Accompagner des jeunes... Pourquoi ? Comment ?


Des questions nous sont posées... Acceptons de les "entendre" !

  • On parle de projets de jeunes ! Mais quelle valeur peut-on leur accorder ?
    Ne résultent-ils pas d’un traumatisme consécutif à trois siècles de propagande en faveur des vocations d’enfants ?

  • On parle de projets du sacerdoce et de la vie religieuse !
    Mais avons-nous le droit d’y donner suite, tant que le prêtre et la religieuse n’auront pas redécouvert, leur identité ? Des vocations ! Mais pour quels ministères ? pour quelle vie religieuse ? et, en définitive, pour quelle Eglise ?

  • On parle d’accompagnement au nom d’un projet !
    Mais est-il raisonnable d’engager, parfois si tôt, des jeunes dans une recherche, au nom d’un projet encore flou et inconsistant ? L’essentiel n’est-il pas d’éduquer de jeunes chrétiens au nom d’un projet de vie chrétienne ? S’ils deviennent des "chrétiens-debout", ils seront prêts à répondre à tout appel.

  • Ne vaut-il pas mieux "laisser dormir tout cela pendant 10 ans" ?
    Ainsi, le peuple chrétien prendra peut-être mieux conscience qu’il doit passer d’une mentalité de "consommateurs" à une mentalité de "responsables".

Nous ne pouvons pas "larguer" ces questions ni étouffer ces réactions : elles révèlent des mentalités dont une pastorale des vocations doit tenir compte - et ne sont-elles pas bien souvent l’émergence de certaines souffrances personnelles ou apostoliques, de certaines déceptions ? Peut-on dire hâtivement que ce sont là de faux problèmes ?

Ne faut-il pas plutôt "accueillir" ces questions

- pour saisir les vrais problèmes qu’elles posent,

- pour discerner les valeurs qu’elles révèlent,

- pour y lire surtout un appel à motiver sérieusement
cet accompagnement ; et à réviser constamment la pédagogie de cet accompagnement et notre attitude d’éducateurs ?

D’où 3 parties dans ces réflexions :
1 - Pourquoi un accompagnement est-il nécessaire ?
2 - Quelle sorte d’accompagnement ?
3 - Accompagner des jeunes "en recherche de vocation", qu’est-ce que cela veut dire ?

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I - POURQUOI UN ACCOMPAGEMENT EST-IL NECESSAIRE ?

1. Par respect pour des projets de jeunes...

Cette attitude de respect est basée sur les lois du développement psychologique. "Ces jeunes, peut-on les prendre au sérieux ?" Juger un projet d’avenir absurde ou prématuré, c’est acculer un enfant ou un jeune au présent, et en fait, le rejeter vers le passé. Etre attentif à un jeune, c’est le rejoindre en sa vie, en ses projeté d’aujourd’hui, mais aussi en son projet d’avenir : car pour lui, ce projet est là et le marque, il fait partie de son "aujourd’hui". Bien plus, si ce projet est cohérent avec la vie de celui qui le formule, il stimule les ressources de la personnalité, devient source de dynamisme pour le présent et permet à un jeune d’unifier sa vie. L’accueillir avec prudence mais avec sérieux, c’est permettre à un jeune de réussir une étape de sa vie. Nous connaissons tous des jeunes qui ont été marqués par une pédagogie trop déterminée par leur projet d’avenir, ou traumatisés par une épuisante et stérile "recherche". Mais nous connaissons aussi des jeunes qui ont été frustrés parce qu’un projet d’avenir n’avait pas été accueilli avec sérieux. "Cette idée que j’ai derrière la tête, disait Jean-Luc, je ne sais pas ce qu’elle vaut, mais tout de même, c’est peut-être sérieux !".

Mais cette attitude de respect n’est-elle pas d’abord attitude de foi en l’action du Seigneur ? Il appelle quand il veut, comme il veut, qui il veut : des Samuel comme des Abraham ! Mais n’est-ce pas souvent à travers un projet d’homme que se précise un appel du Seigneur, en référence à son plan de salut d’un peuple ?

Il est vrai que de jeunes adultes, au coeur d’un engagement apostolique, perçoivent un appel à un ministère, à la vie religieuse ; il est vrai que, pour assurer sa mission, l’Eglise pourrait, devrait interpeller des adultes pour les appeler à. assurer divers ministères, en réponse aux besoins d’un peuple ; mais il demeure vrai que, pour beaucoup, c’est au coeur de l’enfance qu’est perçu un premier appel : cela reste vrai, comme le prouvent les témoignages de certains jeunes ouvriers en groupes de formation en monde ouvrier, et l’enquête du Père LUCHINI auprès des jeunes religieuses d’aujourd’hui. Cela aussi, c’est un fait - et donc un appel à l’attention, qui est respect de l’action de Dieu dans la vie d’un jeune.

2. Au nom d’une conception dynamique de la vocation...

Beaucoup de nos réactions -et de nos maladresses- ne sont-elles pas motivées par une conception encore trop statique de la vocation ? En sommes-nous vraiment libérés ? Une vocation n’est pas un avenir préfabriqué par Dieu et proposé à un homme, mais se précise au coeur d’un dialogue constant entre un Seigneur qui ne cesse d’appeler et un croyant qui n’aura jamais fini de répondre. Elle n’est donc jamais "définitivement définie" ; s’il est des temps forts dans l’appel et dans la réponse, s’il est des seuils et des points de non-retours toujours une vocation se définit dans le temps. N’est-ce pas ce que révèle l’expérience spirituelle de tous les grands élus de l’Ancien et du Nouveau Testament ? Comme Abraham, ils ont marché "sans savoir où ils allaient" (Hébr. 11, 3), pour savoir où aller. Notre propre expérience ne rejoint-elle pas la leur ? Mais, en ce cheminement de croyants ; une vocation se précise dans la mesure où se personnalise la rencontre d’un Dieu qui appelle - dans la mesure où s’affermit la prise de conscience des besoins d’un peuple - dans la mesure où la réponse aux appels actuels permet la perception, d’autres appels, plus distincts et plus précis. C’est parce qu’une vocation se précise dans le temps - et à ces conditions-là - qu’un accompagnement est légitime et nécessaire.

3. En réponse à une attente des jeunes...

D’ailleurs, cet accompagnement, des .jeunes l’attendent et le réclament. Dans le dialogue et l’action pastorale, nous accordons heureusement une priorité aux personnes, à l’écoute des personnes, à leur vie, à leurs aspirations, à leur attente. N’est-ce pas cette même attitude d’attention qu’il nous faut cultiver au service de ceux et celles qui expriment un. projet d’avenir et attendent un accompagnement au non de ce projet d’homme au coeur duquel peut retentir un appel de Dieu ? Face à des adultes qui risquent d’institutionnaliser, ces jeunes hésitent à entrer dans un système tout fait, ou même s’y refusent ; mais ils attendent de nous que nous cherchions avec eux à, inventer pour eux un accompagnement qui tienne compte de ce qu’ils sont, de ce qu’ils vivent, du projet qu’ils forment.

Pour nous tous, c’est un réconfort, que de voir l’attitude qu’adoptent les mouvements, notamment les mouvements d’Action Catholique spécialisée : ils estiment qu’il leur revient d’être attentifs à des jeunes d’un milieu qui ont un projet de vie sacerdotale ou. religieuse, de les guider en leur recherche au coeur d’une action apostolique en leur milieu de vie ; et cela ; par respect pour ces jeunes, par fidélité à leur mission d’évangélisation. N’est-ce pas là plus qu’un réconfort ? Une espérance et un appel !…

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II - QUEL MODE D’ACCOMPAGNEMENT ?

  • Bernard a 11 ans- Il entre en 6ème. Est-il préférable qu’il entre en en séminaire de jeunes ou en foyer 1er cycle, ou qu’il demeure en diaspora et bénéficie d’un accompagnement là où il vit ?…

  • André est en Terminale. Est-il préférable qu’il poursuive des études supérieures en participant à un G.F.U., ou qu’il bénéficie d’une 1ère année de 1er cycle qui le préparerait à partager la condition étudiante et à y vivre une expérience de laïc étudiant ?…

  • Marie-Elisabeth exprime un projet de vie religieuse alors qu’elle est. en 3ème année de médecine. Va-t-elle poursuivre les études ? Quatre années encore ! Sera-t-elle à sa place en un groupe de recherche ? Lequel ? Ou. bien un cheminement plus personnel est-il préférable ?

Tels sont les problèmes concrets qui se posent. Comment les bien poser ? Comment les résoudre ?

1) Un accompagnement doit être personnalisé.

A ces problèmes, il n’y a pas de réponse théorique ! Quand un tel problème se présentes il doit être posé et une décision doit être prise pour tel jeune et pour telle étape de son cheminement. Et cela en tenant compte :

- de ce qu’il est,

- de ce qu’est le milieu dans lequel il est enraciné,

- de ce que sont ses relations et ses engagements,

- de ce à quoi il aspire,

- de la consistance de son projet,

- surtout de ce qu’il a vécu, de ce qu’il peut vivre, de ce qu’il doit vivre pour mûrir humainement et chrétiennement.

C’est donc en fonction d’un jeune qu’une décision doit être prise, en dialogue avec lui, avec ceux qui le voient vivre et l’accompagnent. Et cette décision doit parfois être ensuite remise en cause, car pour une étape nouvelle peuvent se révéler d’autres besoins qui appellent un autre cheminement.

Ainsi, certains jeunes s’attardent peut-être trop longtemps en un foyer, alors qu’il serait préférable qu’ils "prennent l’air" et vivent pendant un certain temps un cheminement en diaspora. Inversement, tel ou tel jeune en diaspora gagnerait parfois à vivre, pendant un an ou deux, la vie d’une institution permanente

Il s’agit d’inventer pour un jeune et avec lui un accompagnement qui aujourd’hui lui convienne.

2) De plus en plus un accompagnement "en groupe" semble nécessaire.

Pendant longtemps, les seuls modes de regroupement furent les séminaires de jeunes, les foyers, les juvénats religieux. Peu à peu sont nés d’autres modes de cheminement : diaspora scolaire, groupes de recherche et de formation dans les divers milieux de vie, groupes de recherche pour jeunes filles. Ils sont nés commandés par la vie, en réponse aux besoins, à l’attente, à la demande de jeunes. Autant ils refusent qu’on les "embarque" en des groupes où ils seraient étiquetés ou manœuvrés, autant ils attendent et demandent un accompagnement en groupes ouverts, souples et cependant fermes ; des groupes qui soient :

- des lieux de rencontre de jeunes ayant le même projet,

- des lieux de partage et de critique de ce qu’ils vivent,

- des lieux d’écoute et de lecture des signes de Dieu dans leur vie de jeunes,

- des lieux de recherche de Jésus-Christ au coeur de leur vie.

3) Des modes d’accompagnement différents - spécifiques - fermes :

Si nous posons ainsi les problèmes à partir des personnes, nous constatons que

  • des jeunes différents attendent des modes d’accompagnement différents : selon les cas, c’est l’institution permanente ou la diaspora - c’est le groupe de recherche ou bien parfois un cheminement plus individuel - qui sera le lieu privilégié où un projet de jeune prendra corps, où il pourra en préciser et en vérifier la véritable signification. Ces formes diverses d’accompagnement, que la vie actuelle conduit à diversifier, veulent répondre à la diversité des personnes, des besoins, des appels.

  • Ces divers modes d’accompagnement doivent devenir, les uns par rapport aux autres, spécifiques. Dans une pédagogie auprès de jeunes en recherche, il y a des lois communes pour l’accompagnement- Mais autre est la vie d’un jeune en institution permanente, autre est la vie d’un jeune en diaspora. Il s’agit, de part et d’autre, d’inventer - car ce n’est pas encore fait, ce n’est jamais fait - une pédagogie spécifique. Ces divers modes d’accompagnement doivent garder, ou plutôt conquérir leur originalité. Par exemple, la diaspora, même si elle est née de l’institution, n’en doit pas être une excroissance ; peut-être doit-elle un peu plus se démarquer, pour exercer une pédagogie originale. De même, les groupes do recherche pour jeunes filles, surtout s’ils sont plus informels, n’héritent pas d’une pédagogie toute faite ; elle, demeure à inventer avec ces jeunes filles et pour elles, à partir de ce qu’elles sont, vivent, attendent.

  • Ces divers modes d’accompagnement doivent être fermes : la méfiance ressentie parfois, chez certains, à l’égard des institutions permanentes, chez d’autres à l’égard de la diaspora, ne vient-elle pas de ce que, ici ou là, la pédagogie exercée n’est pas ou ne paraît pas assez sérieuse, assez ferme ? Chaque cheminement a ses valeurs et ses limites, mais il doit avoir aussi ses exigences et sa fermeté... ce qui nous amène à la troisième question :

III - "ACCOMPAGNER DES JEUNES EN RECHERCHE DE VOCATION", QU’EST-CE QUE CELA VEUT DIRE ?

"Etre en, recherche, ce n’est pas chercher à percer un avenir mystérieux, une insondable volonté de Dieu On ne cherche que ce qui est ; or une vocation, en tant qu’appel et en tant que réponse, se fait, s’invente... Et chercher avec quoi ? Avec sa raison ? C’est tellement décevant ! Avec son coeur ? C’est tellement dangereux ! Enfin, rien n’est plus traumatisant pour une personne que de vivre devant un point d’interrogation, d’avancer dans un tunnel dont on ne voit pas le bout.

Pour un jeune, être en recherche, n’est-ce pas plutôt :

- se chercher soi-même, pour se connaître : en sa vie réelle, en son milieu, avec ses valeurs et ses limites, avec ses possibilités, "ce plus qui est en nous" (Valéry)

- chercher Jésus-Christ car il ne peut appeler à Lui que ceux pour qui il devient "Quelqu’un".

- chercher ce que Jésus-Christ fait - dit - demande, en sa vie, dans la vie de son milieu, dans la vie du monde, en ce "bel aujourd’hui" où son Esprit est à l’oeuvre.

Accompagner des jeunes qui sont ainsi en recherche, qu’est-ce que cela veut dire ?

l) Accompagner ces jeunes, c’est les rejoindre tels qu’ils sont, là où ils vivent.

  • en respectant leur enracinement : il s’agit de les aider à prendre conscience qu’ils sont "d’un peuple", d’un milieu dont ils portent les valeurs, qui les marque, dont ils sont solidaires. On ne peut faire l’économie d’une telle prise de conscience : un jeune qui découvre "ses racines" s’affermit et mûrit. Et comment pourrait-il se sentir appelé par un peuple, envoyé à un peuple, s’il n’a pas pris conscience qu’il était d’un peuple ? Notre souci doit être, non seulement de les aider à s’ouvrir à ceux qui les entourent, mais de les amener à découvrir qu’ils sont enracinés dans un milieu, solidaires de ce milieu.

  • En acceptant que ces jeunes soient de leur génération, mêlés à d’autres jeunes dont ils partagent la vie, la psychologie, les valeurs, les contradictions, le langage. Geneviève poursuit en fac les études que j’y ai faites il y a 20 ans, mais c’est un autre monde : je ne le connais et je ne connais Geneviève là-dedans que si j’oublie ce que j’ai vécu et si je découvre ce qu’elle vit... La vie d’une classe de terminales en lycée, je ne la connais que si j’écoute ce que m’en révèlent René et Pierre-Yves... Cela exige de nous que nous oubliions notre histoire pour écouter la leur, notre psychologie d’alors pour discerner la leur, nos propres valeurs pour découvrir les leurs.

  • En accueillant leur projet tel qu’il est. Facilement, nous jugerions leurs projets fragiles ou inconsistants - et peut-être objectivement le sont-ils ! Il y a un discernement à faire, surtout pour les aînés. Mais ne doit-il se faire "dans le temps", en jugeant la cohérence entre le projet et la vie, en tenant compte des "pas" qu’un projet permet de faire, en relisant globalement ce qu’est un cheminement ? Je pense à Marie-Cécile, qui a exprimé à 19 ans un projet de vie religieuse qu’elle gardait secret depuis l’âge de 12 ans : la première fois que je l’ai rencontrée, ma réaction futola suivante : fille généreuse, mais petite fille ! Ce ne sont pas des filles comme elle qui vont inventer la vie religieuse de 1980 ! "Mais je sais maintenant les pas qu’elle a faits : recherche d’une réelle autonomie vis-à-vis de sa famille, apprentissage d’une profession, engagement dans un mouvement apostolique... Tout cela parce que, en groupe de recherche, avec d’autres, elle a compris ce que d’abord elle devait vivre. Alors, parfois, je me dis ;"Et si j’avais dédaigné son projet ?"

2) Accompagner ces jeunes, c’est les aider à vivre leur recherche dans un style de Vie baptismale.

Plutôt que d’énoncer des principes, je me référerai au récit biblique de la rencontre de Dieu avec Moïse, pour y contempler l’attitude du Seigneur envers celui qu’il appelle. Avant d’appeler Moïse pour l’envoyer, il prend la précaution de se faire connaître, de se révéler ; il révèle à la fois sa transcendance : "la terre que tu foules aux pieds est une terre sainte..." et sa proximité : "Je suis le Dieu de tes pères". Il se révèle car il"ne peut appeler à lui que ceux pour qui il est devenu Dieu vivant. En second lieu, il lui révèle les besoins du peuple, et s’il exprime combien il les a sentis, c’est pour qu’à son tour Moïse les perçoive : "J’ai vu la misère de mon peuple, je connais ses angoisses". Il ne peut envoyer Moïse au service de son peuple que s’il a perçu que ce peuple attendait une libération, une espérance. Enfin, il invite Moïse à demeurer attentif aux signes qu’il lui donne : la rencontre a lieu parce que Moïse a accepté de s’approcher du buisson ardent pour voir ce que cela "signifiait", et le Seigneur annonce un autre signe "auquel tu reconnaîtras que ta mission vient de moi".

Chercher le Seigneur - écouter les besoins d’un peuple et s’engager à son service - lire les signes de Dieu dans la vie, n’est-ce pas cela, vivre son baptême comme une vocation, être fidèle à sa vocation baptismale ? Alors, accompagner des jeunes baptisés en recherche de vocation, c’est les aider :

- à chercher et à rencontrer un Dieu qui est Quelqu’un, qui agit, qui appelle,

- à écouter ce peuple où ils vivent, pour percevoir ses appels, ses cris,

- à lire, à relire, dans la vie, les signes que Dieu leur adresse.

Et c’est la fidélité à la vocation baptismale qui permet à une vocation particulière de se préciser, en un cheminement de baptisé-

Cela ne peut être vécu qu’en communauté ecclésiale : c’est dans une communauté d’accompagnement que ces jeunes peuvent recevoir la révélation d’une Eglise vivante, découvrir les diverses vocations et leur complémentarité, prévoir et relire leur engagement en ce milieu où. ils vivent.

3) L’accompagnement doit partir de la vie de ces jeunes.

Quel que soit le mode choisi, l’accompagnement doit permettre :

Un partage de ce qui est vécu par ces jeunes :
leur "présence" dans un milieu (familial, professionnel, scolaire...) : relations, attitudes, engagements...
leur présence au Seigneur dans le concret de leur vie actuelle,
leur projet d’avenir, avec le cheminement qu’il provoque et les choix qu’il nécessite...

Souvent, ils découvrent ce qu’ils vivent, le sens de cette vie, lorsqu’ils sont ainsi amenés à le partager. Mais ils ont besoin du regard des autres pour le découvrir, de la confiance des autres pour le dire. Un tel partage souvent libère : Elisabeth s’est libérée le jour où, éclairée par le regard des autres en son groupe de recherche, elle a su, pour la première fois, dire ce qu’était sa vie de famille. "Maintenant, c’est une autre Elisabeth", disent ses amies de 1’équipe.

Une lecture de ce qui est vécu, grâce à la révision de vie

- pour découvrir, dans leur vie, dans la vie de leur milieu, "valeurs" et "péché",

- pour y reconnaître plus personnellement Jésus-Christ qui s’y révèle et y agit,

- pour s’éduquer à percevoir les appels du Seigneur à la conversion, au dépassement, au don de soi,

- pour améliorer aujourd’hui leurs conditions de cheminement : souvent le groupe est le lieu où, à partir de la révision de vie, ils peuvent prévoir, les uns grâce aux autres, les "pas" qui sauvent, mûrissent, engagent.

Une recherche de Jésus-Christ à travers ce qui est vécu.
Consciemment ou non, les jeunes attendent un accompagnement qui aille jusque là, ce qui suppose :

- que le regard sur la vie mène à l’accueil de la Parole de Dieu qui l’éclaire, (lien entre révision de vie et écoute de la Parole de Dieu).

- que la révision de vie suscite la prière de repentir, d’action de grâces, de louange, (lien entre révision de vie et prière)

- que ce qui est vécu par ces jeunes, dans la vie quotidienne comme dans leurs rencontres, soit célébré, en vérité et dans leur style, dans l’Eucharistie. (Lien entre vie et Eucharistie).

Accompagner en croyants des jeunes, c’est, en acceptant les lenteurs d’un cheminement, vouloir aller jusque là.

4) Cet accompagnement doit être poursuivi en référence au projet de ces jeunes.

C’est au nom d’un projet commun que ces jeunes attendent un accompagnement et à l’occasion, d’une manière ou d’une autre, se regroupent. L’accompagnement de ces jeunes baptisés doit donc se faire en référence à ce projet.

Sans doute il est parfois des temps où il ne faut pas énerver une recherche en accentuant semblable référence. C’est vrai notamment auprès de certains adolescents, petits ou grands, dont on risque parfois de gâter le cheminement par une insistance inopportune ; ils demandent peut-être alors qu’on les "laisse vivre aujourd’hui en paix", et il est parfois bon de "laisser dormir" le projet. L’essentiel est que, même alors, dans un climat de respect devant le mystère d’une vocation, l’éducateur "ait une mémoire".

Cette réserve faite, pour que la pédagogie exercée auprès de ces jeunes devienne spécifique, il faut que soit constamment poursuivi un double mouvement :

- le mouvement "Vie et Projet" : ce que- je vis, ce que je découvre, quelles incidences cela a-t-il sur le projet que j’ai ?

- le mouvement "Projet et Vie" : ce projet que j’ai, quel retentissement a-t-il dans na vie ? Quels "pas", quelles concessions me demande-t-il ?

Au plan spécifique, c’est là, il me semble, ce qu’il y a de plus rude dans la mission de celui qui accompagne. Certains jeunes notamment s’obstineront à "poser les problèmes" que suscite leur projet : problèmes de "leur vocation", de l’identité du prêtre et de la religieuse, de l’évolution du sacerdoce et de la vie religieuse... Pour respecter vraiment ces jeunes, il faut accueillir et aborder ces questions. Mais le rôle de l’accompagnateur, tout en participant avec eux à cette recherche, n’est-il pas de les amener patiemment à revenir à ce qu’ils vivent, à remettre en cause leur vie d’aujourd’hui à partir de ce qu’ils découvrent ?

Récemment, une équipe de jeunes en diaspora avait demandé à vivre une rencontre dans un monastère de contemplatifs "pour voir quel sens peut avoir cette vie". Lors d’un dialogue avec quelques jeunes moines, ils ont posé toutes leurs questions... et cela a duré longtemps. Mais j’ai admiré l’attitude de l’un de ces moines qui, après avoir répondu à leurs questions, leur a demandé : "Mais nous aussi, nous avons quelque chose à apprendre de vous. Alors, dites-nous, pour vous, prier... qu’est-ce que c’est ?"...

5) Enfin, pour nous, accompagner c’est peut-être surtout
veiller à ce que ces jeunes soient accompagnés là où ils vivent,
et aider d’autres à remplir cette mission auprès d’eux.

En effet, ce sont ceux et celles qui vivent près de ces jeunes qui sont les mieux placés pour les aider à découvrir ce qu’ils vivent, à le relire dans la foi, à y discerner les appels de Dieu. De plus, il est des prêtres, des religieux, des religieuses qui se sentiront concernés par une pastorale des vocations dans la mesure où ils connaîtront et accompagneront un jeune qui vit semblable cheminement. Tel cet aumônier de lycée qui, après avoir participé à un week-end de diaspora, disait :"Maintenant, je prends conscience que c’est mon affaire".

Alors, la question primordiale est peut-être celle-ci : le jeune, avec qui est-il en lien ? Avec qui peut-il :être en relation ? Qui peut 1’accompagner ? Comment vais-je aider celui qui remplira cette mission ?...

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CONCLUSION : D’ABORD, UNE CERTAINE ATTITUDE ! ...

Accompagner des jeunes en recherche de vocation, c’est sans doute exercer une certaine pédagogie, mais n’est-ce pas surtout se convertir à une certaine attitude ?

J’ai demandé à un groupe de jeunes ce qu’ils attendaient du prêtre qui les accompagne ; en les écoutant, j’ai surtout entendu ceci :

  • "Etre attentifs" à ce qu’ils sont, au projet qu’ils ont, à ce qu’ils vivent. Mais être attentif, ce n’est pas seulement écouter, c’est aussi parfois interpeller, poser la question qui leur permettra de s’exprimer, de mieux lire ce qu’ils vivent et d’en mieux percevoir la signification.

  • "Vivre avec eux une même recherche", au besoin en partageant notre propre vie de prêtres, de religieuses. Mais ils attendent de nous que, cheminant avec eux, nous sachions aussi les précéder, comme témoins d’une foi plus adulte et d’un engagement déjà pris.

Voilà ce qu’ils m’ont dit. Mais j’ajouterai, parce que l’expérience m’a prouvé que c’est nécessaire :

  • Etre patients, de cette vraie patience qui est foi en un Seigneur qui agit dans le temps : Dieu toujours prend son temps.

  • Nous remettre nous-mêmes en cause. Pourquoi le Seigneur ne nous interpellerait-il pas à travers leur vie, leurs valeurs, leurs questions ? Le prêtre, la religieuse de demain ne seront-ils pas le fruit de la "conversion" de ces aînés que nous sommes ?

Michel VENNIN