Accueil monastique et Service des Vocations


Soeur AUBIERGE *

L’Abbaye de Jouarre, en Seine & Marne, Une grande communauté bénédictine située à 70 km. de Paris, Aux origines, c’est-à-dire vers 630, le monastère était en pleine forêt de Brie, mais depuis des siècles le village est venu l’enserrer de toutes parts, et c’est la campagne environnante qui tient lieu de parc, Cependant, de nos vieilles pierres un charme se dégage et le monastère, malgré l’austérité des lieux, attire beaucoup de jeunes en quête de…

En quête de quoi au juste ? Ne disons pas trop vite en quête de Dieu, C’est peut-être avant tout le besoin impérieux de quitter un moment la vie bruyante et agitée de Paris qui pousse beaucoup de nos hôtes vers le monastère. Certains, venus avec un groupe, ont découvert la possibilité de revenir seuls, d’autres ont entendu des amis leur vanter le bienfait d’une pause à l’Abbaye.

ACCUEILLIR

Dans le cadre de " Jeunes et Vocations ", je me bornerai à parler des jeunes filles qui fréquentent la Tour Notre Dame, maison qui jouxte le monastère, où l’accueil se fait dans une atmosphère de silence.

A leur première visite, il y a souvent un moment difficile - le silence, si désiré parfois, est insupportable ; l’absence de fond sonore, l’arrêt des activités, le calme, le dépouillement des lieux, la proximité d’une communauté de 80 moniales, autant d’effets choc sur la nouvelle venue.

La Soeur hôtelière doit être attentive pour aider à surmonter le moment de panique qui en saisit plus d’une ! Quel soulagement de découvrir qu’il y a là, à proximité, quelqu’un qui écoute.
Car c’est cela le grand rôle d’un monastère vis-à-vis de ses hôtes : être un lieu où l’on écoute. Un endroit où l’on est écouté, accueilli tel qu’on est et un endroit où, peu à peu, on apprendra soi-même à écouter.

Toutes les jeunes (et les moins jeunes) ont un besoin immense d’être écoutées. C’est la première expérience qu’elles vont faire au monastère.
Ecoute inconditionnelle et respectueuse. Elles diront ce qu’elles voudront, tairont ce qu’elles voudront. Voilà pour le premier séjour. Un certain nombre de jeunes en resteront là ; repartiront sans jamais revenir.

RESPECTER LA LIBERTE

Mais d’autres feront l’expérience de retours plus ou moins fréquents et découvriront une dimension essentielle à nos yeux : celle de la liberté.

Elles reviennent pour reprendre souffle, pour faire le point, pour y voir plus clair dans leur vie, pour, dans le calme, chercher à discerner leur chemin. Il ne s’agit pas encore de "recherche de vocation" au sens technique du mot.

Avec la soeur (toujours la même) on relit sa vie depuis le dernier passage, et comme il est important de se confier à quelqu’un qui a de la mémoire ! Dans la Bible Dieu dit souvent à son Peuple : "Souviens-toi" pour l’amener à comprendre le présent, aujourd’hui, nous devons dire aux jeunes : "Souviens-toi" car la vie trépidante leur cache habituellement le fil conducteur de leur existence.

Un dialogue confiant s’instaure, qui durera peut-être des années. Il faut du temps, beaucoup de temps aux jeunes pour se construire, pour que mûrissent en elles les convictions solides, les certitudes calmes qui permettent de s’engager.

Dialogue vécu aussi dans la liberté. D’abord celle de venir ou de ne pas venir. Jamais nous ne relançons une jeune, même si nous aimerions bien savoir ce qu’elle, devient. Ceci par discrétion, par respect de la liberté d’autrui qui n’a pas à nous rendre compte de son chemin. Et aussi parce que nous sommes des moniales avant tout. Si nous avons le devoir d’accueillir, nous n’avons pas mission de courir le monde (par lettre ou par téléphone ce serait toujours courir le monde !).

Ceci dit, il nous semble important que les jeunes découvrent qu’elles sont libres vis-à-vis du monastère. Libres de se confier, libres de participer ou non à la liturgie. J’ai vu des jeunes attendre un an et même plus, avant de me dire ce que j’avais deviné. Une parole hâtive, un coup de pouce pour aider "à dire" et peut-être y aurait-il eu un énorme blocage. Rien ne remplace le temps, on ne fait pas fleurir une rose à coups de canif. Le temps, la patience, au service des vocations, c’est extrêmement important.

AIDER A SE SITUER

Mais ce temps, il faut qu’il soit bien employé. C’est notre préoccupation constante de pousser les jeunes à vivre pleinement leur vie de femmes et de chrétiennes. D’où notre effort pour les aider à se situer dans la société et dans l’Eglise. Nous savons bien que les monastères ont quelque chose de fascinant pour des jeunes qui ont du mal à trouver leur place dans la vie moderne. Il y a pour certaines un attrait qui n’est pas sans danger, à nous d’être lucides et de ne pas accepter toutes les demandes de séjour. Il arrive aussi que nous demandions à telle ou telle de ne pas revenir avant un an. Simple prudence.

D’autres font partie de ces pèlerins de Dieu qui ne trouveront jamais leur place dans une communauté, parce que c’est dur et exigeant la vie ,religieuse.
Il y a parfois un attrait puissant, très profond pour la vie monastique, mais cela ne suffit pas. S’il manque la possibilité de vivre en communauté tout en assumant une grande solitude, ou bien si l’on n’est pas capable d’une obéissance responsable, il faudra aider les jeunes à ne pas vivre dans le rêve. Pour faire la lumière et la paix on offre alors, parfois, un stage dans le monastère même. Après expérience vécue, elles ne reviennent pas. Il faut quelquefois prendre les grands moyens pour faire tomber des illusions tenaces.

Il arrive que des prêtres conseillent à des jeunes en recherche de venir faire un séjour à l’Abbaye. Un discernement nous est alors demandé. Tâche toujours délicate qui nous fait prendre conscience que dans l’Eglise nous sommes tous complémentaires, que nul ne peut se dérober ni prendre la place de l’Esprit Saint.

Un monastère n’est pas un Service des Vocations. Mais, s’il est d’Eglise, il doit, pensons-nous, travailler en lien avec le S.N.V., le S.R.V.F. et le S.D.V. Il est nécessaire que des liens s’établissent entre responsables de l’accueil des jeunes dans les monastères et ces différents Services, de même qu’avec le plus possible de lieux de discernement. Nous ne pouvons pas et nous ne devons pas tout faire seules.

PROCURER LE RESSOURCEMENT

Le monastère peut être pour beaucoup un lieu de ressourcement spirituel. Il offre avant tout un espace où, dans le silence, on apprend à écouter la Parole de Dieu. La moniale écoute la jeune qui lui dit sa vie et, ensemble, elles écoutent Celui qui ne cesse de parler au coeur par sa Parole.
L’expérience du silence proposée à la Tour Notre-Dame est souvent l’occasion de prises de conscience fulgurantes, les jeunes ont soif de connaître la Bible.
A côté d’un cheminement personnel, nous leur proposons des temps forts d’approfondissement de la foi où, avec d’autres, mais toujours dans un climat de silence, elles apprendront à déchiffrer leur vie à la lumière de l’Evangile (week-ends bibliques, semaines de prière, retraites).

Il est également indispensable que nous puissions faire connaître aux jeunes d’autres instances, d’autres lieux d’Eglise où elles pourront compléter leur recherche.

C’est ainsi, nous semble-t-il, que sans être un "Service des Vocations" le monastère peut, en étant fidèle à sa vocation d’accueil dans le silence et la prière, être au service des vocations. Sa contribution reste souvent modeste mais, puisque c’est toute l’Eglise qui est en état de vocation, nous essayons simplement en vivant notre vocation propre, d’être pour les jeunes un relais qui leur permet d’aller plus loin.

* Soeur Aubierge, de l’Abbaye Notre Dame - 77640 JOUARRE [ Retour au Texte ]