Vocation et service militaire


(communiqué par Désiré HERVE - Vicariat aux Armées)

Si nous parcourons la liste des S.D.V. (p. 47) nous trouvons :
Vicariat aux Armées. C’est important. Y a-t-il une concertation suffisante entre l’aumônerie militaire et les services des vocations de chacun de nos diocèses ?
Les lignes suivantes ... pour nous sensibiliser.
Quatre "séminaristes" évoquent leur service militaire.

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Gérard : Hubert, tu es le seul d’entre nous qui ait pris la décision d’être prêtre au cours de ton Service militaire. Avant que nous disions comment le service a pu modifier notre vision du prêtre et la façon dont nous envisageons d’en exercer le ministère plus tard, peux-tu nous dire comment tu envisages un ministère sacerdotal et ce qu’est un prêtre ?

- Hubert : Chacun a une expérience bien particulière de sa vocation.
Je ne peux tout de même pas dire que j’ai eu la certitude, lors de mon service militaire, de devenir prêtre.

C’est pendant mon service que j’ai eu pour la première fois l’idée non simplement personnelle, mais devant Dieu, que je serais peut-être appelé à devenir prêtre.

La fin du service est arrivée et je n’avais pas d’idée assez précise pour m’engager dans cette voie, car cela restait pour moi en chantier.
J’avais d’ailleurs depuis longtemps le projet de faire des études de médecine et, par prudence, je les ai commencées. Il s’agissait de voir cela avec un Père spirituel pour discerner la vocation. Cette vocation est devenue plus précise il y a trois ans, avant d’entrer au séminaire.

Et maintenant, évidemment, je réfléchis sur ce temps d’armée parce que je crois que cela a été pour moi un temps de grâce : Dieu a commencé à se faire sentir à moi pendant ce service. Pour moi, sans y voir de grands signes, j’y ai réfléchi tout de même un peu. Je crois qu’il y a, dans l’idée d’un futur ministère, un souci dominant d’apostolat auprès des jeunes. L’armée a signifié de façon forte pour moi, combien les jeunes avaient besoin d’être christianisés, avaient besoin de la présence d’un prêtre.

Gérard : Tu nous as parlé de prière tout à l’heure, tu nous as dit que tu avais prié pendant ton service militaire. Cette prière n’est-elle pas importante pour la vie du prêtre ? Comment porter dans son ministère la vie des gens que l’on rencontre ? Est-ce une dimension importante pour toi ?

Hubert  : Oui : prière personnelle et prière liturgique ; nourriture de la prière par la méditation, par l’étude. Il est sûr qu’un ministère que l’on peut rendre très missionnaire à l’armée, nourrit particulièrement la prière. On dit que l’armée pourrait être un lieu d’Eglise ou l’est déjà : quand je dis cela, je ne pense pas à une abstraction, mais à des personnes concrètes qui se trouvent dans l’armée. Quand on est attaché à un peuple précis de jeunes, de personnes âgées, etc., cela nourrit la prière parce que l’on a une certaine responsabilité. L’activité d’un prêtre moule sa propre prière.

Gérard  : Frédéric, tu es parti au service militaire après une année de séminaire, ayant donc déjà une certaine idée de ce qu’est un prêtre.

- Frédéric : Cela l’a fait certainement évoluer.
J’ai d’abord appris à l’armée à aimer les hommes tels qu’ils sont et non tels que je voudrais qu’ils soient. L’expérience du service national m’a appris aussi à considérer l’Eglise comme perpétuellement en mission dans des milieux où elle n’est plus reçue. Egalement à ne pas me faire trop d’a priori sur l’Eglise à construire. Il faut surtout aimer les gens à qui l’on s’adresse si l’on veut porter la Bonne Nouvelle. On ne peut le faire sérieusement si on ne les apprécie pas, si on ne les considère pas. De ce point de vue, il est important, au-delà d’un bon souvenir, de savoir si nous conservons de vrais liens d’amitié avec ceux que nous avons rencontrés.

Par ailleurs, il est fondamental d’être solide. Je ne parle pas tant d’une solidité physique ou psychique, bien que cela soit une bonne chose, mais (et cela est valable très au-delà de l’armée, car le prêtre risque toujours de se trouver isolé par rapport à la vie de l’Eglise) de la vraie solidité, celle qui se trouve dans le Christ. La Marine m’a montré (souvent par la négative car je n’avais sans doute pas une vie spirituelle assez profonde) que pour pouvoir être un prêtre, il fallait s’enraciner toujours plus dans la foi en Jésus-Christ. Sans cela, on ne tient pas : on largue tout dès que le vent souffle un peu plus fort. La vie spirituelle se vit notamment dans la prière, comme l’a souligné Hubert, mais aussi dans l’étude. Il est capital de ne pas cesser d’étudier après être sorti du séminaire : la vie intellectuelle doit se poursuivre après l’ordination, pour affermir et approfondir la vie de foi.

Enfin, je soulignerai un point dont il a été déjà question : l’importance de la jeunesse pour l’Eglise. Sans doute n’en étais-je pas assez conscient : mais cela m’a frappé de voir combien de jeunes, qui étaient mes camarades, mes amis, n’avaient plus de contact avec le Christ et son Eglise. Cela a été et est une grande souffrance pour moi. Cette attention portée aux jeunes est importante pour la vie quotidienne de l’Eglise, mais aussi pour les vocations : il y a là quelque chose de vital vis-à-vis de quoi nous ne devons pas nous décourager. Tous les lieux où il y a des jeunes en recherche de vocation (ou susceptibles d’en entendre parler) doivent être particulièrement "accompagnés" par l’Eglise. Je pense à l’armée, mais aussi aux aumôneries de lycées, à l’enseignement catholique, etc.

- Christian : Pour ma part je retiens deux choses :

  • la vie sur le terrain. Je pense à saint Paul qui s’était fait "tout à tous" pour en gagner le plus grand nombre. C’est une chose très vivante que cette expérience du service militaire où j’ai découvert que le prêtre n’était pas seulement un homme pour les chrétiens, mais pour tous. Et en particulier pour ce qui fait le souffle de leur vie, ce qu’ils ont choisi dans leur vie, qu’elle soit militaire ou autre : chose qui n’est pas sans faire penser aux engagements les plus extrêmes.
  • le second point très important est d’avoir senti l’appel à une vie de foi, l’attente de tous ceux que l’on pouvait rencontrer, en particulier les jeunes qui demandaient à rencontrer le Christ, quelqu’un qui les change d’une routine qui existe aussi terriblement. Et ceci n’était possible - et je pense comme prêtre- que si l’on pouvait témoigner du Christ en vérité, en les rencontrant au coeur même de leur vie. Notre routine peut l’emporter souvent dans la réponse à cette attente ; de même l’action peut la différer ... Moi-même, combien de fois je me suis dit : "si tu priais un peu, si tu te remettais finalement devant le Christ, eh bien ! là, tu serais vraiment au coeur de la vie de ceux que tu côtoies, et prêt, peut-être, à un ministère pour eux".

Gérard : A ce titre de ma vie de foi, le service militaire a été également un tournant. Je voudrais déjà devenir prêtre, mais il me semble avoir mieux compris que l’on n’est pas d’abord prêtre pour sa sanctification personnelle, mais pour le service de l’Eglise.

La première exigence du ministère, me semble-t-il, est d’être aujourd’hui des fondateurs d’Eglise, de communautés. Il faut annoncer l’Evangile là où il n’est pas connu, et sans cesse le redire là où il a déjà été entendu. Oui : annoncer l’Evangile, première tâche.

Mais l’Eglise que nous voulons fonder ne demeure réellement l’Eglise du Christ que si c’est bien Lui qui le construit. Et c’est pourquoi le prêtre par son ministère est, à mon avis, le témoin et le signe parmi les hommes de l’initiative de Dieu : c’est Jésus-Christ qui construit son Eglise. Par les sacrements, particulièrement l’Eucharistie, le prêtre signifie que c’est Dieu qui se donne toujours davantage, et que nous avons à être à cette écoute.