Jalons pour une pédagogie de la foi et de la vocation


Ces pages ne présentent pas une étude élaborée, mais de simples jalons destinés à introduire la recherche d’une session régionale qui a réuni une soixantaine de prêtres et de laïcs. D’où le caractère partiel et schématique de ces notes.

Deux parties dans ce texte :

- des convictions fondamentales,

- les axes d’une pédagogie.

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A - DES CONVICTIONS FONDAMENTALES

1.- Foi et Vocation constituent une réalité dynamique.

  • La Foi n’est pas seulement ni d’abord un savoir. Elle est la rencontre vitale de Jésus-Christ, une expérience de vie avec lui, une relation personnelle dans le Peuple des croyants.
    - Un objet se trouve, s’étudie.
    - Une vérité s’analyse, se réfute, se contrôle.
    - Une personne : on la rencontre, on l’accueille.

    La foi ne constitue donc pas une réalité qu’on possède, mais un mode nouveau d’existence, une recréation radicale, une dimension existentielle que l’on n’a jamais fini de découvrir et de vivre.

  • De même, la vocation du chrétien n’est pas un trésor que l’on a ou que l’on n’a pas, mais un dialogue avec le Seigneur, une réponse à ses appels, une marche dont le parcours se révélera progressivement. "Abraham marchait en présence de Dieu" (Genèse 17, 2), sans savoir où il allait" (Hébreux 11, 8), mais pour savoir où aller. Refuser d’avancer, en fonction de la lumière du moment, serait renoncer à explorer la route et à découvrir où elle nous mène. Mais brûler les étapes reviendrait à oublier :
    - que la vocation est recherche, dialogue, découverte,
    - et qu’elle se définit dans la durée.

    On ne peut envisager une pédagogie en dehors de cette vision dynamique de la foi et de la vocation.

2.— Foi et vocation nécessitent une recherche commune des jeunes et des adultes

  • Une recherche commune de la foi

Cette recherche se situe dans un monde sécularisé, passionnant certes mais difficile pour les croyants. Avons-nous suffisamment pris conscience que nous bai gnons dans un contexte d’incroyance généralisée, qui nous interdit de nous situer par rapport aux jeunes dans une position de surplomb ?

Chacun de nous perçoit ou peut percevoir des zones d’incroyance dans sa propre vie. Il ne faut pas l’oublier lorsqu’on parle de pédagogie de la foi, à une époque

- où "être chrétien" ne va pas de soi,

- et où cependant la rencontre personnelle de Jésus-Christ dans un Peuple constitue une dimension fondamentale de la vocation de tout baptisé et à fortiori de toute vocation particulière.

  • Une recherche commune de la vocation.

Certes comme pour la foi, lorsqu’il s’agit de vocation, nous ne vivons pas une réalité absolument identique. La vocation est pour chacun unique et originale, et les vocations sont complémentaires au service d’une même mission.

Cependant, même après des choix qui se veulent définitifs, et au coeur de ces choix, elle reste à construire chaque jour avec Dieu. De plus, notie responsabilité à l’égard de la vocation des autres est un éléments constitutif de notre propre vocation. Dans l’Eglise, nous sommes solidaires de la réponse de chacun aux appels de Dieu.

Tout cela sous-tend et oriente une pédagogie.

3.- Foi et vocation restent étroitement liées.

- parce que pour l’une comme pour l’autre, il s’agit d’appels de Jésus-Christ à des personnes, dans un peuple et pour un peuple,

- parce que foi et vocation s’interpénètrent, se provoquent mutuellement, grandissent ou se dégradent ensemble,

- parce que, dans le monde sécularisé qui est le nôtre, foi et vocation se rencontrent dans une même recherche fondamentale du sens à donner à l’existence, dans une même source de tension et de contradiction, et, pour aller jusqu’au bout, dans une même participation au mystère pascal du Christ.

C’est dire à quel point la pédagogie de la foi et la pédagogie de la vocation sont inséparables.

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B - LES AXES D’UNE PÉDAGOGIE

Trois axes me paraissent prioritaires :

- la lecture,

- le partage,

- l’engagement.

1.- Une lecture chrétienne de ce que vivent les jeunes

Pourquoi ?

- parce que c’est dans la vie des hommes que le Seigneur est présent et appelle,

- parce que c’est là que se construit l’Eglise, qui n’est pas en dehors ou à côté du monde, mais représente "cette part de l’humanité qui proclame, accueille, reconnaît et chante". (Mgr Coffy),

- parce que c’est dans la vie quotidienne que se situe le véritable engagement de la foi et que se joue le destin des hommes.

Faire une relecture chrétienne de la vie :

a) c’est d’abord prendre conscience de ce que l’on vit. Il y a des jeunes qui sont mal situés au plan social et ecclésial. Il en est d’autres qui vivent une expérience humaine et ecclésiale parfois très riche mais qui n’en ont pas pleinement conscience. Permettre à chacun de découvrir son identité, de percevoir son enracinement dans un milieu qui façonne sa mentalité et ses attitudes, de relire son histoire, de discerner valeurs vécues et limites dans sa vie d’homme ou de femme, dans ses relations et ses solidarités, dans sa vie de foi, dans sa vie apostolique : cela nécessite, au delà d’un simple élan de générosité, une recherche continue et prolongée.

b) c’est contempler cette vie des personnes (famille, travail, loisirs, relations), la regarder dans une perspective de foi, y découvrir Jésus-Christ qui est présent, qui agit et appelle.

c) c’est se convertir à Jésus-Christ, qui fait signe dans la vie des hommes, et s’y manifeste comme le Christ miséricordieux et sauveur.

d) c’est célébrer le Seigneur, dans la prière, l’Eucharistie en particulier, et l’écoute de sa Parole.

Et comment une telle lecture dans la foi ne serait-elle pas "vocationnelle", puisqu’il s’agit :

- de reconnaître Jésus-Christ qui appelle,

- de discerner les appels actuels du Seigneur,

- de s’entraider à répondre à ces appels ?

2.- Le partage.

Une telle lecture trouve son accomplissement en groupe, en équipe :

  • non seulement parce que les jeunes éprouvent un besoin "viscéral" du groupe :
    • pour se révéler ce qu’ils vivent (seul le dialogue fournit aux jeunes cet espace de liberté qui permet de se connaître et d’être reconnu),
    • pour s’interpeller mutuellement,
  • mais aussi, parce que de tels groupes peuvent être une cellule d’Eglise : source de recherche et de créativité, lieu de ressourcement spirituel, "piste d’envoi"...

Grâce à ce partage, le projet de vie et d’avenir pourra :

  • être exprimé et précisé,
  • confronté à la vie quotidienne et au projet des autres,
  • motivé et purifié.

De plus, ce partage n’est-il pas nécessaire :

  • soit pour éviter une évasion dans le rêve ou dans un avenir encore lointain,
  • soit dans certains cas, pour tempérer certaines impatiences ou freiner des choix trop hâtifs,
  • soit, au contraire, pour remettre en question une attente qui s’éternise ?

3.- L’engagement apostolique.

Pourquoi ?

- pour une éducation de la foi à partir et au coeur de la vie et d’abord de la vie dans le monde des jeunes,

- pour une participation à la mission de l’Eglise,

- mais aussi pour mûrir un projet et en vérifier l’authenticité.

Une telle attention n’a de chances de déboucher dans un engagement que si elle part des relations vécues par les jeunes, de leurs solidarités naturelles, des petites responsabilités qu’ils exercent, jusqu’au jour où l’engagement pourra trouver une nouvelle dimension dans un mouvement.

Si le mouvement apparaissait comme une structure qui vient d’en haut, extérieure à la vie des jeunes et à la prise de conscience de leurs solidarités et de leurs responsabilités, il serait rejeté comme une forme d’embrigadement ou un système contraignant dans lequel les adultes veulent les faire entrer.

De même, si le mouvement était perçu comme un simple moyen ou une pédagogie efficace au service des jeunes en recherche de vocation, il ne remplirait pas sa mission première, et l’engagement provoquerait alors la suspicion des militants et des aumôniers. De la même façon, on nous reprocherait d’être les simples "consommateurs du mouvement", si nous nous contentions de "confier les jeunes" aux "aumôniers spécialistes" sans être partie prenante, à notre niveau, de ses recherches et de son action.

Ceci dit, j’ai pleinement conscience que c’est plus facile de le dire que de le faire, et que la pédagogie de la foi et de la vocation nécessite du temps, une progression, et des expériences diverses liées à l’âge des jeunes, à leur histoire, à leur personnalité et à leurs différents milieux de vie.

Une citation de Valéry me permettra de souligner d’une autre manière la nécessité et les difficultés de l’entreprise :"on n’a encore rien fait quand on a seulement exprimé les principes, mais quand on en manque, on est condamné à ne jamais rien faire."

Jean RIGAL