Expériences d’accompagnement - En lien avec des étudiants - un groupe de recherche


I - QUI SOMMES-NOUS ?

Jean et Bernard prêtres - de l’équipe des vocations.
X... 20 ans architecture - animateur du groupe catho.
J... 24 ans maîtrise de Maths - animateur d’un groupe de 18-25 ans
B... 20 ans école de commerce - chef Rangers
L... 20 ans DEUG de Sc. Eco. - chef Rangers
P... 21 ans lycée technique (Terminale) - chef Rangers
H... 19 ans Droit - animateur groupe de jeunes
D... 19 ans Droit, langues - animateur groupe de jeunes
R... 2l ans Ecole notariat
S... 21 ans employé - groupe de jeunes sur sa paroisse
V... 18 ans lycée technique (1ère) - chef Rangers

- Deux sont des anciens du foyer de jeunes

- Deux autres ont fait un ou deux ans de diaspora

- L’un a déjà participé deux ans à un groupe de recherche

- Tous sont venus pour parler de la vocation sacerdotale ou religieuse

En cours d’année : trois ont quitté le groupe :

- l’un parce qu’il n’avait plus de perspective de vocation,

- le second parce qu’il voulait « prendre du recul »

- le troisième parce qu’il ne se sentait pas très à l’aise dans le groupe.

A la rentrée 74 :

- l’un est entré dans un monastère bénédictin,

- deux autres au Grand Séminaire,

- un quatrième dans un Groupe de Formation,

- deux autres reprennent la recherche dans un autre groupe,

- le dernier prend un temps de paase".

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II - NOTRE CHEMIMEMEMT

Nous avons eu, du 7 octobre 73 au 5 octobre 74, 11 réunions de l’équipe. A chaque fois, le thème de la réunion suivante a été choisi à partir de ce qui avait été vécu ou abordé à la réunion précédente.

7 octobre : Présentation - comment chacun voit sa vocation.
11 novembre : Ce qu’est l’Eglise pour moi (à partir d’extraits d’Hervé Legrand dans Vocation.)
2 décembre : Comment nous affirmons-nous chrétiens ? Qu’est-ce que ça signifie dans ma vie quotidienne ?
13 juin : Les religieux font vœu de pauvreté, de chasteté, d’obéissance. Comment suis-je personnellement concerné par l’argent, la sexualité, la politique ?
16-17 février : Week-end de prière et de partage. En deux groupes, présentation par chacun de l’histoire de sa vocation. Méditation de textes bibliques.
16 mars : Que veut dire dans ma vie l’appel du Christ : "Viens, suis-moi" ?
5 avril : Quelle place ai-je envie de tenir dans l’Eglise ?
27 avril : Quels textes d’Evangile ont marqué ma vocation ?
18 mai : Parmi toutes les possibilités d’engagement qui me sont offertes, pourquoi est-ce dans l’Eglise que je choisis de m’engager ?
14 juin : Méditation de textes bibliques - Vacances - L’an prochain.
5 octobre : Les vacances - Nos orientations pour l’année qui vient.

En reprenant ainsi les thèmes de nos rencontres, il me semble que quelques points apparaissent :

- plus on avance, plus la prière, le partage d’Evangile tient de place.

- le thème de l’Eglise (ce qu’elle est, ce que l’on peut y faire) est central et revient souvent comme critère de choix.

- le besoin de se dire à soi-même, en le disant aux autres, ce que recouvre pour chacun le mot vocation, est vraiment ce qui constitue le groupe.

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III - QUELQUES MOMENTS IMPORTANTS

Ce qui a vraiment "fait le groupe", c’est le sérieux de la recherche de chacun et l’intérêt qu’il trouvait à confronter avec les autres ses questions, ses aspirations, ses difficultés. Certains dialogues ont été vraiment des moments forts.

A propos de la forme d’engagement.

X... "Ce qui m’intéresse, c’est la vie religieuse. Parce que la prière, ça sert à quelque chose, la vie monastique est un modèle, elle est plus simple, plus vraie."

J... "Pour moi, ce n’est pas du tout la vie monastique. Ce qui m’intéresse, c’est tout ce qui concerne les communautés. J’ai fait de l’A.C.E. Si j’ai un jour la chance d’être prêtre, je voudrais essayer de faire le lien entre ce qui se vit chaque jour et Dieu."

B... "Je n’ai rien contre la vie monastique, parfois ça m’attire beaucoup. L’important, c’est de donner sa vie à Dieu"

(7/10/73)

X... "Le moine prend un chemin de renoncement pour être plus proche du Christ. Il renonce à une vie d’honneur, de gloire, à des choses bonnes. Il faut être saint au maximum de ce qu’on peut être."

D... "Il faut qu’un prêtre soit un bon vivant. La chasteté et tous ces machins-là nivellent la personnalité... Les curés n’ont pas d’argent, ils s’em... à ne pas en avoir !"

J... "Prendre un chemin de renoncement, pas d’accord. Ce à quoi on renonce, est-ce important par rapport à ce qu’on découvre ? Mourir à soi n’est pas un but, c’est un moyen."

M... "Les exigences sont demandées pour que se substitue autre chose : la disponibilité, l’accueil, les sacrements.

J... "Un moine, ça sert à rien, c’est pour ça que c’est utile.

(2/12/73)

Réflexion sur : " comment je suis concerné par l’argent, la sexualité, la politique " ?

- "Je ne voudrais pas être prêtre sans avoir une idée de ce à quoi je renonce. Je trouve normal de sortir avec une fille et de faire l’amour. Si je suis moine, j’y renoncerai..."

- "Je ne voudrais pas finir ma vie simple curé de paroisse. Dans l’Egise, on nivelle par la base. Un homme qui ne choisit pas un parti est un châtré et cela donne une Eglise fade".

- "Je travaillais avec mes parents. J’avais tout ce que je voulais. J’ai mal dépensé. Il faut connaître le problème de savoir ce qu’on aura à bouffer. J’ai changé de travail. "

- "Personnellement, a propos du renoncement, je me pose la question : comment ça me bloque, ou comment ça me libère par rapport aux autres ? (ex : sortir avec une fille, avoir ou pas d’argent, obéir)".

- "Dans notre vie d’étudiants, on reste un peu comme dans un cocon. Il ne faut pas être aveugle à ces problèmes... Mais on ne peut envisager trop vite de s’engager. A la génération de nos parents, on allait au séminaire à 12 ans. Ça a fait des prêtres à problèmes.

- "Les 3 points nous posent problème dès maintenant. Si un jour on n’a plus de problème sur l’un, les deux autres surgissent ; il me semble pourtant :

    • que ces exigences, on peut commencer à les vivre dès maintenant.
    • qu’elles nous mettent dans une attitude qui nous rend disponible au reste.
    • que cela devient un obstacle si on ne prend pas une habitude.

- "C’est une longue marche, le sacerdoce. Le problème de la chasteté, c’est l’amour de Dieu total.

(13/11/74)

A propos de l’Eglise

X... "Pour moi, il y a deux Eglises : la théorique, la belle, le rassemblement des chrétiens, la communauté à l’échelle du monde. Une belle image qu’on ne palpe pas. Et puis l’Eglise concrète. Le Pape en haut, les évêques, les prêtres, l’Eglise officielle souvent liée au pouvoir politique. Elle ne signifie pas tellement grand chose.

J... "Les communautés, j’aime bien. Il y a l’Eglise institution, mais je vois plus l’Eglise comme tout ce qui chemine partout. Dans l’Eglise, je n’englobe pas seulement les chrétiens, des non chrétiens me semblent être d’Eglise, même s’ils ne reconnaissent pas la Résurrection.

"L’expérience la plus intéressante : des gens qui se réunissent pour prier. C’est cela qui constitue la force de l’Eglise, qui la maintient. De plus en plus, les gens ne savent pas ce qu’est l’Eglise parce que c’est l’anonymat... C’est en étant en contact avec les autres...

(11/12/73)

A propos du rôle des communautés dans l’appel

J.M.. "la communauté, c’est le lieu où l’on perçoit que le Christ est vivant. Certains faits qui s’y passent, qui s’y renouvellent peuvent m’aider à voir clair".

M... "La communauté n’a pas connaissance du rôle qu’elle joue. Faut—il lui donner un rôle actif, conscient. ? J’ai du mal à concevoir un prêtre plébiscité.

L... "Ça dépend de la taille de la communauté.

S ... "Si les chrétiens étaient vraiment concernés, peut-être la communauté serait-elle plus consciente. Personnellement, je ne demanderais pas à la communauté de ma paroisse...

X... "Ma communauté à moi, c’est le groupe catho de la fac.

B... "Si on leur demande, et qu’ils ne sont pas pratiquants, ils s’en foutent.

H... "Il y en a tellement qui ont eu une mauvaise expérience du clergé.

J... "Il me semble que les gens hors de la communauté chrétienne ont un rôle "consultatif". On le voit bien à leur réaction. La présentation de notre projet est-elle pour les autres occasion de blocage ou d’ouverture ?

P... "Jusqu’à présent, je n’ai parlé à personne. Mais je serai bien amené à mettre une communauté dans le coup de ma recherche...

(16/02/74)

J... "Avec la communauté des jeunes sur le secteur, on est du même âge. On se connaît pour travailler ensemble depuis un certain temps. On en arrive au moment de prendre des orientations différentes. D’où toutes sortes de questions : s’engager à quoi ? Pourquoi ? Dans quel cadre ?

C’est dans ce milieu que je perçois un appel. C’est eux qui m’appellent à une fonction particulière parmi eux. Ça ne se dit pas comme ça. Mais, dans une communauté qui vit, chacun doit, trouver sa place, et chacun doit donner aux autres une place, les aider à trouver leur place. Je ressens chez eux un appel pour être, au milieu d’eux, porteur de quelque chose ou :-de quelqu’un...
Le prêtre est indissociable de la communauté. Il la fait exister. Il permet à chacun d’être lui-même, par sa vie et ses paroles.

(18/05/74)

IV - CE QUE J’EN PENSE

  • Comme participant et témoin de ce groupe, je dirai tout d’abord qu’il m’a semblé remplir le rôle qu’on lui demandait de jouer : permettre à des jeunes qui se posent la question de la vocation, de se retrouver pour en parler. Les dialogues que je viens de citer montrent bien en effet qu’ils ont surtout parlé entre eux. Bien sûr, les prêtres présents ont été moins muets qu’il n’y paraît ici. Ils ont répondu à des questions précises, proposé des sujets d’échange, apporté des témoignages. Mais le travail le plus fructueux a toujours été la confrontation de leurs expériences, même lorsqu’on n’aboutissait à aucune conclusion.
  • Une autre caractéristique des échanges, c’est leur liberté. Tout n’est pas dit clairement, parce que certains sujets ne sont pas faciles à aborder. Mais on les évoque au moins. Et à la fin de l’année, on aurait pu expliquer les uns et les autres comment chacun se situait par rapport à la prière, au travail, à la mixité, à la politique. A un moment d’ailleurs, quelqu’un a dit : "il faudrait aller plus loin". Et cela a donné l’occasion de réfléchir ensemble à l’importance de l’équipe de vie dans un mouvement ou du conseiller spirituel à qui l’on peut tout dire et à qui l’on donne le droit de "poser toutes les questions".
  • A la fin de l’année, lorsque l’on a évalué le travail fait ensemble, presque tous ont dit : une année, c’est bien, mais l’an prochain, il nous faut autre chose. En cherchant à préciser cet "autre chose", il est apparu :
    - le besoin de travailler certains sujets à peine effleurés (l’Evangile, rôle de l’Eglise, place du prêtre, qu’est-ce qu’un chrétien, les incroyants , etc.)
    - L’exigence pour aller de l’avant d’avoir fait un choix, d’avoir pris au sérieux un premier engagement.
    - la nécessité que cette équipe ne soit pas la seule où l’on se retrouve régulièrement pour lui conserver son rôle spécifique de "recherche de vocation". Un groupe de recherche est une étape courte qui débouche sur une suite.
  • Il me semble aussi, et ce sera ma remarque finale, que ce groupe accomplit une fonction qui n’est remplie nulle part ailleurs. Son existence même affirme que la vocation est une expérience spirituelle qu’il faut prendre au sérieux. Sa forme très simple, à peine structurée, en montre le caractère gratuit, désintéressé : ce n’est pas une entreprise de recrutement. Il faut donc que des groupes comme celui là existent. Mais surtout leur laisser beaucoup de souplesse, de liberté, je dirais presque d’anonymat. Cela ne les empêchera pas d’être sérieux.

Jean EUVERTE