SDV diversifié...Enjeu ecclésial


Interventions de Michel MILARET
Texte rédigé d’après ses notes

Des prêtres, des laïques consacrées, des religieuses travaillent ensemble dans les Services Diocésains des Vocations.

- C’est à situer dans la vie de l’Eglise aujourd’hui (A)

- Nous verrons comment, concrètement (B)

- C’est important pour l’Eglise de demain (C)

A - DANS UNE EGLISE QUI EVOLUE

1) De nouvelles perspectives

Douze ans après le concile, nous vivons au rythme qu’il a provoqué dans l’Eglise.

L’un des moments les plus importants de Vatican II aura été la Constitution sur l’Eglise (Lumen Gentium). Tout y est centré sur le Peuple de Dieu. La vie religieuse est située au coeur même de la vie de l’Eglise : "l’état de vie constitué par la profession des conseils évangéliques appartient donc à la vie et à la sainteté du Peuple de Dieu" (n° 44).

Or, à cette époque, la coresponsabilité, la franche participation à la vie du peuple de Dieu, n’étaient guère pratiquées. Bien sûr, il y avait déjà un travail commun entre prêtres et religieuses mais avec une mentalité de défense et d’ignorance réciproque.

Depuis lors, une profonde évolution s’est amorcée dans la façon de vivre en Eglise selon les orientations du Concile. Evolution provoquée aussi par une mutation d’ordre socioculturel dont il ne faut pas ignorer la portée. Ainsi la mixité à l’école de plus en plus généralisée ; la mixité dans la vie professionnelle, dans les loisirs - la présence de la femme aux postes de responsabilités professionnelles, sociales ou civiques (c’est admis en principe, même si ça ne passe que lentement dans les faits) - Les mouvements féministes ... etc.

C’est dans ce contexte que se sont appliquées peu à peu les orientations du Concile. L’une des principales étapes a été l’Assemblée plénière de l’Episcopat : "Lourdes 73" : "Tous responsables dans l’Eglise ? Le ministère presbytéral dans l’Eglise tout entière ministérielle". Le document officiel donne des exemples révélateurs de responsabilités prises par des laïcs et des religieuses dans certains secteurs de l’Eglise ; c’était nouveau,

Nous connaissons l’expression : le "nous ecclésial" :
"ce qui est premier quand nous portons attention à l’Eglise, ce n’est pas les différences de rôles ou de responsabilités (...) mais le "nous" d’un ordre original créé par l’Esprit entre ceux qui sont unis au Christ et qui prient le Père" (p. 14)

Ce document de "Lourdes 73" a fortement contribué à la promotion dans les faits de la responsabilité de tous les chrétiens. Il a favorisé la prise de conscience de la place et de la responsabilité originale de la vie consacrée dans l’Eglise.

Plus près de nous, en janvier 1978, les évêques de l’Est, à la suite d’une rencontre avec les Supérieures Majeures de la Région, ont adressé un message aux religieuses et au peuple chrétien. Il faudrait le lire en entier (Doc. Cath. du 5 mars.1978, p. 243). Retenons ce passage :

"Votre apport irremplaçable à la vie de nos Eglises diocésaines, c’est d’abord l’authenticité de votre consécration religieuse...
Cette grâce qui vous est spécifique, vivez-la en Eglise...
Vous êtes, pour votre part, responsables d’assurer avec nous l’annonce de la foi et l’avenir de l’Eglise."

2) une pastorale des vocations qui évolue

La pastorale des vocations ne pouvait qu’être marquée par une telle évolution.

Pour la première fois, au Congrès des vocations de Poitiers, en 1969, se rencontraient les prêtres responsables des vocations dans les diocèses et les délégués de la vie religieuse masculine et féminine. La question était posée : "quelle action commune pouvait être menée au service des vocations ?" C’était une nouveauté.

On revenait de loin. Jusqu’ici, on vivait chacun chez soi ; les terrains d’action s’ignoraient ; chacun avait son mode de recrutement.

Aujourd’hui, un service des vocations est une équipe diversifiée responsable dans l’Eglise locale de l’éveil et de la croissance de toutes les vocations. Ensemble on saisit les occasions favorables, qu’il s’agisse de préparation à la confirmation, d’une profession religieuse ou d’une ordination sacerdotale. Il ne s’agit plus du seul recrutement pour un grand séminaire, ou de la relève à assurer dans une congrégation ou un monastère. Ce sont autant de micro-réalisations de cet "agir ecclésial" demandé par le Concile.

Beaucoup reste à faire. Mais cela passe peu à peu dans les faits. Nous en sommes témoins.

B - ENJEU ECCLESIAL - COMMENT CELA SE JOUE CONCRETEMENT ?

1) La présence de la vie consacrée féminine dans un service des vocations transforme la pastorale des vocations.

C’est une chance pour la pastorale des vocations. Pour une double raison : présence de la femme, présence de la consacrée.
Qu’elle soit laïque consacrée vivant en plein monde ou religieuse vivant en communauté, la femme a une manière propre de vivre les valeurs évangéliques de pauvreté, chasteté et obéissance.

Elle porte aussi les valeurs propres au charisme de son institut (nuance plus délicate à saisir, qui ne se manifeste que peu à peu).

Sa sensibilité propre, sa personnalité complémentaire de celle de l’homme qui est le plus souvent le responsable diocésain sont une richesse pour la service assuré en commun. D’autant plus que cet homme habituellement, n’est pas religieux, au sens canonique du mot et assure sa responsabilité dans le cadre du ministère presbytéral, ... autre complémentarité (cf. les remarques de Marie-Reine).

Avouons que, dans la formation des prêtres, les études n’ont pas donné à la vie consacrée la place qqi lui revient dans la vie de l’Eglise. C’est en collaborant avec des religieuses dans les équipes de diaspora que des prêtres ont découvert :

- l’originalité de la vie religieuse,

- l’importance de la vie communautaire,

- la façon dont la consécration est vécue quotidiennement,

- l’originalité de chaque famille religieuse, ses charismes,

- et tout simplement la manière dont Jésus-Christ est connu, aimé et témoigné par une femme en diverses circonstances.

Il faut reconnaître que l’équipe S.D.V. est un lieu privilégié dans l’Eglise pour la réflexion, le partage, la découverte de l’autre au niveau de son être profond.

Posons-nous quelques questions :

. La "vie consacrée" (nous pensons aux personnes consacrées) est responsable de toute les vocations. Comment, dans notre équipe S.D.V., la (ou les) religieuses se sentent-elles responsables de l’éveil et de l’accompagnement des vocations autres que la leur (presbytérat, diaconat) ?

. Pour participer à une équipe diocésaine, une religieuse doit connaître l’histoire des communautés chrétiennes, la façon d’agir des mouvements, la mentalité des prêtres, la diversité des secteurs d’un diocèse (voire leur éclatement). Comment favorisons-nous cette connaissance ? ... connaissance d’une pastorale diocésaine aux multiples facettes ? Comment l’aider à cerner les difficultés qu’elle peut rencontrer dues aux orientations ou aux limites d’un certain agir ecclésial ?

. Sa prise en charge financière, comment est-elle réalisée ?

. Est-elle personnellement reconnue, comme femme, comme religieuse, par les prêtres, aux yeux des communautés chrétiennes ? Quel crédit accordons-nous à sa parole, à ses interventions ?

D’autres questions encore :

. Dans l’équipe S.D.V., prenons-nous le temps d’exprimer ensemble ce qui fait le fond de nos vocations respectives ? A quelles conversions cela nous a-t-il invités ? Quelles répercussions cela a pu avoir sur notre pastorale ? Peut-être plus d’ouverture ?

2) La présence de la vie consacrée dans un S.D.V. est une chance pour la vie consacrée.

- pour la religieuse, ou laïque consacrée,

- pour sa congrégation ou son institut.
. Pour elle-même.

En travaillant à l’éveil et à l’accompagnement de vocations autres que la sienne, la religieuse est renvoyée à l’originalité de sa propre vocation. En participant à un travail commun avec des prêtres et des laïcs, elle reconnaît et approfondit ses propres racines (cf. Marie-Reine).

Une laïque consacrée en institut séculier me disait récemment : "le fait d’appartenir à un S.D.V. m’a ouverte à la dimension de la vie religieuse et mon aumônier me reproche d’y participer parce que, dit-il, je suis assimilée à une religieuse, alors que je me sens d’autant plus laïque, vivant en plein monde et consacrée".

. Pour les congrégations, les instituts.

La plupart des congrégations religieuses ont vécu ou vivent encore douloureusement le manque de "vocations". On a abandonné le recrutement à la manière du temps passé, mais on ne l’a pas remplacé parce qu’on manque de confiance, on ne voit pas. On finirait presque par s’habituer à l’absence des jeunes ; mais c’est malsain parce que la vie appelle la vie.

L’appel de la vie se manifeste parfois lorsque des jeunes viennent frapper timidement à la porte...

Mais aussi par les contacts avec la pastorale des vocations.
Un nouveau départ s’opère. C’est plus facile lorsqu’une religieuse
participe à la base aux activités d’un S.D.V. Il y a aussi les sessions d’éveil à la pastorale des vocations, sessions organisées par une Région ou par le C.N.V. A partir de là on recommence à y croire, on devient inventif, on reprend souffle, on apprend à accueillir les jeunes, à connaître leur histoire, à comprendre leur milieu, à respecter leur sensibilité.

Faisons quelques suggestions à une équipe de S.D.V.

. Savoir ce qui se fait pour l’accueil et la formation des jeunes dans les congrégations du diocèse. S’y intéresser.

. Interpeller une congrégation ou un institut ; l’aider à susciter une équipe où l’on réfléchirait à cette question vitale des vocations Cette équipe sensibiliserait les communautés, les fraternités qui ne voient pas que faire en ce domaine. Elle ferait découvrir que ces communautés vivent, là où elles sont, une certaine pastorale des vocations : les atouts sont dans leurs mains !

. Provoquer un partage et une recherche entre congrégations au niveau du diocèse, de la Région.

... il y va de l’avenir de l’Eglise.

3) Présente au S.D.V., la vie consacrée contribue pour sa part au renouveau de l’Eglise locale.

En deux mots, nous pouvons encore dire ceci : nous savons que la mission d’un S.D.V. l’amène à être en relation avec tout ce qui fait la vie d’une Eglise diocésaine. Nous savons ce qui se fait au plan de l’enseignement religieux, avec les mouvements d’A.C., jeunes et adultes, avec les mouvements d’approfondissement spirituel, avec l’enseignement catholique et les aumôneries de lycées... etc. Il y a aussi la participation à la réflexion pastorale dans certains secteurs.

En tout cela, il est important que soit présent le charisme de la vie consacrée.

C - C’EST IIMPORTANT POUR L’EGLISE DE DEMAIN

La présence de la vie consacrée dans un S.D.V. est nécessaire à l’équipe pour la rendre sensible aux dynamismes nouveaux de l’Esprit qui travaillent aujourd’hui dans les coeurs.

Plus largement, disons que la vie consacrée manifeste de façon plus intense à l’Eglise et au monde l’essentiel des valeurs évangéliques.

Les manières en sont diverses. Retenons :

- présence au coeur du monde à la manière des instituts séculiers,

- signe de fraternité évangélique avec différentes formes de service du monde : les nombreuses communautés religieuses de vie apostolique.

- vie contemplative plus signifiante du seul nécessaire : les communautés cloîtrées.

Par ces différentes formes, la vie consacrée manifeste au monde devenu a-religieux des dimensions de la vie humaine qui lui sont inconnues.

Elle rappelle à l’Eglise, elle-même tentée par la sécularisation, des valeurs qu’elle risquerait de perdre.

Mais il faut aller plus loin.
L’évolution des formes de la vie consacrée nous révèle que l’expérience de Dieu, le don de soi à Dieu, se vit aussi et de plus en plus en dehors des cloîtres, en plein monde. De plus en plus aujourd’hui, des valeurs qui semblaient réservées à la vie religieuse sont proposées à des laïcs (qu’ils soient célibataires ou mariés) et à des prêtres séculiers, non seulement à des personnes mûres et expérimentées mais à des jeûnes.

Expériences communautaires, consécration de soi (parfois par des voeux), expérience mystique de Dieu, se rencontrent désormais chez beaucoup d’autres que chez les religieuses.

Cela intéresse un service des vocations. Pas lui seul, certes ; mais il peut être un lieu, un creuset où se recueillent, se discernent ces façons nouvelles de se laisser prendre par l’Esprit pour révéler la Bonne Nouvelle à un monde qui en a perdu le sens et qui pourtant la cherche.

Pour cela, le S.D,V. a besoin de la présence du charisme de la vie consacrée. Cette présence (non superficielle) doit permettre à l’équipe diversifiée de se rendre attentive à ce qui se cherche, sans être reconnu encore dans les "catégories reçues", et qui manifeste pourtant la vitalité de l’Eglise.

Nous avons pour cela à être nous-mêmes, à répondre chacun à notre propre vocation. Nos équipes S.D.V. doivent nous permettre d’aller plus avant dans le partage des dons particuliers qui nous viennent du Seigneur. Nous devons prendre du temps pour ce partage, et pour l’action de grâce.

Ce n’est pas pour notre satisfaction, mais parce que la mission est là. Cette mission, c’est îa mission de l’Eglise. Le monde incroyant auquel nous sommes envoyés a besoin des richesses complémentaires que Dieu nous a données.

Si nous savons nous engager ainsi dans une mission commune, ce sera pour tous "un bond dans l’espérance".

(cf. Paul VI et les évêques de France)