Devant l’avenir : problèmes d’orientations


Toile de fond

On ne peut réfléchir le question des orientations sans préciser, même rapidement, la toile de fond sur laquelle elle se situe. Quelques traits ont été relevés dans les différents carrefours :

  • une incertitude face à l’avenir, et même une certaine angoisse. Le mot d’indétermination est revenu plusieurs fois.
  • fragilité face à un monde complexe.
  • unification plus laborieuse. Les points de repère sont très flous.
  • peur de l’embrigadement et de la récupération.
  • une assez grande solitude (que d’autres ont exprimé, positivement, en disant : désir de communication).

C’est sur cette toile de fond qu’on peut essayer de dégager quelques éléments importants pour l’orientation.

N.B. : Je me place au niveau de la formation plus qu’au niveau de la recherche, bien que la frontière soit parfois très floue entre les deux.

I - Une orientation qui libère

Tous sont d’accord pour dire : il faut un acte LIBRE. Mais qu’est-ce que cela suppose ? De quelle liberté s’agit-il ?
Un acte libre a deux faces, deux aspects :

un aspect négatif : libération :

  • d’un vieux projet qui traîne depuis l’enfance.
  • de schémas archaïques concernant le foi (cf. les malentendus sur la "volonté de Dieu").
  • des images renvoyées par les autres (pas trop de "publicité" pour que le jeune ne soit pas enfermé dans une image ; pas de cléricalisme précoce ...)

Il faut, autrement dit, que le jeune VIVE.

un aspect positif :

Ce n’est pas une liberté dans le vide.
Ca peut vouloir dire : que les éducateurs fournissent des objectivités, des points de repère qui permettent au jeune de se situer, de prendre position. Ces points de repère peuvent varier suivant les étapes. Ils peuvent être, par exemple :

  • accepter de rejoindre d’autres jeunes pour former une équipe,
  • un certain nombre d’exigences pour la vie d’équipe,
  • accepter de participer à une session,
  • proposer un type de ministère, etc.

C’est à ces conditions que l’on peut perler de liberté. Toute pédagogie qui ne tiendrait pas compte de cela :

  • ou bien risquerait de laisser le jeune comme suspendu en l’air, dans une indécision néfaste et décourageante,
  • ou bien risquerait de l’entraîner dans un embrigadement, une surchauffe également néfastes.

II - Un projet

Une orientation, c’est vivre un certain projet, une structuration de plus en plus cohérente et unifiante.

a) Un point d’accord

Tous sont d’accord pour dire : vivre un projet, c’est faire en sorte que celui-ci, dans la vie du jeune, devienne de plus en plus mobilisent, unifiant, prenne de plus en plus de poids. C’est-à-dire, que les différents éléments de son aujourd’hui trouvent peu à peu leur unification autour de son demain projeté.

b) Des clivages, divergences, ou au moins des accentuations différentes

J’ai cru discerner, dans ce que les groupes ont dit, des accentuations différentes dans la façon de vivre ce projet et de le mettre en oeuvre.
Ce n’est pas aussi tranché que je le dis, bien sûr, mais il y a peutêtre là une hypothèse possible de travail.

1/ Faut-il d’abord un projet humain ou est-ce que le projet ministériel peut devenir le pivot dès le départ ?

2/ Ces deux visées différentes aboutissent à une mise en oeuvre pédagogique différente.

  • certains (les G.F. ???) insisteront d’abord sur une maturation humaine primordiale (ainsi l’importance du choix des études après la Terminale, pour les G.F.U., de manière à préparer véritablement un métier). La priorité est accordée à la vie d’homme, c’est un type de cheminement très inductif. La Parole de Dieu vient se dévoiler, se découvrir dans l’épaisseur de l’humain. Il va y avoir, dans cette perspective, une insistance relationnelle.
  • certains font intervenir très fortement dès le départ la Parole de Dieu et la soif de réflexion et de connaissance pour amener à cette structuration personnelle. C’est un cheminement plus déductif, c’est la Parole de Dieu qui vient dévoiler et découvrir l’épaisseur de l’humain. D’où il va y avoir une insistance sur :
      • la communauté de foi (le séminaire ??) comme lieu de partage de cette Parole,
      • la formation intellectuelle et spirituelle.

Encore une fois, il s’agit d’une hypothèse "forcée", mais la question que l’on peut se poser est celle-ci : ne se trouve-t-on pas là devant deux cohérences non totalement réductibles l’une à l’autre, non pleinement interchangeables, "non mélangeables à l’infini", et qui justifient deux types de démarche et d’orientation au niveau du premier cycle ?

c) Difficultés communes rencontrées au niveau de ce projet.

Quel que soit le type de démarche, on rencontre des difficultés communes.

1 - Inconsistance de la proposition ministérielle.

C’est tout le problème du manque de vitalité dans l’Eglise d’aujourd’hui, des "modèles" inexistants, des "débouchés".
Cela est déjà vrai pour le ministère presbytéral (où les modèles, les "types" ont craqué). C’est vrai à fortiori pour les autres ministères où peu de modèles existent.
Cela me semble confirmé dans l’expérience G.F.O. où le modèle est beaucoup mieux typé, ce qui permet une orientation plus saine (cf. ce que je disais plus haut sur les objectivités nécessaires).
Dans cette situation, quand le problème du célibat se pose, il est évident que le projet ne pèse pas lourd en face de Véronique ...

2 - Inconsistance des MOYENS pour réaliser ce projet. Manque d’expérience ecclésiale vraie et "enracinante".

3 - Dialectique nécessaire utopie-réalisme.

D’un côté, il faut aider le jeune à typer un projet qui soit utopique, qui fasse appel à l’imagination, à l’invention, à l’espérance.

D’un autre côté :

  • il serait dangereux de laisser ce projet se figer, mais il faut aider le jeune à passer à un pluralisme de possibilités.
    (Encore qu’il serait fart utile de s’expliquer sérieusement sur ce que l’on met sous le terme de disponibilité).
  • il faut laisser la réalité jouer son rôle de contestation de l’utopie Entre les deux, le chemin est étroit.

4 - Il n’y a pas de développement linéaire du projet. C’est plutôt un zig-zag continuel. D’où :

  • une pédagogie de la durée, difficile, éprouvante pour l’éducateur.
  • tout est toujours à reprendre à différents stades. Il n’y a jamais rien d’acquis définitivement, à n’importe quel niveau (humain, intellectuel, spirituel, etc.) Nous sommes remplis d’illusions sur ce point précis et nous risquons d’agir par incantation : notre projet, lui, est linéaire, mais pas forcément la maturation du jeune. Il risque d’y avoir projection du projet que nous formons pour lui.

III - Quelques seuils à franchir

- Je ne prends que deux champs pédagogiques, mais il y en a d’autres, bien sûr ...

a) Vis-à-vis de l’Eglise

- Passage d’une attitude d’extériorité à une attitude fraternelle. De la critique un peu négative au réalisme aimant.
Ce passage peut se faire, par exemple, à l’occasion de la découverte d’un groupe, d’une personne qui vit cette attitude.

- Passage d’une attitude d’individualisme, de consommateur, à une attitude plus collective, à une prise de conscience ecclésiale. Passage de l’Eglise "pour soi" ("Qu’est-ce que ça ME donne d’être chrétien ?" "Qu’est-ce que ça M’apporte de plus que les autres ?") à l’Eglise "pour les autres".
Une mise en responsabilité peut être l’occasion de ce passage.

- Passage d’une attitude de passivité à une attitude de création et d’invention.
Dans le réalisme, bien entendu.
C’est l’orientation vers des champs neufs d’action, qui sortiront de la routine institutionnelle.
La découverte existentielle de l’incroyance massive peut en être l’occasion.

b) Vis-à-vis du ministère

Passage d’une participation extérieure, d’une solution d’attente (on discute sur les ministères, le ministère presbytéral, on en parle ...) à une attitude d’adhésion existentielle, d’engagement actif.
Un des critères de ce passage : la participation active à une équipe qui s’efforce de vivre la coresponsabilité, ou l’entrée en formation.

- Passage d’un attrait à coloration psychologique à une adhésion à un projet vécu en profondeur.
Perception plus claire de l’enjeu du ministère.
Un des critères de ce passage : quand on peut rendre compte du projet et à soi-même et à d’autres.

- Passage d’un ministère pour soi à un ministère pour les hommes.
objectivation des besoins de l’Eglise.

- Passage d’une parcellisation du projet à une unification progressive.
Les différents éléments de la vie :
vie relationnelle et affective,
vie professionnelle, vie politique, etc., s’unifient autour du projet ministériel qui devient prioritaire.
C’est la "conversion au ministère".

Pour que ces différents passages puissent se faire dans la vérité et la solidité, une MEMOIRE extérieure apparaît comme nécessaire :

  • et/ou une personne (conseiller spirituel),
  • et/ou un groupe restreint en situation de coresponsabilité.

Louis MAUVAIS,
responsable national des G.F.U.