont touchés de plein fouet par ces mentalités nouvelles. Plus que jamais nous avons à nous mobiliser, tout en acceptant de ne rien maîtriser.

On peut appliquer aux jeunes d’aujourd’hui le regard du Christ sur les foules :

- "Il en eut pitié car ils étaient comme des brebis sans berger" : compassion apostolique qui devine les attentes.

- "Levez les yeux et regardez, déjà les champs sont blancs pour la moisson" : oui, il se passe des choses ; l’Esprit Saint travaille cette génération.

Mais quel tuilage en continu d’une génération à l’autre sera possible ?

J’illustrerai l’ensemble de ce premier point en évoquant ici ce carrefour adultes-jeunes sur le thème : "Famille et transmission de la Foi", au cours duquel des adultes parlaient à l’unisson, de façon grave, douloureuse, mais avec une foi désintéressée, de leurs enfants qui ne pratiquent plus, qui ne croient plus, ne se marient plus, etc., etc. ; et les jeunes disaient de leur coté : "mon père, s’il savait que je suis là, il m’engueulerait et m’interdirait de sortir", "mon père ne croit à rien, mais ma mère s’y est mise quand je m’y suis mise", "ma soeur est athée, mon frère il s’en fout, mes parents ne pratiquent pas, mais ils me laissent faire ce que je veux".
On le voit : des parents sans enfants, des enfants sans parents ; ce décalage est un appel caractéristique d’aujourd’hui et décisif pour demain.

II - RENCONTRE AVEC LES JEUNES AUJOURD’HUI

- LE MONDE DES JEUNES : II faut bien l’évoquer un peu, même si ce qu’on dit est partiel et subjectif.
Tout en élargissant par des lectures ou le point de vue d’autres, je pars de ce que je vois et j’entends, par exemple en aumônerie d’étudiants. Ici, deux flashes rapides :

1) le lieu : la Fac, un très grand parking, beaucoup de couloirs, de la déambulation muette. Quel est le climat dans les amphis ? A quoi pensent les étudiants ? Je cite :
"On est occupé - on accepte sans problème ce qui est demandé - on assure le travail aujourd’hui - une réelle course assez scolaire aux notes - surtout pas de violence - indifférence à tout - ne pas se faire remarquer - chacun fait ce qu’il veut - le sens de la vie ne peut être que momentané : on ne sait pas..., cela dit les gens sont sympas individuellement, plutôt modestes..."

2) Un autre témoignage :
"Climat de fac lourd à supporter : passivité, anonymat, désengagement, chacun pour soi, c’est déshumanisant... Il y a les boums, mais il faut voir ce que c’est... Comme chrétien on se sent minoritaire, marginal... Et comme militant chrétien on se sent d’ailleurs, marginalisé même dans 1’Eglise..."

Et le mariage ? "Dire oui, c’est pas évident, c’est très exigeant. Beaucoup vivent dans le compromis, la concession, on reste ensemble tant qu’on se trouve bien. Le mariage chrétien demande beaucoup de ressources intérieures. Je suis seule à le dire dans mon entourage ; cela fait peur aux autres qui sont prêtes à faire des concessions, à faire ce qu’elles ne veulent pas, pour ne pas risquer d’être rejetées, éliminées... Il y a une grande peur de la solitude. Il y a aussi du découragement vis-à-vis du mariage. D’ailleurs aujourd’hui les gens mariés à l’Eglise se vivent comme marginaux..."

Sans trop noircir le tableau, quelques traits ressortent :

* ABSENCE DE VALEURS COMMUNES EXPRIMEES

Une sorte de vide spirituel dans lequel on grandit, un "moratoire existentiel" (Michel DUBOST). Difficulté à se situer, à se définir. Flottement des valeurs entre les Anciens et les Modernes (Pierre MOITEL). Echec de beaucoup de choses dans une Europe maintenant marquée par le chômage et la désespérance. Manque de repères et d’appui. On ne parle de rien.

* PEUR ET INSECURITE

Ce qui entraîne des réactions variées : il y a les paumés de cette société (individualiste) qui ont besoin d’être déchargés d’eux-mêmes et vont fuir dans certains groupes, ou dans la violence ou la drogue, etc..
Il y a ceux qui joueront le compromis avec la société de consommation et son spectacle...
Il y a ceux chez qui cette situation va stimuler des ressorts de créativité plus personnelle, qui mettent à profit le champ laissé libre à l’initiative individuelle.

* ADOLESCENCE PROLONGEE

Etudes allongées, passage au travail retardé, indétermination maintenue. Difficulté d’envisager le long terme ; on aménage le court terme. Cohabitation plutôt que mariage ; du provisoire (même qui dure) plutôt que du définitif.

* INDIVIDUALISME

Plutôt tolérant, évoluant entre l’indifférence, le mépris et le respect authentique pour chacun. Repli social qui explique l’attachement à la famille, au petit groupe, où l’on cherche des semblables pour être avec eux, ensemble mais en faisant attention, surtout, à ne pas se faire de mal. Surinvestissement de la sphère privée, de l’accomplissement de soi.

Tout cela a des répercussions diverses au niveau religieux :

D’un côté, c’est le "chacun son truc", chacun croit ce qu’il veut ; ou bien l’indifférence, ou bien la privatisation, avec en réaction des tâtonnements ou des radicalisations maladroites plus ou moins nécessaires (même si elles ont peu d’avenir) pour se repérer, s’exprimer, s’insérer dans ce monde trop flou.
Danger d’une Eglise groupusculaire : on veut des groupes légers, diversifiés, des rencontres plutôt gue des organisations ou des Mouvements.
D’un autre côté, dans ce contexte de sécularisation, des jeunes se mettent à croire. Au témoignage de plusieurs, le contexte de précarité fait découvrir la Foi comme stimulant, comme confiance fondamentale qu’on trouvera bien la manière d’inventer sa vie humaine et chrétienne au fur et à mesure... C’est le "Dieu pourvoira" d’Abraham, associé à un désir croissant de maturation personnelle dans sa foi.

Cette foi va s’exprimer à travers certains comportements typiques déjà exposés ailleurs (Jean DRAVET), qu’il est bon de rappeler ici :

- Sens de la gratuité :
Par réaction à une civilisation du calcul et de l’efficacité, les jeunes ressentent d’instinct ce qui est intéressé et ce gui est désintéressé. Passer du temps avec l’autre (quitte à en perdre beaucoup) - disponibilité -valeur de chacun - respect du pauvre - délicatesse mutuelle - accueil de l’improductif - valeur de la rencontre en elle-même.

- Humilité :
Accueil du réel, de l’autre : le laisser parler, ne pas lui couper la parole. On en revient des grandes théories et des prétentions antérieures : gentillesse, humour, sens de la modestie, distance prise vis-à-vis de tout ce gui sent l’arrogance ou la suffisance.

- Sens du possible :
Ici et maintenant. Les micro-réalisations de groupes plus petits, moins ambitieux, plus efficaces pour les hommes. Faire dès maintenant et au mieux ce qu’il est possible de faire.

Ces traits de comportement ont leur ambivalence, mais on voit bien quels développements évangéliques peuvent s’amorcer ici. Plus généralement ce monde des jeunes, sommairement évoqué, suggère des pistes pour agir.

- LIGNES GENERALES d’ACTION :
Dans ce climat général gui affecte la jeunesse, et compte tenu du chômage des jeunes et de la précarité gui peut induire détresse et découragement, COMMENT AIDER UNE CROISSANCE ?

Je suggère quatre perspectives :

1) AIDER LES JEUNES A FAIRE UN PAS EN AVANT
Un peu dans tous les domaines, à partir de là où chacun en est, et un peu à tous propos : aider un déplacement, un petit risque, un petit engagement.
Faire faire l’expérience d’un pas, d’un début de chemin, de croissance, d’un commencement d’histoire.
Expérimenter que quelque chose est possible dans l’ordre de la vie, de la vérité, du bonheur, de l’efficacité au service des autres ; pendant l’année ou pendant les vacances. Pour ne pas stagner mais vivre plus et donner un peu la vie.
D’où la question que je dois me poser de temps en temps : "quel pas en avant j’ai proposé ou je vais lui (leur) proposer ?".

2 ) LIBERER l’INDIVIDU DE SON INDIVIDUALISME
L’individualisme est une donnée de société, avec un côté négatif : être enfermé sur soi, rejet de toute autre considération, chacun dans sa bulle ; et avec un côté positif : défense de sa liberté, volonté de conduire sa vie, chacun sujet de la manière dont il se rapporte aux autres, au monde et à Dieu.
A nous d’aider à séparer le positif du négatif, à valoriser le sujet inaliénable d’un côté et, de l’autre, les références objectives dont il doit tenir compte, l’existence du sujet dans une relation à d’autres sujets. D’ailleurs "l’individualisme ce n’est pas seulement s’éclater soi-même.. c’est aussi "le désir de faire des choses avec plus de choix et moins d’encadrement", écrit Serge LIPOVETSKI - La Croix du 13 Mai 1986. Il y a à promouvoir des expériences de création : c’est là qu’on est le plus soi-même en même temps qu’on sort de soi.
Oui, la visée serait de sauver l’individu de l’individualisme qui l’étouffé. Fortifier l’individu, "autonomiser", ce qui n’empêche pas, au contraire, d’éduquer en même temps à la réciprocité et au service mutuel.

3 ) AIDER LES PASSAGES DE LA COHABITATION AU MARIAGE
au sens propre et au sens figuré. Que le provisoire (qui dure) devienne "dynamique du provisoire", et que l’on puisse passer du séduire/être séduit à engendrer, du court terme au long terme, du travail - contraint au travail sensé, etc. Il n’y a rien à précipiter, mais nous devons tout faire pour faciliter, faire désirer, rendre possible un tel passage.
Ici, c’est peut-être notre regard sur les jeunes et la confiance que nous leur manifestons qui les aidera à avoir suffisamment confiance en eux-mêmes et en d’autres, dans un contexte de fragilité. Plus que jamais on a besoin de rencontrer une confiance en l’homme qui s’appuie sur la confiance en Dieu.

4 ) DIRE CE QUE NOUS AVONS A DIRE
Dans une culture éclatée, où tout est menacé d’insignifiance, où sont sans cesse exaltés le plaisir immédiat, le court terme, le chacun fait ce qu’il veut, etc., dire ce que nous avons à dire peut être une planche de salut, un éveil (si toutefois nous le disons de façon humble, modeste et désintéressée).
Par exemple dire clairement que l’homme est vocation qui le dépasse, histoire, devenir ; que son équilibre global unit inséparablement le physique, le psychique et le spirituel ; que la qualité se paye et que le long terme a du prix. On compte sur nous pour dire cela. Il y a des oreilles qui l’attendent.

Comme nous l’avons dit, il y a des "brebis sans berger" qui attendent de faire l’expérience de repères, de valeurs durables, du goût de vivre et de donner la vie. Il y a du travail à ce niveau.

Mais en même temps nous ajoutons : "levez les yeux et regardez : déjà les champs sont blancs pour la moisson". Dans les Services des Vocations nous sommes bien placés pour le constater. Là, que voyons-nous ? A quoi devons-nous être attentifs ?

III - A PROPOS DES JEUNES RENCONTRES PAR LES SERVICES DES VOCATIONS

A) Population concernée

Celle qui participe à nos groupes, réunions, veillées de prière, week-ends, équipes..., qui cherche le dialogue, qui désire une retraite, etc., ou qui paraît susceptible de le faire ; auprès de qui nous sommes particulièrement envoyés. Vous pouvez mettre bien des visages là derrière ; j’en mets aussi quelques-uns et je me risque à les évoquer.

• DIVERSITE

- Des chrétiens convaincus de leur foi (même s’ils prient peu personnellement et ne se cultivent pas trop intellectuellement), habitués à être minoritaires, militants qui continuent à coller des affiches pour des réunions où presque personne ne vient et qui vivent cela sans drame.

- Ceux qui préfèrent les petits groupes de partage avec la tentation de repli affectif dans le sacré chantant, "que ce soit orgue ou guitare" : musique douce et tendre moquette. La grande Eglise fait peur ; on ne s’en sent pas (le petit groupe fait office de marchepied dans le meilleur des cas).

- Les timides longtemps inhibés, qui peuvent passer des années de fac seuls dans leur piaule, en parlant à très peu de monde, avec une base arrière familiale (week-end), qui passeront plusieurs semaines de suite sur le trottoir en face de l’aumônerie sans oser entrer, ou tout simplement qui passent inaperçus, parfois plus modestes que timides, et qui sont pourtant des porteurs tenaces d’une vocation chrétienne.

- Les tendus,.de la morale, de la doctrine tendance intégrisante, traditionalistes ; radicalisation de toutes sortes... maladroites. Mais certains ont de l’avenir.

- Les vivants (les appeler comme cela n’est pas gentil pour les autres... disons que c’est même injuste. Les autres aussi sont vivants, mais précisément le travail consiste à s’en assurer !).
Disons "les types qui font quelque chose, qui ont des relations et des activités à la fois du côté de l’Eglise et du côté des incroyants, qui sont à l’aise dans leurs baskets’" (sans en rajouter) dans leur génération, tout en étant lucides ; qui articulent bien leur appartenance chrétienne et aussi leur appartenance au monde, qui en payent le prix... garçons et filles.

- Il faudrait évoquer ici (ce n’est pas déplacé dans une réflexion autour de la vocation aujourd’hui) les fiancés et les jeunes mariés (échantillon minoritaire aussi). On retrouve des types semblables :

  • Ceux qui entendent suivre les rails catholiques et affichent un "mariage intégral". C’est clair, ils savent ce qu’ils veulent.
  • Ceux qui se sont rencontrés dans des groupes de prière et qui continuent à mêler beaucoup de prière à leur amour... Autrefois plusieurs d’entre eux seraient entrés au séminaire ou dans un noviciat.
  • Des jeunes profondément chrétiens, ayant une foi mûrie et décontractée, qui choisissent le mariage en connaissance de cause et vraiment comme un chemin de sainteté..., parfois après l’avoir mis en balance avec une vie consacrée, au cours d’une retraite sérieuse.

Il s’agit d’une minorité, et d’une minorité diversifiée. Cette diversité dit la richesse et la qualité de ce qui se passe : oui, les champs sont blancs pour la moisson ; mais il y a une vigilance à exercer ; il faudra qu’un tri s’opère.

* UN CLIVAGE ESSENTIEL

Ou bien il y a de la force pour l’avenir (quelque soit le point de départ où on en est actuellement) ; ou bien il n’y en a pas (malheureusement).

a) Un certain nombre sont là, pas besoin de se récupérer dans un monde difficile, ils sont plus ou moins nostalgiques, ou vivent un peu sur une autre planète.
Ou bien ce sont des filles ou des garçons qui n’arrivent pas à faire leur trou - fausses vocations - ou encore gens apparemment plus vivants (très "chouette !") mais qui se révèlent velléitaires et se dérobent face à des exigences dans la durée.

Dans un Centre de retraites ignatiennes, un responsable disait :
"Beaucoup de jeunes en recherche de vocation viennent ici, beaucoup de ces jeunes sont séduits, a priori, par la radicalité du retrait monastique. Certains viennent du Renouveau. Ils trouvent ici un lieu de liberté favorable à la guidance et à la décision, mais sont parfois inconsistants et s’évanouissent dans la nature".
Cela existe...

b) Il y a un avenir. Pourquoi ? En général parce qu’il y a un passé ; je suis bien obligé de le constater pour beaucoup : la famille (nombreuse ou pas, très chrétienne ou pas) ; il y a un enracinement familial réel qui demeure une vague porteuse pour la suite. Ensuite, deux cas de figure :
Ou bien le circuit vivant des aumôneries, des Mouvements (A.C.E., J.O.C., M.E.J., Scouts) avec en prime l’amitié et l’échange en profondeur avec tel prêtre ou telle religieuse. Même si c’est avec des hauts et des bas, cela a balisé le parcours (parfois avec des extras : Lourdes, Taizé, un passage au renouveau).
Ou bien, un itinéraire individuel très personnel, parfois loin de tous les circuits prévus, du moins pendant un long temps. Et tout à coup on voit sortir du bois des gens étonnants qui ont traversé les réalités de leur époque et qui apportent un désir, une force disponible.

Dans tous les cas, il s’agit de gens tournés vers l’avenir : il y a du dynamisme disponible et susceptible d’évoluer.

• ATTENTES RELIGIEUSES d’AUJ0URD’HUI

On a beaucoup dit déjà, et cela est vrai, qu’on retrouverait un certain nombre d’attentes chez les candidats à une éventuelle vocation, à quoi correspondaient davantage les communautés nouvelles (Jean DRAVET).

- Sensibilité au mystère, au sacré, à Dieu ; goût de la prière, de la Parole de Dieu ; besoin qu’on en parle explicitement, qu’on en vive avec un peu de chaleur et de beauté.
Et c’est vrai que dans les communautés nouvelles on fait explicitement une place joyeuse et entraînante à la prière. C’est souvent plus chaud que là où nous sommes. Il y a place pour du religieux non critiqué, à la différence de nos affaires à nous plus intellectualisées.

- Goût de la convivialité, sens des relations. Place faite à l’autre ; importance du vivre ensemble.
Et c’est vrai que dans certaines communautés nouvelles on peut trouver des lieux exigeants et structurants à cet égard.

- L’attention aux pauvres. Attention à ce qui se passe réellement, aux diverses victimes de notre société, à la valeur de chacun. Et c’est vrai que les communautés nouvelles sont souvent exemplaires dans l’accueil des paumés et des blessés de toute espèce. C’est un signe évangélique authentique que cette prise en charge longue, patiente, de gens désemparés.

C’est donc vrai qu’il y a là de quoi réfléchir. Sans renier ce qu’elles sont et vouloir jouer à imiter les communautés nouvelles, nos congrégations ne peuvent que gagner à s’interroger sur ces points qui reviennent aujourd’hui, et qui, de plus, sont très caractéristiques de la vie religieuse : prière, communauté, priorité pour les pauvres.

Nos communautés vivent déjà cela un peu, mais d’une manière pas assez manifeste, semble-t-il, pas assez accessible. Oui ces communautés nouvelles sont pour nous des stimulants., à condition que ce soit pour nous renouveler dans notre propre ligne.
MAIS on a le devoir de rester vigilants et conscients de certaines ambivalences.

Il y a les attentes d’aujourd’hui mais la manière d’y répondre doit les inscrire dans une dynamique évolutive qui ouvre sur le monde et sur l’Eglise de demain.
Les communautés nouvelles nous ré-apprennent peut-être aussi qu’il faut du temps pour permettre les évolutions souhaitables ; ne soyons pas trop pressés, mais il y aura des échéances !
Surtout ces attentes sont habitées, selon les cas, soit de la tendance à l’évasion, au repli, à la récupération de soi, au retour au passé ; soit de la tendance inverse d’ouverture à toute la réalité et à l’avenir. Là encore le même discernement devra jouer.

* D’AUTRES JEUNES EXISTENT

Mais quand je passe en revue les visages de plusieurs jeunes que j’ai rencontrés ces derniers temps, pour lesquels la question d’une vocation est posée, je ne les définirais pas d’abord par ces aspects généralement retenus. Sans doute ils sont de leur génération : on trouve en eux un sens de la gratuité, une modestie réaliste, de l’humour, etc., sans doute ils apprécient un climat de prière, un peu de convivialité et une attention aux pauvres. Mais ce qui les habite c’est d’abord autre chose (et cela me paraît positif). Qu’est-ce qui les habite ?

. LE CHRIST, l’Evangile, l’Eglise... c’est important pour eux. C’est vivant et cela demande à vivre. Cela les pousse, les travaille, les accompagne. C’est étonnant mais c’est comme cela. C’est en eux.

. LE MONDE, c’est important. Le peuple de Dieu, l’humanité aujourd’hui, les situations humaines. C’est là que ça se passe l’Evangile. Ce souci est en eux.

. UN DESIR d’AGIR, de faire, d’aimer avec une recherche de bonheur et une capacité d’être heureux.

Ce ne sont pas là des surhommes, ni des gens parfaits, mais sous des formes diverses, on trouve en eux, en elles, cette santé chrétienne qui a trouvé des appuis dans nos circuits ou ailleurs, dans un réseau personnel de relations.

Il y a un moteur personnel qui joue un rôle plus important que des aspects de la sensibilité religieuse contemporaine. Un Maître des novices d’un monastère constatait que les bonnes vocations à la vie monastique, ce n’était pas ceux qui viennent pour la vie communautaire (ils ne restent pas), mais ceux qui viennent poussés par un appel individuel (et à qui il faut faire découvrir la communauté).

Il y a donc ces jeunes-là, bien vivants, tournés vers l’avenir, même si c’est modestement et avec des limites.

Ici, une question importante se pose : il ne faut pas tomber dans la tentation d’une vision trop élitiste de la vocation religieuse et apostolique. Les pauvres évangéliseront les pauvres, les faibles évangéliseront les faibles, a-ton dit. C’est vrai. Mais cette intuition spirituelle est d’un maniement délicat quand on a une responsabilité dans l’acheminement des vocations.

La situation de l’Eglise et des congrégations ne permet plus autant qu’avant peut-être d’intégrer des trop "faibles" ou des "cas". Des gens admirables évangéliquement se révèlent, après un temps, des poids trop lourds ; et ils ne sont même pas heureux eux-mêmes. Il faut qu’il y ait, à tout le moins, chez quelqu’un, à côté des points faibles, des points de force et de dynamisme sur quoi faire fond. Il est vrai qu’il doit y avoir place pour tout le monde dans la vie religieuse, mais il y a des capacités minimum à manifester pour vivre un engagement durable dans une communauté, etc.
Plus encore quand on a la responsabilité d’un service auprès des autres, d’un ministère ou d’une charge dans l’Eglise. Plus encore quand on pense à ce que sera l’Eglise dans notre société, demain. C’est aux enjeux difficiles de l’Eglise de demain qu’il s’agit de préparer des jeunes, et cela ne peut être n’importe quels jeunes.

C’est pourquoi, aussi, nous devons faire attention à ne pas trop conforter certains dans des tendances religieuses insuffisamment habitées par l’espérance chrétienne, pour notre monde et notre humanité.
De même à ne pas laisser trop longtemps des jeunes dans une mentalité trop "ecclésiastique" (sous prétexte de besoin d’identité) alors qu’il y a une figure d’Eglise à inventer et à faire difficilement exister (et sans modèle préalable) dans le monde de demain. On ne doit pas encourager n’importe quoi : "ne nous étonnons pas d’être si peu nombreux. Nous n’avons pas à répondre à toutes les demandes religieuses d’une époque. N’identifions pas trop vite le Saint-Esprit avec les tendances religieuses d’une génération". (M. RONDET). La véritable dynamique chrétienne est autre. Sachons l’éveiller et la stimuler là où elle existe.

Parallèlement cette dynamique ouverte à l’avenir invite l’Eglise à ne pas chercher à se recruter une relève pour faire tourner encore un peu la boutique, vaille que vaille : rouages actuels, oeuvres, congrégations, etc. "Laisse les morts enterrer les morts", "A vin nouveau, outres neuves". D’ailleurs on ne mobilisera réellement de véritables forces humaines et chrétiennes que pour cette évangélisation du monde nouveau.

Bref, il y a des qualités et des dynamismes étonnants à ne pas laisser se stériliser, à ne pas coincer dans les modes actuelles ou dans nos "trucs" à nous, à préparer aux tâches de l’avenir.

B) Quelques points d’attention dans l’accompagnement

Il s’agira toujours d’éveiller, de stimuler, de libérer, de fortifier, d’orienter une "force". Bien sûr ce qui a déjà été dit pour les jeunes en général, vaut ici aussi, mais on peut souligner quelques points d’attention pour l’accompagnement des individus (et des groupes).

I - UN ACCOMPAGNEMENT AUSSI PRECIS QUE POSSIBLE

Que celui ou celle qui accompagne soit au clair sur sa manière de procéder, selon les cas. Il s’agit de faire avancer à partir du point où l’on se trouve, et donc de bien identifier les demandes (B. MENDIBOURE, in Notes et Pratiques ignatiennes, n° 7 - Avril 1986).

* Face à une demande d’aide en vue d’une vocation quelconque, repérer si la demande est trop idéaliste, provenant d’une autre planète. Cela arrive. Il n’y a pas à s’affoler, mais on peut chercher à obtenir que la personne revienne sur terre : qu’en est-il de son emploi du temps, de son travail, de son hygiène de vie, de sa famille, etc. ?, ou qu’elle développe un peu d’autonomie et d’initiative : quitte tes parents, prends une chambre en ville, inscris-toi dans un club, fais un stage, un camp, va au moins prendre des renseignements, etc.
C’est du bon sens mais cela fait partie de la sagesse de Dieu. Et cela fera office d’un premier tri salutaire.

* On a affaire à quelqu’un de plus réaliste, de plus sain, mais encore très "adolescent", "désordonné", inconséquent, irrégulier. Cela peut durer un certain temps. Là aussi ne pas être trop pressé : garder l’objectif d’une croissance globale, et savoir que pendant ce temps-là l’ivraie restera au milieu du bon grain.
Aider le jeune à distinguer en lui-même ce qui a des racines comme le bon grain (à travers la relecture de sa vie passée et présente) et le reste qui gâche un peu le tableau mais qui est sans véritables racines. Proposer des éléments de régulation de sa vie : des rendez-vous, des temps de prière, une prise de responsabilité partielle dans un groupe, la participation à un camp-formation, etc., tout ce qui aidera une mise en ordre dynamique des forces qui l’habitent. "Travaille dans le sens de ton talent, tu as des chances de travailler dans le sens de Dieu". Pour le reste on verra plus tard.

Précédemment c’était une préoccupation de réalisme, maintenant c’est un souci de maturation humaine et spirituelle.

* Là où l’on sent une force plus mûre, plus stable, intégrant les divers aspects de la vie, alors il faut proposer davantage : telle régularité dans la prière, tel renoncement, tel engagement, telle retraite un peu longue et forte de discernement..., et faire désirer l’éclosion d’une décision qui engage la vie. L’aide extérieure sera moins directive.

On ne peut pas complètement séparer ces trois niveaux mais chacun doit s’interroger au sujet de ceux ou celles qu’il, ou elle, accompagne, afin d’être précis dans ce qu’il cherche à faire, et veiller à ne pas mettre la charrue avant les boeufs.

II - UN ACCOMPAGNEMENT QUI OSE "PROPOSER"

C’est en mettant des obstacles de plus en plus haut qu’on apprend à sauter à un cheval. Nous avons à monter la barre non pas de nos critères, mais de nos propositions, en faisant crédit au dynamisme de foi qui est chez l’autre (avec bon sens, évidemment).

Il y a aujourd’hui, pour des raisons de climat, de société ou d’Eglise interférant avec des données psychologiques, un bon nombre de jeunes qui aspirent à une formation bien cadrée, ou optent pour des genres de vie fortement structurés : telle forme de régularité religieuse, tel monastère, telle philosophie ou théologie (cf. ce qui se passe dans certaines formations parallèles). Cette demande de quelque chose de vigoureux est tout à fait légitime (même si la modalité qu’elle a parfois nous désole un peu). Est-ce que nous, nous proposons quelque chose de vigoureux, même si nous ne mettons pas la vigueur au même endroit ?

En pastorale des vocations nous devons viser la colonne vertébrale de chacun (qu’il soit petit ou grand, ici, n’importe pas) : une bonne statique dorsale et une bonne dynamique vertébrale permettent de faire et d’inventer, dans la liberté, beaucoup de gestes et de mouvements adaptés aux situations nouvelles qui se présentent, et est une garantie de santé pour l’avenir.

Proposer une retraite longue ; une lecture difficile mais formatrice ; une expérience forte et même un peu risquée : tel voyage de travail en Inde, tel service exigeant pendant les vacances ; deux années de coopération ; un séjour dans les mouroirs de Mère Teresa ou sur le tas d’ordures de soeur Emmanuelle ; un service dans le Tiers-Monde ou le Quart-Monde. C’est un fait que des jeunes un peu vigoureux, de notre temps, croyants ou pas, vivent des choses comme cela…
Expériences fortes, constructives, créatrices dont nous avons dit combien elles sont importantes pour fortifier l’individu (dans une société sans socialité et sans long terme) et lui permettre de se situer.

III - UN ACCOMPAGNEMENT (A VISEE) VRAIMENT SPIRITUEL(LE)

C’est-à-dire pas seulement le bon sens, ni la recherche d’un bon comportement, ni celle de la "piété". Mais l’éveil, le repérage de la dynamique, des forces cachées qui sont porteuses d’une évolution, d’une histoire, d’une intégration progressive des différents éléments de la vie de quelqu’un, porteuses aussi de l’ouverture au monde.

Une vraie vie spirituelle, c’est-à-dire selon l’Esprit créateur, le souffle créateur, intérieur au souffle de l’homme, à l’esprit de l’homme. Il faut aider les gens à trouver cette couche profonde d’eux-mêmes qui est plus significative et qui a plus d’avenir que les mouvements ou les modes religieuses diverses en surface.

Paradoxalement les données socioculturelles d’aujourd’hui en appellent à une plus grande vigueur spirituelle des personnes et invitent à faire une option spirituelle. Non pas spiritualiste, aspirant à un autre monde ; non plus celle d’un "retour du religieux" qui, au contraire, semble valoriser les consensus de groupe et les effets apparents.

A l’intérieur de l’Eglise, le Renouveau charismatique nous oblige à être au clair avec ce que nous visons. Ce courant spirituel est sûrement typique de notre époque ; tout compte fait il ne brasse peut-être pas une population aussi nombreuse qu’on l’imagine, mais actuellement il compte beaucoup de jeunesse et de dynamisme. Comme dans tout courant nouveau, on peut y trouver du plus ou du moins. De façon générale, disons qu’"on reconnaîtra l’arbre à ses fruits" et "aux fruits qui demeurent" : Ayons la prudence et l’accueil d’un Gamaliel et l’a priori de bienveillance d’un bon chrétien. Il nous invite à urger certains repères, (cf. Christus, n° 131 - Juillet 1986).

* Le passage de l’enfant à l’adulte dont St Paul parle dans la partie de 1 Co 13 consacrée aux charismes, au parler en langues, etc. : "Quand j’étais enfant, je pensais en enfant...", j’imaginais des choses extraordinaires... Mais maintenant, devenu adulte, je vois mieux en quoi consiste la vraie charité. On est passé des manifestations de surface à un mouvement de fond qui intègre la réalité et la durée.

* Le rapport groupe/individu : le point de départ est plutôt collectif dans le Renouveau et l’Esprit Saint est présent à cette dynamique collective et joyeuse. Avec des illusions possibles.

Par ailleurs il est sûr que dans la tradition spirituelle on prend appui davantage sur une dynamique individuelle qui a, elle aussi, des illusions possibles. Néanmoins plus se fait le passage de l’enfant à l’adulte, plus chacun, individuellement, tient sur ses pattes et devient capable de s’ouvrir à la différence des autres, de participer et de collaborer à sa place. Il faut être capable de solitude pour être capable de relation. Et cette évolution prend tout son sens pour celui qui, ayant d’abord connu la joie collective dans un groupe, découvre au fond de lui-même le bonheur de vivre et d’aimer de manière autonome et s’ouvre alors à une communication dans laquelle il est davantage lui-même.

Ce niveau spirituel que nous visons ne peut se mettre en place que progressivement.

- Un accompagnement vraiment spirituel donc, accueillera largement chacun, là où il en est, avec son expérience touffue, ambiguë, disséminée, encore trop en surface ; mais déjà là, déjà commencée, avec la foi que l’Esprit-Saint travaille.

- Il s’interdira de décréter quel tri est à faire en tout cela, mais il soumettra chacun à des expériences adaptées, à des "exercices", à des propositions précises de choses à faire, à des instances objectives, en observant ce qui se passe ; qu’est-ce qui apparaît à l’usage, dans la durée, dans la relation.

- Grâce à cela devraient se dégager de plus en plus lisiblement les mouvements plus profonds, les forces de vie et de mort qui traversent chacun. C’est ce passage à un autre niveau qui doit être notre visée, l’horizon de notre écoute et de nos propositions : la houle profonde plutôt que les clapotis de surface.

- C’est à cet "étage" que peuvent être situés des points d’effort ou de vigilance, des engagements qui permettent d’entrer dans une histoire au-delà du court terme et, finalement, de se décider pour un long terme.

IV - UN ACCOMPAGNEMENT QUI VISE UNE DECISION A TERME

Une décision, non pas des autres, mais de l’individu concerné ; une décision qui procède des couches profondes, "spirituelles" de la personne et qui lui donnent un corps, une expression sociale. Plus que jamais cela est nécessaire dans une société comme la nôtre, qui tend à cultiver l’indécision et à maintenir indéfiniment toutes les expérience possibles ; qui encourage à rester ensemble de façon stérile. Sans doute faut-il ne pas brusquer, ne pas être pressé, acheminer progressivement. Mais il faut aussi sortir de l’indécision qui traîne en longueur. Il est vrai que les communautés nouvelles savent attendre longtemps, mais attention à ces groupes de partage qui n’en finissent pas, ces accompagnements qui durent indéfiniment, où il ne se passe rien, où il n’y a jamais un pas de plus. (Là aussi il faut passer de la cohabitation au mariage, ou bien se séparer).

Un bon repère ici est la "retraite d’élection" ! Temps prolongé au cours duquel, normalement, quelqu’un peut reconnaître en lui, à un niveau qui ne dépend pas des fluctuations de surface, ce qui s’y trouve en fait d’appel et de réponse.

Cet aspect subjectif de la décision (c’est la personne qui décide et qui sait qu’elle a décidé, et pourquoi) est nécessaire. Décision du sujet ! Nécessaire et pas suffisant. Il faudra qu’interviennent les diverses confirmations objectives en leurs lieux et places.

De plus, il y a des problèmes de "bon usage" de la retraite d’élection : savoir s’en servir et ne pas tout attendre d’elle ; savoir pourquoi on la demande ou on ne la demande pas, avant une entrée au séminaire ou au noviciat. Ce n’est pas le lieu d’en débattre ici.

Mais viser ce type de décision à terme, c’est aussi donner un contenu à l’accompagnement des jeunes en recherche de vocation, même quand ils sont encore jeunes. Préparation, déblayage, mise en place patiente, en vue d’une décision à terme (si possible avant la trentaine !).Quand les choses ont tendance à traîner, on rend service en proposant des échéances.

CONCLUSION

Une ligne de fond se dégage pour notre travail au service des Vocations : éveiller, alimenter, encourager des personnes, des sujets individuels, qui soient capables de jouer leur vie sous une forme ou sous une autre, au service du Royaume de Dieu dans l’Eglise et le monde de demain. Cette visée ne supprime pas, au contraire, les activités de groupe.

Ce travail appelle une collaboration de qualité : nous avons besoin de vérifications mutuelles, de la diversité complémentaire des différents services et des différences de chacun, des lumières de tous. Cela est déjà dit ailleurs.

Soulignons pour finir le climat spirituel dans lequel nous devons faire ce travail "C’est Dieu qui donne la croissance" ; nous, nous la servons. Attention à ne pas peser sur les jeunes par une hyper-activité ou par l’inquiétude ou le découragement. L’avenir de l’Eglise ne nous appartient pas, même si nous devons en porter le souci et y travailler : tout en tenant à certaines choses pour de justes raisons, sachons rester ouverts à une figure d’Eglise que nous ne connaissons pas.

Le travail qui s’annonce est vraiment subordonné à celui de l’Esprit. Celui-ci a ses manières, ses chemins multiples, subtils... Soyons assez "spirituels" pour observer, sentir, deviner ses longueurs d’ondes qui ne seront jamais des recettes à bon compte.

- "Brebis sans berger" ? oui ! - "Moisson abondante" ? oui ! Donc : embauchez-vous ? Non ! "priez le Maître de la Moisson d’envoyer ..."

Restons sur la longueur d’ondes du maître de la moisson. Sinon ce ne serait pas à sa moisson que nous travaillerions.