Eglise diocésaine et communautés nouvelles


Clément Guillon
évêque de Quimper et Léon
ancien président du Comité épiscopal pour le Renouveau

Introduction

La demande qui m’a été faite était ainsi libellée : « Liens effectifs avec l’évêque ; autorité diocésaine et communautés nouvelles. » L’unité presbytérale en jeu, les orientations pastorales diocésaines et les communautés nouvelles.
J’ai cru pouvoir distinguer deux questions, qui s’emboîtent l’une dans l’autre :
• Qu’en est-il des relations entre évêque et communautés nouvelles ?
• Quelles répercussions la présence de communautés nouvelles dans un diocèse a-t-elle sur l’unité presbytérale ?

Avant d’aborder ces questions, je précise que je m’exprime en fonction de mon expérience personnelle, en tant que président, depuis cinq ans, du Comité épiscopal pour le Renouveau et les mouvements d’animation spirituelle (1). De ce fait, je me limite aux communautés issues du renouveau charismatique, laissant de côté d’autres communautés récentes qui ne font pas partie de ce courant, comme par exemple les Foyers de Charité, les Focolari, les Petites Sœurs de Bethléem, etc.
Les communautés issues du renouveau charismatiques sont relativement nombreuses (une trentaine en France), mais d’importance numérique très diverse. On peut citer, parmi les plus connues, l’Emmanuel, le Chemin Neuf, les Béatitudes. Une question se pose évidemment : celle de savoir ce qui caractérise ces communautés. Il me semble qu’on peut indiquer un certain nombre de traits communs.

  • Rattachement, direct ou indirect, à des expériences marquantes d’accueil de l’Esprit Saint vécues aux Etats-Unis vers les années 1967 et souvent désignées comme « baptêmes dans l’Esprit Saint » ; vécues ensuite en France (où l’on utilise plutôt l’expression « effusion de l’Esprit Saint ») à partir des années 1970.
  • Grande sensibilité à la présence et à l’action de l’Esprit Saint, et ouverture aux charismes, entendus au sens de saint Paul, par exemple dans les chapitres 12 et 14 de la première Lettre aux Corinthiens.
  • Démarrage à partir de groupes de prière fervents dont les membres ont senti un appel à aller plus loin, et donc à entrer dans une vie communautaire.
  • Membres ayant des statuts ecclésiaux divers : couples mariés, souvent avec des enfants ; célibataires, consacrés ou non ; ministres ordonnés (prêtres, diacres célibataires et diacres mariés).
  • On distingue assez souvent les communautés de vie (dans lesquelles on pratique une vie communautaire étroite) et les communautés d’alliance (dont les membres, tout en ayant des liens forts entre eux, ne vivent pas sous le même toit). En fait, beaucoup de communautés combinent les deux modes de vies et de fonctionnement, en tenant compte des expériences vécues depuis la fondation.

Relations avec les communautés nouvelles

Des relations variables

Il semble que ces relations dépendent d’un certain nombre de facteurs (2), liés notamment aux questions suivantes :

  • La communauté implantée dans le diocèse est-elle nombreuse (plusieurs dizaines de membres) ou peu nombreuse (quelques membres seulement) ?
  • Est-elle venue de son propre chef, ou appelée explicitement par l’évêque ? Il peut aussi y avoir rencontre entre le projet d’un évêque soucieux de répondre à un besoin pastoral et la recherche par une communauté d’un lieu d’implantation.
  • Quelle est la mission (quelles sont les missions) que la communauté accomplit : en tant que communauté (par exemple accueil de retraites spirituelles, foyer d’étudiants) ? Ou à travers tel ou tel de ses membres, prêtre ou laïc, consacré ou non (par exemple, chargé d’un service diocésain) ?
  • La communauté a-t-elle des œuvres propres fortement marquées (par exemple édition de livres, revues, CD, vidéos) ?
  • La communauté prend-elle l’initiative de rencontrer l’évêque de manière plus ou moins régulière ? Est-ce plutôt l’évêque qui manifeste le désir d’avoir une contact avec le communauté ? On peut noter qu’un certain nombre d’occasions de rencon­tres sont données par la célébration des engagements des membres de la communauté.

Les questions qui se posent

L’insertion apostolique : y a-t-il coïncidence ou divergence entre la ou les missions que l’évêque confie à une communauté (ou voudrait lui confier) et ce qu’elle-même souhaite réaliser, en fonction de la manière dont elle perçoit son charisme ?

La vie interne de la communauté : jusqu’à quel point l’évêque peut-il et doit-il s’en préoccuper ? Par exemple en ce qui concerne l’exercice de l’autorité, ou le discernement des charismes, ou la gestion des finances ?

Il semble important que l’évêque soit en relation avec l’autorité centrale (modérateur général) de la communauté, soit directement, soit par l’intermédiaire de l’évêque du diocèse où se trouve la « maison-mère ». Il semble également important qu’il connaisse les statuts de la communauté, et qu’il soit bien au clair sur la nature et la portée des engagements proposés aux membres de la communauté, spécialement s’il s’agit d’engagements définitifs.

Répercussions sur l’unité presbytérale

Qu’est-ce qui peut mettre en question cette unité ?

Déjà le simple fait qu’interviennent dans la pastorale diocésaine des personnes venues d’ailleurs (ministres ordonnés et/ou personnes laïques). Ensuite le fait que ces personnes peuvent avoir une expérience spirituelle et ecclésiale assez typée, mettant fortement l’accent sur la vie dans l’Esprit, plus sensible peut-être à l’urgence de la prière qu’à l’importance de bien connaître et analyser les réalités humaines qui sont en jeu.
Peut-être aussi l’existence, dans la communauté, de pratiques assez différentes de celles du diocèse concernant la collaboration entre prêtres et laïcs, entre personnes consacrées et laïcs : il peut arriver, par exemple, que se pose la question du rôle, dans la vie d’une paroisse confiée à une communauté, des laïcs, consacrés ou non, qui sont membres de cette communauté ; et de la relation qu’ils vont avoir avec les laïcs déjà présents et engagés dans la paroisse avant leur arrivée.

Que peut faire l’évêque ?

Il peut d’abord inviter les prêtres de la communauté à prendre une conscience aussi juste que possible de ce qu’est le presbytérium diocésain. Cela passe par un approfondissement théologique, mais également par la connaissance concrète des prêtres diocésains et le compagnonnage avec eux, dans un climat de respect et d’estime mutuels.
L’évêque peut aussi inviter les prêtres diocésains à accueillir les richesses spirituelles et pastorales venant d’autres horizons. Et peut-être à redécouvrir l’importance d’une vie de prière solide.
Il peut également chercher des moyens de favoriser le dialogue, dans la confiance, en proposant des repères ecclésiaux indiscutables, comme les grands textes du Concile et des Papes ; et en invitant tous et toutes à une conversion permanente. Ici, bien sûr, la qualité des dialogues qui peuvent se nouer est fondamentale. Et donc, de chaque côté, l’écoute, l’humilité, la reconnaissance des limites personnelles… Il est essentiel que chacun évite d’absolutiser ses idées, ses positions, ses méthodes.
La question de la représentation, au conseil presbytéral, des prêtres membres de la communauté peut se poser. Une adaptation des statuts de ce conseil serait alors à envisager. Il faut évidemment tenir compte de plusieurs facteurs : notamment le nombre de prêtres de la communauté engagés au service de l’Eglise diocésaine, et l’importance des missions qu’ils accomplissent.

Conclusion

La présence, dans une Eglise diocésaine, d’une ou plusieurs communautés charismatiques, peut parfois être perçue comme compliquant la vie de cette Eglise. Il serait vraiment dommage d’en rester là. Paul VI et Jean-Paul II ont dit, à diverses reprises, chacun à sa manière, que le Renouveau (tel qu’il se manifeste non seulement dans les communautés charismatiques mais aussi dans les groupes de prière) est une grâce pour l’Eglise.
Il faut que nos Eglises accueillent le Renouveau à la fois avec ouverture et avec discernement. Il est important que l’implantation d’une communauté charismatique dans un diocèse soit préparée par un dialogue sérieux et précis concernant les conditions (non seulement pastorales mais aussi matérielles) de cette implantation. Il faut aussi prévoir que ce dialogue soit régulièrement poursuivi, afin qu’on puisse repérer et effectuer en temps utile les ajustements nécessaires.
On aura le souci, après comme avant la réalisation de l’implantation, d’invoquer fréquemment l’aide de l’Esprit Saint, car lui seul peut donner à une Eglise diocésaine d’être de plus en plus une communion missionnaire.

avec l’aimable autorisation de la revue
Prêtres diocésains, mars-avril 2003

Notes

1 - Ce comité fait partie de la Commission de l’apostolat des laïcs et des associations de fidèles. [ Retour au Texte ]

2 - S’il y a plusieurs communautés implantées dans le diocèse, les questions doivent évidemment être posées à propos de chacune d’entre elles. [ Retour au Texte ]