Pour une Eglise accueillante


Jacques GAILLOT *

Quand j’aborde la question de l’appel au ministère presbytéral dans un groupe, je m’aperçois que les manières de voir sont non seulement variées mais opposées. En fonction du passé et de l’expérience, chacun s’est forgé des convictions à ce sujet. J’ai l’impression d’une douche mal réglée. Un coup c’est de l’eau bouillante, un coup, c’est de l’eau froide. Peut-on se mettre d’accord sur la température de l’eau ? Comment faire ce réglage ensemble en cette période de mutation de la société et de l’Eglise ? Il ne s’agit pas de revenir à un âge d’or que l’on a connu, ou que l’on s’imagine avoir connu, ni d’attendre simplement que les choses se passent et que les vocations repartent.

L’enjeu de l’appel au ministère presbytéral dépasse de beaucoup le ministère lui-même. Il ne suffit pas d’y croire et d’en affirmer l’importance. C’est à nouveaux frais que la question se pose.

Comme évêque d’Evreux, voici comment elle se présente à moi.

l - Une Eglise de la Mission

L’appel au ministère presbytéral ne peut à mes yeux se dissocier de l’Eglise à laquelle nous appartenons. Pour quelle Eglise appelle-t-on ? Quels prêtres pour quelle Eglise ? De quels prêtres l’Eglise d’Evreux a-t-elle besoin pour faire route aujourd’hui avec les hommes ? Ceux qui se présentent aujourd’hui pour devenir prêtres, sont-ils ceux dont l’Eglise aura besoin demain ?

Si l’Eglise connaît l’enlisement en se préoccupant de ses problèmes, l’appel au ministère presbytéral s’en ressentira. C’est le choc en retour. Si l’Eglise donne des signes de replis sur ses propres structures, on risque de connaître un type de vocations peu missionnaires.
Une sorte d’osmose s’établit entre l’Eglise et ses ministres. Si l’Eglise laisse enterrer l’Evangile, que deviendront les ministres de l’Evangile ?
Dis-moi comment vit ton Eglise, je te dirai le type de prêtre qu’elle est en train de préparer.
L’annonce de l’Evangile est la première tâche. Mon souci est de faire que l’Eglise diocésaine soit ouverte aux graves problèmes de notre époque : chômage, euthanasie, peine de mort, insécurité, famine, paix et désarmement, immigrés.
Puisque l’Eglise n’est pas faite pour elle, de quoi a-t-elle peur ?
Qu’a-t-elle à défendre, sinon la dignité des pauvres et les droits de l’homme, au nom de l’Evangile ? Si l’Eglise n’a pas autant et plus que d’autres la passion de l’homme, que devient sa mission ?
La principale difficulté que je rencontre pour l’appel au ministère presbytéral se situe là.

2 - Une Eglise reposant davantage sur sa base

Faire appel aux énergies de l’Evangile qui sommeillent chez les chrétiens, éveiller les forces vives qui sont disponibles, susciter de nouveaux responsables, proposer une formation aux laïcs, voilà des tâches urgentes. Dans cette perspective, tout ce qui se fait pour éveiller des laïcs à des responsabilités prépare l’avenir. Ainsi, de plus en plus de baptisés auront la possibilité de participer réellement à la vie et à la mission de l’Eglise.
Un des fruits du Concile Vatican II est en train de mûrir sous nos yeux : des laïcs s’approprient l’Eglise. Ils font Eglise. L’Eglise devient leur affaire.
Trois modestes réalisations vont dans ce sens :

- L’ECOLE DES MINISTERES

Des laïcs de 35-4O ans, aux responsabilités variées, font l’expérience étonnante de ce qu’est l’Eglise diocésaine. Cette institution nouvelle modifiera la manière de vivre en Eglise. Un jour, des hommes et des femmes prendront les charges qui conviennent pour que les communautés puissent vivre.

- LES CONSEILS PASTORAUX

Ils manifestent la possibilité d’avancer ensemble. Ils traduisent en acte la coresponsabilité.

- UN SERVICE DIOCESAIN DE PASTORALE RURALE

Ce Service reçoit mission d’accompagner les communautés qui n’ont plus de prêtres sur place et d’apporter l’aide pastorale nécessaire pour que les chrétiens soient, eux-mêmes, les artisans de leur avenir.

3 - L’appel au ministère presbytéral

Ce nouveau visage de l’Eglise se dévoile peu à peu au milieu des tensions et des joies. Tout ne se passe pas comme prévu. Les initiatives n’ont de chance d’aboutir que si elles sont portées par un environnement favorable et surtout, par un élan qui emporte les résistances. Tout n’est pas possible au même moment. Je n’attends pas que toutes les conditions soient remplies dans l’Eglise pour appeler.
Dans quelles perspectives avancer ?

a) FAIRE SURGIR UNE VARIETE D’APPELS

L’Eglise est à la fois appelée et appelante. Je cherche à ce que l’Eglise d’Evreux, ayant conscience du mystère qu’elle porte et la mission qui lui est confiée, devienne appelante et fasse surgir partout de nouveaux responsables, hommes et femmes.

En favorisant, avec d’autres, le surgissement d’appels variés, je cherche à ce que chacun vive jusqu’au bout son propre appel. S’il n’y a pas assez d’appelés, c’est que l’Eglise n’est pas assez appelante. Ayant été appelé, on devient appelant. C’est un signe de santé.

b) PROPOSER L’APPEL A DES JEUNES

Pas simplement à la cantonade, mais à des jeunes que l’on connaît.
Cette proposition respecte leur liberté.
Pour que ces jeunes aient la liberté de répondre, il est nécessaire qu’ils sachent que cette possibilité existe.

c) SUSCITER DES EQUIPES "VOCATIONS" dans les trois zones du diocèse.

Ces équipes sont composées de prêtres, diacres, religieuses, laïcs, ayant des responsabilités variées dans la pastorale. Elles sont en lien avec des jeunes qui cheminent vers le ministère presbytéral ou la vie religieuse ; elles sensibilisent et interpellent les paroisses et les Mouvements à ce sujet.
A partir de ces équipes de zone, le Service Diocésain des Vocations anime et coordonne la pastorale dans le diocèse.

Un climat nouveau commence à se faire jour, l’expérience montre que plus les laïcs trouvent leur place dans la mission et prennent leur part dans la tâche commune, plus ils ont besoin de ministres. Pas d’Eglise sans prêtres. On sait mieux aujourd’hui pourquoi on appelle. Les communautés se réapproprient la question des vocations. C’est une chance pour une Eglise diocésaine.

* Mgr Jacques GAILLOT est évêque d’EVREUX [ Retour au Texte ]