Réactions d’un responsable de premier cycle


1) Des "images de marque" tenaces...

Une première constatation me frappe : la plupart des jeunes qui sortent de terminale continuent à prendre pour référence une image traditionnelle du sacerdoce : soit qu’ils y adhèrent, soit qu’ils la récusent fortement. Et ils lient à cette image celle des différentes voies de formation qui s’offrent à eux.

On voit mal d’ailleurs comment il pourrait en être autrement : les seuls modèles sacerdotaux qu’ils connaissent sont ceux des prêtres de leur paroisse, à un moindre degré des aumôniers de mouvements, et, d’une manière vague et lointaine, de quelques prêtres au travail.

Ceux qui adhèrent à cette image...

  • Ils constituent une bonne proportion de ceux qui entrent directement dans une Première Année de Temps Plein... Malgré tout ce qui a pu leur être dit sur l’importance d’une période où ils partageront la vie de tous, acquérant une qualification professionnelle et faisant l’expérience concrète d’une vie d’Eglise, ils arrivent avec une image reçue de leur famille et de certains éducateurs du secondaire, pour faire "leur séminaire" et être prêtres dès que possible...
  • Il en va de même de certains G.F.U. qui choisissent cette voie surtout pour "gagner un an"... Puisque, de toute façon, il faut vivre un moment "à l’extérieur", autant commencer tout de suite !
  • Evidemment, les uns et les autres sont violemment remis en question, dans les années qui suivent, par la découverte qu’ils font de la réalité du monde et de l’Eglise (que ce soit dans une initiation théologique bien menée ou dans leur vie d’université et ds travail). Ils sont amenés ainsi à renouveler presque complètement leur projet. Les éducateurs doivent alors remplir une tâche de suppléance : tandis qu’une image toute faite se brise, ils doivent faire naître un souci apostolique concret qui puisse donner sens à un engagement spécifiquement sacerdotal. Et ils rêvent de pouvoir travailler avec des hommes qui auraient déjà fait ce parcours, qui seraient situés dans la société et dans l’Eglise, et qui vivraient déjà un dynamisme apostolique.
  • Mais il ne faut pas oublier non plus tous les jeunes qui n’entrent pas dans un premier cycle parce que leur idéal du prêtre ne paraît pas pris en considération, parce que les séminaires ne "font plus sérieux".
    Le sondage du C.N.V. ne les évoque pratiquement pas. Faut-il qu’ils n’entrent même plus en relation avec un service diocésain des vocations ?

Ceux qui récusent cette image...

  • Il y a, d’autre part, tous ceux qui ont le désir de se mettre au service de la communauté chrétienne, mais ne se retrouvent pas dans les situations sacerdotales qu’ils connaissent. Ils ne font pas confiance aux voies de formation d’un 1er cycle pour les aider à se situer dans un ministère. Ils craignent d’être "embarqués dans le système" et préfèrent mener seuls leur recherche, au risque de s’enliser...

    Il faut donc admettre que les Centres de formation, suffisamment renouvelés pour effrayer les uns, continuent à garder pour les autres leur ancienne "image de marque"...
    Mais pourra-t-il en être autrement tant que le renouvellement n’aura pas affecté les communautés chrétiennes elles-mêmes et les modes d’exercice du sacerdoce ?

Ces remarques me suggèrent un certain nombre de questions que je livre ici à l’état’ brut.

2) Des questions...

  • Est-il convenable d’engager dans une première étape de formation au sacerdoce des jeunes sortant de terminale ? Ne serait-il pas préférable de les laisser accéder à l’âge adulte, dans une vie laïque sans ambiguïté ?
  • Dans ce cas, devraient-ils 6tre laissés totalement à eux-mêmes ? Certes, ils ont à trouver dans les lieux de rencontre existants (en particulier les mouvements) l’enracinement de leur foi et la vitalité de leur souci apostolique. Mais ne doit-on pas les aider à rejoindre de tels lieux et, ensuite, à garder la préoccupation d’un engagement plus total ?
  • Comment aider, d’autre part, les communautés chrétiennes à devenir conscientes, non pas seulement du petit nombre des futurs prêtres, mais de la nécessité de faire naître en elles les ministères dont elles auront besoin ? Qui doit entretenir cette préoccupation ?
  • A partir des interrogations précédentes, se pose la question des liens entre les S.D.V. et les Centres 1er Cycle...

    Ces derniers ont été amenés, en effet, à modifier profondément leur objectif. Ils correspondaient auparavant aux premières années du séminaire. Ils constituent, de plus en plus, la première étape d’un acheminement vers le sacerdoce où la recherche tient une grande place et s’effectue, pour une bonne part, en milieu étudiant ou professionnel.
    Il y a quatre ans, un 1er Cycle définissait ainsi son projet : "le 1er cycle se propose d’assurer les bases humaines et chrétiennes de ceux (jeunes ou adultes) qui envisagent de se rendre disponibles pour une tâche sacerdotale. Il voudrait les aider :
  • à parfaire leur maturité humaine,
  • à structurer leur foi,
  • à promouvoir leur engagement apostolique
    de telle sorte qu’au terme de cette étape, ils puissent vraiment se présenter comme candidats au ministère sacerdotal, avec le premier engagement que cela suppose de leur part, et l’acceptation officielle de leur démarche par l’Eglise. Le 2ème cycle leur offrira alors une initiation plus directe au ministère pastoral.

    Dans cette perspective, l’accompagnement des candidats au sacerdoce en pleine vie (avec une formation en week-ends et sessions) tient une place plus grande que les périodes de "temps plein de formation".

    Or, n’est—ce pas un accompagnement de ce type que les S.D.V. rénovés se proposent de réaliser pour les jeunes du secondaire ? Pourquoi ne le poursuivraient—ils pas ou delà, voire, en l’aménageant, pour des adultes ?

    Cette forme d’aide pourrait être plus facilement acceptée par ceux qui persistent à voir dans un 1er cycle un "goulot d’étranglement".

    A la limite, on peut se demander : faut-il encore des 1er cycles ?

    Inversement, et pour les mêmes raisons, les animateurs de 1er cycle se sentent de plus en plus concernés par l’éveil aux ministères sous ses différentes formes.

    Jadis, les séminaires recevaient une clientèle et participaient secondairement à une pastorale des vocations. Actuellement, le climat de rechercha qui se poursuit en 1er .cycle, la préoccupation de lier étroitement le ministère sacerdotal aux autres ministères, ordonnés ou non, amènent les équipes des Centres de formation à se préoccuper de la naissance des "vocations" ou des appels au sens le plus large.

3) Des souhaits...

  • - Et pourtant, malgré ce qui vient d’être dit, il me semble souhaitable que soit maintenue une distinction entre les phases de cheminement assurées actuellement par les S.D.V., les 1° et 2° cycles. Et cela, non pas tellement en raison de la pédagogie mise en oeuvre, mais à cause des seuils qu’il est important de marquer, au point de vue psychologique, entre les étapes successives d’une avancée vers le sacerdoce.

    Je dirais volontiers qu’il faut d’abord amener les jeunes ou les adultes qui entendent un appel, à faire une option assez nette pour un type défini de ministère. Ensuite, cette hypothèse privilégiée doit être creusée, éprouvée, mûrie, sous le double aspect de l’expérience apostolique et de l’approfondissement théologique. Enfin, la décision étant prise, vient le moment d’une véritable initiation à la pastorale.

    Dans cette perspective, pourquoi les équipes S.D.V. limiteraient-elles leur activité aux adolescents d’âge scolaire ? Leur rôle ne s’étend-il pas à tous ceux, jeunes ou adultes, qui envisagent de se mettre au service de l’Eglise et ont besoin d’éclairer leurs motivations et leurs capacités, tout en discernant la forme de ministère qu’ils pourront privilégier ?

    Cette tâche peut demander un temps variable. Pour certains, elle peut être achevée dès la sortie de terminale ; pour d’autres, elle demandera un effort beaucoup plus long. Mais il semble important d’aider les hésitants à franchir une étape, quand le moment est venu, et à poursuivre leur recherche et leur formation d’une manière plus précise, suivant l’orientation choisie (service de formation des laïcs - diaconat - centre 1er cycle... )

  • Cette distinction étant perçue, il apparaît que la collaboration entre les équipes des S.D.V. et des 1er cycles devrait s’élargir considérablement.

    • Elles ont d’abord à s’aider mutuellement dans leur travail propre, pour que la continuité de la rechercha soit bien assurée et que s’estompent, peu à peu, les "images de marque" dépassées .
    • Mais plus profondément, ne pourraient-elles pas se retrouver sur le terrain, (avec les diverses instances de pastorale), là où des communautés chrétiennes s’efforcent de prendre en charge leur propre vie et de se préparer des ministres qui pourront éventuellement être appelés au sacerdoce suivant des modes nouveaux ?

      Suivre ces initiatives, les épauler, les répercuter on d’autres lieux, les relier aux recherches des jeunes qui se présentent aujourd’hui, n’est-ce pas une tâche qui pourrait être menée en commun ?

André RINGEVAL,
responsable du Centre inter diocésain de formation apostolique (1er cycle) de Lille