Diaspora - un dossier : "Comme un bourgeon" - une question : "Trop jeune...


Bientôt un dossier

- Disponible au Congrès d’Amiens -

. L ’atelier "Diaspora" qui se réunit régulièrement au S.N.V.
a préparé un dossier. Il ne s’agit certes pas d’une cogitation gratuite d’experts en chambre, mais d’une réflexion de prêtres, religieux et religieuses qui ont repris à la fois les données de leur propre expérience et celles d’une enquête lancée par cet atelier il y a quelques mois.

Avec ce dossier, nous connaissons mieux les jeunes, garçons et filles, de 11 à 18 ans, qui participent aux rencontres "Diaspora". Nous comprenons leurs motivations. Nous écoutons les animateurs, les animatrices, exprimer leurs convictions pédagogiques et les questions qu’ils se posent, conscients de certaines conditions sans lesquelles de telles équipes ne seraient pas vraiment au service de la liberté de ceux et celles qui cherchent leur chemin.

Les "lieux" que sont les équipes "Diaspora" permettent aux jeunes qui le souhaitent d’aller plus allant dans la recherche de leur vocation. Comme pour les Foyers-Séminaires, il est indispensable qu’ils soient bien situés dans l’ensemble de la pastorale. Une concertation s’impose entre les différents animateurs qui peuvent se trouver sur la route de ces jeunes.

Le document proposé dans les jours qui viennent peut la favoriser.

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Une enquête récente révèle que la période de 11 à 13 ans est importante pour l’éveil des vocations. A ceux qui hésitent à favoriser cet éveil chez les plus jeunes, les lignes suivantes, parues dans la revue "VOCATIONS" de la Région Ile de France, peuvent apporter quelques convictions. Nous remercions l’auteur et le rédacteur en chef d’avoir autorisé cette reproduction :

Trop jeune pour décider, pas trop jeune pour y penser !

 

TROP JEUNE POUR DECIDER PAS TROP JEUNE POUR Y PENSER

D’ABORD, BIEN POSER LE PROBLEME ...

Aborder la délicate question des vocations quand on vise des garçons et des filles (pré-adolescents, adolescents, jeunes) demande recul et lucidité. L’expérience montre qu’en pareil cas, un réflexe quasi-magique saisit beaucoup d’entre nous.

On voit chez les uns jaillir les clichés du passé... Ils gémissent en évoquant cet "âge d’or" où les petits séminaires et les juvénats regorgeaient de monde. Ils pensent que la répétition pure et simple de ce qu’ils ont connu serait la seule solution. Ils suggèrent une attitude plus énergique, plus incitative. Ils sont sûrs qu’elle porterait du fruit.

"Qu’on cesse donc - disent-ils - de gâcher les vocations de jeunes faute de lieux adéquats pour les soutenir. Qu’on en revienne aux structures traditionnelles. Alors, nous aurons des vocations."

D’autres, au contraire, "voient rouge" à la simple évocation de le réalité vocationnelle chez les jeunes. Ils s’insurgent contre ce qu’ils estiment être une atteinte à leur croissance humaine et spirituelle :

"Comment oser à notre époque, envisager la possibilité d’un éveil des vocations chez des enfants et des jeunes ? Laissons-les donc vivre et dissiper leur rêve !"

Quelqu’un se risquait même à écrire, il y a peu de temps :

"Une pastorale de vocations d’enfants me paraît être une manipulation inutile et nocive".

Ajoutons ceux qui ne disent rien et qui parfois hésitent entre ces deux extrêmes.

En fait, il s’agit de bien poser le problème et que soient lucides et bien au clair avec eux-mêmes ceux qui le posent.

Le caractère passionnel où beaucoup trop d’adultes veulent situer le débat et les réactions affectives qui en découlent nous font penser que, souvent, on règle ses propres comptes avec un passé mal digéré. La violence des positions disqualifie, à nos yeux, ceux-là mêmes qui les défendent. Nous aimerions donc en appeler d’abord au recul, à la lucidité, à la rigueur d’analyse. Il s’agit de servir les jeunes et pour cela de ne pas déplacer le problème.

LA REALITE RESISTE ...

La réalité rions oblige à reconnaître - que cela plaise ou non - l’existence de jeunes de 12 à 18 ans, garçons et filles, qui pensent être appelés par le Seigneur pour vivre une vocation particulière comme prêtre, religieux, religieuse, consacré, parfois aussi, mais très rarement, comme diacre permanent. Nous devons donc accueillir cette réalité. Entendre ces jeunes avec ce qu’ils apportent, ce qu’ils disent d’eux-mêmes. L’Eglise a la responsabilité de se mettre à leur service afin qu’ils trouvent en elle les moyens les meilleurs pour avancer dans la foi et se mettre de plus en plus à l’écoute de l’Esprit Saint qui appelle.

Il importe donc que les adultes ne commencent pas, d’abord, par suspecter ces vocations, mais par se faire, humblement, des écoutants de Dieu à travers ces enfants et ces jeunes. L’acceptation de la réalité est le passage obligé de toute conversion. Accueillir ainsi la confidence qui nous est faite est l’attitude préalable et indispensable à tout service authentique des vocations de jeunes et d’enfants.

ILS NOUS DISENT QUELQUE CHOSE DE DIEU

A l’écoute de ces jeunes, c’est aussi, pour une part, à l’écoute de Dieu lui-même que nous nous mettons. Or, accepter d’écouter Dieu, c’est se préparer à l’inattendu, à l’étonnant. C’est surtout Lui laisser le droit strict de faire alliance privilégiée avec qui il veut et de la manière qu’Il choisit.

La Tradition biblique et l’Histoire de l’Eglise nous montrent qu’à l’égard des enfants et des jeunes, l’Appel de Dieu sait se manifester par des audaces surprenantes. Certes, l’exception d’une Thérèse de Lisieux ne s’étend pas à tous et à toutes, mais nous invite à la prudence. De quel droit en effet, décréter qu’un enfant ou un jeune est dans l’illusion ! Qui serions-nous donc pour être aussi imprudents !

ILS NOUS DISENT QUELQUE CHOSE D’EUX-MEMES

Dans un même mouvement, c’est aussi d’eux-mêmes qu’ils nous parlent. Par l’invitation qu’ils nous adressent à les rejoindre dans la profondeur de leur expérience de croyants, ils nous dévoilent quelque chose de la pédagogie de Dieu. Ils nous montrent leur manière de se mettre à l’écoute du Dieu qui appelle en parlant au coeur. Même à travers des ambiguïtés toujours possibles, ils manifestent leur enthousiasme, leur peur, leurs questions, leur générosité. Ils nous font voir comment un projet humain peut être rejoint et parfois bouleversé par l’Appel d ’un Autre !

De quel droit, alors, oserions-nous affirmer que ce n’est pas Dieu qui les visite ! Aussi prudents que nous soyons, et c’est un devoir premier, ce n’est qu’avec un coeur attentif qu’il nous sera possible de ne pas piétiner la Présence qui nous précède.

QUELQUES POINTS DE REFERES POUR AGIR

Quels points de repères stables pourrions-nous maintenant nous donner, pour agir ?

l. A PRIORI, ACCUEILLIR

Quelle que soit notre réaction - angoisse ou joie, peur ou exaltation les jeunes qui viennent partager avec nous l’expérience vocationnelle dont ils sont l’objet, doivent pouvoir nous trouver pleinement accueillants. Les écouter, tels qu’ils se disent est la première étape du parcours sur lequel ils nous demandent de les accompagner. A nous donc de vérifier si notre attitude est assez libératrice pour eux. A nous d’être vigilants pour garder la distance indispensable à l’égard de nos propres questions afin de servir authentiquement ces jeunes et, à travers eux, le Dieu qui appelle.

2. RENONCER A PROJETER SUR EUX NOS DESIRS

Celui qui accomplit la tâche d’accompagnement d’un jeune en recherche de vocation doit laisser s’approfondir en lui cette attitude profonde d’humilité.
Il n’est qu’un serviteur et le jeune et lui ont à vivre, ensemble, l’expérience d’écouter le Seigneur qui parle au coeur. Il importe donc qu’un adulte ainsi engagé soit bien au clair avec ses propres désirs et ses propres pentes. Bien fort celui qui est certain d’avoir le comportement toujours juste et accordé à l’Esprit. Il s’agit de permettre à un jeune de devenir lui-même, dans une liberté grandissante, un partenaire du Dieu qui appelle librement. Désirer qu’il en soit ainsi ne va pas de soi pour l’adulte... La réalité nous le prouve souvent et le chemin du renoncement est un passage nécessaire. C’est bien à une dépossession que l’Esprit Saint nous invite pour un vrai service des vocations.

Un jeune disait :

"L’expérience que nous faisons, d’une recherche de vocation et de la présence du Christ en nous, nous montre que nous ne sommes pas maîtres de nous-mêmes tellement c’est mystérieux pour nous. A plus forte raison, parents et éducateurs, vous n’êtes pas maîtres de nous, de notre avenir et vous devez nous respecter."

3. NON ! TU N’ES PAS TROP JEUNE !

Nous avons à prendre acte d’un projet de vocation tel qu’il s’exprime à nous, sans désirer que cette confidence soit différée. On n’est jamais trop jeune pour se poser la question... ce qui ne veut pas dire que le moment où se pose la question coïncide avec le moment où se prend une décision. Voilà bien la clé du problème. Parler d’une vocation ne signifie pas mettre en oeuvre, immédiatement, sa réalisation.

4. DU TEMPS QUI FAIT POURRIR AU TEMPS QUI FAIT MURIR !

N’est-ce pas parce que nous télescopons le moment de la première confidence avec le moment de la première décision qu’il nous parait dangereux d’écouter des jeunes qui se confient à nous ? Parler d’une éventualité de vocation n’implique pas, pour autant qu’on en authentifie, ipso facto, la nature. Il y a donc à faire vivre à des jeunes le mûrissement du temps. Mûrissement indispensable pour que s’opère une vérification nécessaire par des moyens appropriés (et ces moyens existent en France ...) Si ce temps de mûrissement était mal vécu - par un mauvais accompagnement de la part des adultes ou par une solitude pesante - il pourrait devenir un temps de pourrissement. A nous donc, adultes, de trouver la manière la meilleure de faire du temps un allié de Dieu. Alors les jeunes pourront grandir dans l’approfondissement de leur Appel personnel, au coeur de leur vie, en Eglise. Un tel environnement aura permis une maturation bénéfique.

5. OSER EN PARLER

Il reste que toute l’Eglise doit s’interroger sur la manière concrète dont elle ose, aujourd’hui, resituer la Pastorale des Vocations de jeunes et d’enfants. Certes, des embûches surgissent et il serait déraisonnable d’engager des jeunes sur des voies imprudentes et sans les garanties requises. Ici le temps peut être un allié objectif avec lequel il est bon de compter.

Mais pour autant, penser qu’il faut surseoir et ne jamais appeler en taisant la vigueur de l’Appel est une négation de la nature même de l’Eglise telle que la Constitution "Lumen Gentium" de Vatican II nous la présente.

6. RESITUER TOUTE VOCATION DANS L’EGLISE

Après avoir manifesté clairement la dimension personnelle de toute vocation, il est indispensable aussi de bien situer la manière de vivre en Eglise les différentes vocations. Dans la mesure où chacune et chacun, au coeur de l’Eglise, a pris conscience de sa place unique, il est facile de comprendre que tel un Corps, l’Eglise vit par ses divers membres et que chacun est vivant au bénéfice de tous. C’est pour une grande par, le renouveau de toute l’Eglise en chacun de ses membres qui sera porteur de voations. C’est ce même renouveau qui saura les éveiller et les faire fructifier.

Conscients d’être un Don de Dieu (Lumen Gentium 1), l’Eglise alors retrouve le sens de l’admiration et de l’action de grâce à l’égard de son Dieu.
Elle sait encore plus que seule la supplication dans la prière est indispensable à sa vie. L’Eglise alors comprend ce commandement de son Seigneur :
’"Priez ...". Elle sait avec certitude qu’il n’y a pas de "renouveau vocationnel qui ne s’appuie sur la prière afin que grandisse en Elle le désir de Dieu".

PEUT-ON CONCLURE ?

Conclure cette réflexion pourrait laisser croire que tous les aspects de cette difficile question ont été abordés. Nous préférons seulement poser quelques questions qui - outre celles qui précédent - permettront à chacune et chacun de se situer.

Acceptons-nous vraiment, sans a priori, que le chemin vocationnel d’un chrétien puisse passer par le stade de l’enfance et de l’adolescence ... ou, au contraire, notre manière d’accueillir est-elle sélective, au point que nous fermions arbitrairement la porte à une telle possibilité ?

Osons-nous parler clairement des vocations, permettant ainsi aux jeunes rencontrés de se poser la question d’un Appel possible ?

C’est en Eglise que nous avons à accueillir ces questions et à y répondre.
Une Eglise où chacune et chacun est à l’écoute de son Appel personnel, où chacune et chacun est "pierre vivante" d’un grand édifice spirituel. Une Eglise où existent différents états de vie et pour laquelle les vocations particulières sont indispensables. Sinon comment serait-elle réellement fidèle à sa Mission comme Epouse du Christ et Servante du monde ?

Claude TOURAILLE
Responsable de l’équipe animatrice de la DIASPORA en Ile de France.