Des terminales devant l’avenir


Dans la ligne de l’étude du dernier JEUNES ET VOCATIONS, voici le témoignage un peu plus précis des réactions d’un groupe de terminales du foyer St Melaine (près de Rennes).

Les éducateurs de cette maison autorisent la publication de ce document pour éclairer notre recherche commune :

- comment réagissent ces jeunes ?

- pourquoi réagissent-ils ainsi ?

- quelles questions ils nous posent ?

Dans ce groupe de 17 terminales, 14 gardent l’intention d’être prêtres. Aucun ne veut entrer au grand séminaire. Dix vont participer à une équipe G.F.U.

Pour en avoir été les témoins, nous soulignons que ce foyer manifeste un réel dynamisme. Les jeunes y prennent en charge sérieusement toute leur vie commune et s’engagent à l’extérieur du foyer. Un vrai dialogue existe entre les éducateurs et les jeunes.

N. D. L. R.

1ère question : Par rapport à une année de grand séminaire, qu’est-ce qui fait que j’hésite ? ou que j’écarte ce projet ?

- Un an de grand séminaire me fait peur, bien que depuis notre rencontre avec des grands séminaristes, le séminaire me paraisse fort intéressant : la réflexion y est importante mais ... le contenu des études (bibliques) la messe quotidienne, cela me fait peur.

- J’essaie de me donner des excuses, il faut faire attention ! Refuser un an de grand séminaire semble une solution de fuite, c’est vrai... mais après une année pareille, faire un stage dans la vie active doit provoquer aussi une rupture d’ambiance... la vie dans le monde est plus difficile... comme ce stage dans le monde est nécessaire, pourquoi pas l’an prochain ? Si l’on s’impose une réflexion, le projet de sacerdoce peut mûrir.

- Je n’écarte pas l’éventualité d’un an au grand séminaire, mais plus tard. J’hésite parce que je ne tiens pas à faire un arrêt d’un an dans mes études ; j’éprouve le besoin malgré tout d’approfondir ma foi. (4 disent craindre un arrêt dans leurs études).

- Je pense que réfléchir enfermé dans le grand séminaire (je suis un peu méchant en disant enfermé) est à peine une bonne solution. Je m’explique : il apparaît que les jeunes sont principalement au grand séminaire, bien qu’ils aient des activités extérieures, mais justement cette ouverture est assez précaire ; on éprouve donc le besoin de sortir du milieu habituel.

- Ce qui m’embête, c’est le nom de séminaire : en effet pour moi, c’est égal, mais pour les gens (c’est du respect humain peut-être) c’est "aller pour être prêtre", et je n’en ai pas l’intention pour le moment.

- Je pense que le grand séminaire est peu en rapport avec la vie extérieure : j’ai peur de m’enfermer.

- J’écarte le projet d’entrer au grand séminaire pour le moment, car je ne me sens pas suffisamment engagé pour m’afficher ainsi face aux autres jeunes que je connais. D’autre part, cela ne correspondrait pas au stade d’évolution auquel je suis rendu sur le plan de la foi. Sur le plan humain, j’ai tout à fait conscience de la nécessité de ma vocation, mais j’ai du mal à faire le lien avec ma foi. C’est pourquoi je pense que ma foi a besoin d’être approfondie et surtout confrontée à des idées autres que celles auxquelles je suis habitué. Et c’est pourquoi je pense qu’il vaut mieux faire cette rencontre avant le grand séminaire qu’après. Dans un tel climat, l’équipe G.F.U. me semble une nécessité, car je ne me crois pas capable seul de faire un cheminement valable.

- L’expérience de X me fait hésiter et même refuser le grand séminaire.

- Le grand séminaire est un endroit où malheureusement on ne considère pas assez que le prêtre est un homme parmi les autres. Connaître Jésus-Christ, ce n’est pas seulement philosopher sur les Evangiles, ce n’est pas non plus faire une activité pour "illustrer le cours"... Et puis le grand sém. est le lieu officiel, d’où sortent les prêtres avec la tête bien pleine de belles pensées. Le grand sém., c’est l’Eglise actuelle, inadaptée qui ne comprend pas que c’est à elle de s’adapter au type de société. Non vraiment, même avec le stage après un an, entrer au grand séminaire ne me tente pas.

- Pour le moment, j’écarte ce projet, car je n’ai pas la foi très forte : j’aurais pourtant besoin de trouver une ambiance où l’on réfléchit à la vie.

- J’écarte ce projet car je ne me sens pas assez mûr, assez sûr ; ce n’est qu’une année de recherche, je sais. Mais je pense pouvoir faire cette recherche en équipe G.F.U. : ce sera certainement moins intense, mais préférable. Cela me permettra de sortir d’un système qui bien souvent me pèse (bien que j’en reconnaisse les bienfaits) sans toutefois couper entièrement les ponts avec un passé qui m’a apporté beaucoup... Je pense, d’autre port, qu’il faut pour le prêtre une certaine spécialisation, une certaine culture : ce n’est peut-être pas le plus important, mais ce n’est pas à négliger pour l’aider à résoudre ses problèmes... Enfin, me voyez-vous, moi, à 18 ans, entrer au grand séminaire sans m’être pratiquement exprimé. La Faculté ne résoudra pas tous les problèmes, mais c’est une chance.

- Je veux être prêtre, mais j’ai peur ; je n’ai pas ma foi assez solide et devenir prêtre deviendra de plus en plus dur.

- Le fait de ne pas vouloir entrer au grand sém., c’est ma foi qui me fait penser que ce n’est pas le meilleur chemin.

- J’écarte le projet de grand séminaire pour des raisons financières : je ne veux pas être à charge à mes parents.

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2ème question : quand je pense à mon avenir, qu’est-ce qui me paraît essentiel ? ce que je ne veux pas, et ce que je veux ?

- Ce que je ne veux pas : être installé, vivre bien tranquille dans mon milieu de travail, une vie de routine, de bourgeois endormi, me laisser tenter par l’argent, faire partie d’un système ; que mes études m’entraînent vers une bourgeoisie installée...

- Je refuse une vie "peinarde". Je ne dis pas que je veux vivre démuni, mais responsable...

- Je ne veux pas être embourgeoisé, devant la télé, allant et. revenant du travail.

- Je ne veux pas être seul...

- Je voudrais autre chose qu’un simple niveau matériel, je ne voudrais pas avoir l’impression de ne rien apporter aux autres dans ma profession ; ne pas être isolé pour ne pas s’arrêter et tout laisser tomber...

- Je suis dans le technique, je risque d’utiliser mes connaissances techniques pour être un élément productif, entrer dans le processus économique, servir les notions de rentabilité et de production, au détriment des hommes ? ... Je ne veux surtout pas me laisser aller, dans tous les domaines sur lesquels je réfléchis et porte mes efforts depuis des années...

- Je voudrais éviter de profiter de la société de consommation avec tout ce que cela implique (argent, confort, embourgeoisement). Je voudrais éviter d’abandonner les activités, la réflexion et les engagements que j’ai pu mener ces deux dernières années ; je veux me consacrer à l’aide aux pays sous-développés.. (ces deux derniers ne pensent pas être prêtres).

- En regardant l’année prochaine, je voudrais éviter d’être « paumé », d’être pris par la routine, je redoute cette année du transition, car tel que je me connais, j’aurai du mal à ne pas entrer dans cette routine, j’oublierai peut-être trop vite mon passé...

- A la fin de cette année, j’aimerais être sûr de moi, posséder une certaine personnalité ; je me laisse trop ballotter par les influences extérieures. Ici, je suis incité à la réflexion ; j’ai peur de laisser tomber cette réflexion. J’ai pensé bien sûr aux G.F.U. ; j’aimerais me raccrocher à quelque chose de sérieux.

- Je voudrais éviter de lâcher les activités et engagements qui me sont plus faciles à porter ici.

- Quand je pense à l’année prochaine, je suis effrayé par le changement qu’il y aura pour moi. Il faudra que j’essaie tout seul de me mêler aux autres et de ne pas rester dans mon coin.

- Je considère mon année prochaine comme une année de recherche au même titre qu’une année de grand séminaire. Je ne voudrais donc pas être trop accaparé par mes études au point de laisser tomber toute réflexion et activités extérieures à mon travail. J’espère aussi avoir des groupes de jeunes auxquels me rattacher ? Je pense qu’une équipe G.F.U. peut être un appui sérieux.

- Ce qui me paraît essentiel, c’est bien sur de réussir à peu près mes études, mais aussi avoir l’impression de participer à la vie, à son progrès, de construire un monde meilleur... J’attends essentiellement de pouvoir m ’ exprimer… J’attends également d’avoir l’impression d’être plus libre ; jusqu’ici, j’ai toujours eu l’impression de subir, à part quelques exceptions ; je voudrais pouvoir choisir plus, être plus face à moi-même. Ce sera difficile, je rechercherai ce que j’ai vécu auparavant, mais ce sera une démarche plus personnelle, je voudrais ne plus me retrouver avec d’anciennes relations, mais en faire de nouvelles...

- Je voudrais prendre ma place dans un monde actif...

- Je voudrais réussir à marcher tout seul, mais non individuellement...

- Je voudrais ne pas renier mon passage au séminaire (si je renonçais définitivement au sacerdoce), je dois me servir de l’expérience vécue, j’ai quelque chose à partager... L’année prochaine sera une année de contacts humains, qui me sorte d’un cadre de vie que j’ai eu jusqu’ici...

- Ce que je voudrais éviter, c’est de prendre un mauvais départ ; il me faut des relations, une équipe G.F.U., une action, un engagement, j’attends aussi une année réussie au plan du travail. Si je suis instituteur, il me faudra comprendre les enfants, ne pas leur imposer quelque chose (le fameux système), essayer de les ouvrir au monde, d’en faire des hommes tolérants, actifs, responsables... Pour l’année prochaine, c’est d’abord à moi d’apprendre à être vraiment responsable.

- Je voudrais arriver a faire quelque chose, être engagé, avoir une réflexion bien qu’étant laissé seul à moi—même ; éviter une vie où il n’y a que le "boulot" et le week-end.

- Je veux connaître le monde extérieur : ça fait 8 ans et plus que je suis élève, j’attends que l’année prochaine me fasse voir autre chose.

- Je compte beaucoup sur l’équipe G.F.U, et sur les rencontres que nous pourrons faire entre anciens d’ici, afin que tout ce que nous aurons acquis ne s’effrite pas. Je cherche une profession qui me permette d’être au service des plus défavorisés...

- Je ne voudrais pas couper mon évolution depuis que je suis entré ici, mais je voudrais prendre un peu de champ, je voudrais m’affermir (convictions, expression ).

- J’attends un approfondissement de ma foi, et de mon projet d’être prêtre ; une expérience sur moi-même et mes possibilités. Je cherche comment lier vie professionnelle et vie responsable, comment lier métier et foi.

- J’attends de l’année prochaine une orientation plus précise.

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3ème question : qu’est-ce que la foi vient faire dans mes réflexions sur mes projets ?

- Dans la réflexion proprement dite sur mes projets : la foi n’a rien à voir, mais n’est pas écartée.

- La foi n’est pas tellement intervenue dans le choix de mon orientation ; elle est plutôt intervenue au niveau de l’entrée au grand séminaire.

- Je dois avouer que la foi n’a pas eu une place énorme dans ma réflexion sur mes projets. Pourquoi ? Je suis peut-être un adolescent retardé, je ne sais. En tous les cas, pour moi, la foi, je me demande ce que c’est. Lorsque je vois les gens à la messe... Ils m’écoeurent tous ; je me renferme sur moi-même sans chercher à comprendre. Je sais que ce n’est pas la bonne formule, mais pour l’instant, je ne suis pas capable de réagir autrement.

- La foi a joué, joue et jouera sans doute un rôle sur ma réflexion, j’en suis convaincu, et pourtant, je n’arrive pas à déceler clairement son influence ; la foi est une expérience... Je pense que foi et avenir sont liés imperceptiblement.

- La foi est une espérance : vouloir aider les autres, c’est croire au changement, à une fraternité plus grande.

- La foi, on ne doit pas en parler, on doit la sentir nous pousser, on doit la vivre dans toutes les actions positives ; ce que je ne voudrais pas être, c’est un homme de peu de foi.

- La foi prend une place assez importante dans ma réflexion sur mes projets ; mais j’attends à voir l’année prochaine la place de ma foi dans la vie active. Ce serait trop abstrait maintenant de le dire.

- C’est ma foi, c’est Jésus-Christ qui m’invite à lutter pour la justice, qui me fait reconnaître, dans le pauvre, un homme à part entière. D’autre part, si je peux, je dois. Si je veux être ingénieur, c’est parce que c’est un devoir pour l’homme de ne pas rester dans l’ignorance ; non pas que la valeur de l’homme se mesure à sa dose de savoir, mais cela lui permet de mieux comprendre la vie. Je voudrais à l’avenir rencontrer les gens qui m’entourent, les écouter : actuellement cela manque ; comme prêtre je pourrai mieux le faire.

- Ma foi, je crois qu’en vivant l’amour de Jésus-Christ dans les plus petites choses (travail en classe, équipe Fripounet) je peux transformer la vie des hommes que je rencontre. Cette foi, on peut la vivre dans n’importe quel cadre, mais où elle a de l’influence, c’est quand je me pose la question :"comment la vivre de la meilleure manière" ? Ces trois années passées m’ont appris à faire plus, à rechercher les moyens d’étendre la portée de ma foi par telle ou telle activité, au-delà des moyens qui s’offrent à moi. Ma foi, si simple et si peu approfondie soit-elle, me donne un but, me pousse à agir, à aller plus loin...

- Je ne sais pas si c’est la foi qui m’indique cette vocation pour les pays sous-développés. Pour l’instant, je ne le crois pas. Mais cela ne veut pas dire que la foi n’y a été pour rien dans la mesure où je place Jésus-Christ comme modèle à suivre. Je compte faire des recherches sur la foi, et pour cela-me rattacher si c’était possible à une communauté de base, soit de Taizé, soit de Boquen.

- Ma foi, quelle est-elle ? Je n’en sais absolument rien. Lorsque je réfléchis au désir d’être prêtre que j’ai eu à l’âge de 12 ans, était-ce sérieux ?’

- Qu’est-ce que ça veut dire : croire en Jésus-Christ ? Et de plus devenir prêtre, dans ce monde ?

- La foi est à la source du projet de servir, pour construire un monde meilleur.


À PROPOS VU SONDAGE. "LES TERMINALES FACE A LEUR AVENIR"
QUELQUES REFLEXIONS ET QUESTIONS

Les limites du sondage.

Ce sondage est incomplet et a une portée limitée : il a été fait pour répondre à la question suivante posée par les responsables du 1er cycle du grand séminaire : "vos gars ne veulent pas rentrer ici, mais qu’est-ce qu’ils veulent donc ? Il faudrait le leur demander, pour qu’on y réfléchisse ensemble".

Les jeunes étaient donc invités à exprimer leurs réactions face au problème de leur entrée au grand séminaire ; cela orientait et limitait leurs réponses ; ils n’ont pas fait état -ou très peu de leurs engagements ou responsabilités apostoliques par exemple.

Les jeunes ont répondu individuellement et librement : ça n’a pas été élaboré en groupes avec nous : dans leur spontanéité, les réponses expriment bien leur mentalité. Il nous paraît difficile de leur proposer une réponse sans en tenir compte. Attention donc à ne pas les prendre en défaut sur "ce qu’ils n’ont pas dit".

Derrière cette analyse de mentalité, se pose la question de l’existence du foyer de Chantepie : le conseil épiscopal donne un délai de 2 ans pour voir se dessiner son avenir après la fermeture de Chateaugiron ; il est possible qu’il "meure de sa belle mort" faute de recrutement ; il est possible par contre que ce foyer attire des jeunes en fin de 3e, à la sortie des C.E.G. ; mais il faudra pour cela qu’on puisse leur faire des propositions claires autour de leur projet d’être prêtre... le but de notre commentaire est d’analyser à quelle mentalité on arrive avec des jeunes de Terminale pour qu’on définisse ensemble si ça vaut la peine de travailler dans ces conditions. L’équipe qui est ici manoeuvre sur une corde raide et sera soulagée si on passe la main à d’autres... ou à personne. Mais il faut réfléchir aux conséquences d’une telle décision qui est en train de se prendre, consciemment ou non.

Par rapport au grand séminaire.

Bien que le témoignage des 1ères années du 1er cycle ait intéressé les jeunes d’ici par la réflexion importante qui y est menée, par la vie communautaire, malgré cela, l’idée de faire un an d’internat au grand séminaire est écartée pour les raisons suivantes :

- perte de temps dans la progression des études pour obtenir une qualification :

- être séparé des autres jeunes à un moment qui est ressenti comme important pour leur avenir et même pour leur foi. La foi doit se construire "en milieu ouvert".

- être catalogué comme futur prêtre dans leur milieu d’origine ;

- être engagé dans un système avant d’être libre.

Noter la contradiction ressentie : d’un côté besoin d’un milieu, d’une communauté pour mûrir la foi, et de l’autre prendre le risque de sa liberté, un peu seul, au milieu du monde.

Noter aussi un sentiment de culpabilité de décevoir l’attente qu’on a sur eux : certains rejettent encore le milieu éducatif du petit séminaire, mais aussi plusieurs relèvent le positif, et sentent bien qu’ils doivent quelque chose en retour...

Quelques commentaires.

Peut-être faut-il accueillir comme positive cette volonté - et cette peur, normale à leur âge - de prendre les risques d’une liberté en dehors de cadres ressentis comme trop déterminants  ? et aussi le besoin d’acquérir maturité, solidité, personnalité et d’être actif, engagé, de vérifier ses forces dans un cadre de vie qui ne serait pas à part.

Il y a là une influence évidente des mass média et d’une "contre-culture" opposée à l’Ecole ; influences qui vont sans doute se développer dans les années à venir. Ne faut-il pas retrouver l’invitation du concile à structurer sa foi dans le dialogue avec les incroyants et pas seulement en Eglise. Penser aussi au besoin de participation et de "cogestion" qui se fait jour de plus en plus dans le monde des jeunes.

Une question plus délicate se pose à nous : ne projettent-ils pas dans l’avenir un système éducatif d’autodiscipline, et aussi un régime de vie (en foyer ici, au "travail" dans la journée, avec les autres jeunes, dans les écoles) qui les pousse à "négativer" l’image de marque du grand séminaire ?

Ne pas dire que c’est nous les adultes qui leur mettons ces idées dans la tête : je crains que ceux qui le disent ne soient guère en contact avec des jeunes. Nous sommes débordés par les influences qui s’infiltrent en eux de tous côtés : et pourtant, nous pouvons sauvegarder ici un régime de réflexion, de prière, de vie communautaire qui serait impossible avec d’autres jeunes qui n’auraient pas leur idéal de vie. Mais nous ne pouvons pas ramer à contre-courant, surtout avec des adolescents : notre travail est d’accueillir d’abord et de discerner ce qui est valable

Leur attente des G.F.U. et autres groupes de formation

Il semble que parfois ils demandent aux G.F.U. ce qu’il faudrait attendre du grand séminaire. Leur demande par rapport aux G.F.U. va être à clarifier : c’est pourquoi la 1ère année de G.F.U. est organisée comme une année de recherche et de clarification du projet de sacerdoce : on ne s’en étonne pas à les lire.

Faut-il se retourner contre les G.F.U. et guetter leur échec par ce qu’ils seraient une "subversion" du grand séminaire ? Ou plutôt ne faudrait-il pas concrétiser des expériences d’accompagnement qui pourraient servir de modèle de référence pour les gars ? Que l’on pense aux remaniements des grands séminaires depuis quelques années... Que l’on pense aussi à l’appel de la conférence de Lourdes 72 d’organiser quelque chose après le petit séminaire.

Par rapport à la Foi.

Faut-il dire qu’ils n’ont pas la foi ?

- on ne trouve pas la foi exprimée en formules dogmatiques : il semble qu’il y ait très peu de "contenu intellectuel".

- on ne trouve pas la foi ou la vocation comme intégration à un plan de Dieu, à une mission d’Eglise, ni comme un rôle à jouer.

La foi est pour eux une découverte progressive d’une vérité personnelle, d’une vérité au sens des philosophies du courant existentialiste, comme un dévoilement qui se fait dans une expérience (action, évolution, confrontation) personnelle... Il faudra bien reconstruire le foi dans cette philosophie ambiante, en dehors d’un climat de préservation, en retrouvant une autorité souple de l’Eglise.

Tenir compte que ce sont des adolescents, donc dans une phase de recherche de soi, de son identité, avec une tendance à rejeter l’autorité, la protection du milieu familial et sociologique, un besoin de découvrir le monde dans une relation chaleureuse où l’on soit reconnu. Accueillir donc l’excès qu’on pourrait noter dans leur rejet des formules de foi reçues ; ce qui explique que certains disent ne pas voir le rapport de la foi (prière et pratique) avec leur orientation ; il y a peut-être là le besoin de déblayer une foi trop artificielle pour reconstruire une foi plus personnelle enracinée dans la vie ; ils connaissent trop jeunes (mais c’est un fait) une crise que traversent des grands séminaristes et des jeunes prêtres.

Certains transposent dans un idéal humain de service leur vocation d’enfant : le phénomène est bien connu des prêtres qui accompagnent des séminaristes : mais il y a peut-être des phases d’enracinement humain de la foi à Jésus-Christ, avant de proclamer en vérité Jésus fils de Dieu ? Voir comment le modèle de Jésus libérateur, serviteur, prophète peut être le chemin vers la foi à Jésus Fils de Dieu : c’est toute la querelle récente autour de la catéchèse qu’il faudrait approfondir.

Noter ici la situation réelle des gars, en collège comme tous les autres jeunes : donc avec une catéchèse difficile. Les contacts, entretiens, réunions et célébrations du foyer les amènent à approfondir leur foi : comment fera-t-on avec tous les jeunes en recherche de vocation quand le foyer ne sera plus ? Penser à ce que peuvent réaliser les mouvements : combien de jeunes peuvent-ils former en profondeur ?

Notre pensée sur l’avenir du foyer.

Si l’an dernier et cette année, aucune terminale ne rentre au grand séminaire, est-ce à cause d’un phénomène de mentalité, qui va s’accentuer ? Et dans ce cas, la vie de groupe ici accélère le processus d’évolution du groupe de jeunes d’ici. Ce qui obligerait les grands séminaires à aménager une formule plus souple de formation sans obliger les jeunes à un internat dès l’âge de 18-19 ans ou à améliorer la formation donnée par les G.F.U., à coordonner les deux modes d’accompagnement.

Dans la crise aiguë que traverse le clergé, il ne faut pas s’étonner trop que des jeunes de 18 ans hésitent. Il faudrait qu’ils voient devant eux des types de prêtres qui puissent les attirer dans des communautés chrétiennes capables d’accueillir et de reconnaître ces prêtres dans une relation nouvelle.

Et pour les jeunes d’ici qui ne seront pas prêtres (il y en a visiblement dans ces témoignages, et cela a toujours été, une forte proportion des petits séminaires), est-ce que ça ne vaut pas la peine de les préparer pour un service d’Eglise ?


APRES LE S0NDAGE AUPRES DES TERMINALES
QUELQUES IDEES D’UN ECHANGE AVEC UN GROUPE DE PRETRES DU 2d CYCLE DU GRAND SEMINAIRE

1ère intervention :

Ces Terminales auraient besoin de clarifier leur option vers les G.F.U. Qu’est-ce que cela représente pour eux ? Que ce soit G.F.U. ou G.F.O., les gars n’ont pas d’option professionnelle bien nette qui leur permettrait de bien profiter des Groupes de Formation. Ils sont en période de recherche, ils n’ont pas digéré leur adolescence, donc ne sont pas en état de faire un vrai choix.

Dans cet état d’esprit, ils sont un peu bloqués devant le choix qui s’impose à eux : grand séminaire, ou groupe de formation, ou rien ? Alors ils choisissent les groupes de formation qui leur semblent moins compromettants que le grand séminaire.

2ème intervention :

Les groupes de formation n’ont pas été pensés pour eux, mais pour des jeunes en études ou au travail qui, à l’âge adulte, font une option vers le sacerdoce ; or ces jeunes manquent de cet enracinement humain qui serait nécessaire.

Avoir un enracinement humain, c’est avoir les pieds sur terre, soit par le milieu familial, social ou culturel ; c’est avoir un réseau consistant de relations dans une ligne donnée ; des relations et une orientation. Le choix d’une profession n’entraîne pas automatiquement cet enracinement.

Questions :

On en retient donc qu’il faut être plus adulte pour entrer au grand séminaire de même que pour s’engager dans les G.F.U. : mais alors bien des questions se posent à nous :

- comment espérer une telle consistance humaine, un tel enracinement humain de la part de jeunes scolaires ? A 16 ans ? L’Action catholique y arrive-t-elle ? Avec quelques rares unités. Et si le foyer accélère prise de conscience, maturité et engagement pour plusieurs, ce ne peut être réalisé pour tous... Et les autres scolaires ?

- Cela pose une autre question plus urgente que l’on pourrait formuler ainsi : "Si vous, grand séminaire vous dites : "on ne peut pas faire du bon travail (ni non plus les G.F.U.) avec des gars sans enracinement humain", alors que faut-il prévoir pour favoriser un acheminement possible vers le sacerdoce ?
Il faudrait peut-être renverser le jugement : au lieu de dire : "vous ne remplissez pas les conditions, donc on ne peut rien pour vous", il faudrait dire : "étant donné ce que sont les jeunes maintenant, étant donné leur univers mental, que faut-il faire avec eux et pour eux ?"

Eléments de réponse :

Une structure donnée ne tient pas lieu d’engagement personnel. Il faudrait donc quelque chose de souple, où les gars puissent trouver deux éléments importants pour eux :

1) un lieu d’enracinement humain : c’est plus difficile pour des jeunes qui ne sont pas préoccupés par la nécessité de gagner leur vie ; la faculté prolonge l’indécision, et si l’indécision se prolonge, il n’y a rien à espérer pour le sacerdoce : l’orientation se fait par la force des choses sous les impératifs des études, de la profession, des rencontres... Ils n’arriveront jamais à cette "conversion au sacerdoce" nécessaire pour entrer au 2d cycle du grand séminaire...

2) des moyens de réfléchir et de faire le point sur leur orientation par le sacerdoce. Qu’ils soient capables de se fixer des étapes, au bout desquelles il faudra se décider ; qu’ils se fixent des échéances : qu’ils soient capables de faire certaines ruptures par rapport à des professions raisonnablement incompatibles avec le sacerdoce ; qu’ils soient capables au besoin d’envisager un an ou deux de formation à temps plein au 1er cycle du grand séminaire. La difficulté est qu’ils ne voient pas de modèles de prêtres attirants pour eux.

Autre question : faut-il dire que le foyer, par l’influence du groupe, détourne du grand séminaire ? Ou plutôt accélération d’une prise de conscience et d’une mentalité qui se retrouve de toute façon dans le monde des jeunes ; le foyer aide aussi les jeunes à prendre du recul par rapport à ces courants de mentalité ...