Tous appelés à la mission


Le frère Claude Reynès, marianiste, ancien missionnaire en Afrique, puis délégué diocésain à la coopération missionnaire dans le diocèse d’Albi, rappelle l’ancrage de la vocation missionnaire dans la vocation baptismale. Evangéliser est ainsi un devoir qui incombe à l’Eglise dans son ensemble et à tout baptisé en particulier.

Claude Reynès
marianiste

L’idée d’une mission divine est présente dans toutes les religions. Par exemple Epictète, chez les Grecs, se regardait comme « le héraut des cieux », chargé de ranimer auprès des hommes, par son enseignement et par son témoignage, l’étincelle divine en eux. Dans la Révélation biblique, l’idée de mission est liée à l’histoire du Salut, qui se noue dans une alliance de foi et d’amour entre Dieu et les hommes. Elle implique un appel de Dieu, une réponse de l’appelé et l’envoi de celui-ci par Dieu. Le missionnaire est donc un « appelé » et un « envoyé » de Dieu.

La mission des prophètes

Ainsi le révèlent les prophètes de l’Ancien Testament. Moïse en est l’exemple type. A l’appel de Dieu, une réponse nette : « Me voici ! » (Ex 3, 4). Après une présentation de la mission, un envoi précis : « Je t’envoie chez Pharaon : tu feras sortir d’Egypte mon peuple, les fils d’Israël » (Ex 3, 10). Tous les prophètes furent obéissants, sauf Jonas qui, à l’appel de Dieu, « se leva, mais pour s’enfuir à Tarsus, loin de la face du Seigneur » (Jon 1, 3). Les prophètes avaient conscience d’une mission personnelle reçue de Dieu.

La mission du Fils de Dieu

Après Jean-Baptiste (le dernier et le plus grand des prophètes), Jésus se présenta aux hommes comme l’envoyé de Dieu, Celui dont avait parlé le prophète Isaïe (cf. Is 61 et Lc 4, 17-21). Son désir essentiel était de « faire la volonté de celui qui [l’avait] envoyé et d’accomplir son œuvre » (Jn 4, 34). Sa mission se prolongea par celle de ses propres envoyés, les Douze : « De même que le Père m’a envoyé, moi aussi, je vous envoie » (Jn 20, 21). Un envoi précisé par cette dernière parole du Ressuscité aux Apôtres : « Allez dans le monde entier. Proclamez la Bonne Nouvelle à toute la création » (Mc 16, 15).

La mission des apôtres dans la force de l’Esprit

Pour accomplir leur mission, les Apôtres ne furent pas laissés à leurs seules forces humaines. Ils reçurent l’Esprit Saint, cet Esprit qui a accompagné Jésus au long de sa vie terrestre et qui fut révélé à son baptême : « L’Esprit Saint descendit sur Jésus, sous une apparence corporelle, comme une colombe. Du ciel une vois se fait entendre : “C’est toi mon Fils bien-aimé ; en toi j’ai mis tout mon amour” » (Lc 3, 22). Ce fut uniquement après la Pentecôte que les Apôtres commencèrent leu mission : « Alors ils furent tous remplis de l’Esprit Saint : ils se mirent à parler en d’autres langues, et chacun s’exprimait selon le don de l’Esprit » (Ac 2, 4). Depuis la Pentecôte, cette force de l’Esprit ne cesse d’animer l’Eglise, et elle ne cessera de l’animer jusqu’à la fin des temps pour lui donner de poursuivre l’œuvre de salut du Christ.

L’Eglise missionnaire

Depuis ses origines donc, l’Eglise est missionnaire. En plus de proclamer l’Evangile, elle témoigne sa foi par des actes et son témoignage peut aller parfois jusqu’au martyre… Au fil des siècles, la fonction missionnaire a été marquée par l’ecclésiologie hiérarchique, avec un rôle privilégié dévolu aux prêtres, aux religieux et aux religieuses. De par la vision plus ample que le concile Vatican II a donnée du mystère de l’Eglise, en présentant aussi celle-ci comme peuple de Dieu, les chrétiens peuvent mieux percevoir leur mission commune. C’est tout baptisé – prêtre, prophète et roi – qui doit continuer, dans la lignée de ses ancêtres dans la foi, cette fonction missionnaire. « Cette obligation, dit le Concile, s’impose d’autant plus que le plus grand nombre des hommes ne peuvent entendre l’Evangile et connaître le Christ que par les laïcs proches d’eux » (décret Ad Gentes sur l’activité missionnaire de l’Eglise, n° 21). Les fidèles laïcs sont donc également appelés à coopérer de façon active à la mission de l’Eglise. « L’Eglise étant tout entière missionnaire et l’œuvre de l’évangélisation étant le devoir fondamental du peuple de Dieu, le saint Concile invite tous les chrétiens à une profonde rénovation intérieure, afin qu’ayant une conscience vive de leur propre responsabilité dans la diffusion de l’Evangile, ils assurent leur part dans l’œuvre missionnaire » (ibid. n° 35). « Les laïcs coopèrent à l’œuvre d’évangélisation à titre de témoins… » (ibid. n° 41).

Missionnaire aujourd’hui

Etre missionnaire, c’est donc être appelé et envoyé par le Christ et l’Eglise (l’évêque ou le supérieur religieux) à ceux qui sont « au loin » – non pas d’abord géographiquement, mais spirituellement – et être auprès d’eux « sel de la terre », « lumière du monde » (Mt 5, 13.14).
Pour discerner en soi une éventuelle vocation missionnaire, cette question peut être posée : « Est-ce que je reçois mon baptême comme un appel à témoigner du Christ et de l’Evangile, à communiquer la Bonne Nouvelle que j’ai reçue ? » Seul un engagement sur la Parole de celui qui est « le Chemin, la Vérité et la Vie » (Jn 14, 6) légitime l’abandon de ses intérêts personnels et la mise au second plan de ses sécurités matérielles. N’oublions pas que Dieu appelle par la médiation de l’Ecriture (il faut lire et écouter la Parole de Dieu), par l’exemple de quelqu’un (il faut être ouvert aux témoignages des autres) ou par un événement particulier (il faut savoir discerner les signes de notre temps). Autre question : « Qu’est-ce qui, dans ma vie, a déterminé mon choix pour Dieu, mon choix de me mettre à son service ? »
A un moment ou à un autre, il faut répondre à ces questions et se décider à agir dans son propre milieu. Le décret conciliaire Apostolicam actuositatem sur l’apostolat des laïcs (n°10-22) donne des exemples d’actions concrètes : pour des parents, être une « parole vivante » pour leurs enfants ; pour des étudiants, porter témoignage et s’engager ; pour un travailleur, faire valoir les valeurs fondamentales qui lui sont inspirées par la foi et par des convictions ; pour le responsable (syndical, patronal), agir en référence à l’Evan­gile ; pour chacun en général, s’engager dans un mouvement d’Eglise ou une association…
Plus radicalement, il y a ceux qui, d’une façon ou d’une autre, vont en mission « au loin » : les missionnaires qui partent à l’étranger comme autrefois (ils sont une vingtaine natifs de notre diocèse). Il s’agit des prêtres Fidei donum envoyés par l’évêque, de religieux et religieuses envoyés par leurs supérieurs, de membres d’un institut séculier, de laïcs (les coopérants). Ces coopérants, ce sont souvent des jeunes qui, à l’issue de leur formation universitaire ou professionnelle, veulent consacrer une, deux ou plusieurs années au service des autres (service humanitaire). Certains organismes les préparent à leur mission (DCC, SDC, Fidesco…)
Personnellement, ce qui me frappe quand je rencontre des missionnaires et des coopérants, c’est de voir qu’au contact d’une autre culture, ils ont beaucoup reçu et qu’ils en reviennent grandis humainement et spirituellement. La mission est grande et belle… Ici ou « au loin », soyons les artisans de cette mission à laquelle le Seigneur nous appelle !

Article paru dans Rencontres,
revue du SDV d’Albi, n° 159, juin 2004.