Le temps que tu as perdu pour ta rose...


après la Confirmation
et en JOC

Jean-Pierre GUERY *
Denise SCHNABEL

" Le TEMPS QUE TU AS PERDU POUR TA ROSE..."

Contacter des jeunes ! Les rencontrer régulièrement, les écouter, leur parler. Partager leur enthousiasme, leurs projets. Essayer de comprendre leur ras-le-bol, leur déception, leurs impatiences. Nous sommes nombreux à le faire et à y réfléchir.

En répondant à JEUNES ET VOCATIONS par cet article, nous ne voulons pas faire exemple : qui sommes-nous pour cela ? Nous vous souhaitons simplement de pouvoir à votre tour et pour vous-mêmes, mesurer le chemin parcouru avec tels jeunes, tel groupe, depuis plusieurs mois. C’est ce que nous avons fait et nous ne le regrettons pas.

Alors nous serons encouragés les uns par les autres et nous pourrons dire, citant le Renard du Petit Prince :
"C’est le temps que tu as perdu pour ta rose qui fait ta rose si importante !"

CES JEUNES QUE NOUS RENCONTRONS

DENISE est religieuse en pastorale, dans un secteur inter paroissial.
Des jeunes préparent leur Confirmation en groupe ; Denise les accompagne dans ce temps fort mais se pose déjà la question "et après ?"... Eux-mêmes ne tardent pas à vouloir un "suivi" de leur groupe, bien que les études les dispersent chaque semaine.
Ils sont aujourd’hui (deux ans après) une dizaine, aimant se retrouver ; ils ont entre 16 et 18 ans, des projets plein la tête !

JEAN-PIERRE est prêtre dans une petite ville.
Avec un autre prêtre, sur un quartier populaire H.L.M., il retrouve chaque semaine une dizaine de jeunes garçons (16-22 ans) en équipe J.0.C.
Parler de l’école, des stages de qualification, des TUC et du chômage, partager l’amitié et se faire des copains, c’est du ressort pour la vie !

QU’EST-CE QUI A LIE CES JEUNES ENTRE EUX ?

DENISE : Ils ont passé des heures ensemble sur la route de leur Confirmation. J’en ai été témoin. La chaîne ne pouvait se rompre au chant final de la cérémonie... Les jeunes ont dû ressentir le même appel car ils nous disent : "à l’origine du groupe, chacun de nous exerçait individuellement une activité dans la paroisse. Afin d’agir plus efficacement, nous nous sommes réunis pour former une équipe".
Ce qui les a liés, c’est la volonté d’agir concrètement.

Dans le Bulletin paroissial, ils se présentent en ces termes :
"VIFEDA ! ce nom ne vous rappelle rien ? Ce n’est pas un nouveau produit d’entretien ! ni une quelconque publicité ! Cela signifie : VI_vre et FEter ENsemble Dieu dans l’Amitié et l’Action.
Si cela ne vous dit toujours rien, repensez alors à ce groupe de jeunes qui, ces dernières années, avait réalisé un ramassage de vieux papiers dont la vente a été versée à la Fondation R. Follereau, pour les lépreux"

JEAN-PIERRE : Ces jeunes se connaissent et se voient tous les jours.
Ils sont dans le même bahut ou se croisent dans les rues du quartier. Ils aiment se retrouver : "à la J.O.C. on est écouté ; on peut dire tout ce qu’on pense et les autres ne se fichent pas de nous !" et puis "ensemble, on peut regarder notre vie, la vie de nos copains".

Sur un grand panneau de papier accroché au mur du local apparaissent des prénoms, des expressions, des situations vécues : "passe-moi le feutre, j’ai aussi des trucs à dire".

Souvent, ce sont des cris, des appels. Même sans beaucoup d’argent de poche, on s’organise pour aller à la rencontre régionale "Trempolino", ou être au rassemblement national qui s’annonce. Le lien, c’est le langage ; c’est aussi la musique que l’on écoute et que l’on aime.

QUELLE EST VOTRE PRESENCE ? ETES-VOUS MEMBRE DU GROUPE ?

DENISE : Cela, je ne sais pas le dire exactement. Il y a des fois où je ne viens pas avec eux, mais ils se retrouvent quand même. Sur le compte-rendu qu’ils font de leur rencontre, je vois qu’ils n’ont pas "chaumé" pour autant ! En regardant les notes prises depuis deux années, je n’en reviens pas du nombre de leurs actions.

Après le ramassage de vieux papiers (déjà cité), il y a eu le choix du nom de Groupe avec un badge à l’appui, une sortie proposée aux jeunes de 14- ans et plus, la participation aux journées départementales de l’Aumônerie de l’Enseignement Public, des groupes liturgiques.
Sans compter les veillées de prière pour le Carême, la rédaction d’un article dans le Bulletin paroissial, l’aménagement de la crypte en local agréable (en projet), le pélé jeunes en septembre dernier...
L’activité la plus régulière est l’animation de célébrations car, disent-ils "nous voulons nous retrouver régulièrement pour échanger, partager ce qui fait notre vie et réagir contre ce que nous dénonçons, par exemple le manque de vitalité des paroisses !".

Dans ce même souci, ils ont décidé de mettre sur pied pour la rentrée 86 une journée de formation à l’animation liturgique dans notre secteur.

JEAN-PIERRE : j’aime bien ce temps passé régulièrement avec la petite équipe de jeunes en L.E.P.
Chaque mardi soir, être là, les retrouver, passer du temps avec eux. Certes ce n’est pas toujours évident, je ne suis pas de leur génération mais je les sens relativement à l’aise en ma présence.
Dans leur vie, au lycée technique, je ne suis pas derrière eux ; au café, dans les inter-cours, je ne suis pas au milieu d’eux ; en famille, je ne fais que passer pour une visite de temps en temps. Mais lorsqu’on se rassemble en équipe J.O.C., c’est tous les aspects de la vie qui viennent.

Tel soir, on parle plus longuement de l’ambiance en classe ; tel autre soir, des lieux où ils sont avec les copains, à parler de tout et de rien. Tel jour, on raconte la "passion" pour le sport (foot, aviron, judo, musculation) ; tel autre jour, on dit comment on s’entre aide en classe pour prendre des notes pendant que le prof fait son cours, à toute vitesse.

Donner de l’importance à tous les lieux de leur vie quotidienne, c’est un souci qui, je crois, est très présent en moi et j’y tiens. D’ailleurs quand on feuillette les journaux et revues de la J.O.C., on est surpris de voir comme on s’y retrouve ; souvent ce sont les mêmes conditions de vie, les mêmes actions menées, le même dynamisme.

VOUS AVEZ DE LA CHANCE DE TROUVER UN TEL DYNAMISME !

DENISE : Ce n’est pourtant pas toujours le cas ! Il y a parfois des ratés ou des maladresses.
3e me rappelle par exemple telle animation de messe où les jeunes du groupe n’avaient pas très bien expliqué à Monsieur le curé... J’avais des sueurs froides !
C’est vrai qu’en relisant l’histoire de ce petit groupe sur deux ans, je m’aperçois que, une fois ou l’autre, j’ai aidé à "canaliser" ce dynamisme des jeunes. Ainsi, je propose tel questionnaire pour un bilan et ce qui a été dit à cette occasion est comme une pierre blanche sur laquelle s’appuyer, aujourd’hui encore, pour avancer.
Une autre fois, les entendant dire : "Pour les plus jeunes, il n’y a rien d’autre que le caté ?", je leur parle de l’A.C.E.

D’eux-mêmes ils sont ouverts à d’autres jeunes, à d’autres groupes. Ils m’ont parlé d’un concours-jeunes lancé par l’A.C.A.T. Pour l’animation de la messe de Minuit, "nous pourrions demander de l’aide à des gens de l’extérieur, et bien sûr aux Scouts", disent-ils "Il faut aussi penser aux élèves de 5ème gui savent jouer de la flûte ; il s’agit d’une messe de jeunes, chacun doit y participer !".

Pour le prochain rassemblement diocésain des jeunes scolaires chrétiens, ils ne veulent pas omettre d’inviter les jeunes de 4ème-3ème. Pour eux, il y a la passerelle offerte pour ensuite faire partie de leur groupe car, disent-ils "il faut préparer la relève".
Je ne sais pas toujours noter cela, mais je le retiens et je leur redis, je suis la mémoire.

JEAN-PIERRE : Du dynamisme, bien sûr, ils en ont ! N’est-ce pas une caractéristique des jeunes, 1’aspect-jeune ? Mais c’est fragile et on voit bien qu’il faut relancer de temps en temps. Quelle richesse que le groupe pour les encourager.
C’est important de pouvoir raconter sans se faire écraser : "on a invité des copains de la classe à répondre à notre enquête et ils nous ont envoyé bouler.. Mais on les a invités à la fête de l’inauguration de la salle Georges Guérin et ils sont venus".
C’est plus d’une fois qu’ils ont à rendre compte de leur appartenance à la J.O.C. A la fin du rassemblement régional de novembre "Trempolino", ils ont envoyé une carte postale à des jeunes précis qu’ils ont retrouvés à l’école, ou dans le quartier, quelques jours après. Le dynamisme ne se vit pas seulement dans le temps de la réunion J.O.C., mais dans leur monde de jeunes. David vend du matériel et ils s’entend dire : "C’est pour quoi ? c’est communiste ?" - "Non, c’est la J.O.C. !" - "Ah, c’est un truc de curés" - "non, c’est des jeunes et si tu venais avec nous, tu verrais que ce n’est pas l’affaire du curé . !".

Il y a là plus qu’il ne paraît ; ce sont des éléments de réponse, une amorce de débat de foi qui s’affirme en eux. Bien enracinée dans leur quartier l’équipe appelle et invite. Un dynamisme qui s’épanouit dans tous les aspects de leur vie : Frédo anime chaque dimanche après-midi une heure à la radio locale, avec son copain Samuel : c’est une réalisation commune dont ils sont fiers.

POURQUOI AVOIR ACCEPTE DE LES RETROUVER AINSI ?

DENISE : Je voyais comme une nécessité de suivre ces jeunes après leur confirmation. On prend au sérieux le temps de la préparation, mais que fait-on dans le temps qui suit ?
Ces jeunes venaient de vivre un temps fort, ils avaient pris un engagement, je ne pouvais pas les laisser partir dans la nature. C’était un point de départ pour eux ; c’en était un pour moi aussi. Je les entend quelquefois me dire : "D’autres ont été confirmés avec nous... ils ont pris un engagement mais ont-ils compris ? Ils ne sont pas là...".

Ils appellent aussi les plus jeunes : "Si vous avez 15 ans et plus, que vous prépariez votre Confirmation ou que vous veniez de la recevoir, il vous suffit de nous rejoindre pour faire partie de ce groupe de jeunes" (extrait de leur article dans le Bulletin paroissial).

JEAN-PIERRE : C’est passionnant de voir des jeunes inventer leur manière d’être dans le monde et dans l’Eglise.
Il n’y a pas qu’une seule jeunesse ; il y a des jeunes différents, dans leur bande, vivant à leur rythme, a leur manière. En cheminant depuis quelque temps avec eux, je les vois prendre de 1’assurance.Pascal peut préparer et animer une réunion.
Jean-Luc ose discuter avec des jeunes de sa classe, comme Dominique qui lui dit : "Il faudrait plus de communication avec les profs", ou comme Isabelle qui "souhaite plus de contact avec les parents".On aime se retrouver et on invite d’autres à sortir de leur isolement, de leur timidité : "je les inviterai à la fête", et "ce serait chouette qu’il vienne avec nous à Paris, il ne sort jamais ! ".

Les discussions entre nous, les actions décidées et menées, les rencontres avec d’autres équipes deviennent des expériences profondes qui durent, restent dans la mémoire et sont racontées aux "nouveaux" qui arrivent ! Plusieurs fois déjà, j’ai constaté que les jeunes sont les mieux placés pour rejoindre les jeunes.
Ils sont capables d’en appeler d’autres, de tenir un projet pour leurs copains. Pascal me disait l’autre jour en voiture : "Ne crois-tu pas qu’avec David, Jean-Luc et peut-être Joakim, il faudrait faire une révision de vie pour approfondir tout ça ?".

Pour nous , prêtres, c’est comme une école : l’écoute, l’accueil de la vie des jeunes telle qu’elle est, c’est tellement riche : le sacré est là !

VOUS ARRIVE-T-IL DE REVER A l’EGLISE de l’AN 2000 DONT ILS SERONT ACTEURS ?

DENISE : II arrive que l’un ou l’autre du groupe parle au "futur"...
Ainsi, un jeune disait : "je veux être missionnaire, c’est-à-dire me mettre au service des autres. La vie ce n’est pas seulement ramasser de l’argent"...

C’est peut-être en correspondance avec ce que nous, adultes, appelons aujourd’hui un "laïc engagé". Il est certain qu’il y a une certaine pudeur à l’intérieur du groupe, mais des occasions se présentent. A nous de saisir la balle au bond pour poser une question, lancer une proposition, sans rester au seul "ordre du jour" de la réunion.

JEAN-PIERRE : Aider ne serait-ce que quelques jeunes à vivre des responsabilités aujourd’hui, cela engage l’avenir.
Leur faire rencontrer d’autres jeunes, d’autres équipes, leur permettre de participer à "Trempolino" et "Villavenir" avec la J.O.C., au plan régional ou national, c’est leur permettre de vibrer à une foule jeune, de leur faire vivre une Eglise jeune. Leur projet de vie, leur avenir est déjà engagé. Et comme le disait Jean-Luc : "Pour moi, croire ça vaut quelque chose ; au bahut on ne peut pas parler comme ça. Quand on dit le "C" de la J.O.C., ça permet de ne pas oublier certaines choses. On dit nos problèmes, on a une célébration, une prière qui est la nôtre. On est entre jeunes et avec des adultes qui nous comprennent".

--------------------------------------

* Le Père Jean-Pierre GUERY et la Soeur Denise SCHNABEL sont à l’équipe du Service Diocésain des Vocations de VERDUN [ Retour au Texte ]