Laïque catéchiste professionnelle


"Dans l’Eglise, je fais partie des "permanents".
c’est passionnant ...
c’est éprouvant ...
c’est exigeant ..."

Chantal D nous introduit bien à quelques aspects de la mutation actuelle de l’Eglise, chargés de promesses d’avenir.

Vous faites partie d’une Equipe Diocésaine d’Enseignement Religieux. C’est une appellation bien officielle et administrative ! Quel travail se cache derrière cette formulation ?

- Effectivement, c’est une mission officielle : elle nous a été expressément confiée par l’évêque. En fait, un prêtre dirige cette équipe qui, en plus de moi, compte une religieuse et une autre laïque. Nous avons la responsabilité de promouvoir dans le diocèse tout ce qui concerne le catéchisme. Etant donné mon expérience antérieure d’enseignante en C.E.G., on m’a attribué le secteur des jeunes du 1er cycle (de la sixième à la troisième).

Mes occupations sont fort variées et, pour une grande part, non programmées. Bien entendu, il y a des tâches tout à fait organisées ; elles concernent surtout la formation des catéchistes et des animateurs. Très régulièrement, en divers points du diocèse, j’organise avec le responsable de l’Aumônerie de l’Enseignement Public des journées de travail et d’études qui leur sont réservées.

Mais nombre d’activités ne sont pas aussi fixes. Ici, des équipes d’animateurs me sollicitent pour préparer des rencontres avec des jeunes ; nous cherchons ensemble quels documents, quelles techniques utiliser. Je leur apporte des éléments d’analyse pour comprendre ce qui se passe dans leurs groupes. Là, c’est une "fête de la foi" dans une paroisse rurale. Ailleurs l’animation d’une rencontre de parents, ou d’évaluation du travail d’année dans une aumônerie, etc. Et je ne parle pas de la collaboration avec les autres services (par exemple, celui des vocations) de la concertation régionale, et de ma propre formation !

Vous disiez que vous êtes responsable de la catéchèse des jeunes et, semble-t-il, vous ne voyez que des adultes et des parents !

L’essentiel de mon souci est la formation de formateurs. Vous savez bien que cette démultiplication est essentielle. Pourtant, je rencontre des jeunes. Et même, chaque semaine, j’ai un travail tout à fait "à la base’" avec une petite équipe de sept élèves de sixième qui fréquentent une aumônerie près de chez moi.
Il est indispensable d’expérimenter soi-même, et de mettre à l’épreuve concrètement, la formation qu’on essaie de donner.

Il reste que ma mission première est, pour autant que cela dépende de moi, de permettre aux autres chrétiens de prendre leur part de responsabilité dans l’annonce de la Parole, en les aidant notamment à en acquérir la compétence. Après quoi, il n’y a qu’à s’effacer et accompagner. Il y a sept ans, dans le secteur où j’habite, j’étais la seule laïque pour assurer avec le clergé l’animation des groupes de jeunes de collège. Aujourd’hui une dizaine de chrétiens y travaillent. Je suis heureuse quand on me dit qu’on s’est débrouillé sans moi  ; c’est qu’un petit noyau de laïcs efficace est en place.

Vous parlez du travail que vous, laïque, faites avec d’autres laîcs, jeunes et adultes. Vous ne parlez pas du clergé. Comment votre travail s’articule-t-il avec le sien ?

- Rassurez-vous, les prêtres ne sont pas mis en marge ! Nous travaillons vraiment en équipe. Depuis quelque temps, je m’interroge avec quelques-uns d’entre eux sur leur place spécifique dans la catéchèse. Je ne considère plus le prêtre comme le détenteur du savoir ni comme l’organisateur. Il faut des prêtres présents parmi les catéchistes, mais je crois que le ministère qu’ils ont alors à remplir envers eux est assez particulier.

Dans notre aumônerie, nous avons soulagé le prêtre chargé des élèves de sixième du travail ordinaire d’un catéchiste comme les autres. En revanche, nous lui avons demandé de participer à toutes nos réunions d’animateurs. Sa présence est indispensable pour signifier que nous sommes d’Eglise. Non seulement pour nous rappeler que nous n’avons pas le droit de dire ou de faire n’importe quoi, mais surtout que ce que nous avons à transmettre ne nous appartient pas et que nous-mêmes l’avons reçu. Relié aux autres prêtres du secteur, il éclaire nos décisions en nous informant de ce qui se fait et se vit dans les paroisses. Au cours de l’année, il passe dans tous les groupes de sixième, pour les connaître, pour faire le lien entre ce qu’ils font et les autres chrétiens, pour donner son témoignage, et bien entendu, pour célébrer les sacrements. C’est une expérience, nous la jugeons actuellement bonne, nous avons encore à découvrir !

Vous êtes donc vous-même, en tant que laïque permanente, à plein temps dans un service d’Eglise. Il n’y avait guère jadis que les sacristains et les bedeaux dans cette situation ! Comment la vivez-vous ? Comment est-elle ressentie autour de vous ?

- Voilà onze ans que je me suis engagée. Je crois pouvoir dire que je fais partie de ceux qu’on appelle aujourd’hui les "permanents". C’est très passionnant d’être ainsi dans l’Eglise le témoin de l’accueil de l’Esprit, de la foi agissante de tant de chrétiens, d’être l’accompagnateur de tant de mises en route.

C’est éprouvant aussi et quelque fois inconfortable ! Il y a des gens qui ne croient pas à notre fonction, ceux qui trouvent et disent qu’on ne fera jamais le catéchisme aussi bien que les curés ! Il y a les prêtres à qui il semble que nous leur enlevons leur raison d’être ! Il y a les paroissiens qui nous jugent inutiles : "Toi, tu ne fais rien pour la construction du monde !" De telles réactions sont encore fréquentes !

En tout cas, c’est exigeant ! Il nous faut sans cesse remettre en cause méthodes et réalisations pour rester en prise avec des jeunes qui grandissent dans de nouvelles cultures et avec des adultes qui vivent dans un monde où les points de repère anciens sont déplacés, voire effacés.

Et puis, il y a les questions de statut, de salaire. Je suis salariée d’une Association Diocésaine. J’ai un contrat de travail. Beaucoup envieraient mes relations avec mes "employeurs" qui ne sont pas de dépendance, mais de confiance réciproque et de collaboration. Je sais qu’il n’en est pas partout ainsi. Certains trouvent que des permanents laïcs, "ça coûte cher". Est-ce que ce n’est pas poser ie problème à l’envers ? Ne vaudrait-il pas mieux répondre à la question : les permanents prêtres nous coûtent-ils assez cher ? Quelle justice pratiquons-nous envers eux ?

Personnellement, je ne me considère pas du tout comme quelqu’un à part.
Et je trouve tout autour de moi assez de chrétiens sur qui m’appuyer et qui m’invitent à poursuivre. Un voisin, qui pourtant ne fréquente guère l’église, m’a dit un jour : "Vous, ça va toujours bien ! Avec votre métier, c’est normal !" N’est-ce pas là un bon commentaire de l’Evangile : "Nul n’aura laissé quelque chose pour le Royaume de Dieu qui ne reçoive bien davantage dès ce temps-ci" (Lc 18, 29).

paru dans "Vie Chrétienne", Mars 80

Ce flash sur un engagement en catéchèse
ne doit pas nous faire oublier tant et tant
d’autres signes de vitalité dans l’Eglise
avec les joies et les souffrances qui accom-
pagnent toute mutation.