En fraternité sacerdotale autour de l’évêque


Philippe GUEUDET *

Le 2 Avril 1985, plus de 200 prêtres, diocésains et religieux, sur les quelques 250 que compte le diocèse, se retrouvent à l’église Notre-Dame de Créteil pour la Messe Chrismale. Ils prolongeront presque tous par un repas fraternel dans une communauté religieuse du diocèse, C’est ainsi chaque année depuis la création de notre jeune diocèse en 1966.

UNE FRATERNITE SACERDOTALE

Et pourtant cette année c’est un peu différent, nous sommes plus nombreux et il y a quelque chose d’encore plus familial. Notre évêque a cédé la présidence de l’Assemblée à son prédécesseur qui célèbre le 50ème anniversaire de son ordination, entouré de quelques autres jubilaires. C’est vraiment une fête du presbyterium. Le constituer avait été un accent très important des 16 ans de ministère épiscopal du Père de Provenchères. Ce soir du 2 Avril 1985, il peut être heureux, nous sommes là pour lui manifester une certaine réussite de son projet et l’en remercier.
Pourtant, ce n’était pas joué d’avance lorsque, il y a 19 ans, des prêtres des anciens diocèses de Paris, surtout, et de Versailles durent opter pour Créteil, c’était une certaine aventure.
Dans son homélie, le Père de Provenchères nous redit cet essentiel auquel il tient :

"A cette croisée des chemins, une de nos forces principales doit être notre fraternité sacerdotale. Plus que jamais nous avons besoin les uns des autres. Laissons les exclusives pastorales, apprenons à nous connaître et à nous estimer différents, tous unis à notre évêque et disciples d’un même Maître.
Il ne s’agit nullement de durcir une ’caste sacerdotale’ et encore moins un cléricalisme périmé, mais j’ai toujours été et je reste persuadé que l’union du presbyterium est non seulement un témoignage mais une condition et une sorte d’union pour toute l’Eglise."

De son côté, le Père Fretellière, notre évêque depuis 1981, écrivait en 1982 :

"Moins nombreux, dans une Eglise aux initiatives multiples, dans une Eglise où les laïcs les plus différents acceptent de prendre les responsabilités les plus diverses, les prêtres diocésains doivent plus que jamais témoigner des liens qui les unissent en presbyterium et à leur évêque. Par là, ils servent et attestent de manière privilégiée la cohésion de l’unique troupeau, sous la houlette de l’unique Pasteur Jésus-Christ. Ferments de l’unité dans la diversité, ils assurent ainsi un service éminent dans la société et dans l’Eglise pour aujourd’hui et pour demain."

L’EVEQUE AU COEUR DE CETTE FRATERNITE

L’évêque a une place centrale dans cette fraternité sacerdotale puisque, le Concile nous le rappelle, elle est d’ordre sacramentel, et il y joue un rôle déterminant, particulièrement en exerçant un "ministère de reconnaissance".

Il y a ce qu’on peut appeler la reconnaissance pour temps de crise. Dans une situation souvent difficile, parfois lourde à porter et insécurisante, chacun cherche, comme un besoin vital, à se sentir soutenu dans ce qu’il fait et conforté dans ce qu’il est. on peut alors se tourner vers son évêque et quêter des signes d’approbation.

Mais je voudrais surtout parler de trois autres niveaux de reconnaissance.

  • LA RECONNAISSANCE PERSONNELLE de l’EVEQUE qui S’exprime naturellement dans la mission confiée, comme partage de sa responsabilité pastorale, elle fait de nous ce que nous sommes et nous situe au sein d’un presbyterium. Là, tel qu’il est, avec ses richesses et ses pauvretés, chacun doit pouvoir donner sa pleine mesure. C’est pour cela qu’un jour il a répondu "me voici" ; c’est aujourd’hui cette même réponse renouvelée à un même appel répété.

  • LA RECONNAISSANCE MUTUELLE ENTRE PRETRES qui s’appuie sur la reconnaissance du presbyterium par l’évêque. Elle passe par les équipes pastorales, les groupes organisés pour une même tâche dans un secteur ou sur tout le diocèse, ou les groupes réunis à l’initiative de quelques-uns, et plus encore par les équipes de révision de vie.
    Ces regroupements n’ont ni la même origine ni le même objectif, mais ils permettent la confrontation et la concertation, le dialogue et le partage apostolique et spirituel. Parfois, l’évêque suscite, parfois il soutient ou simplement accueille comme une richesse pour l’Eglise diocésaine, parce que "des" prêtres deviennent "un" presbyterium lorsque ces groupes et équipes communiquent entre eux.
    C’est ensemble et non seul que nous sommes signe du Christ Pasteur et c’est pour cela que nous sommes ordonnés.

    La communication entre les regroupements de prêtres peut être particulièrement soutenue par l’existence d’un Conseil Presbytéral, expression de tout le presbyterium associé comme conseil au gouvernement du diocèse.

  • Le dernier niveau, c’est LA RECONNAISSANCE DE CHACUN PAR SOI-MEME,comme situé dans une double fidélité, tension vivifiante : fidélité à la mission particulière reçue pour un peuple et fidélité à la mission de l’ensemble et aux choix pastoraux de l’Eglise diocésaine.
    Chacun doit être poussé à la plus grande solidarité avec les hommes auxquels il est envoyé et en même temps doit leur permettre d’inscrire leur histoire dans celle de tout le peuple de Dieu, les ouvrir à plus qu’eux-mêmes, il faut qu’il soit aidé à vivre une certaine distance.
    Solidarité et distance qui peuvent faire naître un "mal à être" si elles ne sont pas portées au sein de cette fraternité sacerdotale avec l’évêque, pour ouvrir toute l’EGlise diocésaine à l’universel.

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Je crois que dans notre diocèse cette fraternité sacerdotale est animée par un esprit commun, rappelé par l’évêque à temps et à contretemps. La mission est immense et nos forces sont bien faibles. C’est peu de dire que l’Eglise est minoritaire et que le corps sacerdotal est petit et vieillissant. Nous sommes en situation de pauvreté : un instrument parmi d’autres pour le service de l’Evangile. Ou nous sommes écrasés par l’ampleur de la tâche, ou il nous faut consentir à notre pauvreté comme chemin de conversion à la pauvreté spirituelle.
Humblement discernons ensemble les signes de l’Esprit à l’oeuvre dans la vie des hommes et des femmes de cette terre du Val de Marne et mettons nous au service de l’Esprit, il ouvre le possible. Cette contemplation du travail de Dieu dans l’homme peut convertir notre pauvreté en espérance et notre faiblesse en force apostolique.

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Je devais parler du lien à l’évêque, j’ai au moins autant parlé de celui au presbyterium, simplement parce que je ne peux pas parler de l’un sans l’autre.

* Philippe GUEUDET, prêtre du diocèse de CRETEIL, est responsable du Service des Vocations. [ Retour au Texte ]