Au diocèse du Mans avec la Mission de France : "reprendre l’initiative de l’appel"


La Mission de France et le diocèse du Mans ont vécu une expérience qui se continue.

*
* *

Ils étaient en réalité plus de 300 jeunes adultes ou adolescents réunis dans la nouvelle église Saint-Paul de Bellevue, au nord du Mans, le samedi 13 mars 1976. Qui les avait fait courir là-bas ?
Allez donc savoir au juste.

  • Un langage neuf pour parler de l’Evangile ? Les affiches et les journaux avaient invité "à la rencontre du fou libre".

  • Une formule attrayante et originale pour vivre une longue veillée festive de 17 h à 23 h ? On savait qu’on y trouverait des chanteurs, un montage, d’autres jeunes prêts à la participation.

  • Une offre exceptionnelle d’expression libre, spontanée, collective ?
    La Mission de France et le diocèse du Mans avaient souhaité et annoncé des espaces ouverts à l’audiovisuel et à la fantaisie du dessin ou de la petite phrase.

Mais il y avait aussi une étrange atmosphère générale de sérieux, une volonté de célébrer des convictions intimes concernant Jésus Christ et l’espoir qu’il porte avec lui de paix, de liberté, de joie et du communion.

Le programme a commencé autour de Jean DEBRUYNNE, Jean-Pierre BONSIRVEN et Gaétan de COURREGES, par des chants qui évoquaient la jeunesse et le goût de vivre, la silhouette de Jésus et l’avenir qu’il propose.

Et puis se sont mêlées la Parole de Dieu en évangile et une sorte de poème en images sur un pourquoi-vivre, sur trois écrans tantôt harmonisés et tantôt contrastés se déroulait un jeu visuel luxuriant et gorgé de lumière. C’est "l’histoire à partager" d’un jeune, reconnu comme un frère, auquel "on n’a pas appris à vivre et qu’on a volé jusqu’au nom". Il s’évade sur les routes, en quête d’un ailleurs et surtout d’un supplément d’âme. Il connaît la tentation au désert et le combat de Jacob. "Comme un cri", la Parole finit par l’atteindre au cours de sa recherche et dans son être réconcilié avec "l’autre côté de lui-même".

On descendit dans les sous-sols de Saint-Paul partager les sandwiches et illustrer les tableaux muraux dont Jean DEBRUYNNE devait tirer l’essentiel pour composer, chanter, faire reprendra en choeur une espèce de grand psaume improvisé.

Les évêques du Mans et de la Mission de France présidèrent alors une eucharistie qui donnait à cette "fête de l’expression" une ouverture et une densité qu’on n’attendait pas.

On entendit enfin deux grands appels lancés au titre de la responsabilité diocésaine du Mans et au titre de la tâche évangélisatrice de la Mission de France.

L’HOMELIE DU P. ALIX, EVEQUE DU MANS

"L’Eglise, c’est la responsabilité partagée ; c’est le peuple de Dieu dont vous êtes les membres, où chacun doit être actif, c’est-à-dire agissant et responsable.

"L’Eglise de Jésus-Christ au Mans, dont je suis le serviteur, a besoin d’autres serviteurs pour que ses communautés vivent et que dans la Sarthe, Jésus-Christ soit annoncé à ceux qui ne le connaissent pas.

"L’Eglise n’est pas ma propriété. Je n’oublie certes pas que j’y ai un ministère particulier et que je me suis engagé à l’accomplir, mais je sais avec la même conviction que d’autres ministères doivent être aussi remplis. Ils sont divers. Il y a celui du prêtre et du diacre, confiés dans l’ordination où se symbolise et se réalise le lien de continuité avec la mission des apôtres. Il y a celui de tout chrétien, confié au baptême et à la confirmation, où se symbolise et se réalise l’appartenance fondamentale à Jésus-Christ dans son Eglise.

Ces services sont divers aussi par les activités qu’ils exigent et les lieux où ils s’exercent ; prêtres et chrétiens laïcs y participent ensemble avec leurs responsabilités propres et complémentaires depuis les paroisses jusqu’aux groupes sans structures précises, depuis les mouvements apostoliques jusqu’aux assemblées de prière ; depuis l’aumônerie du monde scolaire jusqu’à celle du monde de la santé (et ce ne sont là que des exemples), les communautés ecclésiales ont besoin des chrétiens et des prêtres parmi eux, pour leur vie et la validité de leur témoignage ; les deux se tiennent, on ne peut les séparer."

Le Père ALIX précise enfin son appel aux jeunes présents et à travers eux à l’Eglise diocésaine :

"Qu’êtes-vous prêts à faire ?
C’est une question que personne ne peut éluder.

Y aura-t-il parmi vous des volontaires pour le service presbytéral avec ses risques et ses espoirs, ses joies et ses difficultés, avec ses exigences et la liberté que donnent la fréquentation du Christ et le partage de sa Mission ?

Y aura-t-il parmi vous des volontaires pour la consécration religieuse, témoin de l’humanité sauvée en Jésus-Christ, telle que l’esquisse s’en dessine dans une perspective d’achèvement ?

Y aura-t-il parmi vous des volontaires pour vivre leur vie de chrétiens responsables et mettre en oeuvre toutes les possibilités évangéliques cachées, mais déjà présentes et actives dans les choses du monde ?

C’est ma question."

L’HOMELIE DU P. REMOND, EVEQUE DE LA MISSION DE FRANCE

Le Père Jean REMOND, préoccupé par son apostolat et sa responsabilité épiscopale de la première annonce de l’Evangile au Monde des incroyants, fait d’abord part de sa rencontre personnelle du Christ :

"J’avais dix-huit ans quand j’ai "rencontré" le Christ. Je ne le cherchais pas, c’est lui qui a fait irruption dans ma vie : de manière inattendue, soudaine, violente. J’ai été comme foudroyé ! Au milieu des décombres de tout ce que j’avais appris en matière de religion et de morale, Il m’apparaissait comme la seule Vérité à découvrir, le seul Chemin à suivre, la seule Vie à vivre. Coup de foudre ... comme on parle dans le langage de l’amour ! J’ai été conquis, séduit, et tout ce que j’ai découvert de Lui depuis ne m’a jamais déçu".

"Cela m’a conduit à devenir prêtre, dans une forme de ministère inusitée alors."

Le Père REMOND précise ensuite sa mission d’évêque : "je suis un évêque sans "diocèse". Je suis évêque pour ceux qui ne connaissent pas encore Jésus-Christ. Comme beaucoup d’entre vous, je travaille pour gagner ma vie. Après l’avoir fait pendant plusieurs années comme menuisier dans le bâtiment, je le fais aujourd’hui comme employé de bureau. D’autres prêtres, comme moi, sont au travail et partagent l’existence tout ordinaire des hommes. Participant à la recherche et aux combats des hommes avec d’autres chrétiens ensemble, nous portons collectivement le souci de l’Evangile. Ensemble nous cherchons à faire exister l’Eglise de demain à partir des fondements que l’Esprit du Christ qui nous précède dans le coeur et la vie des hommes, pose lui-même."

En insistant sur le caractère original de la Mission de France, le Père REMOND ouvre de larges perspectives sur le "chantier de demain" :
"ce soir, pensant à ce carrefour où se trouve le monde et où se trouve l’Eglise, je vous interpelle ...".

"Nous avons devant nous un chantier immense. En travaillant au coude à coude avec tous ceux qui cherchent à construire le monde de demain, il s’agit d’annoncer l’Evangile de manière qu’il soit compréhensible pour eux et lumière dans leur recherche. Il s’agit de percevoir leurs aspirations, pour leur annoncer Celui qui en est la source et qui seul peut les combler en faisant toutes choses nouvelles".

"Qui viendra avec nous sur ce chantier de l’Eglise de demain ? Le Seigneur nous précède de l’autre côté des rivages connus, aux frontières de la Foi, là où commence à se nouer son dialogue avec le monde nouveau qui se construit."

La soirée prit fin avec une invitation multiple au dialogue. On vit se dresser dans les travées de l’église des panneaux sur lesquels étaient écrits, en grands caractères, les différentes tâches que propose l’Eglise aujourd’hui : "jeunes en recherche", "Mission de France", "chrétiens adultes", ’"religieux et religieuses", "contemplatifs et contemplatives, "prêtres diocésains" ... etc. Et de fait, un certain nombre de jeunes se portèrent vers ces points d’intérêt, pour se renseigner, participer à un brin d’explication, apprendre à connaître un service d’Eglise ou un ministère "ordonné".

Un test-évaluation attendait les jeunes à la sortie de l’église. Beaucoup s’y prêtèrent de bonne grâce puisqu’on rassembla 256 feuilles et qu’il fut possible d’en exploiter 219 : le dépouillement révélait que la soirée avait, en partie au moins, comblée l’attente.

197 avaient apprécié les chants,
193 parlaient de bonne ambiance,
185 étaient contents de l’animation,
175 s’étaient intéressés au montage audio-visuel,
160 avaient trouvé bonne la célébration.

On passait alors légèrement au-dessous de la moyenne sur la participation collective avec 102 réponses favorables.

Les points faibles touchaient l’expression des jeunes (71) et le témoignage des groupes sous les panneaux dans la dernière heure de la soirée (52). Il était même impossible d’exploiter le détail de cette ultime activité que visait la question : "quels groupes avez-vous rencontrés ?"

Voici en forme de témoignage, la critique d’un jeune de 24 ans, actuellement employé dans une usine d’électronique à Laval et candidat au sacerdoce.

"Disons qu’avant d’arriver au Mans, cette soirée me laissait rêver.
Je me demandais comment en une seule soirée, des jeunes en nombre important allaient partager à travers une animation importante et avec la présence de deux évêques. Je pensais à des formes habituelles de nos rencontres.

"Je peux dire que j’ai été très surpris par une ambiance simple et soutenue. J’écoutais, puis pris par le rythme, j’ai chanté et frappé dans mes mains. J’ai senti alors qu’il se passait quelque chose à travers le coeur de chacun des participants.

Un climat d’amitié et de simplicité était créé, permettant une attitude d’accueil pour écouter la parole du Dieu. La technique audio-visuelle était aussi au rendez-vous grâce à un excellent montage de J. Debruynne : "il est né". Ce montage était impressionnant autant par son caractère artistique que par la réflexion proposée.

Après ce montage, j’avais encore faim. Bien sûr, on allait partager les sandwiches, mais il y avait la suite qui, pour moi, semblait être l’essentiel. A ce moment de la soirée, j’étais vraiment en appétit pour recevoir et écouter un appel de la part des évêques présents. Je pensais alors, en voyant les réflexions des jeunes sur les panneaux muraux, que d’un côté je désirais recevoir un appel à faire quelque chose, mais à côté, j’ai rencontré et partagé avec des jeunes qui voulaient être stimulés dans leur foi. J’ai compris alors que tous ces jeunes attendaient quelque chose : ils étaient venus à cette veillée extraordinaire car elle répondait à leur désir, à leur façon de vivre et de partager.

Les deux appels lancés par le P. ALIX et le P. REMOND nous encouragent dans cette démarche de foi et nous invitent à l’initiative. Je souhaite que cela se reproduise."

On devait attendre l’époque de l’Ascension pour connaître les éléments d’une suite à donner à cette rencontre.

  • le jeudi 27 mai, la Mission de France relançait en effet la discussion avec une dizaine de jeunes qui avaient pris intérêt pour la proposition de poursuivre : un jeune couple, trois filles, six garçons envisagèrent les perspectives d’un ministère presbytéral situé aux franges de la foi et de la vie du monde actuel.
  • le samedi 29 mai, le P. ALIX et Henri MONCEAU, responsable S.D.V., étudiaient avec une vingtaine de jeunes, garçons et filles, quelques axes de ministères nouveaux pour une Eglise locale.

Les choses en sont là. Peut-être aux mois d’automne se dessineront des chemins pour une nouvelle prise en charge, par les jeunes du Mans, de l’annonce évangélique et de la foi.

Francis BADICHE
LAVAL