La vocation de Jean-Baptiste


Pierre et Dominique *

LA VOCATION DE JEAN BAPTISTE

C’est le prénom de notre fils (8 ans). Et la question sur laquelle il nous a été demandé de réfléchir.

Nous nous sonnes d’abord regardés avec un sourire amusé et un peu gêné. Et puis une boutade pour débloquer : "Au moins, il n’y aurait pas de problèmes avec la belle-fille !"

Ensuite, un début de dialogue :

- (Elle) : Tu y a déjà pensé ?
- (Lui) : Oui, bien sûr, mais pas de manière approfondie. Comme ça, furtivement. C’est d’ailleurs curieux, compte tenu de tout ce que l’on fait (1)...Et toi ?
- (Elle) : Moi, si, un peu plus.
- (Lui) : Et Alors ?
- (Elle) : Si ça arrivait, ce serait bien !.. Non ?
- (Lui) : Ah... oui !

A partir de là, une première prise de conscience... de nos contradictions. Nous disions "si ça arrivait", comme si nous croyions que l’appel était strictement une affaire entre lui et Dieu, alors que nous allons répétant le contraire : "L’Eglise a (ou n’a pas) les prêtres qu’elle mérite", "c’est par la communauté que passe l’appel"... Nous en sommes convaincus. Mais pourtant, nous ne portons (ne portions...) guère ce souci.

* * *

Quelques jours plus tard, nous nous retrouvons dans un "groupe de partage" (quatre ou cinq couples ou célibataires amis). Nous sortons notre question : "Et vous, vous en parlez avec vos enfants ?" Réaction dominante : douche froide "Non". Pourquoi ?
Ce sera difficile à déceler dans une discussion complexe. Quelques raisons apparaissent déterminantes.

La première étant sûrement le célibat, bien que l’on admette qu’il faudra toujours des hommes qui le vivent pour témoigner de l’amour fou de Dieu. Mais pas obligatoire pour les prêtres : ils ont besoin d’humain... Et puis, c’est trop triste.
- "Vous trouvez qu’ils sont tristes nos prêtres ?!"
Non. Mais ça ne fait rien : la réticence reste.

Autre raison donnée :
"C’est trop important. Je ne peux pas prendre le risque de conditionner mon enfant sur une chose aussi grave !"
- "Mais c’est absurde... Tu le conditionnes pour tout..."

D’accord, mais ça ne fait rien.
Et encore : l’Eglise doit diversifier ses ministères, alors pourquoi nous bloquer sur celui-là. Il n’y a plus de prêtres mais il y a 220 000 catéchistes, des diacres, etc.

- Oui, mais on ne pourra jamais se passer de prêtres
- Pourquoi ?
- A cause de i’Eucharistie
- Et pourquoi à cause de i’Eucharistie ?...

Là, on a vasouillé. Tous. on est parti sur les Apôtres, les anglicans, mais ce n’était pas net. Il faudrait peut-être que l’Eglise nous fasse réfléchir un peu là-dessus. Ça aiderait.

Et puis, on est revenu sur la famille (Famille, quand tu nous tiens...) Et le temps : "Tu as vu la vie qu’ils mènent... Comment veux-tu qu’ils s’occupent d’une femme et d’enfants, etc."

* * *

Bilan entre quatre yeux. Pas convaincus du tout par tout cela. Le célibat nous paraît fondamental même si nous ne serions pas contre l’ordination de gens mariés.

Et en parler à notre enfant ne nous parait pas du tout attentatoire à sa liberté. Parce que la liberté ce n’est pas de faire ce que l’on veut, être suspendu en l’air, comme ça, sans attaches, c’est au contraire unifier toute sa vie, son être autour d’un engagement. Et quel engagement que de donner totalement sa vie à Dieu !

Nous n’excluons pas cette voie. Bien au contraire, notre fierté de parents chrétiens y trouve son compte, nous qui malgré nos difficultés et nos imperfections, sommes de plus en plus touchés par la Révélation du Christ : Dieu-Amour voulant l’homme à son image, Dieu-Père, Dieu-Mère...

Un fils tout entier consacré, et non sacrifié, à faire partager cette Révélation à l’humanité, quelle ,joie plus profonde ? Nous ne sommes ni plus ni moins angoissés par cette éventualité que par les autres (mariage, métier...). Dans tout choix de vie, il y a une part d’impondérable.

Influencer sa décision ? Certainement pas. Pas plus que pour les autres choix de sa vie. Mais ne rien dire par respect de la liberté ? Faux argument qui masque bien peut-être une peur, voire un refus.

On ne choisit que parmi ce que l’on connaît. Et dans la mesure où nous éveillons notre fils à la Foi, nous sommes évidemment responsables de son ouverture aux différentes réponses à l’appel de Jésus-Christ.

Cet enfant est un trésor, un talent que nous avons à faire fructifier. Nous taire, attendre et laisser-faire, c’est comme enterrer le talent.

* * *

Nous en parlerons donc... Nous en avons parlé, sans le faire (tout à fait) exprès et sans aller bien loin, mais l’important, c’est que c’est passé comme une lettre à la poste ! C’était un soir à table, au cours d’une discussion :

- Marie (10 ans), la soeur : "C’est marrant, je trouve que M... (un de nos prêtres) il a pas une tête de curé"
- Le père (perfide) : "Et moi, j’ai une tête de curé ?"
- "Ah oui,., toi... plutôt !"

Important ça ! Par jeu, on a continué avec quelques têtes de membres de la famille ou d’amis.
L’image qui en ressort ? La quarantaine dynamique et responsable. On ne lui tape pas vraiment sur l’épaule mais on n’est pas coincé non plus. Et puis, à la fin (suprême perfidie) :

- "Et Jean-Baptiste, tu trouves qu’il a une tête de curé ?"

- "Lui !" Enorme éclat de rire. Elle s’en étrangle... Mais, lorsqu’on la connaît, pas plus que lorsqu’il dit qu’il veut être pâtissier.

Le Jean-Baptiste concerné, lui, s’endort doucement dans son assiette. Ça ne l’a pas traumatisé.. A suivre !

Maintenant, il dort. C’est l’heure où, en le regardant, on se demande : que deviendras-tu ? Quel homme seras-tu ? Quel choix feras-tu ? Qu’allons-nous t’aider à devenir ?

Que le Seigneur nous aide à l’accompagner dans sa croissance et que quelle que soit la manière dont il répondra à l’appel du Christ, il y réponde et en soit heureux !

* Ce que l’on fait : catéchèse, aumônerie, gestion paroisse, groupe "Baptême", Lourdes... [ Retour au Texte ]