"Nous faisons alliance avec les petits"


Membres de la communauté du Pain de Vie à Mazamet, Laurent et Caroline Jourdain (40 et 39 ans) vivent la pau­vreté évangélique et l’adoration eucharistique pour témoigner de la présence de Jésus aux pauvres. Annoncer la Bonne Nouvelle aux pauvres, telle est leur mission.

Caroline et Laurent Jourdain
communauté du Pain de Vie

Laurent et Caroline, présentez-vous et décrivez-nous votre lieu de vie.

Nous sommes mariés depuis quinze ans, avons six enfants et sommes dans la communauté du Pain de Vie depuis dix ans. Nous désirions nous engager plus complètement dans la vie avec les pau­vres, au milieu d’eux, quand le père Claude Cugnasse, alors curé de Mazamet, nous indiqua deux quartiers : la Lauze et le Galinier.
Nous nous sommes installés, avec l’accord de Mgr Meindre, rue du Galinier, le 1er septembre 1998, un quartier pauvre d’anciennes maisons ouvrières. En juin 2001, notre chapelle a été bénie et inaugurée par Mgr Carré. Nous avons reçu mission de notre évêque d’être d’abord un présence priante dans un quartier pauvre.

Pouvez-vous nous expliciter le sens de votre mission et la manière dont vous la réalisez ?

Notre mission prend ses racines dans deux grands spiritualités, deux grandes figures : saint Jean-Baptiste et Charles de Foucauld. Qu’a fait saint Jean-Baptiste ? Pas de grandes œuvres : vivre caché, baptiser des personnes et surtout reconnaître le Christ. Il tient sa place reçue de Dieu et sait s’effacer devant Jésus pour le laisser agir. « Il a fait de moi une flèche acérée, il m’a caché dans son carquois » : cette parole tirée d’un psaume peut correspondre à la vie de saint Jean-Baptiste. Prêt à tirer mais au repos, prêt à transformer mais encore caché, retenu. C’est également la définition de notre type de présence dans l’Eglise. Nous possédons des « armes » puissantes pour l’Evan­gile, mais préférons tendre vers une vie cachée, être une voix qui crie, mais dans le désert. Notre place est une place de contemplation, de vie pauvre au milieu des pauvres, la place de la flèche dans son carquois, prêtre à l’emploi, mais juste au moment choisi par Dieu seul. C’est Dieu qui agit quand son temps est venu. Aussi nous faut-il être toujours prêts à répondre à son appel. Cela se prépare par une conversion toujours plus forte pour nous livrer davantage à Lui.
Le deuxième aspect de notre mission est de rester proches du mystère de la vie humaine dans sa grandeur et dans sa faiblesse. Là où l’économie et la rentabilité effacent peu à peu tout signe de la présence et de l’action de Dieu, nous voulons montrer qu’il est le don gratuit pour tous et de façon particulière pour les plus pauvres. Comme Charles de Foucauld, nous allons au milieu des pauvres, là où ils vivent, pour y mettre Jésus Eucharistie et pour leur donner de voir des chrétiens. Nombreux sont les pauvres qui attendent l’occasion propice d’une rencontre avec un témoin de l’Evangile, pour être touchés au cœur par Jésus-Christ ! Ils sont avides d’amour ! Seul Dieu peut combler leur désir d’amour. Nous en sommes témoins ! Nous n’hésitons pas à leur montrer et à leur proposer l’expérience de la messe et de l’adoration eucharistique. Dieu se donne dans son Corps et il agit dans le secret des cœurs, en silence. Mgr Meindre a, un jour, assez bien résumé notre mission en disant : « Finalement, vous présentez Jésus-Christ tout nu aux pauvres. »

Votre mission est-elle uniquement spirituelle ?

Non, bien sûr ! L’homme est un : être spirituel, psychologique et matériel. Plus profondément, nous faisons alliance avec les petits, les gens simples, les étrangers, les pauvres, dans une relation d’amitié avec notre vie de tous les jours.
Et combien ils sont importants, tous ces gestes simples de tendresse, de « bonjour », de « merci », de sourires et de regards ! Nous essayons de manifester discrètement et simplement la tendresse de Dieu. De plus, nous pensons que la générosité et la partage sont bien la concrétisation de l’amour. Si j’aime l’autre comme mon propre frère, alors il m’est insupportable de le voir dans la misère, mal nourri, mal vêtu, ne pouvant accéder aux mêmes biens que moi. Aussi, depuis six ans, avons-nous mis en place ici plusieurs actions : accueil, conseils d’hygiène (alimentaire notamment), éducation des enfants, friperie, dons d’objets et mobiliers divers, aide alimentaire, brocante, travail, aide financière pour des pays pauvres (Rwanda, Niger). Mais chaque fois, nous leur disons : « Nous sommes également pauvres, nous partageons avec joie ce que nous avons et, ensemble, en partageant notre savoir-faire, nos biens, nos pauvretés, serons plus forts et plus dignes. » n

avec l’aimable autorisation de Rencontres,
journal du SDV d’Albi, n° 159, juin 2004.