Expériences d’accompagnement - En lien avec des mouvements - en lien avec le M.R.J.C.


Ces lignes ne sont pas des balises pour un chemin à suivre. C’est un simple aperçu sur une démarche. Prêtre depuis 6 ans, je vis un ministère paroissial en rural avec maintenant la responsabilité des mouvements ruraux de jeunes et d’adultes sur 4 cantons. Nous nous retrouvons au niveau du département de l’Indre entre prêtres et religieuses qui vivent une responsabilité auprès des jeunes ruraux.

Le M.R.J.C. a marqué beaucoup ce que j’ai vécu avec les jeunes. Mais il est très important de noter que la vie de mouvement ici sur l’Indre se présente dans un autre contexte qu’en Bretagne ou ailleurs ... Donc rien n’est à généraliser.

Depuis 1972, il y a eu beaucoup de choses dites au sujet du M.R.J.C. Je ne sais pas si beaucoup de gens ont suivi depuis quinze ans l’évolution du mouvement et cela d’assez près pour pouvoir en saisir l’analyse, la pédagogie et les objectifs et donc parler en tenant compte de l’ensemble. Pour moi, je ne connais pas assez le M.R.J.C. pour oser lancer des affirmations, c’est pour cela que cet article n’engage que moi.

Voici d’abord la transcription d’une page du document "Orientations Générales 1972-1975 » du conseil national du M.R.J.C. des 12-16 juillet 72 que l’on trouve sous le titre "Moyens pour vivre notre foi en Jésus-Christ" (page 21-22).

"Les membres des équipes du mouvement en sont à des stades très divers quant à cette question de la foi, soit qu’ils n’aient jamais entendu . parler de Jésus-Christ pour certains, soit qu’ils en aient entendu parler de telle manière que Jésus-Christ ne signifie plus rien pour leur vie, soit qu’ils s’interrogent sur qui est Jésus-Christ aujourd’hui, soit... On pourrait allonger la liste.

Il reste qu’aujourd’hui, le mouvement veut permettre à tous ces jeunes là de trouver un lieu, une occasion de partager les questions, les hésitations, voire les négations qui sont les leurs sur la foi. Il veut leur permettre d’approfondir le sens que Jésus-Christ donne à l’existence, de célébrer Jésus-Christ et d’en témoigner.

Quels moyens le mouvement entend-t-il mettre en oeuvre pour cela ?

1) Il s’agit moins de vouloir aborder cette question à chaque réunion dans chaque équipe, que de trouver des temps et des lieux favorables.

Des temps :

C’est après un temps fort d’équipe que pourra être choisi une soirée ou un week-end, que l’on -inscrit dans le planning pour aborder la question de la foi, car il faut prendre un temps, si l’on ne veut pas escamoter les questions, leur permettre de se formuler, de s’exprimer, de des approfondir un peu.

Des lieux :

Ce n’est pas forcément une équipe seule qui est la mieux armée : et préparée pour aborder cette question. Ne faut-il pas plutôt réunir plusieurs équipes surtout si tous les membres des équipes ne souhaitent pas pour le moment échanger sur ce sujet.

La zone peut être dans beaucoup de cas le lieu d’un tel partage, ailleurs ce sera la ville universitaire ou dans une rencontre départementale. Nous avons donc à inventer des formes de regroupements des jeunes à l’action, regroupements où ils pourront partager leurs questions et leurs affirmations sur la foi, célébrer Jésus-Christ, et par là inventer une nouvelle forme de vie d’Eglise.

2) Il arrive parfois que les débats sur la foi, sur le lien entre la foi et la vie ne débouchent pas faute d’avoir le temps de bien poser les questions avant de les aborder. Dans ce domaine là, il nous manque une formation de base. Aussi il nous faut envisager de mettre sur pied une formation théologique et biblique, nous n’avons pas d’expérience dans ce domaine là, aussi nous faut-il inventer. Nous proposons que soient prévus et organisés des stages théologiques dans les régions ou à un autre échelon ; ces stages pourraient permettre de partir de nos expressions de foi, tant personnelles que communautaires, de voir ce qu’elles signifient ou non dans notre vie, pour en arriver à creuser la connaissance de Jésus-Christ, telle que l’Ecriture et la tradition de l’Eglise nous la révèlent et approfondir quelle est la tâche de l’Eglise dans le monde qui est le nôtre. C’est ainsi que le peuple des croyants élaborera la théologie de l’expérience qu’il vit.

Dans ce cadre du cycle de formation à l’échelon national, nous avons consacré un temps entier à cette réflexion"théologique.

3) Le mouvement, puisqu’il vit une expérience de communauté de foi, de communauté d’Eglise, ne peut se désintéresser de l’organisation de cette communauté, des ministres nécessaires à la vie de cette communauté. Aussi le mouvement se propose-t-il, à partir de l’expérience des équipes, de rechercher quels types de ministres elles attendent pour leur vie de foi ; à donner les moyens de réfléchir plus profondément à ceux qui se disent disponibles pour l’un ou l’autre ministère. Le mouvement est disposé à contribuer à la formation de ceux qui envisagent un ministère dans l’Eglise. Ainsi il pense pouvoir contribuer à un renouvellement des ministères dans l’Eglise.

Déjà des groupes de jeunes en recherche existent dans le Mouvement, il va falloir les multiplier dans les années .à venir.

Des groupes de jeunes en formation sont à mettre sur pied pour répondre à des appels ; un premier groupe a commencé à fonctionner. Il faut multiplier ces groupes ; à cet effet un prêtre va être détaché.

Des jeunes du mouvement pensent à la vie religieuse, comme le moyen de mettre toute leur vie au service de leurs frères par un don total à Dieu. Ils attendent que le mouvement leur permette de débattre librement des questions qui sont leurs et que les jeunes du mouvement cherchent avec eux comment traduire la vie religieuse dans le monde d’aujourd’hui, pour qu’elle soit signifiante pour le plus grand nombre. Le mouvement se doit de répondre à cette attente.

Maintenant, voici un peu ce que nous vivons. Après deux ans de cheminement (années 70-71) avec:des jeunes scolaires-étudiants, salariés et quelques agricoles, se sont organisés des "week-ends bibliques". C’était quoi ? Une rencontre" du samedi soir au dimanche soir dans un cadre calme, avec des aînés(ées) - les ados avaient leurs propres lieux de temps forts -. Au programme, bilan de notre action et regard sur notre vie d’équipe le samedi soir. Pour le dimanche, recherche biblique pour se laisser interpeller par Dieu, temps de silence, prière commune et Eucharistie, voire moment de culture religieuse...

En y regardant après, ces rencontres ont dû avoir leur rôle. Découverte de la Bible, des jeunes prennent le temps personnellement ou à plusieurs de lire la Parole de Dieu, expérience d’une communauté de partage de foi qui provoque à être témoins sans le chercher mais sans l’éviter. Pour plusieurs, je crois aussi un appel à vivre de l’intérieur la phrase de St Paul : "Pour moi, vivre, c’est le Christ". Comment se réalise la jonction entre l’Esprit du Christ Vivant et le dynamisme nécessaire pour agir ? Comment vivre les refus et les échecs etc. ?

C’était une étape entre 7l et 73, Et dans cette foulée, nous avons eu le 3l Mars et 1er Avril 73 un week-end centré sur "la Vocation, pourquoi ?" Parce que Paul et Alain qui avaient eux-mêmes cheminé avec le M.R.J.C. allaient être ordonnés prêtres. Vingt-six gars et filles sont venus et nous avons essayé d’écouter les appels que nous percevions à travers nos vies, dans les équipes ou personnellement. Il y avait avec nous une religieuse, membre d’une équipe salariée enseignante et un homme en projet de diaconat permanent.

Ainsi, peu à peu, sans rien d’extraordinaire, trois ans de vie d’équipe se sont déroulés et pendant l’été 73 a pris naissance une réflexion sur l’Eglise dans ce secteur rural.(1) "L’aventure des apôtres nous est offerte nous avons travaillé un questionnaire sur la manière dont nous vivons l’Eglise et nous l’avons distribué sur le coin. Un. certain nombre de personnes ayant répondu même par écrit, nous avons pu avoir à l’automne une journée jeunes—adultes pour chercher de qui et de quoi l’Eglise avait besoin pour vivre sur les communes où nous étions.

Dans les mêmes moments, nous vivons cinq jours de réflexion avec douze aînés au cours desquels nous cherchons à approfondir nos motifs d’action. nos raisons de vivre :et nos engagements dans les équipes M.R.J.C. C’est en même temps une occasion de partage de foi. C’est au cours de ces cinq jours qu’un gars de 19 ans exprime son projet d’être prêtre. Deux mois après, avec ce gars et avec une fille qui se posait la question d’une éventuelle vie religieuse, nous préparons une feuille qui doit être à la fois interpellation et invitation.

Interpellation :

Sur cette feuille, il y a tout simplement : "peut-être à travers tout ce que nous vivons en ce moment, je me demande si le Seigneur ne me fait pas signe pour lui dire oui comme d’autres qui engagent leur vie comme prêtre ou religieuse..."

Invitation :

Une rencontre est proposée pour le 3l décembre à ceux et celles qui voudraient partager cette recherche sur un projet de vocation. Trois gars et Trois filles vont se retrouver ce jour là avec la religieuse engagée dans l’équipe salariée M.R.J.C. et moi. Avant d’écrire ces lignes, j’ai reparlé à 4 de ces jeunes et c’est sûr qu’il était nécessaire d’avoir cette rencontre avec son objectif différent des rencontres d’équipes de branches. Pourtant cette journée a été riche des 3 ou 4 ans de démarche antérieure, c’est une sorte d’histoire commune qui a été relue. C’est à partir de la démarche en mouvement que le Seigneur leur a fait signe et les a invités à se poser la question d’un projet de vocation.

Les équipes étant mixtes, nous avons poursuivi cette recherche en groupe mixte. Il y a eu démarche commune mais pas de coupure avec les camarades. Pourtant, ce lieu est estimé nécessaire pour s’écouter, pour partager de nouvelles interrogations, prier ensemble et aussi se dire nos réactions.

Entre eux, ils ont préparé pour le lundi de Pâques une journée sur tout ce qu’évoquait pour eux le célibat et le mariage. Ainsi, ils ont partagé avec simplicité puisqu’ils se connaissaient depuis assez longtemps, comment ils essayaient de vivre leur sexualité au milieu des jeunes de 16-19 ans comme eux et les questions que ça leur posait par rapport à un projet de célibat consacré.

Que sera l’avenir ? Je ne veux pas le savoir car ça ne me regarde pas. Mais il aurait été illogique d’être attentif aux questions qui surgissaient dans leur vie scolaire, de travail ou en famille et d’exclure l’interrogation d’un projet de vocation.

Tous sont restés avec leurs camarades d’avant, je ne crois pas que l’un ou l’autre se soit senti démobilisé par rapport à ce qu’il vivait avant ces rencontres, au contraire. Des camarades ou des parents ont été mis au courant.

Pourtant, tout n’est pas facile, loin de là. D’abord rien de tout cela était prévu. Fallait-il réagir comme nous l’avons fait ou autrement ? Personne ne nous l’a dit et comme au départ je me suis trouvé à l’exception d’un seul devant des projets exprimés à titre personnel, c’est plus à titre individuel que délégué et en lien avec les autres prêtres et religieuses qu’il a fallu partir, et cela à cause de la discrétion.

Des questions restent pour nous :

- Comment faire en sorte que les jeunes prennent bien acte de cet appel possible, qu’ils cherchent à le lire, à le déchiffrer avec d’autres, mais acceptent de ne pas pouvoir y voir clair avant des années peut-être ?

- Comment tenir au milieu d’eux notre place de religieuse et de prêtre ?

La religieuse qui chemine avec ce groupe a une place plus marquée avec les filles, elle se trouve membre à part entière, dit-elle. Nous sommes dans l’équipe comme des adultes ayant fait des choix. Pour elle, au plan professionnel comme enseignante, au plan d’un projet de vie et de vocation.

Nous avons écouté, mais aussi nous avons exprimé, lorsque cela nous était demandé, ce que représentait pour nous la réponse à l’appel de Dieu et comment nous essayons de le vivre. Sur certains points, nous avons provoqué à de nouvelles questions au lieu d’en rester à des aspects trop extérieurs.

Pour tous les deux, nous avons ressenti des exigences nouvelles ou du moins une invitation à vivre d’une manière renouvelée les choix que nous avons exprimés.

Il faudrait sûrement envisager assez vite un élargissement du groupe avec un foyer, mettre au clair jusqu’où va notre solidarité avec les jeunes à l’action dans le mouvement, retrouver des lieux de formation adaptés à leur âge et à leur niveau...

Puisqu’un groupe existe dans la région de Midi-Pyrénées, nous allons essayer d’entrer en collaboration.

Pour terminer, d’autres points encore à éclaircir :

- La vie religieuse et sacerdotale ne peuvent être confondues. Pour le moment, ça pose pas de problèmes dans notre groupe, mais il faudrait sûrement réfléchir pour trouver comment allier la mixité habituelle des équipes et que je trouve très positive jusqu’à présent, avec une différenciation de cheminement nécessaire.

- Cette démarche avec des aînés nous a interrogés vis-à-vis des 13-17 ans, et nous allons essayer cette année de pouvoir les rejoindre. Ce sera une autre forme de démarche.

- Enfin, c’est la question de la pastorale rurale qui ne peut être évitée. Des équipes ont été le lieu d’éveil ; le lieu où a pris forme un projet de vocation, mais quelles sont les communautés adultes-jeunes qui seront leur soutien ?

Dans tout cela, il y a surtout des questions. Si certains peuvent nous aider à y jeter un peu de lumière, ils mériteront bien un merci. Si d’autres vivent d’autres chemins en M.R.J.C., tant mieux, ce serait bien de pouvoir le mettre en commun.

Jean-Baptiste MARGERIT
10, rue du Point du jour
36200 - ARGENTQN S/CREUSE

NOTES -----------------------------------

(1) Avec pour base la feuille de la commission épiscopale du Monde Rural [ Retour au Texte ]