Des jeunes disponibles pour de nouveaux ministères


(communiqué par Soeur Monique MARECHAL - diocèse du Mans)

Au diocèse du Mans, dans un secteur rural déchristianisé... Il est intéressant de suivre le cheminement d’un groupe de jeunes et de voir comment, petit à petit, s’est éveillée en eux une conscience d’Eglise, un sens de leurs responsabilités.

Cela s’est fait à partir d’équipes Fripounets-Djin Formule 1. C’est une religieuse qui écrit.

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En 1971, 7 enfants de 6ème (groupe de caté que j’avais eu en CM2) viennent me voir après le caté du jeudi, simplement pour me dire bonjour ! 1ère semaine 2ème semaine - 3ème semaine... une habitude se crée ! 4ème semaine : au nom du groupe, l’un d’eux me demande : "est-ce qu’on pourrait venir chaque jeudi ?" L’appel est lancé. Après quelques démarches auprès de la congrégation, de la Fédé, le feu vert est donnée L’A.C.E. naît à Ruillé avec une équipe de Fripounets.

L’année suivante, les petits frères et les petites soeurs mettent en route une équipe de Perlins et une autre équipe de Fripounets. Les grands forment une équipe Djin et Formule 1. Rapidement les Djin expriment le désir de rencontres prolongées, de temps de partage plus longs.

En 1973, à peu près chaque mois, nous vivons un week-end, véritable temps fort.
De temps en temps, nous demandons l’aide du Père B., toujours disponible et discret dans son service. C’est aussi à partir de 1973 qu’il y aura 15 jours de camps aux grandes vacances - occasion de souder les équipes et aussi d’ouverture aux autres, d’éclatement des équipes.

Et la vie grandit, les équipes se multiplient... quelques responsables laïcs acceptent d’accompagner des enfants. L’A.C.E. s’implante également à Marçon en 1975, ainsi qu’à Bessé et Château-du-Loir. Les Djin et Formule 1 grandissent...

Le passage au MRJC inexistant dans le coin, n’est pas évident. Après un essai d’un an, c’est un échec et ceci pour différentes raisons ; l’éloignement du Mans en est une. Pour ma part, la vraie raison est le fait d’être seule à soutenir l’A.C. Je n’ai pas pu faire face... Malgré cela, les jeunes continuent des rencontres mensuelles : temps de partage, de réflexion, de révision, de prière, sans oublier la détente !

ll faut ici que je souligne le rôle important qu’a joué la Communauté de "La Cour" ouverte en 1975, dite communauté d’accueil pour les soeurs de la congrégation, cette communauté polyvalente constituée de 5 soeurs s’est toujours voulue ouverte et accueillante aux activités différentes de chacune et donc aux enfants et aux jeunes que j’accompagne. Il m’est difficile ici d’étaler toute une vie... Toujours est-il que la mission d’évangélisation en a tiré profit.

Les aînés viennent facilement à la communauté... les week-ends se font à "La cour". Ils prennent conscience de la vie d’une communauté, ils découvrent une dimension de la vie religieuse. Ils découvrent aussi le sens de mon travail en pastorale en lien avec une communauté.

Un jeune de 18 ans me dit un jour : "Tu vois, c’est un boulot comme toi que je voudrais faire. Etre disponible, aider les enfants, les jeunes à rencontrer Jésus-Christ, rencontrer des gens. Mais pour cela, il me faudrait du temps et il y a le boulot". Vient alors le désir de trouver un travail professionnel qui permette de dégager du temps pour la pastorale.

En juin dernier, une jeune de 18 ans, Sophie, me demande de l’aider à chercher un travail à mi-temps dans le secteur afin de consacrer une part de sa vie à un service d’Eglise, en l’occurrence l’A.C.E. Nous avons cherché, réfléchi. Ne valait-il pas mieux poursuivre les études et remettre à plus tard ce projet ?

La jeune pensait qu’il fallait répondre tout de suite. "Pour moi, dit-elle, il est important que nous nous mettions debout, que nous prenions nos responsabilités dans l’Eglise pour éveiller les plus jeunes et leur permettre de se mettre debout à leur tour... Tu ne seras pas toujours là... Mais ... pas de travail dans le coin... et comme on ne vit pas de l’air du temps, il a fallu entreprendre un T.S. production animale. Envoyée à Melle (30 km après Niort) cette jeune rejoint de temps en temps une équipe de Djin de Ruillé. Je peux vous livrer ici un témoignage qu’elle a partagé à des jeunes.

TEMOIGNAGE DE SOPHIE

Ma vie de jeune chrétienne aujourd’hui ? Comment expliquer ce que je ressens ?
Comment dire ce que je vis ? Je vais essayé de le faire, mais je ne vous promets rien de "super" ! Ce dont je suis sûre, c’est que l’Esprit anime toute ma vie...

Pour moi, tout a commencé il y a 7-8 ans. Avec Monique, nous avons commencé un club de Fripounets. Nous étions très heureux. Puis nous sommes passées en Djin et malgré de nombreux problèmes au sein de notre groupe, nous tenions bon et nous sentions toujours quelqu’un avec nous. Petit à petit, nous en sommes venues à faire un week-end tous les mois, pour répondre aux exigences de chacune : Nous avions besoin de nous retrouver. Au début, nous nous amusions surtout. Puis nous avons eu envie de discuter, de réfléchir, de prier. La drogue, le tabac, l’amitié, la liberté, la prière, Jésus-Christ et notre vie de chaque jour... thèmes que nous avons essayé d’approfondir.

Un temps important de la vie du groupe a été la préparation à la Confirmation pour plusieurs d’entre nous. Préparation durant laquelle nous avons désiré rencontrer des adultes pour voir s’il était possible, pour des adultes, de vivre en Eglise. On a envoyé à chacun un questionnaire sur la Foi.

Un jour, avec un groupe de Château-du-Loir, nous sommes allées à Timadeuc. Pour moi, je crois que c’est l’étape importante, comme une certitude : Jésus-Christ, ça vaut le coup ! Nous avons décidé d’y retourner pour parler avec Frère Irénée, pour prier. Notre thème était ; Mort et Résurrection de Jésus-Christ. C’était formidable ! Nous y sommes retournés cette année, avec comme thème : l’Appel - la Fidélité au Christ.

Et puis, chacune suit son chemin, il nous est difficile de nous retrouver aujourd’hui. Pourtant, nous tenons à des temps forts pour faire le point, se débarrasser du rythme inhumain de chaque jour pour parler, écouter, aimer et prier. Ce sont pour nous des instants de paix intérieure intense, qui nous permettent de nous reconstruire, de nous ré-oxigéner, de nous remplir de Dieu.pour pouvoir partir forte dans cette vie un peu déshumanisée.

Voilà !

Je pourrais encore dire beaucoup de choses... Vous parlez de ceux et celles qui ont été disponibles pour nous aider et qui le sont encore... Une chose encore : je ne m’ennuie jamais. J’essaie de toujours trouver le temps d’écouter l’autre, le temps de lire, de penser, de prier et d’aimer. Cela peut paraître idiot, mais combien de jeunes aujourd’hui disent à longueur de journée : "J’en ai marre, je n’ai rien à faire, je m’ennuie..." Moi j’observe, je regarde, j’écoute, je prie... Il y a toujours, même dans le plus moche des lycées, des quartiers, des gens qui n’attendent qu’un bonjour, qu’un sourire même... des enfants qui ne demandent qu’à parler, des personnes âges qui ne demandent qu’à être écoutées... Mon désir est même de quitter le lycée, après mon examen, et de trouver un travail qui me donne du temps pour un service d’Eglise, du temps pour aider, pour écouter, pour annoncer... Le temps me manque et il me court après...

Mon témoignage de jeune vivant dans la Foi - c’est moi, c’est ma vie, c’est Jésus-Christ et tout mon être en est imprégné... J’essaie d’aider, j’essaie d’aimer, et ce n’est pas facile. Mais il est toujours là, présent au coeur de ma vie. C’est lui qui me force à agir, c’est lui qui m’entraîne dans l’amour et je veux le suivre car je pense que mon épanouissement ne peut se trouver qu’en lui. Une chose dont je suis convaincue c’est que je suis, nous sommes les missionnaires, les apôtres de l’Eglise de demain et si l’on veut qu’elle vive, il faut que chacun de nous relève ses manches et pose une à une les pierres vivantes qui la feront.

Voilà, peut-être mal dit, peut-être mal exprimé mais il est toujours difficile de mettre sa vie sur un morceau de papier. Je rencontre chaque jour au lycée des jeunes qui croient, d’autres qui cherchent, qui doutent. Tout cela alimente ma foi, me solidifie et m’aide à vivre chaque jour comme un présent de Dieu.

VOICI D’AUTRES REACTIONS :

Isabelle, 18 ans, hôtesse d’accueil : "Il y aura toujours besoin de permanents dans l’Eglise pour éveiller, soutenir, je ne sais pas trop comment."

Un jeune 19 ans : "J’ai la certitude d’être appelé à un service d’Eglise. Je ressens un besoin de formation. Mais quoi ? Comment ? Avec qui ?"

Dans les échanges, les jeunes mettent l’accent sur certaines valeurs très importantes pour eux : l’accueil, l’écoute, la disponibilité, la simplicité des relations...

En communauté, nous vivons comme une chance le fait d’être insérées dans ce milieu déchristianisé. Car cela nous pousse à discerner tout ce qui est germe de vie, d’espérance. Nous voulons être particulièrement attentives à tout ce qui peut naître comme ébauche du Royaume. Une certaine solitude ecclésiale nous pose beaucoup question. Pour l’avancée de tous, pour faire naître et grandir l’Eglise au cœur des réalités humaines, nous avons conscience qu’il faudrait que notre projet apostolique soit vécu ensemble avec les responsables du secteur. L’articulation des responsabilités des prêtres, religieuses, laïcs n’est pas très claire. Il manque un projet pastoral de secteur, pas de travail d’équipe... ce qui accroît l’insécurité des gens, des jeunes.


Nous avons la responsabilité de créer un climat qui permette de dire à des adultes à des jeunes : "Aujourd’hui, l’Eglise a besoin de toi". Il s’agit d’être une communauté appelante, un noyau d’évangélisation, invitant d’autres à partager la mission de l’Eglise dans leur vocation propre.

Appeler ... mais pour quoi faire ? Quel projet vivons-nous en Eglise, les jeunes trouveront-ils un lieu où ils se sentiront attendus, accueillis, écoutés ?

Ce que nous voulons promouvoir comme vie de chrétiens, comme vie d’Eglise, il nous faut d’abord en vivre personnellement et communautairement dans notre manière de vivre en Eglise !

Soeur Monique MARECHAL