Des jeunes engagés dans le M.R.J.C. pensent à la vie religieuse


Diverses sont les Vocations dans l’Eglise, pas seulement du côté où chacun entend et répond à l’appel du Seigneur, mais aussi du côté où fonctions et responsabilités engagent à servir et signifier l’Eglise.

S’il faut par exemple et en particulier distinguer ministère sacerdotal et vie religieuse - qui ne se situent pas au même niveau - demandons-nous si, tenant compte des besoins d’aujourd’hui et de demain, nous avons le même et unique souci d’Eglise, aussi bien pour les vocations religieuses que pour les vocations sacerdotales.

Pour la vie religieuse, plusieurs soeurs et communautés rurales se, sont exprimées déjà dans EGLISE AUJOURD’HUI. Ce mois-ci, nous sommes tous invités par les trois témoignages qui suivent, venant de trois responsables du M.R.J.C., à être attentifs à l’existence, à l’évolution, à l’avenir de la vie religieuse dans l’Eglise dans le monde ; au moins à partir des jeunes qui, en fait, aujourd’hui dans le Mouvement, se posent pour eux-mêmes cette question de vocation religieuse.

Par la même occasion, EGLISE AUJOURD’HUI fait savoir aux prêtres et aux religieuses comme aux intéressés qui se (et leur) posent la question, que Ph. Tassel aumônier M.R.J.C. sert de "boîte à lettres" pour recueillir les idées, suggestions et questions des gars et filles qui, dans le Mouvement, sont en recherche ou en projet de vocation religieuse.

Pourquoi une "boîte à lettres" et tenue par un aumônier du Mouvement ?

- D’abord, c’est dans leur expérience d’engagement au M.R.J.C. que de fait des jeunes se posent la question,

- la discrétion aussi semble nécessaire pour ces jeunes, en équipe certes, mais en recherche de vocation particulière.

- Enfin, l’équipe nationale M.R.J.C. veut commencer, pour sa part et sans préjuger des modalités à venir, de répondre à ce besoin en invitant les intéressés eux-mêmes à s’exprimer et dire ensemble ce qui serait à faire, dans et hors Mouvement.

Ainsi, Ph. TASSEL, avec ceux et celles qui lui écrivent, verra bientôt s’il est souhaitable et possible de faire quelque chose, comme semble bien l’indiquer Chantal, Marie-Cécile et Elisabeth qui s’expriment maintenant. Pourquoi pas ?

Philippe TASSEL.

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"Mon village a près de 500 habitants mais ne compte plus d’agricoles depuis bientôt 10 ans. J’ai maintenant 24 ans. En 1960, à l’âge de 14 ans, pour différentes raisons familiales, je suis entrée dans une usine de tissage du coin. Trois ans après, une fille qui travaillait avec moi m’a donné une invitation à une rencontre... C’est comme ça que j’ai découvert le M.R.J.C. : une équipe de huit -filles, toutes dans le tissage, de trois usines différentes, ça a été la première provocation à faire quelque chose avec d’autres, à l’usine, au village, dans le secteur.

Je venais de commencer la responsabilité M.R.J.C. à la zone lorsque en été 66, je vais au pèlerinage à Lourdes et participe aux rencontres prévues pour les jeunes" C’est en fait au retour que. je me pose une question qui ne me laisse pas tranquille. Quelque chose en moi me disait que cet engagement au Mouvement ne suffisait pas. Puis me vient assez vite cette idée de la vie religieuse, en me disant : "Pourquoi moi ?" Tout change le jour où je me dis :" pourquoi pas moi ?"

Quand je me décide a le dire au prêtre de chez moi, qui était aussi notre aumônier, c’est à la fois : libération, joie et paix. Le lendemain à l’usine, j’avais envie de surmonter le bruit des métiers à tisser pour crier cette joie en moi, la faire partager à tous.

La recherche commence. Je voulais tout faire, tout savoir, et tout de suite. J’ai eu la chance de rencontrer ce prêtre et une religieuse avec laquelle je collaborais un peu à la zone, qui me disaient : "patience !" Je ne voulais rien attendre et ils m’agaçaient un peu. J’étais alors plus prête à faire MA volonté que disponible à celle du Seigneur vécue dans le quotidien.

C’est le Mouvement qui m’a fait vivre cette attente par différents engagements. En disant oui à une responsabilité, je choisissais de prendre moins de temps pour chercher où j’irai ; mais ça m’obligeait à "me mouiller" plus à l’usine, au village, à vivre réellement ce que je suis, avec ce que j’ai.

Actuellement, permanente à l’équipe régionale, je me rends compte combien je suis marquée par ce que j’ai vécu et ce que je vis aujourd’hui, dans le Mouvement. Je crois que ma recherche d’une congrégation est plus sérieuse et aussi facilitée. J’ai des points de repère qui sont faits simplement par ma vie. Où j’en suis maintenant ?

- Je ne peux penser mon orientation sans penser travail dans le monde rural. Pour moi, en sortir serait presque de la lâcheté.

- Le regard que je peux avoir sur l’Eglise dans le rural me fait croire pour l’avenir à des équipes de : laïcs, prêtres, religieuses, responsables d’un secteur. Je m’interroge sur des communautés qui vont dans ce sens-là.

- Bouger, se remuer, se déplacer, animer ou participer à des activités me fait aussi éprouver le besoin de silence et de prière. Je cherche une forme de vie religieuse qui donne une grande place à ces deux choses.

Pour le moment, apprendre chaque jour à vivre pleinement ma vie de jeunes, là où je suis ; apprendre à être disponible, à accueillir, à aimer, c’est ce qui est le plus important pour moi. C’est aussi, je le crois, la meilleure préparation à ce que je vivrai dans quelques temps.

Dès le début de ma recherche, habituée à partager en équipe ce que je vivais, il m’a été très dur de ne pouvoir le faire sur cette question-là. En discuter seulement avec des adultes, ce n’est pas suffisant.

Pendant trois ans, j’ai questionné le prêtre responsable de la commission des vocations pour que quelque chose se crée pour les filles. C’est seulement l’an passé, après avoir reposé la question à un prêtre et une religieuse que nous avons décidé une première rencontre sur le diocèse, en invitant personnellement quelques filles. Sept sont venues ; en septembre nous n’étions plus que quatre et en ce moment trois, mais peu importe le nombre.

Je m’aperçois que pour moi, la question reste toujours posée. Je suis la seule rurale, la seule ouvrière, la seule à avoir une expérience de vie d’équipe. Ce n’est pas par cette équipe que ma recherche peut se préciser maintenant.

Pratiquement, je crois que ce n’est pas multiplier pour rien les affaires que de vouloir aussi se rencontrer en tant que jeunes du Mouvement, entre jeunes qui ont le même projet sur l’homme et sur un milieu, habitués à une certaine démarche en équipe. Tout en sachant qu’il y a une part de recherche personnelle qu’aucune équipe ne peut remplacer."

CHANTAL

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"J’ai 24 ans. J’exerce la profession de Travailleuse familiale, que j’aime beaucoup, qu’il faut améliorer, dans laquelle je me sens épanouie. Je suis aussi engagée dans le M.R.J.C.

Cela fait plusieurs années que je pense à la vie religieuse, mais pas spécialement à une congrégation. Je m’y prépare en essayant de vivre ma responsabilité dans le M.R.J.C.

L’an dernier, j’ai fait l’expérience de six semaines au postulat d’une congrégation de ma région. En y vivant et en la découvrant, j’avais l’impression que je devrais abandonner tout ce que le Mouvement m’avait fait vivre ; je ne me sentais pas faite pour cette vie de soumission enfantine, car il me semblait qu’on me demandait d’abdiquer ma personnalité et de m’éloigner de la vie du monde, alors que j’avais appris à vivre au milieu, avec et pour le monde...

Pour l’instant, ma profession et ma responsabilité M.R.J.C. semblent me suffire, mais je crois que le Seigneur me demande plus, mais quoi... ? Une suite à mon engagement dans le Mouvement, certainement, mais je ne sais pas le définir, même si je suis convaincue de la façon d’y parvenir. Mais c’est dur, car j’ai parfois l’impression d’être seule à faire ce cheminement.

De tout cela, j’aimerais en discuter avec d’autres jeunes du Mouvement qui se. posent un peu la même question..."

Marie-Cécile.

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"Depuis près d’un an, j’ai retrouvé un groupe du diocèse, qui comme moi, se posent la question de vie religieuse. Mais ce groupe ne correspond pas tout à fait à ce que j’attends. Ce sont des filles qui sont engagées dans leur milieu de travail, mais qui n’ont aucune expérience d’engagement dans un Mouvement. Alors que moi, c’est un peu le contraire. Bien sûr, ma profession joue un rôle important. Mais ce qui est encore plus important, c’est le Mouvement M.R.J.C... Là en équipe de zone, nous sommes constamment en contact avec les responsables des secteurs et les ados, pour les diverses activités.

A. travers tout ça, ce qui est important : c’est tout d’abord travailler en équipe, puis rencontrer des gens -des jeunes plus particulièrement - très naturellement à travers des activités désirées ensemble, dans un cadre non imposé, et que l’on crée, que l’on choisit. C’est aussi lutter pour une promotion du monde rural, lutter contre les mentalités. Et je me rends compte qu’à travers ma recherche, cela pèse lourd.

Pendant tout ce travail, j’ai découvert le Christ, personne vivante en chacun de nous, donnant un sens à notre vie. Et cela je ne peux le garder pour moi. D’autres ont le droit de le découvrir. C’est cela qui me pousse à rechercher un engagement pour le Christ et pour les autres.

C’est pour cela que je souhaite très fortement rencontrer des jeunes ayant vécu un peu les mêmes expériences que moi dans le M.R.J.C... Car lorsqu’on se retrouve presque seule, c’est dur..."

Elisabeth.


Les jeunes gars et filles du M.R.J.C. en recherche ou projet de VIE RELIGIEUSE peuvent s’adresser à :

Philippe TASSEL, aumônier M.R.J.C.
18, rue A. Rodin - 92 - SEVRES
ou 42, rue La Bruyère - 75 - PARIS 9°

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(1) Cet article a paru dans la revue "Eglise aujourd’hui", du mois de mai 1971. [ Retour au Texte ]