Comme une cymbale retentissante


Jean-Pierre GUERY *

Venir à FRANCHEVILLE en Juin 1985 n’était pas pour moi évident. Je ne suis pas en responsabilité directe de l’équipe S.D.V… J’arrive dans cette équipe depuis dix mois seulement… J’entrevois à peine tout ce à quoi est relié le "Service" diocésain des Vocations.
Et voici que le Régional appelle, relayé par le responsable diocésain : "viens avec ce que tu es ! viens participer !"
Avec eux je suis venu ; j’ai vu et entendu… je ne suis pas déçu !
C’est en tout cas ce que je désirerais faire partager à ceux qui liront cet article où je rends modestement témoignage.

l - JE SUIS VENU A FRANCHEVILLE

Prêtre depuis 13 ans, je suis engagé en Action Catholique spécialisée. J’ai souvent déjà expérimenté la richesse d’une session et le dynamisme qui naît au contact les uns des autres.
Je suis venu à FRANCHEVILLE dans cet esprit, animé par cette certitude : pour qu’une cymbale retentisse, il est nécessaire de frapper l’un contre l’autre les deux plateaux de bronze.

Pour que la session retentisse en moi et sur le département, à mon retour, il me fallait accepter de faire se rencontrer mon expérience et celle des autres et que cela frappe !

Je suis venu porteur, dans la mémoire, le coeur et le porte-documents, de ce que j’ai vécu cette année dans l’accompagnement de Jean-Luc, Pascal et Jean-François. Ce sont trois jeunes de 17 à 23 ans, venus au Foyer-Séminaire pour une réflexion sur leur "projet de vie". Je venais en n’oubliant pas leur timidité à la première rencontre, leur soif aussi de pouvoir s’exprimer librement, leur joie de pouvoir partager leur question-réponse à l’appel du Seigneur et d’une Eglise.

Je suis venu porteur de certaines réactions des religieuses, religieux et prêtres de l’équipe du S.D.V. Je me rappelais leur bonne volonté, leurs difficultés et leur fatigue, leur foi, leur souci de mieux saisir les réalités du département, de rejoindre davantage les jeunes.

Je suis venu à FRANCHEVILLE et nous étions nombreux. J’essayais d’imaginer plus encore ce que ces différents délégués apportaient avec eux : leur équipe S.D.V., les jeunes connus et réunis partout en France. Ce fut le premier choc à travers les poignées de mains, le premier coup de cymbale !

2 - J’AI ENTENDU A FRANCHEVILLE

Le premier jour à FRANCHEVILLE, j’ai entendu la synthèse des "feuilles roses" : les difficultés, les lourdeurs, la tâche délicate qu’est celle des S.D.V. Des prêtres diocésains parfois peu appelants, des communautés chrétiennes encore peu mobilisées pour lancer l’appel et des jeunes qui, parfois, nous déroutent.

Ces paroles de synthèse données par Marc, laïc de l’équipe S.N.V., ont fait tilt ; je m’y retrouvais bien. Ces difficultés sont les nôtres localement : une rencontre des prêtres du diocèse l’année précédente, doyenné après doyenné, rendait compte du même climat.

Et avec tout cela, une certitude : Dieu cherche l’homme, Dieu appelle l’homme, l’Eglise continue d’appeler à suivre le Christ, l’Esprit nous devance ! J’ai aimé cette nouvelle note de la session, au deuxième coup frappé sur la cymbale !

J’ai entendu ensuite, dans les couloirs conduisant aux salles de Carrefours, un désir de sincérité, une volonté de parler vrai et de ne pas quitter FRANCHEVILLE sans avoir exprimé les questions comme elles se posent sur le terrain... Les jours suivants en ont donné plusieurs fois l’occasion.

3 - J’AI VU A FRANCHEVILLE

J’ai vu différents intervenants : Père DALOZ et Père COLONI, évêques ; F. BLONDEL, vicaire général à Limoges ; Père POULAIN, supérieur du séminaire de Lyon ; Père BOUCHAUD, prêtre de St Sulpice ; et trois laïques, trois femmes, membres de l’équipe S.D.V. de Lyon.

J’ai vu témoigner là différentes personnes aux responsabilités variées. Certaines ont eu des interpellations fortes et des questions radicales. D’autres ont eu des propos et des expressions qui demandaient à être relus, réfléchis. Mais je retiens, à la lumière de ces visages encore bien vivants à ma mémoire, une invitation pressante : la foi nous fait dire que l’appel de Dieu passe à travers des médiations.

Notre Dieu parle en homme pour des hommes. L’Eglise se doit, elle aussi, de parler en homme pour des hommes ; et des hommes situés localement et historiquement. J’ai aimé l’invitation à regarder le diocèse comme un espace, comme un lieu spirituel, avec sa propre histoire. J’ai aimé entendre parler des prêtres diocésains, au pluriel, et non pas au singulier, comme s’il n’y avait qu’un seul programme à l’ordinateur de la Mission...

J’ai retenu l’insistance sur le rôle des prêtres au service d’un peuple, au service d’une portion d’humanité. Les prêtres annoncent l’Evangile à tous ; ils sont appelés à une attente passionnée à tout ce qui se vit dans l’espace humain qui est le leur. Et ce regard de foi, humble et quotidien, les prêtres le portent avec d’autres. Combien de fois ai-je entendu le mot de "partenariat" !

N’est-ce pas une nécessité et aussi une grâce de notre temps, que les prêtres soient au travail AVEC d’autres croyants : laïcs, religieux, religieuses, prêtres ?

N’est-ce pas une chance et une force pour demain, que les S.D.V. soient un "lieu carrefour", non pas une tour d’ivoire mais un service qui accompagne dans la durée un éveil commencé ailleurs (dans un mouvement, une aumônerie scolaire, lors d’un pèlerinage ou d’une préparation au sacrement de Confirmation) ?

Bref, là encore, bien des coups étaient frappés, avec vigueur sur les deux plateaux de la cymbale ! et, à chaque Eucharistie, espace de prière et de communion, que de retentissements !

4 - ET JE NE SUIS PAS DEÇU

Je ne suis pas rentré déçu de la session de FRANCHEVILLE. C’était déjà ce que je disais au retour, dans la voiture, en réponse à une question que me posaient ceux qui m’avaient envoyé.. C’est ce que je dis aujourd’hui encore, après un temps de décantation.

Les quelques heures passées en Carrefour, où nous étions 9 de plusieurs lieux de France, comptent encore pour moi en cette période actuelle de reprise d’année. Le partage de nos convictions, au deuxième jour de session fut un temps fort où, ensemble, nous nous sommes mis face à l’essentiel. Notre responsabilité en S.D.V. n’est pas qu’un travail, c’est une mission, une manière de vivre notre foi, ici et maintenant, une place dans l’Eglise de Jésus, avec des hommes que travaille son Esprit.

Je me suis surpris, d’ailleurs, à redire cette phrase proche d’une expression attribuée à St Augustin : "chrétien avec vous, prêtre pour vous."

N’est-ce pas le Père BOUCHAUD qui nous rappelait une des dimensions spirituelles de la vocation au ministère ordonné : "Le ministère est une expérience pascale ; il est chemin de sainteté, plus qu’une fonction...".

Je ne suis pas déçu car FRANCHEVILLE fut un lieu et un temps de rencontres personnelles dans les couloirs, durant les temps libres, les repas et les soirées.
J’étais venu, je l’ai dit, avec une expérience (courte mais réelle) de Foyer-Séminaire. Au cours de la session, j’ai pu échanger longuement avec d’autres collègues de Nevers, Ste Anne d’Auray, Châlon s/Saône ; j’ai entendu par eux différentes "formules" d’accueil et d’accompagnement de jeunes ouverts à une vocation spécifique. Merci à eux pour ces échanges amicaux et leur écoute. C’est encourageant pour un "nouveau" !

Je ne suis pas déçu car FRANCHEVILLE a renforcé en moi la conviction de travailler en équipe. Le S.D.V. n’est pas une tour d’ivoire, je le disais précédemment ; le S.D.V. ne peut non plus être l’affaire d’une seule personne. Et je reprends avec confiance, en ce début d’année scolaire, ma place au sein de notre équipe S.D.V. J’espère faire encore du chemin dans les mois qui viennent, au service des jeunes !

Je ne suis pas déçu... Des visages, des paroles, des images, des questions ont "frappé" le plateau de mon expérience et la cymbale est une cymbale retentissante !

EN CONCLUSION

Faut-il conclure ?
La session est une étape sur une route qui se poursuit. Les échanges sont des éléments qui éclairent une question difficile : l’appel à suivre Jésus-Christ, l’appel à Le suivre dans le monde d’aujourd’hui qu’Il aime, l’appel à Le suivre dans la réponse à une vocation spécifique pour telle ou tel...

La session est une force car on se sent nombreux, attelés à la tâche ; on se sent une Eglise organisant l’éveil et l’accompagnement des vocations.

La session est un élan qui peut nous aider à vivre épanouis, bien à notre place, bien dans notre peau. Les jeunes ne sont pas tendre vis-à-vis de certaines images que donnent les chrétiens, des prêtres, des femmes ou des hommes consacrés qui respirent plus la morosité que la résurrection...

Et si, de temps en temps, nous laissions retentir en nous la cymbale de FRANCHEVILLE ? Si la session 85 devenait cymbale retentissante et donnait force à nos équipes S.D.V., dans l’audace de nouveaux chemins au service des jeunes ?

* Le Père Jean-Pierre GUERY , du diocèse de VERDUN, est membre de l’équipe S.D.V. [ Retour au Texte ]