Une vocation revivifiée par Elisabeth de la Trinité


Jean Rémy,
prêtre du diocèse de Cambrai

 

 

Ma rencontre avec Elisabeth de la Trinité

 
En 1983, à cinquante-quatre ans, après trente-deux ans de vie paroissiale, je devais partir en Haute-Volta comme prêtre Fidei Donum... Tout était prêt... Au moment de partir, coup de théâtre : crise cardiaque avec thrombose artérielle ! Les médecins sont formels : repos absolu, vie végétative… Je dois prendre possession d’un presbytère désaffecté dans une petite paroisse de cinq cents habitants dont je ne serai même pas le curé ; repos oblige, ce sera l’inactivité, le silence et la solitude à Cagnoncles.

Je me demande comment je vais supporter une telle épreuve. Quelques jours avant mon déménagement, je pars chez les religieuses Augustines de Saint-Amand pour une journée de réflexion et de prière. Après l’oraison du soir, je trouve, en quittant la chapelle, quelques spécimens de la revue Prier. Je m’assieds dans un fauteuil, ouvre cette revue et tombe sur une prière : « O mon Dieu, Trinité que j’adore... », signée Elisabeth de la Trinité. Je ne la connais pas, j’ignore si elle est Française ou Canadienne, si elle a vécu au XVe ou au XXe siècle, mais c’est le coup de foudre !
« O mon Dieu, Trinité que j’adore, aidez-moi à m’oublier entièrement pour m’établir en vous, immobile et paisible comme si déjà mon âme était dans l’éternité. […]
O mon Christ aimé, crucifié par amour […]
O Verbe éternel, Parole de mon Dieu […]
O Feu consumant, Esprit d’amour […]
Et vous, ô Père [...]
O mes Trois, mon Tout, […]
je me livre à vous comme une proie […]. »

D’un seul coup, je comprends que partir en Afrique n’était pas mal et que me dépenser dans une paroisse – comme je le faisais depuis trente-deux ans – c’était valable ; mais je comprends surtout, d’un seul coup, que ce que me demande Jésus maintenant, c’est de vivre cette prière, de la faire passer dans ma vie, d’en faire le programme de mon existence... Celle qui va commencer et que vraiment je n’ai pas choisie : repos, solitude, inactivité, silence.

Arrivé à Cagnoncles, j’essaie de savoir qui est cette Elisabeth de la Trinité et achète très vite ses Œuvres complètes.
C’est l’éblouissement ! Tout ce qu’Elisabeth a écrit, tout ce qu’elle a vécu, tout ce qu’elle demande m’atteint au plus intime. C’est à moi qu’elle s’adresse. Elle me fait redécouvrir par le dedans tant de choses que je connaissais par cœur pour les avoir prêchées des centaines de fois... Mystérieusement, elle est en train de refaire toute mon éducation chrétienne, toute ma théologie, toute ma pratique pastorale. J’ai été, pendant dix ans, tellement emporté par les activités de mon ministère que j’avais totalement perdu le goût de prier ! Comme beaucoup, j’étais pris par la tactique, la stratégie, les moyens à employer, « les canalisations », mais j’avais perdu, moi aussi, le chemin de la « source ».

Elisabeth reprend tout à la base et, à son contact, les affirmations les plus banales deviennent des appels percutants... Dans ma retraite forcée, je lis, je relis, je prends des notes ; mais surtout... je prie, de longues heures d’oraison qui deviennent un mystérieux besoin, le moyen découvert d’une véritable efficacité, d’une vraie rentabilité spirituelle et apostolique. Je ne comprends pas ce qui m’arrive, mais tout est transformé. Ma vie, mon épreuve de santé, prennent leur vrai sens. De tout cœur, je peux dire (parce que c’est vrai) : « O mes Trois, je me livre à vous comme une proie », mais je n’y suis pour rien. Pourquoi une telle aventure est-elle en train de m’arriver ? Je ne sais pas, mais j’en vis de tout mon être, avec tout mon coeur, dans le rayonnement de cette petite carmélite qui m’a tout apporté.
Je veux, dans cet article, comme dans le livre, rendre grâces pour tout ce que j’ai essayé de vivre, ou plutôt pour ce que Dieu lui-même, par Elisabeth de la Trinité, m’a donné de mieux vivre : la foi, la Trinité, l’oraison, l’Eucharistie, l’Eglise.

La foi

 
L’évidence première, c’est la permanence, à travers les joies, les épreuves, les tentations de ma vie, de la foi ; cette foi qui est un don de Dieu, ce merveilleux cadeau reçu sans aucun mérite de ma part qui a permis, et permet encore, de donner à tous les événements, heureux ou douloureux, de mon existence, leur vrai sens. Avec saint Paul, je peux dire : « J’ai combattu le bon combat. J’ai gardé la foi. »
Cela n’a pas toujours été facile et je conçois bien que certains, devant le mal qu’ils ressentent (ou qu’ils voient à l’œuvre autour d’eux et dans le monde) perdent la foi. J’ai, moi aussi, des tentations contre la foi... Souvent, je me suis dit : « C’est pas possible de croire des choses pareilles et d’oser les proclamer ! »
Chaque fois, mystérieusement, je réagis de la même façon : « Seigneur, envers et contre tout, envers et contre tous, je crois tout cela » ou plutôt : « Seigneur, je crois en Toi, mais augmente ma foi. »

Ma foi, aujourd’hui plus encore qu’hier, n’est pas l’adhésion intellectuelle à un certain nombre d’idées sur Dieu, d’idées sur l’homme, la nature, la vie, la mort, l’amour ; ma foi, c’est l’adhésion totale, vivante, à Quelqu’un qui s’appelle Jésus-Christ, Lui qui m’a aimé le premier et qui me demande de l’aimer en retour, Jésus le Christ avec le Père et le Saint Esprit.
Du plus profond de mon cœur, je prends au mot ce que demande Elisabeth de la Trinité : « Vivons avec Dieu comme avec un ami, rendons notre foi vivante pour communier à Lui à travers tout... Celui qui rassasie les glorifiés dans la lumière de la vision se donne à nous aujourd’hui dans la foi et le mystère. »

Le mystère de la Trinité

 
Le mystère fondamental, auquel je crois et dont je veux vivre, c’est celui de la Sainte Trinité ; de lui découlent tous les autres. Ce mystère, Elisabeth de la Trinité me l’a fait pressentir. Je vais essayer de vous dire comment ce mystère me fait vivre, me dépasse et, en même temps, me comble ! J’ai rencontré Dieu. Je rencontre Dieu ! J’ai fait et fais encore l’expérience de Dieu ! Vous aussi, sans doute.

Dieu, c’est Quelqu’un, pas cette espèce de potentat qu’il faut craindre parce qu’il est tout-puissant, enfermé dans sa solitude, non, Quelqu’un révélé par Jésus-Christ ! Quelqu’un : Dieu lui-même dans l’unité de sa nature et la diversité des trois personnes qui constituent sa divinité. Dieu est Amour parce qu’il est relation, parce qu’il est communion, parce qu’il est famille, parce qu’il est don réciproque, parce qu’il est Père, Fils et Saint Esprit. La Trinité, c’est la source, le chemin, le but de toute ma vie et je souhaite que ce soit aussi vrai pour vous. Dieu nous aime, c’est le dernier mot de la révélation apportée par Jésus-Christ et, si Dieu m’aime, il me demande de l’aimer à mon tour : « Il y a un Etre qui est l’Amour qui veut que nous vivions en société avec Lui » nous dit Elisabeth.
Le Père, le Fils et l’Esprit nous invitent à vivre en intimité avec chacun d’eux. Cette mystérieuse intimité avec chaque personne divine se vit au centre de notre âme, au plus profond de notre cœur.

Cette intimité ne peut être, si étonnant que cela puisse paraître au premier abord, que réciproque. Je peux établir une relation personnelle d’amour avec Dieu, à travers chaque personne divine, parce que le premier, Dieu – Père, Fils et Saint Esprit – m’a aimé de toute éternité, parce qu’il veut m’aimer, me transformer et m’unir à lui aujourd’hui.
Oui, je le sais, je le crois, je le vis, j’en suis sûr ! Le Père m’aime comme un Père puisqu’il est mon Père. Le Fils m’aime comme un frère parce qu’il est le Fils de Notre Père qui est aux cieux et qu’il est venu partager notre vie d’homme. L’Esprit m’aime parce qu’il est le lien entre le Père et le Fils et qu’il veut, avec Jésus, me conduire au Père.

J’aime le Père en faisant ce qu’il me demande dans le concret de ma vie quotidienne, en acceptant et en offrant les épreuves qu’il m’envoie « pour [sa] gloire et le salut du monde ». J’aime Jésus. Je le regarde dans sa vie humaine, admire son action et ses réactions en face des personnes et des événements de sa vie terrestre et j’essaie de l’imiter afin de conformer ma vie, le plus possible, à la sienne. J’aime l’Esprit-Saint « Feu consumant, Esprit d’Amour » en me laissant faire par Lui qui est capable de me transformer progressivement en Jésus-Christ. Pour que je puisse commencer à dire avec saint Paul : « Ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi. »
Ce mystère fondamental de la Sainte Trinité ne peut se vivre que dans la foi et dans l’amour. Je veux rencontrer le Père, le Fils et l’Esprit dans l’unité de leur commune divinité et cela se fait, en particulier, dans l’oraison.

Le mystère de l’oraison

 
J’ai passé dix ans de ma vie sans prier ! Responsable d’un gros secteur minier, curé d’une paroisse de huit mille habitants, j’avais tellement de travail que je n’avais plus le temps, plus le goût, plus le courage de prier... J’étais tombé dans le panneau de l’activisme... Il a fallu que je rencontre Elisabeth de la Trinité pour que je redécouvre la beauté, la nécessité, la profondeur de la prière. Elisabeth m’a réappris à prier. Je me suis mis tout de suite à faire, comme elle, deux heures d’oraison et lorsque, « miraculé » d’Elisabeth, j’ai accepté de nouvelles responsabilités dans le diocèse, j’ai continué à vivre chaque jour, grâce à elle, ces deux heures d’oraison quotidienne où culmine toute ma vie. Mais je sais que ce qui m’est demandé, à moi, ne l’est sûrement pas à d’autres. Le temps ne fait rien à l’affaire ! Et les cinq minutes que consacre chaque jour une maman submergée de travail valent tout autant – sinon plus – que les deux heures d’oraison d’une carmélite ou de l’abbé Rémy.

Jésus dit : « Quand tu veux prier ». Il ne dit pas : « Quand tu as le temps... de prier ». Il ne dit pas : « Quand tu as besoin de prier, quand tu as envie de prier ». Non ! Il dit : « Quand tu veux. » Alors tu veux ou tu ne veux pas ? Alors, si tu veux, tu y vas, et puis si tu ne veux pas, eh bien, tu restes. Seulement, si tu restes, tu vas passer à côté de l’essentiel. Il nous appelle ! Il nous attend ! Il a envie de nous voir ! Il a quelque chose à nous dire ! Il nous donne rendez-vous. Lui, Père, Fils et Saint Esprit veut me rencontrer ! Quand on commence à comprendre cela, la prière devient un besoin, Elisabeth le dit bien : « Notre âme a besoin d’aller puiser la force dans l’oraison, ce cœur à cœur intime où toute l’âme s’écoule en Dieu, tandis que Dieu s’écouler en elle pour la transformer en Lui » (L 278).

Pour moi, prier, c’est être là devant Lui, avec Lui, en Lui,avec tout ce que je suis, tout ce que je vis, tout ce que je crains et tout ce que j’espère. Je suis là, dans le silence de mon oratoire, avec Jésus qui prie en moi. Seul Jésus, Fils de Dieu, vrai Dieu et vrai homme, est en effet capable de prier et ma prière, si personnelle qu’elle soit, ne peut être qu’une participation à la prière de Jésus. J’en suis conscient tous les jours : ce n’est pas moi qui prie, c’est le Christ qui prie en moi, Lui qui est tout entier tourné vers le Père pour le glorifier, tout entier tourné vers les hommes pour les sauver !

Comme la sienne, ma prière doit envelopper le monde entier. Elle est le lieu, le moment, l’acte où je vais rencontrer six milliards d’hommes.
Je ne monte pas tout seul dans mon oratoire, je prends dans mon cœur tous les hommes, ceux qui sont proches et ceux qui sont loin, l’humanité tout entière. Je suis là, mais je ne suis pas là pour moi. Je suis là pour Lui, je suis là pour eux : cette rencontre avec Dieu me permet mystérieusement de mettre Dieu en contact avec les hommes et les hommes en contact avec Dieu. Ah, quelle dimension extraordinaire prend l’oraison quand, mystérieusement, on a compris qu’elle est un appel auquel on répond. Que c’est une rencontre à laquelle on se rend, que c’est le moyen privilégié où l’on prend en charge, avec Jésus, toute l’humanité.

Je ne veux pas que mon oraison soit coupée de ma vie qui doit progressivement devenir une « oraison continuelle ». Cela veut dire qu’après cette rencontre avec lui, je vais retrouver mes activités, mes responsabilités, mes problèmes, mes soucis mais je vais essayer de les vivre sous le regard de Dieu, je vais essayer de vivre ma vie avec Lui, par Lui, pour Lui. Je dis cela, chaque jour, dans la prière eucharistique : « Tu nous as choisis pour servir en ta présence. »
Je suis loin d’y arriver mais je le désire de tout mon cœur et c’est cela qui plaît à Dieu, j’en suis sûr !

La prière, pour moi, c’est un rendez-vous d’amour. Nous avons tous à être ou à devenir des « mystiques », c’est-à-dire des personnes capables de vivre avec le Père, le Fils et le Saint Esprit, une relation amoureuse. C’est Lui qui nous a aimés le premier et qui demande que nous l’aimions en retour. Cela se vit dans ce moment privilégié et mystérieux de la prière, ce « cœur à cœur » avec Dieu qui doit se prolonger dans toute notre vie.

Cette découverte de la prière a transformé ma vie ! Pendant des années, j’ai fait des œuvres pour Dieu ! Je me suis rendu compte ensuite que l’important c’était de faire l’œuvre de Dieu. Et Elisabeth de la Trinité m’a fait découvrir qu’il fallait aller plus loin : laisser Dieu faire, en moi et à travers moi, son œuvre. […] Que cette heure d’oraison se passe dans la ferveur la plus mystique ou dans une aridité totale, ça n’a aucune espèce d’importance. Ce n’est pas ce que je sens, ce que je ressens qui a de l’importance, c’est ce que le Père, le Fils et l’Esprit sont en train de réaliser en moi chaque fois que je me laisse faire par eux ! Oui, être là devant lui, avec lui, être là pour lui, être là avec les autres, être là pour les autres et dire avec Elisabeth : « Que je sois là tout entière, tout éveillée en ma foi, tout adorante, toute livrée à votre action créatrice » pour la gloire de Dieu et le salut du monde !

Au-delà de l’oraison, ou en deçà si vous préférez, il y a pour moi, comme pour vous, un autre mystère essentiel : celui de l’Eucharistie dont Elisabeth disait : « Rien ne dit plus l’amour qui est au cœur de Dieu que l’Eucharistie. » Je l’ai enfin compris et l’Eucharistie célébrée chaque jour, seul ou avec d’autres, est vraiment pour moi « la source et le sommet de ma vie ».

Le mystère de l’Eucharistie

 
Pour moi, l’Eucharistie n’est pas quelque chose : un repas, une assemblée, une célébration, une hostie consacrée, le pain eucharistique, le Saint Sacrement, etc. Pour moi, comme pour vous j’espère, l’Eucharistie, c’est Quelqu’un ; l’Eucharistie, c’est Lui, Jésus, Jésus vivant, Jésus ressuscité, Jésus pour moi, Jésus pour nous, Jésus pour l’Eglise, Jésus pour le monde, Jésus qui vient, Jésus qui s’offre, Jésus qui se donne, Jésus qui rend grâce. Jésus qui construit l’Eglise. Jésus qui sauve le monde ! Jésus ! Avec le Père dans l’Esprit !

Jésus vient

Jésus vient personnellement, au cours de la célébration de la messe. Il vient avec le Père et le Saint Esprit. Devant le tabernacle, Elisabeth est heureuse de le retrouver :
« O Jésus de l’Eucharistie,
Mon Epoux, mon Amour, ma Vie,
Que j’aime venir chaque soir
T’écouter, Te causer, Te voir ! »
(P 67)

Jésus s’offre

« O mon Christ aimé, crucifié par amour ». Je regarde Jésus sur la croix, je découvre l’incompréhensible amour qui Le porte à donner sa vie de cette invraisemblable manière, et j’en tire toutes les conséquences.

Jésus se donne

L’Eucharistie, c’est Jésus qui se donne, qui se donne tout entier à chacun d’entre nous, mais aussi à toute l’Eglise et à toute l’humanité. Et ce don est réciproque. Jamais je ne l’avais si bien compris qu’en découvrant cette poésie où Elisabeth se met en scène :
« Elle a faim de manger son Maître,
Surtout d’être mangée de Lui,
De bien Lui livrer tout son être
Afin qu’en elle tout soit pris. »
(P 75)
Chaque jour, je mange Jésus, je me laisse manger par Lui pour qu’il me transforme en Lui. Cela donne à l’Eucharistie sa dimension universelle. A travers moi, qui le reçois, Jésus atteint tous ceux qui sont dans mon cœur, proches ou lointains.

Le temps et l’éternité

Jésus vient, s’offre et se donne dans chaque Eucharistie. « Je suis avec vous, tous les jours, jusqu’à la fin du monde. » Il est là devant nous, avec nous, avec son Corps, son Sang, son Ame et sa Divinité. Non pas présence morte à la façon d’une chose que l’on regarde et qui nous ferait penser à une autre réalité. Il est là devant moi, avec moi, pour moi, avec tout ce qu’il est éternellement, ce qu’il a été, avec son corps glorifié, marqué encore des stigmates de sa Passion. Il est là avec tout le dynamisme de son amour pour son Père, pour nous et pour tous les hommes qu’il veut sauver.
L’Eucharistie est la rencontre la plus personnelle, la plus intime, la plus mystique avec Jésus, Fils du Père dans l’Esprit, la rencontre la plus mystérieuse avec toute l’humanité d’hier, d’aujourd’hui et de demain. Dimension universelle, planétaire, cosmique de l’Eucharistie que je célèbre chaque jour. Dieu veut sauver tous les hommes et c’est l’Eucharistie qui rend présent ce mystère toujours actuel de la rédemption !
Voilà, grâce à Elisabeth, ce qui me fait vivre aujourd’hui : la foi, le Mystère de la Trinité, celui de l’oraison et de l’Eucharistie et, pour finir, le grand mystère de l’Eglise.

Le mystère de l’Eglise

 

L’Eglise, grande famille des enfants de Dieu, à laquelle sont appelés progressivement, mystérieusement, tous les hommes.
 

L’Eglise de la terre

Cette Eglise, j’ai eu la chance d’en découvrir toute la richesse au cours de mes voyages. Au Moyen-Orient, en Afrique, en Asie, au Canada, à Madagascar et ailleurs, j’ai constaté la diversité de ce peuple que Dieu veut rassembler, un peuple de toutes cultures, de toutes races, de toutes langues, de toutes couleurs de peau. Cela m’a obligé à dépasser les particularismes dans lesquels on risque de se complaire, par exemple penser que la France est la fille aînée de l’Eglise et qu’elle est, par définition, le modèle de toutes les autres. L’Eglise est catholique et universelle.

Cette Eglise, grand corps dont le Christ est la tête et dont nous sommes chacun les membres différents mais indispensables, comme saint Paul nous le rappelle si souvent.

 Cette Eglise, je l’ai vécue sur le terrain durant les trente ans où j’ai été dans la vie paroissiale. J’ai découvert là qu’on ne pouvait être prêtre tout seul, dans son coin, mais avec les autres prêtres et des laïcs, dans une vie d’équipe, petite cellule de la grande Eglise. Je me suis toujours senti, avec les autres, au service d’un peuple à évangéliser par la Parole de Dieu, à sanctifier par les sacrements, à stimuler par toutes sortes de rencontres, pour que chacun prenne sa place, toute sa place, dans l’Eglise bien sûr, mais surtout dans le monde où les laïcs sont forcément envoyés.

En tant que prêtre, j’ai essayé et essaie encore, d’une autre façon, d’accomplir cette œuvre que Dieu m’a confiée... Je dois vivre avec les autres ma mission dans l’Eglise d’aujourd’hui et, en même temps, je me sens de plus en plus en union avec l’Eglise du ciel !

L’Eglise du ciel

La rencontre avec Elisabeth a été pour cela déterminante. Elle m’a aidé à me mettre à l’écoute des amis de Dieu : les saints... J’ai désiré les mieux connaître en étudiant tout ce qu’ils avaient vécu et tout ce qu’ils avaient écrit. Ce fut pour moi un enrichissement extraordinaire ! J’ai commencé bien sûr par Elisabeth de la Trinité qui m’a mené à Thérèse de l’Enfant-Jésus, Jean de la Croix, Thérèse d’Avila, Ruysbroeck l’admirable, Angèle de Foligno, ses amis... Je me suis plongé ensuite dans les œuvres complètes de saint Bernard, de saint François de Sales, de saint Jean Eudes, de Catherine de Sienne et de Marie de l’Incarnation, la célèbre ursuline du XVIIe siècle, fondatrice de l’Eglise canadienne, etc. Je ne lis plus que cette littérature parce qu’elle est l’aliment toujours renouvelé de ma vie spirituelle.

“En attendant d’aller contempler dans votre lumière l’abîme de vos grandeurs”

Laissez-moi vous le redire : c’est la foi, le Mystère de la Trinité, l’oraison, l’Eucharistie, l’Eglise qui ont été, et sont encore, les moteurs de ma vie... Grâce à eux, j’ai pu répondre à ma vocation sacerdotale, ma vocation pastorale, ma vocation universelle, ma vocation missionnaire, ma vocation contemplative, ma vocation pascale, ma vocation eucharistique. Et, en même temps, je suis bien conscient de ma misère. Moi aussi, j’ai péché, « beaucoup péché en pensées, en paroles, par actions et par omissions ». Je connais ma faiblesse et mon infidélité à répondre à l’Amour dont le Père, le Fils et le Saint Esprit m’ont entouré tout au long de ces soixante-seize années... Ma vie se termine, telle que Dieu me l’a confiée, telle que j’ai essayé de la remplir.

Comme je voudrais dire avec Elisabeth de la Trinité, au terme de mon existence terrestre, ce qu’elle exprimait, au moment de son agonie, dans une fulgurante certitude : « Je vais à la Lumière, à l’Amour, à la Vie… »
Moi aussi.


Article paru dans la revue Prêtres diocésains n° 1436 (novembre 2006).
Repris, largement, avec l’aimable autorisation de la rédaction et de l’auteur.