Pour une autre fécondité, le célibat


Claude Lestage
prêtre du diocèse d’Aire et Dax




Je n’ai jamais philosophé sur cet état de vie ! En revanche, depuis mon enfance, j’ai été confronté à la question. En voici quelques exemples.


Mis à part

« Tu es fou, les curés ne peuvent pas se marier ! » me lance une fillette de la classe enfantine. Je reste saisi. Alors, je ne peux pas aimer ? Même pas les fillettes pour nos jeux de groupe ! Je me retrouve seul, à l’écart.

Pour l’amour de Jésus

« Si mon frère voulait rentrer au séminaire, je l’en empêcherais » explose une jeune voisine à quelques jours de mon entrée au petit séminaire. Comme sa réflexion est loin de ma motivation intérieure : le grand amour qui m’habite depuis mon enfance et dont le nom, Jésus, me remplit le cœur. Je ne sais rien en dire mais il me veut prêtre.

Dans le monde

« Si tu le veux vas-y, mais fais-le bien ! » Le chef d’équipe m’a considéré un instant en silence depuis le haut de l’échafaudage avant de réagir. A la reprise de l’après-midi, en chemise et cravate, je lui annonçais que j’avais fini mon stage dans le bâtiment et que le soir même je rentrais au grand séminaire de Bayonne. Je comprenais que le célibat, objet de moqueries, était souvent mis en doute.

En Eglise

« Oh ! les meilleurs sont moins bons et les moins bons meilleurs. » Cette réflexion d’un catholique chinois, commentant les persécutions de son pays, me revient quand je retrouve le grand séminaire en 1970. Les rangs des camarades se sont éclaircis et des prêtres ont quitté le ministère pour se marier. Certains avaient été des leaders qui avaient soutenu l’enthousiasme de mes années de jeunesse.

Appelé

« Je m’engage dans un bruit de murailles qui s’écroulent ! » Au soir de mon ordination, je ne veux pas ignorer ce qui secoue l’Eglise dans laquelle je m’engage. C’est une folie mais je reviens à l’appel intérieur que je dois à mon baptême, particulièrement réfléchi dans les dernières années. Une phrase d’Evangile m’a libéré : « Jésus appela à lui ceux qu’il voulut. Et laissant tout, ils le suivirent ! »

Pour une autre fécondité

« Quand ma sœur me met son dernier bébé dans les bras, mes intestins se nouent ! » disait une religieuse. Moi aussi, en voyant les jeunes pères de ma génération chérissant leur nouveau-né, j’apprends que le prix du sacrifice s’appelle tendresse.

Père spirituel

« Vous êtes un peu mon père ! » Jeune prêtre, j’aspire à être frère et ami. Plus tard, je comprends que j’ai à donner ce que j’ai moi-même reçu de nombre d’aînés tant sur le plan humain que spirituel : la confiance et la force. Aussi, pour qu’elle ne soit pas ambiguë, j’ose demander au Seigneur cette paternité. C’est peut-être à cause de cela que je me sens comblé de tant de relations ouvertes qui sont venues sur ma route. Il m’arrive parfois de penser que je suis trop gâté.

Témoin du Christ

« Je sais, vous voudriez que les prêtres se marient ! » Ah ! ce sujet des banquets de baptême ou de mariage ! Je profite de la détente pour parler de cet unique amour qui remplit toute ma vie. Je parle aussi de ceux et celle qui ont fait le même choix et dont la vie est équilibrée et cohérente.
Ces tablées de visages tendus et silencieux me disent une grande soif inaltérée.


Témoignage paru dans
Vocations, revue du diocèse d’Aire et Dax, n° 8, 2006