La pédagogie des groupes de recherche


Parce qu’il m’arrive de travailler avec des groupes, et aussi de réfléchir cette action, on m’a demandé d’intervenir à propos de pédagogie.
Les réflexions qui suivent conservent le style oral. Elles sont la rumination que j’ai réalisée au cours de cette session.
Je le ferai en regroupant mes remarques en trois parties :

1 - Nécessité d’identifier le groupe de recherche,
2 - Rôles des accompagnateurs,
3 - Quelle vie religieuse s’élabore au sein de tels groupes ?

* * *

1 - Il est nécessaire de bien identifier les groupes

1) Il s’agit de groupes restreints et de groupes de jeunes filles. Aujourd’hui, une foule de "communautés" surgissent, c’est l’une des caractéristiques de la société actuelle que de donner naissance, par insatisfaction devant l’anonymat de la société industrielle, à un phénomène communautaire. Les gens éprouvent le besoin de se rencontrer autrement qu’ils ne le font habituellement, on se retrouve alors, non pas pour faire quelque chose nécessairement, mais pour exister comme personne devant d’autres personnes.

Il est bon d’avoir cette réalité présente à l’esprit afin d’éviter d’attribuer immédiatement une qualification religieuse à des demandes qui peuvent être d’un autre ordre.

2) Un groupe joue plusieurs rôles. En effet, dans tout groupe qui se constitue se développent un certain nombre de fonctions. Un exemple très simple le met en lumière : la première fonction d’une chorale (comme chacun sait) est de chanter en diverses occasions. Cependant si l’on fait appel à un observateur extérieur, il remarquera peut-être que la première fonction de cette chorale est de permettre à des couples de se former, parce que c’est un lieu où l’on se marie beaucoup. Fonction latente, mais qui fonctionne bien !

Il est possible que l’on vienne à la chorale uniquement pour chanter et pourtant, il y a aussi "autre chose" qui se joue là.

3) Dans un même groupe, l’important, me semble-t-il, est de chercher à découvrir des attentes diverses, ce qu’attendent les participants des groupes.

Dans mon diocèse, je me suis trouvé avec un groupe d’agriculteurs chrétiens voulant réfléchir à propos de cumul de la terre. Un certain nombre d’agriculteurs accaparent la terre, d’autres n’en ont plus ; question brûlante pour eux.

Quelle était la fonction du groupe ? Des chrétiens se retrouvent pour réfléchir sur le problème de l’utilisation du sol. Mais il y avait, à l’intérieur de cette demande globale, un certain nombre de demandes qui ne coïncidaient pas. J’en type quatre :

- il y avait un certain nombre de syndicalistes très engagés qui voulaient faire avancer une idée : mettre en place une organisation qui, permettrait une répartition plus stricte de la terre, et ceux là cherchaient des alliés. Se retrouver entre chrétiens, c’était pour eux accroître leur clan

- un autre groupe voulait surtout informer les autres : "certains n’ont pas conscience du problème, on va le leur faire connaître, ils ne sont peut-être pas des alliés mais au moins ils seront bien informés".

- un troisième groupe avait diverses positions vis-à-vis du problème : il se demandait si l’Evangile pouvait dire quelque chose là-dessus, s’ils allaient avoir un questionnement par rapport à l’Evangile.

- un quatrième groupe était constitué de gens de bonne volonté qui venaient voir. Si on n’arrive pas à identifier un petit peu ces types de requête, on se trouve en face d’un dialogue de sourds.
Dans tout groupe, il est important d’essayer d’identifier et si possible, de permettre aux membres du groupe eux-mêmes d’identifier les différentes requêtes qui sont formulées par les participants.

Pour les groupes qui vous concernent, il semble que vous ayiez un certain type de définitions de ce que sont vos groupes. En écoutant, voilà ce que, de l’extérieur, j’en ai perçu.

Les groupes sont donc composés pour la plupart de jeunes filles. Jeunes filles ou jeunes femmes avec un ou deux adultes "consacrés ",( jeunes filles qui sont situées humainement et chrétiennement ou en voie de se situer. Jeunes filles qui font une certaine expérience de vie de communauté et de vie de foi entre elles. Ensemble, elles cherchent à s’éclairer, à se mettre à l’écoute de l’Esprit dans leur recherche de vie consacrée. Et enfin, le dernier trait que j’ai noté, elles cherchent également à se permettre de prendre une décision.

Quelques repères d’identification :

Existe-t-il réellement de tels groupes ? Est-ce bien cela qui est vécu par les participantes elles-mêmes ? Essayons de vérifier s’il n’y a pas un certain nombre de glissements. J’attirerai l’attention sur trois points qui peuvent aider dans votre travail.

1er repère : il y a-t-il une spécificité du groupe par rapport à d’autres ? Une certaine originalité du groupe par rapport à d’autres ?
a) Il existe beaucoup de groupes aujourd’hui ; cette équipe est-elle différente d’autres groupes de jeunes, en quoi ? Est-ce qu’elle est le seul groupe pour un certain nombre de ces jeunes, est-ce qu’elle est un des groupes auxquels ils participent ?
b) cette équipe est-elle spécifique par rapport à des groupes d’Action catholique ? on peut imaginer qu’elle soit très proche d’un groupa d’A.C. sans en porter l’étiquette : on peut aussi imaginer qu’elle se constitue d’une certaine manière contre des groupes d’action catholique auxquels on ne voudrait pas participer : refus des options de ce mouvement. Est-elle spécifique ou est-elle "suppléante" ? Il faut être clair à cet égard. Est-il normal qu’un tel groupe remplisse des suppléances, c’est une question dont on pourrait discuter. Ce groupe n’est-il pas installé dans un type de suppléance qui ne se déclare pas ? Y a-t-il une certaine spécificité ? C’est un premier repère.

2ème repère : le groupe peut être un refuge.
Je ne vois pas qu’on puisse y échapper complètement. Il est toujours pour une part un refuge, c’est un groupe restreint, un groupe où les relations interpersonnelles sont très fortes, où l’on a l’occasion de présenter le tout de sa vie : ce qui est rare dans le monde d’aujourd’hui. Pour la plupart, ce sont des groupes féminins qui favorisent sans douté une certaine chaleur d’amitié à l’intérieur du groupe, cela peut convenir à des personnalités un peu fragiles, qui trouvent là un lieu plus agréable que celui qu’on peut trouver dans un monde marqué par le conflit et par la rigueur, cela peut convenir aussi à des personnes qui ont de la difficulté à se situer dans une relation hétérosexuelle ou hétérosexuée, et ça n’est pas nécessairement la présence du prêtre (homme) qui va changer cela parce que le prêtre pourra être idéalisé dans ses fonctions de personnage sacré. Il est des risques auxquels il ne semble pas qu’on puisse échapper totalement. Mais sans doute y a-t-il des exigences qui permettent de contrecarrer ces risques.
a) Pour éviter que le groupe ne soit un refuge, l’une des exigences serait celle d’une responsabilité effective qui revienne de plus en plus aux filles elles-mêmes. Peut-être chacune ne sera-t-elle pas apte du jour au lendemain à animer une rencontre, mais quand on cherche on doit trouver des responsabilités partagées : que ce ne soit pas seulement un lieu où on puisse se sentir bien, que ce soit un lieu où l’on a à réaliser quelque chose. Pédagogiquement, cette responsabilité doit aider à sortir du refuge
b) Une deuxième exigence serait également la vérification des responsabilités hors du groupe. A-t-on une responsabilité hors du groupe, accepte-t-on d’en prendre ? Et même il nu faudrait pas se contenter trop vite de responsabilités extérieures, à l’égard d’enfants, de vielliards. Elles ne sont pas une chose mauvaise, mais elles peuvent servir d’alibi. Est-on capable d’avoir des responsabilités avec d’autres et à égalité ? A-t-on toujours besoin d’une situation de certaine domination ?
c) Une troisième exigence pour éviter de s’enfermer dans un groupe-refuge est de voir les questions qui sont posées à l’intérieur même du groupe de recherche. Quelles sont les préoccupations qui reviennent ? Est-ce qu’il s’agit de questions de vie, de la manière dont on vit aujourd’hui ? Est-ce qu’il s’agit de questions de choix qu’il nous faut faire, impliquant des ruptures ? Est-ce qu’on est polarisé par des questions de connaissance sur la vie religieuse ? Il ne faut pas le refuser bien entendu, mais il y a une précipitation qui risque d’enfermer dans le groupe-refuge.
d) Enfin, la dernière exigence pour éviter de tomber dans le groupe-refuge : y a-t-il place dans ce groupe pour des explications nettes ? Si le groupe dure un certain temps, plusieurs années, a-t-il connu des explications nettes, voire des conflits. Est-on capable de les vivre sans drames ? Les groupes de filles sont différents des groupes de garçons, bien sûr ; mais peut-on vivre cela ?

3ème repère : un groupe transitoire. Le groupe peut prolonger une indétermination adolescente. C’est probablement aussi un des terrains qu’il n’est pas simple d’éclairer. Il existe une façon assez subtile d’être engagé sans l’être.

Dans un même groupe coexistent des filles qui sont engagées et d’autres qui le sont moins. Par ailleurs, le groupe peut être ralenti dans sa marche s’il accueille sans cesse de nouvelles participantes. Dès qu’un groupe a une certaine vitalité, il ne lui est pas facile d’accueillir quelqu’un ou s’il l’accueille, il est ramené à un point antérieur avant de reprendre sa marche, si bien qu’il semble souhaitable qu’il n’y ait pas trop d’entrées et de sorties, ceci au bénéfice même du groupe défini comme transitoire. Ce caractère transitoire implique de se fixer des démarches qui engagent. On n’accepte pas simplement d’y être, il convient de poser des gestes, de faire des démarches qui engagent réellement.

Il semble que les démarches proposées soient de deux ordres :

a) de l’ordre d’une certaine situation humaine qu’il faut affermir (travail, habitat, engagements)

b) de l’ordre d’un engagement de type religieux ou social.

Pour terminer ces remarques sur l’identification du groupe, je voudrais faire une remarque personnelle : les questions que j’ai posées sont des questions exigeantes pour les filles qui sont dans les groupes. Elles supposent donc une certaine sélection "un peu aristocratique" parmi les filles qui peuvent être candidates. Tout le monde ne pourra peut-être pas répondre à ces exigences.
Je pense toujours aux exigences que l’on peut avoir pour des garçons qui se préparent au ministère aujourd’hui, et je me dis parfois que si on avait eu les mênes exigences pour moi, je n’aurais pas été ordonné prêtre au moment où j’y ai été : c’est sûr, et pourtant il me semble que si l’on ne veut pas jouer avec les personnes, étant donné les situations dans lesquelles les filles se trouveront, il faut poser de telles exigences pour les aider. Il n’empêche qu’une autre question demeure posée, même si nous ne pouvons l’approfondir aujourd’hui : peut-il y avoir actuellement des modes de vie consacrée pour des gens qui n’ont pas ce type de gabarit, cette densité humaine ? Ceci est une autre question, mais vous ne devriez pas l’oublier.

* * *

II - Les accompagnateurs jouent un rôle capital

A - QUELQUES OBSERVATIONS

Ces groupes sont une forme d’initiation. Il y a des initiés. Ces initiés vont donc jouer un rôle important. D’une certaine façon, les initiés auront un rôle parental. Même si vous l’oubliez, la relation qui s’établit entre les jeunes et vous est marquée par ce caractère.

1) Les accompagnateurs sont des adultes par rapport à des jeunes, c’est-à-dire des adultes ayant été amenés à trancher, à faire des choix, alors qu’il s’agit pour les jeunes de trancher. La relation n’est pas équivalente. Le P. BOURDEAU disait : "il faudrait que nous n’embarrassions pas trop les jaunes avec notre propre manière de réfléchir". Il disait lui-même : "Je livre ici l’étape actuelle d’une démarche qui est commencée depuis fort longtemps. Les jeunes réfléchissent tout autrement. Comment éviter de les embarrasser avec le poids de notre histoire ? En tous cas, il faut être conscient que si on emploie les mêmes mots, si on tombe d’accord rapidement sur le même sens de la vie religieuse, les racines ne sont pas les mêmes chez les uns et chez les autres. Nous n’avons pas la même histoire."

2) Ce sont des consacrés par rapport à des jeunes qui se préparent et qui réfléchissent. Devant certaines difficultés, nous disons : "c’est le choix que j’ai fait, donc il n’est pas surprenant qu’il y ait des difficultés". Aux jeunes qui se préparent, les mêmes difficultés se présentent, comme un obstacle à l’engagement. Nous pouvons simplement éclairer la question par l’expérience d’une vie : la communication de cette expérience ne se fait pas exactement. Vouloir communiquer trop loin pourrait être dangereux.

3) Parmi les accompagnateurs, il y a aussi des prêtres qui sont des hommes parmi des groupes de jeunes filles, ne l’oublions pas non plus. Une certaine confiance ne doit pas trop vite être nommée "spirituelle" : elle peut être le fait d’une jeune fille devant un homme qui l’écoute.

4) Enfin ces adultes auront un pouvoir dans la décision. Sans doute ce pouvoir s’exercera-t-il de manière fort différente. Mais au moment de l’orientation, il y a un certain pouvoir des initiés sur les non initiés. Ceci m’amène à un certain nombre de remarques et de questions que je livre aux accompagnateurs que vous êtes.

B - DES QUESTIONS

1) Projet de qui ? J’ai déjà amorcé la 1ère question en notant que nous ne percevons pas les questions de la même manière. Quand il s’agit du célibat, de l’obéissance, de la vie communautaire, il y a, et c’est normal, un décalage dans nos conceptions dont il faut prendre conscience et mesure, si possible. Nous risquons trop rapidement de croire que l’accord est fait. Ceci devrait amener des accompagnateurs à être discrets au moment des décisions, ou des orientations, ou des insistances à apporter. Il s’agit au fond d’écouter ce que des jeunes placés dans le monde d’aujourd’hui, baignés dans ce monde et animés par l’Esprit-Saint peuvent dire à l’Eglise d’aujourd’hui. Et il ne s’agit pas que des adultes qui sont dans l’Eglise depuis un bout de temps convainquent des jeunes de les suivre. Il faudrait voir si deux pôles sont bien situés dans les groupes, à savoir l’Esprit dans la jeunesse de l’Eglise et nous qui sommes des habitants de l’Eglise depuis un bout de temps. Est-ce que nous n’allons pas imposer un projet qui au fond est le nôtre ?

2) Dans quelle Eglise ? Les accompagnateurs risquent de donner une certaine vision étriquée de l’Eglise et de ses charismes : il vaut mieux le savoir. La vie religieuse, est vie en Eglise, située par rapport à l’ensemble d’une vie d’Eglise. Le groupe de recherche au moment où il se rencontre, est un groupe animé par prêtre et religieuses. Il y a danger, celui d’enfermer les perspectives dans ce qui a été appelé "les affaires de la vie religieuse, les affaires de la congrégation". Il faut que dans ce groupe composé de jeunes filles ayant un projet de vie religieuse et des adultes consacrés puisse pénétrer un autre air, qui est 1’air de l’Eglise et du monde.

3) Pour éviter d’imposer notre propre projet : les accompagnateurs sont-ils bien conscients de leur propre projet ? La plupart du temps, nous sommes surtout dangereux quand nous n’avons pas d’idées très claires :

a) pas possible d’avoir en tête une certaine liste des besoins de formation qui apparaissent comme exigés pour une vie consacrée dans le monde d’aujourd’hui. Vous avez énoncé plusieurs têtes de chapitres concernant ces besoins de formation. Je note qu’il y avait une maturité humaine, une maturité psychologique, un certain équilibre affectif avec expérience de la solitude, une certains insertion sociale, ecclésiale, voilà des besoins de formation.

Il pourrait être intéressant de les avoir bien présents à l’esprit pour savoir à quels besoins le groupe doit faire face. Sans doute n’a-t-il pas vocation pour répondre à tous.

b) Est-il possible que ces besoins ne soient pas simplement connus et éprouvés par l’accompagnateur mais qu’ils soient le lot commun, la richesse commune du groupe lui-même ? Est-ce que cela se fait ? Il est important de prendre du temps pour s’entendre sur ce que l’on veut. S’il y avait des besoins de formation qui soient reconnus par tous, l’accompagnateur pourrait devenir l’un des témoins entre autres, (parce qu’il est adulte et qu’il a peut-être plus le sens d’une continuité), de la vérification et des bilans, et celui qui dirait : "nous avions mis l’accent sur tel ou tel point". Je veux souligner ici la nécessité d’avoir des repères extérieurs à soi, qui soient communs, et si possible connus. C’est là où je parle de "pouvoir" qui s’exerce.

III - Une expérience religieuse marquante

Au travers de ces groupes se joue une certaine expérience de vie religieuse et de vie communautaire.

A - Expérience de vie religieuse d’abord.

l) Les jeunes vivent une expérience privilégiée. Les jeunes filles ont l’occasion, au cours de leur période de jeunesse, dans un climat de liberté, de vivre une expérience. Or regardons-nous : les expériences que nous avons vécues de façon riche dans notre jeunesse étaient des expériences de liberté, des expériences marquantes. Nous avons tous, dans notre existence, un certain nombre d’expériences marquantes sur lesquelles nous continuons de fonctionner. Elles nous aident à avoir un sens dans la vie. Au long de leur vie, ces jeunes filles voudront retrouver ces expériences marquantes. Elles engagent déjà le style de leur vie religieuse.

2) Nécessité d’une expérience d’aujourd’hui. Ceci conduit à faire attention à ce que vivent aujourd’hui des jeunes, des chrétiens.

- En effet, si la vie religieuse doit se vivre au coeur des signes des temps d’aujourd’hui, il ne faudrait pas que l’expérience réalisée à l’intérieur des groupes soit une expérience tout à fait décollée par rapport à l’aujourd’hui.

- De la même manière, faire attention à ce qui su vit dans l’Eglise aujourd’hui. D’où l’insistance que je mettais tout à l’heure sur le caractère étriqué du groupe de recherche, si l’on n’y fait pas attention.

- Autre exigence, et ce n’est pas la plus simple, la nécessité de tenir compte de ce que vivent aujourd’hui des congrégations religieuses : c’est un problème énorme, celui-ci. Si l’on fait une magnifique expérience dans une équipe de recherche et puis qu’ensuite, on ne trouve aucune porte ouverte dans une congrégation qui corresponde à cela, on risque d’aboutir à une impasse, ou alors il faut inventer. Il faut tenir compte à la fois de chacune des personnes, tenir compte de l’ambiance humaine, des signes des temps pour prendre le même langage, de ce que vit l’Eglise et de ce que vivent les congrégations. Parce qu’en définitive, si la vie religieuse a un sens aujourd’hui, c’est à une articulation qu’il fa-ut la situer.

B - Expérience de vie communautaire ensuite

1) Une communauté en devenir. Que ces groupes de recherches soient un groupe refuge, ou un groupe stimulant, c’est une expérience qui doit marquer. Et l’on attendra assez spontanément de la communauté qu’elle ne soit pas trop déphasée par rapport à cela.

C’est une expérience de vie communautaire avec des filles d’âge proche, avec une communication importante. C’est un groupe relativement facile, il lui manque tout un terrain du quotidien. Ce n’est pas trop sur les grandes idées qu’on bute habituellement, c’est plutôt sur leur incarnation dans les conceptions que l’on a du rangement de la maison, des horaires, n’est-ce pas cela, la vie ? Il faut en tenir compte.

2) Groupe homogène ou diversifié. A propos de cette expérience de vie communautaire, je voudrais rattacher la question énorme des milieux sociaux. Est-il préférable d’avoir des groupes par milieux sociaux, ou des groupes diversifiés ? Essayons de comprendre ce qui est engagé dans l’un ou l’autre cas. Si l’on fait des groupes à partir des milieux sociaux, on insiste sur l’enracinement des jeunes dans leur univers humain, social, culturel, politique au besoin, religieux dans certains cas, par le canal des mouvements. On a un certain type de conception de la vie religieuse derrière : une vie religieuse profondément enracinée. Et l’on insiste sur le "pas encore" du projet de réconciliation. Si l’on choisit des groupes mêlés, on insiste sur une réconciliation qui est déjà donnée, sur un certain dépassement du quotidien conflictuel, ce qui semble utile, c’est de questionner l’un et l’autre groupe. Si l’on insiste sur l’enracinement humain et sur le "pas encore", croit-on à des moments nécessaires pour manifester le "déjà là" de la réconciliation ? Le donné du Seigneur ? Et si l’on Prend comme point de départ le rassemblement de tout le monde, est-ce qu’on n’est pas en train d’oublier le monde d’aujourd’hui avec ses conflits ? Est-ce qu’on y retrouve la place des conflits ?

3) Peut-on opter ?
Faut-il aller plus loin et se demander comment opter ? De toute façon, des options sont faites puisqu’il existe des groupes de toutes sortes. Comment opter ? Ne faut-il pas tenir compte d’un certain nombre d’éléments qui seraient :

- d’une part : la politique ecclésiale : le groupe de recherche se situant dans une Eglise, localement dans tel secteur, quelle est la politique ecclésiale ? Y met-on l’accent sur les milieux sociaux ou non ?

- La vocation personnelle de chaque fille également. Il est sûr qu’il y a des chrétiens qui n’entreront jamais dans des mouvements d’action catholique, ce qui ne signifie pas pour autant qu’ils soient de pâles chrétiens.

- On peut tenir compte aussi de la diversité dans l’Eglise : il est vrai qu’on en parle surtout pour autoriser sa propre fantaisie.

- On peut tenir compte aussi, et c’est souvent le cas, des possibilités locales. Pour faire des groupes distincts, il faut un minimum de candidates. En tous cas, il faudrait tendre à réduire le choix propre du seul accompagnateur.

* * *

DES QUESTION SANS REPONSE . . .

Pour terminer, je livrerai quatre questions, ce ne sont pas des questions qui demandent des réponses aujourd’hui, ce sont des questionnements dans votre travail habituel.

l) Quels moyens prenez-vous pour vérifier l’identification du groupe auquel vous participez et aussi son adéquation au projet indiqué ? La réalité correspond-elle à ce que l’on dit habituellement ?

2) Veillez-vous à "sentir" avec l’Eglise, "sentir" avec le monde ? Si l’on n’a pas cet enracinement, le travail risque d’être déphasé.

3) Quelle action "politique" menez-vous auprès des congrégations ? Il y a une tâche capitale, soit pour favoriser une certaine "intégration" de nouvelles, de jeunes, soit pour "inventer" d’autres formes de vie. Il y a des choses certainement à inventer, dans ce domaine ! En tout cas, est-ce que vous considérez bien que cela fait partie de votre travail, à quelque échelon que vous vous trouviez, jusqu’au plan national ?

4) Et puis, dernier questionnement ; vous-même : êtes-vous en état de révision de vie sur votre pouvoir initiatique ? Autant il est normal d’exercer notre pouvoir tel qu’il est, autant il est nécessaire aussi de le voir. Peut-être cela se fait-il déjà ? Pour y tendre, sans doute y a-t-il des réflexions dans le genre de celles de ces jours-ci et puis d’autres encore ; peut-être aussi y a-t-il à élaborer, si cela n’est pas déjà fait, un certain nombre de repères communs.

Jean-Marie RICHARD