Jusqu’au coeur de l’homme


René PILLOT,
spiritain, délégué de la Conférence des Supérieurs Majeurs de France
auprès de la Région Provence-Méditerranée

Une rencontre nationale - dès lors qu’elle est préparée et animée - est toujours un événement. Pour nous chrétiens, un tel rassemblement préparé dans la prière et la réflexion en équipe pastorale, devient un temps fort de notre vie de Peuple de Dieu.
Ce fut bien le cas de la session nationale de MEUDON, pour les religieuses en Service Diocésain des Vocations. Invité en tant que religieux (Supérieur Majeur) j’ai apprécié, je me suis mis en cause, je pose des questions.

J’AI APPRECIE

J’ai apprécié la beauté et le calme du cadre ; la qualité de la préparation et de l’organisation ; le caractère priant et festif des célébrations (spécial merci à Isabelle PARMENTIER) ; la méthode de travail alliant harmonieusement le vécu sur le terrain et la réflexion, le travail en petits groupes et les grandes assemblées ; le souci constant de situer la pastorale des vocations dans une ecclésiologie, ce qui aidait à prendre du recul et redonnait sens à l’action quotidienne "au ras des pâquerettes".

Pour cet important et merveilleux positif, un sincère et profond merci aux organisateurs et animateurs, notamment à Yvon BODIN et à Thérèse REVAULT.

JE ME SUIS MIS EN QUESTION

Voir ce que font les religieuses - souvent nombreuses - dans les Services Diocésains des Vocations ou en lien avec eux, n’a fait que renforcer ma conviction sur 1’immense effort que nous avons, nous religieux, à faire en ce domaine.
Non pas que nos diverses congrégations n’aient pas une pastorale des vocations, mais elle est souvent peu en lien avec les Services Diocésains des Vocations, et je suis bien obligé de constater que les religieux y sont fort peu nombreux, surtout les religieux-clercs-apostoliques. Certes, nous avons une excuse : comme prêtres au service de l’Eglise locale, nous sommes très impliqués dans les différentes instances diocésaines (secteur, zone, conseil du Presbyterium, etc.). Mais il y a là un danger très réel : nous "diluer" dans le clergé diocésain en perdant notre identité, et en privant ainsi le Peuple de Dieu de la note spécifique de la Vie Religieuse et de notre charisme propre (à telle congrégation).
J’entends toujours tel évêque me dire, à propos d’une communauté de ma congrégation qui a la charge d’un secteur pastoral : "j’apprécie le travail pastoral de vos Pères, mais j’attends autre chose d’eux ; c’est la seule communauté de religieux apostoliques de mon diocèse : ils ont à témoigner de la Vie Religieuse -notamment par la qualité de leur vie de communauté et de la flamme missionnaire, note spécifique des Spiritains".

JE POSE QUELQUES QUESTIONS

1 - J’ai été frappé par tout ce qui se fait au niveau de l’appel et j’ai été heureux de constater que nous n’avons plus peur d’appeler. En ce qui concerne l’accompagnement, notamment personnel, il y a également un bel effort (je pense en particulier au diocèse de VERSAILLES).

Mais, est-ce suffisant au niveau collectif ? Une rencontre par trimestre pour des enfants de 12-15 ans, c’est peu... surtout si on pense aux très forts conditionnements (païens !) auxquels ils sont soumis à longueur de journées ! Je n’ai pas de réponse, mais je crois qu’il faut avoir le courage de se poser la question.

2 - La causerie du Père O’NEILL nous a montré avec force combien la "planète des jeunes" d’aujourd’hui était différente de la nôtre, il y a vingt ou trente ans ; tenir compte de cet environnement, de cette culture, nous apparaît à tous comme une démarche à la fois difficile et nécessaire.

Mais il me semble important de ne pas nous enfermer dans cette approche culturelle ; le jeune d’aujourd’hui n’est ni un météore (coupé du passé) ni une île (sans communication dans l’espace) ; il faut certes l’accueillir, le comprendre dans sa façon de vivre et de se situer, mais ne convient-il pas d’aller plus loin ? Jusqu’au coeur de l’homme, cet au-delà de telle culture, qui me permet à moi, Français de 1986, d’aimer St Augustin, Mozart ou Molière, et d’avoir d’authentiques amis Congolais, Canadiens ou Brésiliens ! D’autre part, avons-nous assez foi en la puissance de l’Esprit dans ce domaine de l’Appel ?

3 - Enfin, en tant que spiritain, c’est-à-dire religieux-missionnaire, j’ai été heureux de voir qu’il y avait place pour la mission "ad extra" dans la pastorale des vocations en France. Mais je pose la question : cette place est-elle suffisante ? N’y a-t-il pas parfois un "oubli" ?... Ou une tentation de repli sur l’hexagone ?

Cette dimension universelle de notre foi et de notre vocation chrétienne n’est-elle pas importante, à la fois pour la vérité de l’Eglise et pour l’enrichissement dans la compréhension de l’Evangile, par les échanges entre Eglises ?