N’ayons pas peur


Marie-France de CERTAINES
laïque, membre du Conseil Pastoral du S .N.V.

Pour moi, laïque, mère de famille, catéchiste, appelée avec mon mari pour une mission temporaire au sein du Conseil Pastoral du Service National des Vocations, ayant vécu cette session de Meudon, qu’ai-je envie de partager avec les lecteurs de JEUNES ET VOCATIONS, à partir de ce temps fort ?

I - UN TEMPS DE RE-DECOUVERTE DE LA VIE RELIGIEUSE ELLE-MEME

Ce fut une grâce de redécouvrir cette dimension, pas seulement à travers des discours, mais dans tout le vécu de la session. Tant à travers le climat joyeux, fraternel, accueillant et dynamique que dans la qualité de prière, le temps passé ensemble à célébrer le Seigneur.
Re-découverte aussi de la vie consacrée par ces témoignages d’où s’échappaient des notes de franchise, d’humilité, des signes de joie, de gratuité et d’espérance désintéressée... L’occasion était bonne de se redire aussi que la vocation spécifique de la vie religieuse est rappel de la radicalité évangélique à tous les baptisés, un signe d’absolu au sein du monde d’aujourd’hui.

II - UN TEMPS DE RELANCE DE l’APPEL

Une relance nourrie de la conviction que chaque baptisé a sa vocation propre, que l’Eglise se construit à travers la diversité des charismes. Il ne faut pas craindre de travailler ensemble pour appeler.

Osons appeler, n’ayons pas peur

- J’ai tout particulièrement aimé ce qui a été dit sur l’appel des tout-petits, dès la petite enfance, ou dès les premières années de catéchisme. En tant que mère et catéchiste, je suis tout à fait convaincue qu’il est beaucoup plus facile de parler de l’appel de Dieu et de la vocation, puis de laisser germer.

- Il n’y a pas d’âge pour appeler et être appelé. Bien que parlant de vocations spécifiques, j’ai aimé aussi que l’on souligne que cela passe aussi par la capacité des moins jeunes à prendre des responsabilités dans l’appel (parents, grands-parents, catéchistes...).

J’ai noté quand on parle de l’appel, quatre difficultés, quatre points d’attention ou pièges possibles :
. Pour appeler, il faut être très au clair avec soi-même, sa congrégation, sa vie en Eglise ;
. pour appeler, il faut être très attentif au fait que nous ne sommes que des relais de l’appel et que l’appel doit être gratuit, désintéressé, dégagé de toute volonté de rentabilité et de récupération. Or, aujourd’hui, ce n’est pas si facile que cela , si l’on est lucide.
. Appeler un jeune à une vocation spécifique ne veut pas dire appeler à là seule vocation presbytérale. L’Esprit souffle où il veut et il y a un risque de vouloir canaliser les énergies sur le seul ministère presbytéral.
La vie religieuse consacrée, féminine et masculine, apporte aussi au monde d’aujourd’hui une richesse et une dimension toute particulière.
. Il faut savoir qui appelle et pourquoi. Cela suppose une formation des responsables et des jeunes à 1’ecclésiologie, de redonner le sens de l’Eglise et de la vocation baptismale.
Si chacun doit répondre à l’appel de Dieu et le vivre en Eglise, cela ne peut se faire que dans la complémentarité, la spécificité et le partage des compétences. Il y a beaucoup à creuser là-dessus.
Quand on travaille comme laïc en responsabilité dans l’Eglise, on est stupéfait par les résistances, la suspicion que notre engagement engendre chez beaucoup de laïcs ("le clergé et les religieuses sont là pour cela"),et chez certains prêtres ou religieuses^
J’ai entendu, lors de la Table Ronde de cette session, la crainte exprimée que la formation des laïcs et leur appel à des responsabilités d’Eglise ne nuisent au nombre des vocations religieuses ou presbytérales. N’est-ce pas plutôt dans les communautés vivantes, où chacun est reconnu à sa place, que surgissent les vocations ?
"N’ayez pas peur", dites-vous. N’ayez pas peur des laïcs : ils ne sont pas là pour prendre votre place, ils sont là pour vous aimer, vous aider à vivre votre engagement spécifique comme vous, vous leur rappelez leur vocation. Vous n’êtes pas seuls à porter la charge et le souci de 1’appel.
Partager ce souci et cette responsabilité ne doit que mieux vous restituer et mettre en valeur la place irremplaçable de votre vocation spécifique.

Osons témoigner

Il a été souvent dit, au cours de la session : "Osons témoigner, travaillons à une meilleure visibilité de la vie religieuse". Comme laïque, deux points m’ont plus particulièrement marquée :

* Une priorité de "l’être" par rapport au "faire" qui a été soulignée très fortement.
En même temps, surgit l’urgence et la lourdeur de la tâche. Pourtant je crois que vous avez tout à fait raison d’y accorder la toute première importance. On témoigne par ce qu’on est dans ce qu’on vit.

* Une nécessité d’être des témoins authentiques et désintéressés, au service de 1’appel.
A mon sens, quatre pistes seraient sans doute à poursuivre pour atteindre cette meilleure visibilité de la vie religieuse féminine :
- Que les Jeunes vous rencontrent. Qu’ils sachent qui vous êtes, pourquoi vous êtes là. Qu’ils vous voient, simples et vraies. Avouez vos désirs, vos joies, vos enthousiasmes et aussi vos fatigues, vos limites, vos échecs. Laissez-vous dévoiler dans la richesse et la pauvreté de votre engagement, de votre congrégation... Là, dans ce climat, se fait la rencontre.
- Témoignez par le visage de l’Eglise que vous donnez à voir. J’ai aimé tout ce qui a été dit sur la nécessite d’approfondir les liens entre congrégation, entre congrégations et Services Diocésains des Vocations, entre congrégations et laïcs.
Que tout cela soit vécu dans le souci et le respect de chacun, et dans la charité.

- Les jeunes veulent voir. Votre agenda ne les intéresse pas. Témoignez par votre vie de prière. Apprenez-leur à prier. Prenez du temps pour prier avec eux. Qu’ils vous voient prier et aimer prier.
- Témoignez par votre simplicité de vie, votre disponibilité et qualité d’écoute, par la clarté de votre langage. Il y a parfois le risque quand on est dans une responsabilité d’Eglise d’avoir un langage d’initiés qui peut faire peur ou être incompris. Pour dire l’Essentiel, il faut aller à l’essentiel en peu de mots.
Expliquez aux jeunes ce que vous vivez. Je suis souvent stupéfaite par les idées archaïques que se font les jeunes (et même les moins jeunes) de la vie religieuse en particulier féminine. Faites-vous voir. Sachez à la fois respecter et provoquer.

En conclusion, je voudrais retenir principalement deux choses qui nous renvoient à des priorités :
1 - L’Eglise, ce n’est pas des murs à sauver, des institutions, ou une institution à préserver, mais un peuple qui fait route ensemble ; où les forts soutiennent les faibles, les jeunes les moins jeunes, les responsables ceux qui sont en recherche et réciproquement.
2 - Les jeunes sont notre priorité. Us ne sont pas notre possession.

- Ils veulent vivre. Ils manquent de place. Les générations au-dessus, l’espérance de vie, les problèmes économiques et mondiaux font qu’ils se demandent souvent où ils vont pouvoir vivre, respirer, créer, se donner à fond, aimer à fond.

- N’ayons pas, quand nous leur parlons de la Bonne Nouvelle et de l’Eglise, un visage angoissé de "vieux couple qui a peur de mourir sans enfant", mais donnons-leur à découvrir et contempler le visage rayonnant du Christ vivant qui s’est donné libre et dépouillé, et s’est abandonné à la volonté du Père.

- Faisons confiance aux jeunes. Aimons-les au-delà de toute attente, de toute limite, de toute projection.

- Appeler les jeunes, c’est les appeler à prendre vie, à prendre place. Soyons les éveilleurs, les conseillerait puis ceux qui disent comme Jean-Baptiste : "Pour qu’il grandisse il faut que je diminue".

N’ayons pas peur d’être les serviteurs désintéressés de l’appel jusqu’au bout.