L’Appel au ministère presbytéral - Un chantier ouvert


1978 et 1979. Le même thème sur deux années.
Ce n’était pas trop pour une relance.

En fait, "plutôt qu’une relance, ne faut-il pas envisager d’avoir à soutenir un long effort ?" (Père MARCUS, à Lourdes).

Quel effort ? Dans quel sens le mener ? De quel chantier s’agit-il ?

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Ouvert plus officiellement par l’Assemblée plénière de l’Episcopat, ce chantier bénéficiait déjà de nombreux matériaux. A lire ces documents, quelques lignes maîtresses semblent se dessiner. Essayons de les mettre en lumière.

Nous pouvons nous référer :

- aux orientations proposées par le C.N.V. :
"Pour la vie du monde - Parmi les serviteurs de l’Evangile Des prêtres".

- aux travaux des Régions et des Mouvements pour la préparation de l’Assemblée plénière (relecture par le Père MARCUS).

- à la vie de ces mêmes Régions "ressaisie" et relancée par un Conseil national élargi en juillet 1978 ("Issy II" - avec une note de Jean-Noël BEZANÇON).

- enfin aux convictions exprimées par les évêques eux-mêmes, à Lourdes, réflexions assorties de quelques questions.

Trois traits, concernant

  • le Monde
  • l’Eglise
  • notre relation à Dieu.

A/ LE MONDE

Nous sommes appelés pour annoncer la Bonne Nouvelle au monde, lui "manifester" la source de la Vie.

L’appel au ministère presbytéral est un appel apostolique pour la vie du monde.

Mais que pourrait signifier cette vie si elle ne devait pas s’épanouir dans la vie des hommes ? Qu’aurait signifié Jésus pour les hommes s’il n’avait pas vécu parmi eux, rejoint leur langage, compris leur culture ?

Soyons lucides. Nous ne sommes pas naturellement portés à rejoindre l’autre en ce qu’il a de différent de nous. Nous sommes plutôt tentés d’entretenir autour de nous un monde familier, un monde de chrétienté, avec le langage selon lequel a grandi notre foi. Mais voilà ! Le monde a changé. La culture, le langage ne sont plus les mêmes. Son centre n’est plus chez nous (L’a-t-il jamais été ? Nous l’avions cru du moins). "La foi ne va plus de soi" dit-on souvent. Aujourd’hui, son expression - attitudes ou langage exige une conversion, souvent onéreuse.

Cette difficulté atteint le prêtre de plein fouet. Il en est parfois paralysé quand il faudrait penser à la relève, quand il faudrait appeler.
Et pourtant, c’est toujours vrai, notre monde a besoin de l’annonce d’une Bonne Nouvelle. Notre foi est plus actuelle, plus indispensable que jamais à un monde qui connaît la détresse.

Telle est la première perspective qui doit s’imposer à nous
avec tous les "dépassements" que cela exige.
C’est toute la pastorale qui est concernée,
la pastorale des vocations pour sa part.

Il n’y a pas de recettes faciles. A nous d’engager un travail de longue haleine, dès maintenant.

Comment ?

Par exemple :

Quand nous sommes avec des jeunes (pour parler uniquement d’eux) demandons-nous quel est leur milieu, quel type de scolarité les a marqués, quelle est leur culture, quel langage peuvent-ils comprendre ?

Demandons-nous aussi quels jeunes nous rencontrons ?

Il y a ceux qui rejoignent facilement nos groupes, nos équipes, lorsque nous savons faire exister des "lieux" pour les accueillir, les écouter, les accompagner.

Il y a aussi tous ceux qui n’ont pas attendu de connaître un SDV ou autres chemins balisés pour se laisser prendre par l’Evangile. Plus ou moins engagés, ils suivent des chemins très divers d’ordre éducatif, culturel, caritatif, social, "écologique"... Pas question pour nous de "récupérer", mais d’être attentifs à ce que cela signifie. Tant d’appels entendus et de réponses qui se cherchent ! Et l’appel au ministère presbytéral dans tout cela ?

Il y a enfin tous les autres, auxquels l’Eglise n’est pratiquement pas présente.

Avec tous, quel sera notre langage ?
Qu’il s’agisse de l’appel ou de la mission confiée à ceux qui répondront, nous ne ferions rien de valable sans une vision du monde tel qu’il est, de l’Eglise telle qu’elle évolue, prenant un nouveau visage qui lui permette de poursuivre sa mission de toujours dans un monde nouveau.

Convenons que "l’entreprise" n’est pas facile mais la mission en dépend. La "différence" dont nous devons être témoins au nom de l’Evangile n’est pas d’ordre culturel. C’est dans la mesure où nous sommes présents à la vie du monde actuel que nous pouvons "trancher" au nom de la Parole de Dieu lorsque certaines mentalités ou conduites de ce monde exigent une certaine "rupture". C’est vrai pour les chrétiens, a fortiori pour les prêtres.

Le statut du croyant dans le monde actuel comporte à la fois "présence" et "différence" indissociablement liées. Il faut préparer pour les prêtres la possibilité d’un tel équilibre.

Mais il y a peut-être plus urgent : les conditions de vie des prêtres dans le monde actuel.

Celui-ci a changé ; le statut social des prêtres n’est plus le même ; leur équilibre de vie en est rendu parfois très difficile.

"Relancer l’appel" suppose aussi que cette question soit abordée clairement. Les évêques l’ont fait à Lourdes. C’est un effort à poursuivre. Ils ne peuvent pas le faire seuls.

Cet équilibre de vie sera d’autant plus facile à trouver que les prêtres seront bien enracinés : qu’ils sachent reconnaître et assumer leurs propres origines. Qu’ils sachent aussi ce que c’est que d’être heureux parce que bien situés dans un peuple, le peuple appelé avec eux.

B/ EN EGLISE

Le monde est en mutation, mutation éprouvante pour la foi, mais en même temps purifiante. L’appel au ministère presbytéral doit prendre en compte cette situation. C’est une première exigence.

La seconde vient de la mutation de l’Eglise ; n’y voyons pas seulement ce qui en est déconcertant (et en même temps très purifiant). Sachons en reconnaîtra les aspects positifs.

Nous venons de parler d’enracinement humain. L’enracinement ecclésial est aussi important, condition de l’authenticité d’une vocation.

A ce sujet, parmi les matériaux déjà rassemblés sur notre chantier, en voici quelques-uns, sous forme de constats, sous forme de questions :

On redécouvre la nécessité du prêtre là où les laïcs prennent des responsabilités. Certes les caractéristiques propres à ce ministère demeurent parfois imprécises dans le concret, même si on les connaît en théorie.
Mais dans les mouvements de laïcs, la réflexion à ce sujet est déjà bien engagée.

Quand on parle de communautés "appelantes", ça n’est pas de communautés séduisantes qu’il s’agit, mais de groupes ou communautés où l’on s’appelle les uns les autres, où chacun sait être lui-même, selon sa vocation et prendre les responsabilités qui lui reviennent.

Cela n’est pas réservé aux "communautés nouvelles". Ne cherchons pas des réalisations exceptionnelles. Un dynamisme d’espérance peut de nouveau traverser les groupes plus traditionnels s’ils savent s’ouvrir à ces perspectives de communautés où l’on s’appelle les uns les autres pour que vive l’Eglise, pour la vie du monde.

Ainsi peut apparaître un climat nouveau dans la communauté chrétienne au sens large, "dans son état diffus, avec ses rencontres fortuites, ses assemblées plus ou moins anonymes, ses conversations de pèlerinages, et même encore... ses brochures au fond d’une église".

Des exigences, oui, mais pas d’élitisme.

Dans un tel climat, pas seulement manifesté au niveau des "impressions" mais inscrit dans les faits, l’appel peut de nouveau être perçu et la réponse devient possible. Un appel qui n’est pas réservé à l’évêque, encore qu’il lui revienne de façon très spéciale de le lancer.

Dimension communautaire aussi que celle de la responsabilité évoquée ci-dessus concernant les conditions de vie des prêtres. Les responsables de la pastorale doivent y veiller mais cela regarde la communauté chrétienne dans son ensemble.


Cela dit, on comprend pourquoi le travail de cette année est très important.
Il est évident que de tels constats, s’ils ont pu être faits ici ou là,
ne correspondent pas encore à la situation générale.

L’objectif du chantier ouvert est de provoquer la prière,
la réflexion et l’action des chrétiens là où ils sont,
dans leurs groupes et communautés diverses.

Il ne s’agit pas seulement de prier pour les vocations
et de mettre en place, grâce à quelques spécialistes,
des moyens adaptés (à ne pas négliger, certes !) ;
il s’agit aussi de vivre intensément ensemble, en Eglise,
ce qu’il nous est donné de vivre aujourd’hui :
cet appel adressé à chacun de prendre davantage sa place
dans la communauté dont il fait partie. Que puisse se révéler ainsi
la diversité des vocations, à commencer par celle du prêtre, au visage renouvelé.

Déjà des convictions sont acquises : le ministère presbytéral est ministère de communion. Communion au sein des groupes et témoin de la communion universelle.

Le prêtre n’est pas réservé à une communauté, choisi par elle et pour elle seule. Le prêtre est serviteur de la "coresponsabilité articulée" (Eph 4, 16).

Mais comment cela va-t-il se vivre ? Comment les prêtres, parfois déconcertés, vont-ils redécouvrir pourquoi ils sont indispensables à la vie de l’Eglise ? Comment un tel ministère va-t-il être "appelant" pour les jeunes ?
Comment cet appel sera-t-il assuré par les "médiations" indispensables (de l’éveil à l’accompagnement) ? On devine l’enjeu de notre effort pour cette année. Cela concerne tous "les serviteurs de l’Evangile".

C’est le second trait qui se dégage des matériaux déjà rassemblés pour notre chantier.

C/ L’ESPRIT DU SEIGNEUR

On a beaucoup insisté depuis quelque temps sur "l’enracinement christologique" du ministère presbytéral ; ça n’est pas réservé aux prêtres, mais c’est certainement au coeur de sa vocation.

D’autre part, les jeunes sont plus sensibles à la rencontre de JésusChrist qu’à la mission confiée au prêtre dans l’Eglise.

Tout le monde s’accorde à dire que c’est un des traits majeurs du nouveau climat de ces derniers mois.

C’est vrai. C’est bon, A condition de bien situer cette résurgence de la dimension mystique de la "vocation sacerdotale" à sa juste place.

De plus, lorsque nous parlons de chantier, nous ne parlons pas d’un chantier comme les autres. Nous ne sommes pas une entreprise en mal de trouver des bras. On a beaucoup parlé d’ "embauche" ; on a précisé que c’est Dieu qui embauche. Que le mot ne nous abuse pas. L’évêque lui-même, lorsqu’il lance l’appel, sait très bien qu’il est le serviteur d’un mystère, le mystère de l’Eglise, le mystère des vocations personnelles.

Mystère de l’Eglise, qui doit s’organiser certes, pour mieux servir le monde, mais qui grandit selon des voies non programmées. D’où l’attention nécessaire à ceux qui nous viennent par les chemins imprévus.
Mystère des vocations personnelles qui sont avant tout dialogue, à l’image de la "Conversation" du Père avec son Fils dans l’Amour qui les unit.


L’appel est essentiellement un "acte de croyant". C’est un des traits majeurs
que l’on retrouve dans les travaux préparatoires de l’Assemblée
comme dans les convictions des évêques.

Croyant parce que le prêtre est lui aussi "mystère de foi".
Croyant parce que l’appel, même s’il se fait par nos médiations, vient toujours d’ailleurs.

"Chantier ouvert". L’expression vaut aussi pour la réflexion doctrinale à laquelle nous sommes invités : mieux cerner la nature du lien particulier qui unit le prêtre à Jésus-Christ. Quelles sont les caractéristiques propres à sa "configuration" au mystère du Christ ? Apôtre, Pasteur, Serviteur comme l’a été le Christ-Prêtre ? En même temps que les actions à entreprendre pour le renouveau de l’appel au ministère presbytéral, ces travaux en "profondeur" sont aussi indispensables.

CONCLUSION

On a compris que ces réflexions n’ont rien d’un compte rendu qu’il serait, de toutes façons, prétentieux de tenter.

Mais elles correspondent pour l’essentiel aux lignes maîtresses qui se dessinent à travers toutes les données signalées en introduction.

Aussi voyons-nous mieux de quel chantier il est question et dans quel sens faire porter nos efforts.

Gérard MUCHERY