"Seigneur, donne-nous des prêtres !" Oui... mais...


Jean Brossaud
Prêtre du diocèse de La Rochelle et Saintes




Vous pouvez adresser cette supplique à Dieu, Jésus lui-même nous en a donné l’ordre : « Priez le Maître de la moisson d’envoyer des ouvriers pour sa moisson » (Lc 10, 2). Belle et juste prière, encore faut-il qu’elle soit vraie, que celui qui la prononce soit prêt à s’engager pour soutenir une éventuelle vocation au sein de sa propre famille.

Or, j’ai été témoin du contraire, hélas ! Deux jeunes, un garçon et une fille ont pensé l’un à devenir prêtre, l’autre religieuse. Leurs parents, pourtant chrétiens, leur ont « barré la route ». Quel gâchis ! Soyons sérieux ! Demander quelque chose à Dieu ? Oui… mais… à condition de nous engager à œuvrer pour que se réalise – avec son aide – ce que nous demandons.
Et pourtant… Quand la question du manque de prêtres est abordée, j’entends deux types de réponses : « Nous en ferons venir de l’étranger » ; ou bien : « On aura des prêtres si on leur donne la possibilité de se marier. » Vous remarquerez que, dans les deux cas, les réponses cherchent à dédouaner ceux qui croient avoir trouvé la solution !
Cette manière de traiter la question permet, en effet, de ne pas se « mouiller ». En schématisant grossièrement, on pourrait traduire : « S’il n’y a pas assez de prêtres, cherchons ailleurs, mais pas chez nous ! Et s’il n’y a pas de vocations chez nous, c’est en raison des lois trop rigides de l’Eglise. En tout état de cause, nous n’y sommes pour rien ! »
Faire venir des prêtres d’Afrique, d’Amérique latine ou d’Asie, pourquoi pas ? Déjà des prêtres étrangers sont à l’œuvre, en France. Nous n’avons qu’à nous louer de l’excellent ministère de certains. D’autres ont beaucoup plus de difficultés : cultures différentes, rythmes de vie, barrière de la langue, etc. Trop miser sur cette solution, ne serait-ce pas nous désengager à bon compte ? Une Eglise vivante est celle qui se donne les ouvriers dont elle a besoin pour accomplir sa mission d’évangélisation.
Laisser la possibilité aux prêtres de se marier pourra-t-il grossir leurs rangs ? Cela relève de la myopie… Pourquoi donc veut-on marier les prêtres ? Leur a-t-on demandé s’ils le désiraient ? Un sondage nous révélerait très certainement le contraire. Les prêtres, dans leur grande majorité, se sont engagés dans l’Eglise pour servir leurs frères. Avec toute la disponibilité et la générosité dont ils disposaient. Le célibat était pour eux librement accepté. Les rendant plus disponibles pour le service de tous. Pourquoi vouloir réduire cette disponibilité en y ajoutant les charges inhérentes à une vie de famille ?
La vie conjugale n’a-t-elle pas ses propres difficultés ? Faudrait-il les ajouter encore à celles du ministère presbytéral ? Et que dire – si par défaut – le couple d’un prêtre se trouvait en difficulté ? A coup sûr, on lui dirait : « Médecin, guéris-toi toi-même. »
Le ministère du prêtre réclame un engagement total au service de ses frères. Il suppose un amour sans réserve, en réponse à l’amour premier de Dieu pour tout homme. Le célibat du prêtre dit à Dieu : « Tout mon être est à toi, Seigneur ! » Ce qui suppose un grande confiance en ce Dieu qui mérite que je lui donne tout. Enfants, jeunes et adultes, cultivons cette relation intime que Dieu a voulu vivre avec nous. C’est sur ce terreau d’une foi vécue en Eglise, au service des autres, que l’idée de vocations de prêtres pourra germer et surgir. Les jeunes ont besoin de deviner quelle serait la joie de leurs parents, s’ils leur partageaient, un jour, un appel à devenir prêtre. Sans ce désir, de la famille ou de l’entourage, il n’y aura pas de vocations.
Voulons-nous des prêtres ? Oui. Alors, cultivons de désir d’en avoir dans notre propre famille et parlons-en aux plus jeunes de façon positive ! Pour l’Eglise et pour les hommes : merci !


paru dans Semailles n° 220 (avril 2006),
revue du SDV de La Rochelle et Saintes