Des témoins qui écoutent et restituent


en aumônerie
de l’enseignement public

DES TEMOINS OUI ECOUTENT et RESTITUENT…

Gabriel ROUANET *

CES JEUNES QUE JE RENCONTRE ET LES AUTRES

Ils résident presque tous dans la "cité du Grand Parc", où vivent 15 000 habitants, de milieu, de culture, de religion très divers. Je rencontre essentiellement :

  • les élèves du collège qui fréquentent l’aumônerie (une cinquantaine), souvent de façon hebdomadaire,
  • les anciens du collège qui passent à l’aumônerie et se réunissent mensuellement,
  • les jeunes du second cycle, qui se préparent à la confirmation, tous les quinze jours,
  • d’autres, de manière plus informelle.

Sans oublier non plus tous ceux que je ne rencontre pas :

  • ceux qui se satisfont de trois ans de catéchèse en Primaire et pour qui la Première Communion est un terminus
  • ceux pour qui le caté "c’est dépassé",
  • les musulmans et les Israélites (quelques unités viennent nous voir),
  • ceux surtout que, par négligence, je n’essaie pas d’atteindre,
  • ceux qui, momentanément, m’évitent.

UNE ATTITUDE d’ECOUTE

Je m’applique à être toujours disponible pour l’établissement de la relation, mais j’essaye de ne pas la forcer, sachant bien que ce serait le plus sûr moyen d’échouer.

L’écoute, "1’être-avec", sont le constituant de la relation, ce qui suppose :

  • savoir attendre, patiemment, que l’interlocuteur en vienne à ce qu’il veut dire,
  • ne pas passer trop vite aux questions, surtout quand je crois deviner ce que l’autre va dire,
  • laisser tout déballer avant d’intervenir,
  • ne pas me faire de cinéma pendant la confidence, mais "boire" et garder tout ce qu’on me dit,
  • en cas de blocage essayer doucement de faire repartir l’échange.

En fin de compte, l’AUTRE doit être convaincu que je garde précieusement ce qu’il m’a confié, qu’il pourra m’en reparler quand il le voudra, que je respecterai tout autant ses longs silences que ses appels intempestifs.

La distance, l’altérité, mon âge contribue pour une bonne part à les déterminer au départ surtout, les jeunes que je rencontre se savent très différents de moi mais, pour la plupart, après une mutuelle reconnaissance, ils acceptent volontiers l’échange qui est, je crois : rejoindre l’autre sur son terrain et l’accueillir sur le mien propre.

DES ATTENTES PERÇUES

Tous les jeunes, quel que soit leur âge, attendent de l’aumônerie qu’elle soit lieu d’ACCUEIL où ils pourront trouver :

  • la présence rassurante d’un adulte ou de son animateur,
  • des copains avec qui on se sent bien, dans un cadre autre que le "bahut", le club sportif ou le Centre de Jeunes...,
  • des animateurs prêts à aborder tous les sujets qui les préoccupent : rapports garçons-filles ; problèmes profs-élèves ; relations parents-enfants ; avenir ; et aussi, mais la demande est faite sur un autre mode, leurs interrogations sur la Foi, les sacrements, la Bible...,
  • un AMOUR vrai, profond, également réparti sur tous, mais qui pourra éventuellement faire les gros yeux,
  • des réponses directes : on n’admet pas les détours, mais on ne s’offusque pas d’un "je ne sais pas" ou d’un "je vais me documenter sur la question".

Quels appels, quelles exigences pour moi ?

  • "Assurer une présence d’adulte chrétien", ce qui n’est pas aussi facile que la façon dont on me l’a demandé en Octobre 1978,
  • Répondre sans mesurer, au besoin d’amour et d’écoute des jeunes, non pour ma satisfaction personnelle mais pour eux-mêmes,
  • ne pas me torturer pour mesurer l’impact de telle intervention, de telle rencontre ou célébration : l’Esprit-Saint se glisse souvent dans ce que je crois être un échec,
  • respecter la liberté de ceux qui prennent leurs distances avec l’aumônerie ou avec moi ; au hasard des croisements garder la même attitude d’accueil,
  • à ceux qui reviennent, après une éclipse plus ou moins longue, pas d’interrogatoire sur ce qui a pu se passer, faire comme s’ils étaient toujours restés dans le groupe,
  • En toutes circonstances : "RESTER VRAI",
  • uni aux autres animateurs et aux responsables, participer, dans la mesure de mes moyens, à tout ce qui peut faire grandir ma foi,
  • Par la prière et la fréquentation assidue de la Parole de Dieu, rester branché intensément sur le Christ, pour que ce soit vraiment LUI que j’annonce.

QUE FAIRE DE CES APPELS ?

Dans mes rencontres avec les jeunes, je tâche de m’inspirer de cette affirmation du Père VARILLON : "DIEU EST AMOUR, ET IL N’EST QU’AMOUR"

C’est cette idée-force qui m’a guidé dans un long entretien avec un jeune couple, traumatisé par un "séjour" de deux ans chez les "Témoins de Jéhovah" ; aussi dans l’accueil d’une jeune fille de 19 ans que son "fiancé" venait de "larguer".

Avec les plus jeunes, pour être "éveilleur", j’essaye de leur révéler, en les raccrochant à l’Evangile, ce qu’ils ont en eux et dont ils n’ont pas souvent conscience : c’est source d’émerveillement et incitation à aller plus loin, à se dépasser. Quand les circonstances sont favorables, je crois qu’il ne faut pas avoir peur de les aider à exprimer ce qu’ils sentent : ils sauront dire si notre traduction est bonne ou si nous tapons complètement à côté de la plaque ; ils s’approprieront d’ailleurs ce qui est exprimé comme entièrement de leur cru.

La responsabilité réside dans la faculté d’analyser les situations puis de faire des choix, de prendre des décisions. Si je peux aider les jeunes à analyser une situation, le choix, la décision, sont à eux.

C’est pourquoi l’aumônerie doit être "un espace de liberté" : Y vient qui veut, quand il veut, pour prendre, donner, chercher, découvrir..., dans le dur respect des copains et des animateurs. On y vit de très bons moments, mais aussi de durs affrontements, suivis souvent de belles réconciliations.
L’aumônerie contribue ainsi à révéler à chacun son identité et à découvrir celle de chacun des autres.

Mon rôle de témoin sera : ECOUTER, VOIR, GARDER, RESTITUER. Le tout dans une grande patience, convaincu qu’il faut "laisser au temps, le temps de faire son oeuvre".

Ce que j’ai exprimé ici est ce que je ressens personnellement ; mais c’est le fruit d’un partage très large, presque quotidien, avec les autres animateurs, la responsable de l’aumônerie et le prêtre-accompagnateur.

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* Monsieur Gabriel ROUANET, laïc, est animateur à l’A.E.P. du secteur BORDEAUX-NORD, pour le collège du grand Parc, il est membre de l’équipe S.D.V. de Bordeaux. [ Retour au Texte ]