Table ronde sur "Education de la foi et vocation"


Ont participé à cette table ronde :

- Jean DUEREUCQ, responsable du S.D.V. de Cambrai, et chargé au C.N.V. du service des institutions permanentes,

- Alain HOURY, responsable de formation chez les Frères des écoles chrétiennes,

- Marie-Louise POIZAT, chargée de l’accueil des jeunes dans la congrégation des Petites Soeurs de l’Assomption,

- Jean RIGAL, membre du C.N.V., et responsable du dossier "Jeunes &. Vocations" ,

- Michel VENNIN, responsable du S.D.V. de Lille et membre du C.N.V.

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J. RIGAL : Je propose que notre échange se déroule autour des 4 points suivants :
1/ Qu’est-ce qui nous frappe dans l’article de Georges CARPENTIER ?
2/ Qu’est-ce qui nous paraît positif et nous interpelle dans notre mission ?
3/ Y a-t-il des réflexions qui appellent de notre part une certaine réserve ? Et pourquoi ?
4/ Quels seraient, à notre avis, les points qui demanderaient un approfondissement ?

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I - Qu’est-ce qui nous frappe dans cet article ?

  • J. RIGAL : Nous nous en tenons à une vision globale. Qui commence ?

  • A. HOURY : Ce qui me frappe, c’est le ton provocant de l’article, et je crois que c’est une bonne chose. Le fait que des gens qui ne sont pas directement responsables de secteurs de vocations apportent un autre regard, partent d’un autre point de vue, c’est intéressant. Je pense au dernier ouvrage de J.C. BARREAU. Venant d’un converti, sa façon de regarder le Christianisme apporte un regard neuf.

  • M. VENNIN : Je réagis de la même manière, parce que d’une part ce texte me rejoint et d’autre part il me crispe. Ce qui me paraît important, c’est en effet de l’entendre, d’en faire une lecture critique, et de nous laisser profondément interpeller.

  • M.L. POIZAT : J’ai retrouvé dans cet article ce que je ressens intuitivement à partir des aspirations des jeunes. Elles vont vers un devenir et en même temps elles veulent se remettre en cause. Elles recherchent une nouvelle cohérence de vie à partir de valeurs autres que celles des générations précédentes.

  • J. DUBREUCQ : Oui, à condition de prendre la règle du jeu que cet article a voulu suivre, c’est-à-dire d’adopter une vision des choses en noir et blanc, qui fausse peut-être la réalité : tout le mal d’un côté (le passé, les structures, les institutions, les idéologies) et tout le bien d’un autre côté (l’avenir, les jeunes). G. CARPENTIER n’a pas voulu faire oeuvre ici d’analyste, mais de provocateur. Si l’on n’entre pas dans cette perspective, on reste crispé. Il faut prendre cet article comme une méthode et une maïeutique.

  • M. VENNIN : C’est plus qu’une méthode et une maïeutique. Ce sont des convictions qu’il énonce.

  • J. DUBREUCQ : Je ne suis pas pleinement d’accord.

  • M. VENNIN : Ce qui me frappe, et que le texte souligne hardiment, c’est la nouveauté d’un temps. Je me demande dans quelle mesure on en a vraiment conscience. Je rejoins ce que dit Marie-Louise : cela marque beaucoup la mentalité et les aspirations des jeunes.

  • J. RIGAL : Cet article a le mérite de ne pas être lénifiant. Le fait que nous avons voulu faire une table ronde suffit à le prouver. Ce texte nous provoque, me semble-t-il, à deux niveaux. Au niveau des idées exprimées, des questions posées, par exemple les nouvelles formes de ministère, l’éducation à la solidarité effective. Il nous provoque aussi par rapport à la manière dont les questions sont abordées : d’une part, il se situe délibérément en dehors de l’Eglise institutionnelle ; d’autre part, il utilise un langage qui ne nous est pas habituel, qui n’est pas le mien en tout cas. L’angle d’attaque et le langage sont sans doute au moins aussi importants que la nature même des questions.

  • M. VENNIN : J’avoue qu’à propos du langage, il y a des expressions que j’ai du mal à saisir : par exemple, "la vocation n’est pas une institution" ou bien "éduquer à la vocation". Ce n’est pas en ces termes-là que je m’exprime. Alors est-ce la langue de G. CARPENTIER qui rejoint mieux le langage des hommes d’aujourd’hui ? Est-ce qu’il n’est pas trop marqué par les sciences humaines ? Est-ce que notre langage à nous est trop spécialisé, trop arriéré ? Cela me pose question.

    Je rejoins aussi ce que dit Jean sur le caractère interpellant du texte. On y sent constamment cette conviction qu’autour de nous l’Eglise est vue comme une institution, plus que comme un Peuple. Et nous aurions nous-mêmes tendance à orienter une pastorale des vocations à partir de l’Institution, au lieu de créer une pastorale nouvelle pour des temps nouveaux. Une phrase me paraît très importante : ".la salut d’un peuple en crise ne peut être qu’en avant". Avons-nous assez la choc du présent pour inventer quelque chose de neuf ? Voilà la question que cet article me pose.

  • J. DUBREUCQ : Je représente ici le lecteur moyen, issu des institutions, qui se trouve tout de même agacé par un texte comme celui-là. Et je voudrais, en évoquant mon propre cheminement, aider ceux qui comme moi, au début, se trouveront tentés d’envoyer promener ce texte, à cause d’analyses qui ne sont pas tout à fait justes. Ceci dit, il me semble qu’il est très important que le lecteur dépasse cet agacement pour recevoir ce qui lui est dit.

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II - Qu’est-ce qui nous paraît positif et nous interpelle dans notre mission ?

  • M. VENNIN : Nous pourrions distinguer deux plans, pour ne pas aborder tout de suite le problème des jeunes en fonction de notre ministère propre : d’abord au plan même de l’ecclésiologie de ce texte, puis au niveau des jeunes. En ce qui concerne l’ecclésiologie, je ressens de plus en plus, comme G. CARPENTIER, l’écart existant entre les institutions et les transformerions du monde, les mentalités et aspirations des hommes d’aujourd’hui. Sommes-nous assez conscients non seulement de la mission de l’Eglise, mais aussi de la nouveauté de ce monde auquel elle est envoyée ?

  • J. RIGAL : C’est pour moi la question essentielle. Le problème des relations "Eglise-Monde" me paraît sous-jacent à l’ensemble de l’article. Bien souvent, on prolonge, on adapte, on replâtre, avec l’espoir inconscient qu’on peut maintenir des formes anciennes, même si elles ne collent pas avec la réalité actuelle. Bien des décisions ressortissent à cette mentalité qui semble considérer l’Eglise comme un en-soi, existant pour elle-même et en dehors du monde. Lorsque G. CARPENTIER demande "ce que signifie cette manière dérisoire de poser la question de la vocation à partir d’institutions qui ne signifient plus rien pour le monde ni pour l’Eglise ?" (page 3), je pense, entre autres choses, au quadrillage géographique qui préside à la nomination de nombreux prêtres ... N’est-ce pas se rassurer à bon compte que de maintenir le statu quo au nom "de mentalités qui n’évoluent pas" ?

  • A. HOURY : J’ai beaucoup apprécié l’appel à la Sagesse qui est lancé à la page 1, pour "concevoir des changements plus radicaux et élaborer des hypothèses à l’extérieur des cadres établis". On retrouve, à la page 3, cette notion de Sagesse appliquée à Dieu, qui pourrait refuser que trop de vocations surgissent dans un système en train de disparaître.

  • M.L. POIZAT : Beaucoup plus qu’une Eglise pour le monde, c’est une Eglise qui naît et grandit dans le monde que demande Vatican II.

  • J. DUBREUCQ : En disant tout cela, n’attendons-nous pas trop des nouvelles structures ? Le positif auquel je suis fort sensible, c’est celui de la page 6 de l’article. Il y a dans le monde une attente de témoignage de vie spirituelle authentique. Bien des jeunes sont appelés par Dieu parce qu’ils ont fait une expérience de vie spirituelle et que, du coup, ils se sentent envoyés à un Peuple. De même pour certains adultes. Dans la vie spirituelle comme dans la vie apostolique, c’est Dieu qui nous poursuit. Et quand on croit le chercher, c’est Lui qui est le premier.

  • A. HOURY : Oui, et cependant la situation actuelle nous interroge aussi au plan de notre action. Quand nous aidons des jeunes à aller plus loin dans leurs responsabilités, leurs solidarités, nous rencontrons avec eux de très gros obstacles. Quel est le sens de ces obstacles ? Indiquent-ils que les jeunes se trompent ou bien qu’ils sont en train d’enfanter un nouveau type de réponse à l’appel de Dieu ?

    Par ailleurs, les éduquer à la responsabilité et à la solidarité suppose que nous aussi nous soyions responsables et solidaires. Je me pose souvent la question : dans quelle mesure je lie mon sort à celui des jeunes que j’accompagne ? Ou bien suis-je simplement un beau parleur qui soutient les jeunes du geste et de la voix ?

  • M.L. POIZAT : Cette question est aussi la mienne.

  • H. VENNIN : J’insisterai aussi sur trois convictions fondamentales que rappelle G. CARPENTIER et qui rejoignent les nôtres :
    - le Seigneur ne se laisse pas enfermer dans nos institutions. Aujourd’hui comme autrefois, il est "répandu sur toute chair". Nous en avons de multiples signes.
    -"Dieu appelle des hommes et des femmes à partager sa passion pour l’humanité et à annoncer la Bonne Nouvelle de Jésus-Christ".
    - "Il y a, et il y aura des ministères à vivre pour répondre aux besoins d’un peuple." L’expérience ecclésiale d’aujourd’hui nous montre déjà l’émergence de certains de ces ministères.

  • J. RIGAL : La question posée par G. CARPENTIER à la page 2, "éduquer à la vocation, c’est, éduquer à quoi ?" c’est aussi la mienne. Elle m’apparaît fondamentale. Former à quel ministère ! A quelle forme de vie évangélique ? C’est la question qu’on entend partout, c’est celle de l’Eglise, celle que bien des jeunes nous posent à leur manière. Je trouve les sept points évoqués intéressants, mais cela mériterait toute une réflexion qui, ici, n’est même pas amorcée. Toutefois, nous ne pouvons attendre que tout soit clair et résolu pour commencer à travailler.

  • J. DUBREUCQ : Je suis également très sensible à ce qui est dit sur la conversion (page 2, 4ème ligne). Une conversion ne passe pas forcément par une rupture avec "cette société dont l’Eglise semble faire partie". Cela rejoint la plupart de mes expériences.

  • M. VENNIN :Seulement, le fait que les jeunes que nous rencontrons paraissent souvent classiques, sont plus réformistes que contestataires, nous pose question. S’agit-il de "vocations-refuge" ? Ces jeunes sont-ils les fruits d’une civilisation de chrétienté et d’une Eglise coupée du monde ? N’y a-t-il pas d’autres jeunes qui soient plus typés par cet aujourd’hui ? Comment se fait-il qu’ils ne se présentent pas ? Que refusent-ils ? Que souhaitent-ils qu’ils n’espèrent plus ? J’ai peur que nous nous laissions parfois enfermer dans une pastorale d’accompagnement de "quelques vocations de chrétienté " et que cela nous freine.

  • M.L. POIZAT : Et par là, nous risquons de stopper l’élan de créativité, des jeunes. Je crois d’ailleurs que jeunes et adultes sont affrontés à cette créativité, et que finalement l’éducation, c’est cet affrontement au réel, affrontement que jeunes et adultes ont à vivre ensemble.

  • J. RIGAL : La silhouette des jeunes dessinés par G. CARPENTIER me paraît bien caractériser la jeunesse actuelle : en particulier ce besoin d’expérimenter, de contrôler, ce sens de la solidarité universelle. Ceci m’interpelle par rapport aux jeunes que nous rencontrons et qui portent tout cela, de façon peut-être moins aigus et moins consciente.

  • M. VENNIN : Ne faut-il pas aller plus loin ? Est-ce que tout en poursuivant une pastorale d’éveil et d’accompagnement il ne faut pas s’orienter vers une pastorale d’interpellation de jeunes adultes et d’adultes qui ont éprouvé leur maturité ; et cela au nom des besoins d’un Peuple ? Ne faut-il pas passer d’une conception de la vocation à une autre : de même que l’appel de Dieu peut retentir au coeur d’une conscience, il peut aussi s’exprimer à travers la prise de conscience d’une Eglise qui découvre les besoins de salut d’un monde et se donne les moyens d’y répondre ?

  • A. HOURY : D’autant plus que certains jeunes s’écartent de la perspective de la vie religieuse ou du sacerdoce parce qu’ils ne retrouvent pas dans les formes actuelles ce qu’ils portent en eux et retombent ainsi dans la grisaille quotidienne. Je trouve cela très grave, car beaucoup remplacent l’engagement religieux ou sacerdotal par une action politique, ou vivent les deux engagements sans que l’unité soit faite.

  • J. RIGAL : Je voudrais souligner également l’importance des dernières lignes de l’article de G. CARPENTIER : "notre mission est sans doute d’aider ceux qui nous suivent à enfanter des formes neuves de vie de foi et de ministères, et cela sans savoir ce qu’elles seront". C’est loin d’être admis dans la pensée de tous les adultes. Faire confiance à l’action de l’Esprit-Saint dans la recherche des nouvelles générations, c’est une attitude de foi qui n’est jamais définitivement acquise.

  • A. HOURY : L’histoire de l’Eglise nous apprendrait beaucoup sur ce chapitre. Lorsque François ou Dominique ont inventé une nouvelle façon d’être disciple, prêtre ou religieux, la plupart des institutions ont été violemment contre.

  • M. VENNIN : J’ajouterai que ces ministères diversifiés dont on parle beaucoup aujourd’hui ne naîtront pas dans des bureaux d’études et dans les assemblées épiscopales, mais sur le terrain, comme le fruit de communautés vivantes et de charismes personnels, tout à la fois.

  • J. DUBREUCQ : Nous n’avons pas été assez attentifs, dans la lecture de cet article, à la perspective de la vie religieuse. Il y a, ici ou là, des initiatives de religieux et religieuses qui rejoignent profondément la recherche de bien des jeunes. Ainsi, à Raismes, dans le Nord : une communauté de religieuses a pris l’initiative d’ouvrir des week-ends de prière à des jeunes et à des adultes, à d’autres religieuses, à des prêtres, tâche jusque là réservée à des prêtres. Nous avons à être au service de l’intuition que les religieux ou religieuses portent en eux.

    De plus, ce qui est dit sur la recherche du sens me paraît être la pointe de la réflexion. La recherche du sens ne peut pas être seulement tirée de l’analyse de l’humain et des besoins perçus tout autour de nous. Finalement, c’est Dieu qui donne le sens.

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III - Y a-t-il des réflexions qui appellent de notre part une certaine réserve ? Et pourquoi ?

  • M.L. POIZAT : Cet article rejoint-il un type de jeunes qui existe à l’état pur actuellement ? On peut en douter. En effet, les contacts que j’ai avec des jeunes me portent à dire que ceux-ci sont très divers, et que si l’on retrouve chez eux des tendances actuelles et profondes, chacun est marqué par des influences de milieux, par le phénomène de groupe, etc. Il a, dans un premier temps, à dégager sa liberté personnelle et créatrice. Et c’est là, aussi, un premier travail pour l’éducateur.

  • J. RIGAL : Ce qui me gêne beaucoup dans cet article, c’est que je ne sais pas, à certains moments, de qui et du quoi parle l’auteur. Il y a même des mots qui sont pris dans des acceptions différentes et qu’il était, de toutes façons, indispensable de définir : ainsi les mots "institution, vocation, ministère". Par exemple, que veut dire Georges lorsqu’il parle d’institution ? En rapprochant un, certain nombre de qualificatifs employés dans l’article ("définitif, bureaucratique, dévitalisé, cadres établis"), il me semble qu’il désigne par là, et d’une manière globale, toute réalité ecclésiale qui est figée et repliée sur elle-même. J’aurais préféré que cela soit dit clairement pour éviter toute ambiguïté et des généralisations par trop injustes. De même, c’est très bien de dénoncer (page 4) "le bla-bla-bla sur la vocation comme un appel d’En-haut", à condition qu’on définisse le mot "vocation", qui est employé 18 fois dans l’article.

  • A. HOURY : Le mot "institution" a plusieurs sens. Il peut signifier : le système établi des communications et des pouvoirs, disons "les relations instituées". Mais il peut désigner aussi un ensemble beaucoup plus souple, disons "instituant", qui permette la libération des personnes. Lorsque G. CARPENTIER se pose en dehors de "l’institution Eglise", il parle du premier sens, des moules existants, des modèles de pensée de l’ère chrétienne qui est en train de mourir.

    Par ailleurs, l’expression "si par hasard, le Saint-Esprit avait déserté la boutique ?" me gêne, car l’Esprit agit partout, y compris dans la sclérose, d’une certaine façon. Peut-on insinuer que cela ne signifie plus rien "de poser le problème de la vocation à partir de certaines institutions" ? (cf. page 3). Je crois, au contraire, que cela veut dire quelque chose par rapport à certains types de vocations . . .

  • J. RIGAL : Il y a d’une part une conviction de foi  : l’Esprit travaille aussi dans l’Eglise, et d’autre part une question d’objectivité : nous ne sommes pas assez attentifs aux formes déjà existantes de renouveau. Peut-être aussi oublie-t-on que dans toute institution humaine est vécue la dialectique de la pesanteur et de la grâce ?

  • M. VENNIN : Je ne dirais pas seulement que des formes nouvelles naissent dans l’Eglise, mais que l’Eglise naît autre, sous l’action de l’Esprit "qui fait toutes choses nouvelles".

  • J. DUBREUCQ : Je ferai deux remarques : l’une sur les jeunes, l’autre sur les institutions.
    Sur les jeunes :
    évitons un nouveau "Rousseauisme", appliqué aux nouvelles générations. La présentation des jeunes faite par Yves de GENTIL-BAICHIS, dans le 1er article, met beaucoup plus de nuances.
    Sur les institutions : le tableau ici ressemble à une caricature. Il serait dangereux de penser que G. CARPENTIER a voulu nous dire : mettons à mort les institutions, enfin quelque chose de neuf naîtra. Je le connais assez pour dire que ce n’est pas sa pensée. Mais il nous rappelle qu’il y a des puissances de mort dans les institutions et que cela nous interroge.

  • M. VENNIN : Mais il ne faut tout de même pas exagérer : je ne crois pas que nous ayons actuellement tendance à rétablir les institutions d’hier ou que la peur nous pousse à déterrer "des mythes archaïques" (page 1) ! Par contre, nous sommes prisonniers de nos habitudes, de nos découvertes d’hier, de nos schémas de pensée.

  • J. DUBREUCQ : Ce serait trop facile et injuste de condamner les braves gens, qu’on a engagés et maintenus dans telle structure, au nom d’une certaine idéologie aux mains pures ou d’une Eglise nouvelle toute drapée d’innocence et de pureté.

  • M. VENNIN : Les personnes ont, elles aussi, à se convertir, et à aider un peuple à se convertir.

  • J. DUBREUCQ : Je me sens solidaire des braves gens qui ont à se convertir.

  • J. RIGAL : Quelle conception G. CARPENTIER se fait-il de la vocation ? Voilà un autre point qui mériterait d’être approfondi. Il parle "du bla-bla-bla sur la vocation comme un appel d’En-haut". Bien sûr, ce vocabulaire ...

  • M. VENNIN : Ça m’a fait bondir.

  • J. RIGAL : ... est suranné, et n’est pas juste, théologiquement parlant. Cependant, je suis étonné que dans un article intitulé "éducation de la foi et vocation", on parle si peu de Jésus-Christ, et qu’en mettant l’accent sur l’appel des communautés, on oublie de souligner que c’est Jésus-Christ qui appelle par la médiation des communautés.

  • M. VENNIN : Je suis tout à fait d’accord. N’est-ce pas ce que nous vivons ? Il me semble qu’éduquer à la vocation c’est éduquer à la recherche de Jésus-Christ qui peut donner un sens à une vie, éduquer à l’écouter dans ses signes au coeur de ce qui se vit aujourd’hui. Je regrette qu’on nous dise qu’il ne faut pas faire ceci ou cela, mais que cet accent ne soit pas mis.

  • J. DUBREUCQ : Tant qu’il n’y aura pas eu cette expérience spirituelle, les jeunes se sentiront attirés par des tâches, mais on ne peut pas parler de ministère vécu au nom de Jésus-Christ. Je regrette que l’article ne dise pas le visage que prend le Dieu qui les appelle et au nom de qui finalement ils s’engagent.

  • M.L. POIZAT : Cette relation personnelle à Jésus-Christ, qui engage au plus profond de soi, est absolument essentielle dans une vocation religieuse. Solidaires d’un peuple mais appelés par Dieu.

  • A. HQURY : On a beaucoup insisté sur le rôle des communautés pour découvrir les nouveaux ministères. D’accord, mais je crois aussi au rôle des génies spirituels qui sont de vrais créateurs. Un saint François d’Assise, un saint Dominique ont aidé leurs contemporains à aller beaucoup plus loin dans l’invention. Cela nous montre la nécessité de catalyseurs. Dans ce sens, la découverte de saint Jean-Baptiste de la Salle a été fondamentale dans la recherche de ma propre vocation. De même, si Taizé existe, c’est dû, pour une large part, au Frère SCHUTZ.
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    IV - Quels seraient à votre avis les points qui demanderaient un approfondissement ?

    • J. DUBREUCQ : Ils sont en conséquence directe de ce qu’on vient de dire. Creuser les notions de "ministères", de "vie religieuse, et surtout regarder ce qui est en train d’apparaître. Dans la recherche actuelle des évêques ou dans les articles, on propose des définitions théologiques. Il faut surtout être attentif à ce qui est vécu dans l’Eglise.

    • J. RIGAL : Je pense aussi aux questions pédagogiques posées par l’article. "Eduquer à la responsabilité totale et à la solidarité effective", d’accord, mais comment ?

    • A. HOURY : "partager les risques" est une première manière d’éduquer.

    • M.L. FQIZAT : Que mettent les éducateurs sous les mots : "responsabilité", "solidarité" ? Il faudrait approfondir.

    • J. DUBREUCQ : Edgar Faure dit qu’à partir de 45 ans en n’est plus inventif. Mais il souligne en même temps l’importance capitale des 40 ans et plus auxquels fait allusion G. CARPENTIER pour recevoir les quêtes de la jeunesse et l’aider à donner corps à ses projets. Libérer la Parole, libérer l’Esprit, ensemble, jeunes et adultes, en corrigeant ce qu’il y a d’exagéré dans une intuition et en vérifiant ce qu’il y a d’authentique dans un projet, sera source d’Espérance.

    • M. VENNIN : Seulement, je ne pourrais vivre cette Espérance que si je continue à me demander : cette nouveauté du monde où nous sommes, cette diversité des ministères, ces aspirations des jeunes, qu’est-ce que cela veut dire dans ma vie et dans mon travail au service des vocations ?
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      • J. RIGAL : Cet article est provocant, au sens positif du mot, dans la mesure où l’on accepte qu’il nous interpelle. Cette "lecture" que nous venons de faire, beaucoup d’autres groupes pourraient la tenter et peut-être aller plus loin dans la réflexion et la remise en cause personnelle et communautaire.

      • A. HOURY : Hier, justement, pour préparer l’Eucharistie, j’ai été pris de court. Alors j’ai choisi comme lecture un passage de l’article de G. CARPENTIER, et un autre Frère a choisi spontanément l’entretien de Jésus avec Nicodème. "Tu es maître en Israël et tu ne sais pas cela." C’est peut-être à nous que cela s’adresse. "L’Esprit souffle où Il veut."