Signes de l’amour de Dieu pour tous


Le 2 février est la journée de la vie consacrée. A cette occasion, Mgr Gérard Daucourt, évêque de Nanterre, rappelait dans son bulletin diocésain que la vie consacrée est un don pour toute l’Eglise.

Gérard Daucourt
évêque de Nanterre

L’être avant la fonction

Depuis mon arrivée dans le diocèse, j’ai reçu plusieurs demandes pour « avoir un prêtre jeune » pour tel mouvement ou aumônerie, « avoir un aumônier », etc. Je n’ai jamais été sollicité pour qu’une communauté de religieux ou de religieuses soit simplement présente dans un quartier populaire ou auprès d’une catégorie de personnes. C’est que l’esprit du monde, qui juge plutôt les personnes par ce qu’elles font que par ce qu’elles sont, imprègne souvent les mentalités chrétiennes. Le ministère des prêtres est, habituellement, d’abord vu uniquement à partir de leur fonction. Si les prêtres viennent à manquer, on s’en préoccupe et la crainte compréhensible du manque de prêtres est très répandue. Il n’en va pas de même habituellement dans la manière de considérer, par exemple, une communauté de religieuses. On regrettera que, faute de candidates, la congrégation ne puisse plus assurer une présence dans un quartier, une paroisse, une école. On se consolera vite en estimant que point n’est besoin d’être religieuse pour soigner les malades, enseigner dans une école ou faire le catéchisme.

Qui est consacré ?

L’expression « vie consacrée » est un raccourci qui, par certains aspects, est regrettable. A la suite du Concile, le Code de Droit canonique parle de « la vie consacrée par la profession des conseils évangéliques ». On le sait, par conseils évangéliques, on entend chasteté dans le célibat, pauvreté et obéissance. Une telle vie est multiforme : vie monastique, vie religieuse apostolique, instituts séculiers, sociétés de vie apostolique, ordres des vierges consacrées, ermites, veuves consacrées.
La constitution conciliaire sur L’Eglise dans le monde de ce temps parle du mariage en disant que « les époux chrétiens sont fortifiés et comme consacrés par un sacrement spécial » (n° 48). Et les diacres, prêtres et évêques ne sont-ils pas consacrés par l’Esprit pour leur ministère ? Et surtout : le baptême et la confirmation ne font-ils pas de tout chrétien un consacré pour être envoyé en mission ?
Ceux et celles qui mènent « la vie consacrée par la profession des conseils évangéliques » ont répondu à une vocation particulière. A leur consécration baptismale s’est ajoutée une consécration spéciale pour un témoignage spécifique au sein de la mission de l’Eglise dans le monde.

Quelle spécificité ?

Les formes et le style de vie des « consacrés par la profession des conseils évangéliques » doivent d’abord exprimer une gratuité : celle de l’amour de Dieu pour tous. Les habitants d’un quartier populaire étaient venus me supplier de tout faire pour que les religieuses restent parmi eux : « Vous comprenez, dans notre quartier, il y a beaucoup de problèmes. Chacun n’a qu’une envie, c’est de partir, de trouver un logement ailleurs. Les sœurs sont les seules qui sont venues pour nous et qui restent à cause de nous. »
Les communautés de religieux ou de religieuses, dans des institutions pour personnes handicapées ou âgées, auprès des gens du voyages, des malades ou des exclus, sont un signe de la priorité évangélique que l’Eglise doit donner aux petits, aux faibles et à ceux qui ne connaissent pas le Christ.
Des religieux et religieuses (et d’autres « consacrés ») sont en mission d’éducation auprès des enfants et des jeunes. C’est d’abord par leur témoignage de célibataires à cause du Christ, leur vie de prière et, pour un grand nombre, par leur vie communautaire, qu’ils « enseignent ».
Tous les « consacrés par la profession des conseils évangéliques » ont été appelés à vivre leur baptême de cette manière pour dire que Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique pour le sauver (cf. Jn 3, 16). Mais ils sont aussi en mission dans l’Eglise auprès de nous, les autres baptisés. Ils nous disent que la communion dans la diversité est possible par la grâce de Dieu. Ils invitent les chrétiens et « les hommes et les femmes de notre temps à regarder vers le haut, à ne pas se laisser envahir par les affaires de chaque jour mais à se laisser séduire par Dieu et par l’Evangile de son Fils » (Jean-Paul II, Vita consecrata, n° 109).

Un don nécessaire

C’est encore le pape Jean-Paul II qui a rappelé que « la vie consacrée est un don à la communauté ecclésiale… don précieux, nécessaire, inestimable ».
Cependant, l’avenir de beaucoup de congrégations religieuses est incertain d’un point de vue humain. « Les instituts de vie consacrée, comme les civilisations, sont mortels : la liste serait longue des ordres florissants aujourd’hui disparus. Il n’y a pas lieu de se lamenter toujours sur le manque de vocations ; on s’en réjouira parfois : l’institut ne répond plus aux besoins de notre temps. Et, à côté, germent de nouvelles formes de vies consacrées dont certaines n’auront pas plus d’avenir que la fleur du matin, mais dont d’autres deviendront un grand arbre dans les champs de l’Eglise » (F. Morlot).

La vie consacrée dans l’Eglise a sa source en Dieu Trinité, qui nous confie ce don à tous. Nous devons tout faire pour le recevoir et le maintenir. Ceux et celles qui mènent la vie consacrée sous une forme ou sous une autre en sont particulièrement responsables, parce que ce sont eux qui la rendent repérable. Il leur faut être dans le monde et de leur temps mais « sans être du monde » (cf. Jn 17, 14-15), par un style de vie qui tranche contre toutes les déviations de la société contemporaine et une protestation en paroles en actes, quand la fidélité à l’Evangile l’impose.
Nous avons vraiment besoin que des « consacrés par la profession des conseils évangéliques » vivent parmi nous pour contribuer à la cohésion sociale et à la vie fraternelle des chrétiens, pour soutenir toute l’Eglise dans les défis de notre temps (particulièrement le dialogue interreligieux dans la fidélité à notre mission), pour nous rappeler que le temps connaîtra une fin, que le Seigneur vient et que la seule richesse éternelle est Dieu qui manifeste son amour dans le Christ.

publié avec l’aimable autorisation
d’
Eglise des Hauts de Seine n° 287, février 2003